https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/clementine-delait-thaon-les-vosges-femme-a-barbe-xixe
L'ACTU.
Mercredi 10 avril, Rosalie, le deuxième film de Stéphanie Di Giusto, est sorti en salle. Inspiré d'une histoire vraie, il raconte l'histoire d'une femme à la pilosité abondante dans la France de la fin du XIXe siècle. Trait habituellement associé aux hommes, elle fait l'objet de la curiosité de sa communauté et de la méfiance de son mari. Elle décide d'assumer cette différence et d'en faire une force.
Rosalie est inspiré de la vie de Clémentine Delait, née en 1865 dans les Vosges. « La femme à barbe », comme elle se faisait appeler, avait refusé d'être un simple phénomène de foire. Bien plus, elle devint une figure mythique de la région. En 1969, une exposition rassemblait, dans la ville de Thaon-les-Vosges où elle a vécu, clichés et souvenirs de l'héroïne locale.
Dans l'archive en tête d'article, l'émission «Panorama» de l'ORTF consacrait un reportage à son inauguration. L'occasion de rencontrer ceux qui avaient connu Clémentine Delait.
L'ARCHIVE.
« La foule de Thaon-les-Vosges vient célébrer son héroïne, Clémentine Delait, la femme à barbe ! » Dans ce reportage réalisé pour «Panorama» par le célèbre parolier de l'ORTF, Jean Nohain, toute la ville de Thaon en Lorraine semblait s'être donné rendez-vous pour inaugurer une exposition en l'honneur de Clémentine Delait, « la femme à barbe » locale. Sur place, ses proches, les habitants partageaient leurs souvenirs.
« Clémentine Delait, notre compatriote, n'était pas une vulgaire femme de foire, c'était, si j'ose dire une femme comme les autres, mais une femme avec barbe. Mais elle n'avait pas seulement une grande barbe, elle avait aussi un grand cœur, il était juste et normal qu'une exposition lui rendit hommage », affirmait le maire de Thaon. Et de poursuivre : « Vive la Lorraine, vive Thaon-les-Vosges et bravo à la femme à barbe ! ».
Boulangère puis cafetière, Clémentine Delait était une femme élégante qui avait pris l'habitude de cacher sa pilosité particulière en se rasant avec précaution. Un jour, raconte-t-elle dans ses mémoires, elle fit le pari de se laisser pousser la barbe. Conséquence : « Mon café ne désemplit plus. Tous les Thaonnais voulurent me voir (...) La nouvelle se répandit, comme une traînée de poudre, qu'il y avait, à Thaon, une femme à barbe telle que jamais, on en avait vue ».
Face à l'engouement, Clémentine Delait fit faire des cartes postales avec des portraits d'elle dans diverses situations. La vente de celles-ci ainsi que sa renommée grandissante permirent l'amélioration de sa situation financière et de celle de son mari.
Clémentine Delait, une «barbe qui vient de France»
« Cette barbe était devenue son amie, sa compagne, elle l'aimait autant que ses chiens », commentait pour «Panorama» Jean Nohain. Son mari, Joseph, précisait le journaliste, « aimait à caresser la barbe de Clémentine, la douce barbe soyeuse ». En 1904, elle obtint l'autorisation officielle
L'ACTU.
Mercredi 10 avril, Rosalie, le deuxième film de Stéphanie Di Giusto, est sorti en salle. Inspiré d'une histoire vraie, il raconte l'histoire d'une femme à la pilosité abondante dans la France de la fin du XIXe siècle. Trait habituellement associé aux hommes, elle fait l'objet de la curiosité de sa communauté et de la méfiance de son mari. Elle décide d'assumer cette différence et d'en faire une force.
Rosalie est inspiré de la vie de Clémentine Delait, née en 1865 dans les Vosges. « La femme à barbe », comme elle se faisait appeler, avait refusé d'être un simple phénomène de foire. Bien plus, elle devint une figure mythique de la région. En 1969, une exposition rassemblait, dans la ville de Thaon-les-Vosges où elle a vécu, clichés et souvenirs de l'héroïne locale.
Dans l'archive en tête d'article, l'émission «Panorama» de l'ORTF consacrait un reportage à son inauguration. L'occasion de rencontrer ceux qui avaient connu Clémentine Delait.
L'ARCHIVE.
« La foule de Thaon-les-Vosges vient célébrer son héroïne, Clémentine Delait, la femme à barbe ! » Dans ce reportage réalisé pour «Panorama» par le célèbre parolier de l'ORTF, Jean Nohain, toute la ville de Thaon en Lorraine semblait s'être donné rendez-vous pour inaugurer une exposition en l'honneur de Clémentine Delait, « la femme à barbe » locale. Sur place, ses proches, les habitants partageaient leurs souvenirs.
« Clémentine Delait, notre compatriote, n'était pas une vulgaire femme de foire, c'était, si j'ose dire une femme comme les autres, mais une femme avec barbe. Mais elle n'avait pas seulement une grande barbe, elle avait aussi un grand cœur, il était juste et normal qu'une exposition lui rendit hommage », affirmait le maire de Thaon. Et de poursuivre : « Vive la Lorraine, vive Thaon-les-Vosges et bravo à la femme à barbe ! ».
Boulangère puis cafetière, Clémentine Delait était une femme élégante qui avait pris l'habitude de cacher sa pilosité particulière en se rasant avec précaution. Un jour, raconte-t-elle dans ses mémoires, elle fit le pari de se laisser pousser la barbe. Conséquence : « Mon café ne désemplit plus. Tous les Thaonnais voulurent me voir (...) La nouvelle se répandit, comme une traînée de poudre, qu'il y avait, à Thaon, une femme à barbe telle que jamais, on en avait vue ».
Face à l'engouement, Clémentine Delait fit faire des cartes postales avec des portraits d'elle dans diverses situations. La vente de celles-ci ainsi que sa renommée grandissante permirent l'amélioration de sa situation financière et de celle de son mari.
Clémentine Delait, une «barbe qui vient de France»
« Cette barbe était devenue son amie, sa compagne, elle l'aimait autant que ses chiens », commentait pour «Panorama» Jean Nohain. Son mari, Joseph, précisait le journaliste, « aimait à caresser la barbe de Clémentine, la douce barbe soyeuse ». En 1904, elle obtint l'autorisation officielle
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00:00 La France, à chaque instant, est le charmant pays des surprises.
00:06 Dans cette paisible petite bourgade des Vosges, au bord de la Moselle,
00:10 on s'attendrait à ce beau dimanche de printemps à voir inaugurer la statue d'un général, d'un amiral ou d'un savant.
00:16 Pas du tout ! La foule de Taron-les-Vosges vient célébrer son héroïne, Clémentine Delay, la femme à barbe.
00:24 Mesdames, Messieurs, Monsieur Erwine, maire de Taron-les-Vosges, est heureux de vous dire quelques mots.
00:32 Bravo, Monsieur le Maire !
00:34 [Applaudissements]
00:37 Monsieur le Député, Messieurs les maires, mes chers collègues, Mesdames, Messieurs,
00:42 Taron-les-Vosges, par la voix de son maire, vous souhaite ce matin un bon dimanche
00:46 et vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
00:49 L'exposition de Madame Delay, la femme à barbe de Taron-les-Vosges, l'exposition la plus souriante et la plus amusante de France,
00:56 une exposition comme il n'en existe aucune autre dans aucun pays du monde.
01:01 Clémentine Delay, notre compatriote, n'était pas une vulgaire femme de foire.
01:06 C'était, si j'ose dire, une femme comme les autres, mais une femme avec une barbe.
01:11 Elle n'avait pas seulement une grande barbe, elle avait aussi un grand cœur.
01:15 Et il était juste et normal qu'une exposition lui rende hommage.
01:20 Alors merci d'être venu, merci de venir nous rendre visite.
01:24 Vive la Lorraine, vive Taron-les-Vosges et bravo à la femme à barbe !
01:28 [Musique]
01:39 Et aux accents de cette marche, qui a servi dans d'autres circonstances plus notoires,
01:45 la foule vient admirer sa femme à barbe.
01:50 C'est elle, Clémentine Delay, fière enfant de la Lorraine, boulangère et cafetière,
01:55 citoyenne fêtée pendant toute sa vie, eut-elle pensé qu'elle aurait un jour son musée ?
02:01 Et pourtant elle l'a, son musée, avec tous ses souvenirs, avec tous ses portraits,
02:06 des portraits qui rappellent à ceux qui l'ont connu,
02:09 les êtres qu'elle aimait dans son enfance, dans sa jeunesse et son élégance.
02:17 Son mari, le boulanger Joseph, aimait à caresser la barbe de Clémentine.
02:25 Ah, la douce barbe soyeuse !
02:28 Clémentine l'avait laissée pousser à la suite d'un pari,
02:31 et cette barbe était devenue son amie, sa compagne.
02:34 Elle l'aimait autant que ses chiens, Muguet, Céleste et Valentine.
02:39 Et le public du musée regardait merveilleux.
02:42 Clémentine dans sa petite voiture, Clémentine à bicyclette,
02:46 une des premières vélocipédistes de Tahon-les-Vosges,
02:49 la première tahonaise qui monta en avion.
02:52 Et la seule tahonaise qui entra dans la cage au lion,
02:55 il paraît qu'en la voyant, les lions eurent très peur.
02:59 Et le public admire aussi la lettre officielle de M. Émile Combe,
03:05 le petit-père Combe qui autorisa officiellement Clémentine Delay à s'habiller en homme.
03:12 La décision fut prise en 1904 en même temps que la loi sur les congrégations.
03:17 Mais Clémentine continuait à vivre simplement, entourée de sa famille, de ses amis,
03:23 jusqu'au jour où son impresario, pour lui permettre de faire le tour du monde,
03:27 lui remit son passeport, signe particulier, porte la barbe.
03:33 Et pendant que la foule est merveilleuse, évoque ses souvenirs,
03:36 et l'époque où Clémentine faisait admirer dans le monde entier une barbe qui vient de France,
03:41 les officiels, dont M. Hoffer, député des Vosges, répondait courtoisement aux intervieweurs.
03:48 M. Hoffer.
03:49 Est-ce que dans votre jeunesse, vous avez eu l'occasion de voir la femme à barbe ?
03:54 Eh bien, cher Jean Nohain, je dois dire qu'effectivement, j'ai bien connu Mme Delay.
04:00 C'est autour des années 25-26, vous voyez que ce n'est pas d'hier,
04:03 mais j'ai quand même eu le plaisir de boire de la bière servie par Mme Delay.
04:07 Je ne crois pas qu'il y ait tellement de parlementaires de par le monde ou en France
04:12 qui puissent avoir eu le même honneur.
04:15 Le seul député français qui a vu la femme à barbe.
04:18 Eh bien, je vous remercie. J'aperçois M. Grossier.
04:21 M. Grossier.
04:24 Le voieur de la femme à barbe.
04:27 Quel âge vous avez, M. Grossier, maintenant ?
04:29 91.
04:30 91 ans.
04:31 Oui.
04:32 Tous mes compliments. Alors, qu'est-ce que vous faisiez ?
04:34 Elle se faisait tailler la barbe ?
04:35 Oui.
04:36 Tous les combien, à peu près, vous la voyez ?
04:37 Tous les mois.
04:38 Tous les mois, à peu près.
04:39 Et vos moustaches, vous les arrangez quelque chose ?
04:41 Oui, un petit fer à friser.
04:43 Un petit fer à friser.
04:44 Pour dérailler les moustaches à l'églombre.
04:46 C'est ça. Et vous les mettez dessus pour boire.
04:48 Oui.
04:49 Et vous pouvez voir, sa barbe vous apporte des chances.
04:51 Ah, Mme Leclerc.
04:53 M. Leclerc.
04:54 Ça doit vous rappeler des souvenirs.
04:56 Oui, énormément. Beaucoup de souvenirs.
04:58 C'était votre maman, alors, Mme Delay.
04:59 Oui, c'était ma maman.
05:00 Vous l'aimez bien, je crois.
05:01 Elle était très douce, très gentille. Je l'aimais beaucoup.
05:04 On a dit souvent qu'elle était dure, votre maman.
05:06 Avec les hommes, en tout cas.
05:08 C'était la meilleure des mamans.
05:09 C'est vrai.
05:10 Je crois qu'elle était très aimée, votre maman.
05:12 Oui, aimée de tout le monde.
05:14 Un jour, un Taonais qui est venu la voir.
05:16 Oui.
05:17 Il a porté une friture. Il disait, oh, votre maman m'a rendu beaucoup de service.
05:20 Oui.
05:21 Je l'aimais bien.
05:22 Alors, il m'a dit, j'ai sa photo qui est gravée sur mon cœur.
05:26 Je ne l'oublierai jamais.
05:27 Comment ça?
05:28 Oui.
05:29 Il a ouvert sa chemisette.
05:30 Et puis, il avait la photo de maman qui était, comment, tatouée sur sa poitrine.
05:36 Il avait tatoué la femme à barbe sur sa poitrine.
05:38 Oui, sur sa poitrine.
05:39 C'est sur ses genoux que Fernande s'asseyait pour caresser la barbe de sa maman.
05:45 Cependant, dans toute la ville du Taon-les-Vosges, les commerçants avaient décoré leur vitrine pour célébrer la femme à barbe.
05:51 Et de magasin en magasin, c'était à chaque pas une surprise.
05:56 Le café de madame Delay a disparu, mais les anciens la voient encore,
06:06 solide à son comptoir, servant elle-même la goutte aux citadins.
06:09 Et les souvenirs vont bon train.
06:12 Écoutez-les dans les cafés d'aujourd'hui.
06:13 La gaillarde que c'était, elle descendait cinq minutes dans le bistrot quand elle voyait que les types avaient bossé suffisamment.
06:20 Il fallait qu'elle les fasse un peu attendre.
06:22 Alors, elle descendait cinq minutes, et puis, à ce moment-là, il se passait les incidents.
06:26 Les grictons virent des dépinales.
06:28 Ils tirent la barbe.
06:30 Pour voir si c'était vrai.
06:31 Il paraît que le meilleur moyen, bien souvent, de la faire venir au café, c'était de prendre un verre et de lui casser un verre sur le comptoir.
06:37 Alors, il paraît qu'elle arrivait déchaînée.
06:39 Là, elle vous sortait.
06:40 Là, elle sortait le client. Pas de problème.
06:42 C'est une maîtresse femme.
06:44 C'est une maîtresse femme.
06:45 C'est ici, dans le charmant village de Chaux-Moussé, qu'en 1865, naquit la femme à barbe.
06:52 À quelques kilomètres, Maurice Barès est né à Charmes.
06:56 Il avait juste trois ans de plus que Clémentine Delay.
06:59 Peut-être l'a-t-il rencontré, petite paysanne Lorraine, au pied de la colline inspirée.
07:05 Mais la foule au musée admire maintenant la galerie des compagnes de Clémentine Delay.
07:12 Les deux plus anciennes femmes à barbe du monde, signalées dès le 15e siècle, dans la chronique de Nuremberg.
07:19 En 1484, Barbara, la musicienne de 1633, celle que vous allez voir, on l'avait surnommée la petite chèvre pétulante.
07:31 Oui, elles sont toutes là pour les amateurs de pilosisme et d'hirsutisme.
07:37 Madame Delay, pleine de santé, aurait été heureuse de voir dans son musée venir à elle tous ces petits enfants qu'elle adorait.
07:45 Une jeune étudiante des beaux-arts de Nancy, Monique Arnold, lui a déjà consacré un ravissant ouvrage, vraiment original.
07:53 Mais toute épizécolire de Thémon-les-Rouges avait tenu le jour de l'inauguration à montrer de quelle façon elle se représentait la femme à barbe.
08:03 Clémentine Delay, qui était si fière de sa barbe qu'elle conserva pieusement jusqu'à son dernier souffle comme elle serait fière aujourd'hui.
08:13 Mais terminons par un sondage d'opinion publique.
08:18 Écoutez.
08:23 Gérard, est-ce que tu as vu la femme à barbe ?
08:25 Oui.
08:26 Est-ce que ça t'a plu, cette dame avec cette grande barbe ? Comment tu as trouvé ça ? Tu as trouvé ça joli ou vilain ?
08:33 Vilain.
08:34 Vilain ?
08:35 Oui.
08:36 Donc, quand tu te marieras, tu n'aimerais pas avoir une femme qui a une grande barbe comme ça ?
08:41 Non.
08:42 Et tu aimerais mieux avoir une femme qui sera habillée avec une robe ou avec un pantalon ?
08:51 Habillée.
08:52 Avec une robe.
08:53 Avec une robe.
08:54 Eh bien, voilà en effet la jeunesse française.
08:57 Ils veulent bien avoir un musée avec une femme à barbe, mais ils ne veulent pas caresser la barbe de leur femme.
09:02 Et pendant longtemps, la foule amusée viendra dans ce musée le plus original de France.
09:09 Un musée comme il n'y en a nulle part ailleurs au monde, ne serait-ce que pour envoyer des cartes postales aux amis,
09:16 comme cela se faisait déjà à l'époque où le timbre ne coûtait que 10 centimes.
09:22 Gloire donc à celle que l'on a surnommée la tour Eiffel de Tahon-les-Voges,
09:26 celle qui s'intitulait elle-même la seule femme à barbe unique au monde.
09:32 Oh, maaaaan !