• il y a 6 mois
Chemsiddine Bouchakour, médecin anesthésiste à Dunkerque (anciennement au CHU de Caen), est partie en mission humanitaire du 23 janvier au 6 février 2024 à Gaza. Il témoigne.

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Transcription
00:00 Le 6/9, France Bleu Normandie.
00:03 - Juste 8h16, bienvenue sur France Bleu et France 3 Normandie.
00:08 Notre invité ce matin, Louis, il a vécu de très près le conflit entre Israël et le Hamas.
00:13 - Le docteur HM Cédine Bouchacourt est avec nous. Bonjour docteur.
00:16 - Bonjour.
00:17 - Vous êtes médecin, avec grand plaisir. Merci à vous d'être là dans nos studios sur France Bleu et sur France 3 Normandie.
00:22 Vous êtes médecin anesthésiste à Dunkerque, mais vous avez travaillé dans le Calvados au CHU de Caen.
00:27 Vous vous êtes rendu à Gaza pendant 15 jours, entre le 23 janvier et le 6 février dernier, plus de deux mois plus tard.
00:33 Déjà mentalement, comment allez-vous ?
00:35 - Très très bien. Voilà.
00:37 Donc, à l'invitation du collectif de solidarité avec la Palestine du Calvados,
00:43 je suis revenu encore une fois à Caen, que j'ai quitté il y a à peu près une dizaine d'années.
00:48 - Mais mentalement, il y a eu une période de décompression je suppose pour vous quand vous êtes rentré ?
00:52 - Oui, on a besoin en fait d'une période de décompression pour essayer de comprendre ce qui se passe
01:00 et de reprendre un petit peu ses esprits. Oui, effectivement.
01:05 - Vous avez été au sud de Gaza. Est-ce qu'on arrive à se remettre des scènes d'horreur qu'on peut voir comme vous l'avez...
01:11 - Alors moi je suis anesthésiste réanimateur, donc j'ai l'habitude un petit peu de certaines situations un peu difficiles ou choquantes pour certains.
01:19 Néanmoins, là on était sur un terrain de guerre. Moi j'ai pas l'habitude d'être sur des terrains de guerre.
01:26 D'habitude j'ai l'habitude de faire des missions humanitaires un peu partout, en Asie, en Afrique.
01:30 Mais sur un terrain de guerre, c'était la première fois. J'ai eu la chance aussi d'être avec des collègues,
01:36 et je pense notamment au professeur Piti qui était avec moi, qui a l'habitude de ça,
01:40 et qui nous a apporté un petit peu son expertise pour dépasser certaines situations.
01:46 - Comment ça se passe sur place ? On est encadré, on arrive... Comment vous vous êtes retrouvé là-bas ? C'est plutôt encadré ?
01:51 - Alors on est rentré dans le cadre d'une mission humanitaire internationale avec des collègues américains, des collègues anglais,
01:59 et puis d'autres norvégiens, et nous on est parti avec l'association PalmED, l'association des médecins palestiniens en Europe.
02:05 Donc on s'est retrouvé entre l'hôpital européen de Gaza, qui est à Khan Younes, et l'hôpital Shouaida al-Arsa.
02:15 Moi j'étais principalement à l'hôpital européen, donc je travaillais au bloc opératoire avec mes collègues, fatigués, exténués, je parle des collègues gazaouis.
02:24 - Vous aussi, ça a été 15 jours, mais on ressort exténué quand on vit 15 jours sur place ?
02:28 - On sort très fatigué, oui.
02:30 - Ça a été dur de reprendre après ensuite chez vous, dans votre quotidien à Dunkerque ?
02:34 - Il m'a fallu un petit peu de temps pour reprendre, oui.
02:37 - Qu'est-ce que le médecin que vous êtes a constaté sur place ? On parle d'une grande famine,
02:42 contrairement à ce que dit le Premier ministre israélien, qu'est-ce que vous avez constaté ? Qu'est-ce qui vous a marqué sur place ?
02:47 - Alors ce qui m'a marqué, en fait, c'est le nombre de personnes à l'intérieur de l'hôpital,
02:52 qui est un hôpital normalement censé accueillir 300-400 patients,
02:57 et finalement ils se retrouvent avec 1000 patients, et puis toutes leurs familles qui sont autour,
03:01 ce qui fait que ça fait une population à peu près de 25-30 000 personnes, entre 25 et 30 000 personnes, à l'intérieur et à l'extérieur de l'hôpital.
03:08 C'est ce nombre de personnes qui est en train de chercher tous les jours des soins de proximité,
03:13 mais pas que, mais surtout en fait de la nourriture, il y a un vrai problème en fait par rapport à ça,
03:18 et puis de l'eau, tout simplement, et donc c'est ça qui est impressionnant,
03:23 c'est ce nombre de personnes, de populations à l'intérieur de l'hôpital,
03:27 et autour de l'hôpital avec des tentes de fortune, quoi, qui sont tout autour.
03:31 - Et pour pratiquer, je suppose que c'est... - C'est très compliqué.
03:35 C'est très compliqué, bon après, il faut savoir que le tissu de santé à Gaza, quoi,
03:42 est complètement dépassé, pour ne pas dire détruit, puisqu'on passe à peu près de plus de 3000 lits d'hospitalisation
03:49 à moins de 1000 lits d'hospitalisation pour une population de 2,2 millions d'habitants,
03:53 et on a actuellement à peu près une douzaine de salles de blocs opératoires opérationnels pour cette population de 2,2 millions.
04:01 Pour dire qu'il y a des besoins de santé qui se sont acceptués avec la guerre, ce qui est normal.
04:07 Donc le système de santé se retrouve dépassé, le bloc opératoire se retrouve dépassé,
04:12 les soignants sont complètement dépassés, pour certains ils ont perdu des gens de leur famille,
04:17 ou bien ils ont tout simplement perdu leur maison, donc ils se retrouvent à l'intérieur de l'hôpital,
04:22 ils vivent aussi à l'intérieur de l'hôpital avec leur famille,
04:24 et bien ça rend en fait l'organisation des soins très très difficile,
04:27 il y a un taux d'infection qui est monumental, il y a la résistance bactériale...
04:33 - Donc il faut un cessez-le-feu d'urgence pour... - Carrément, carrément.
04:36 Il faut un cessez-le-feu qui permettra aussi de calmer un petit peu les choses,
04:40 libérer aussi les otages de l'autre côté, et puis que la vie, que les gaz à huile puisse souffler un coup.
04:48 - Vous êtes du nord de la France, mais vous êtes de retour ici à Caen avec le collectif 14 Solidarité Palestine,
04:53 vous avez témoigné dans une maison de quartier hier, c'est important de partager ça,
04:58 de mettre des mots sur ce que vous avez vu là-bas ?
05:01 - Moi je trouve ça c'est mon devoir, et d'ailleurs c'était à la demande des Palestiniens eux-mêmes,
05:06 qui disent la meilleure des choses que pourrait nous rendre, le meilleur service que pourrait nous rendre,
05:11 c'est surtout témoigner de ce que vous avez vécu avec nous pendant les 15 jours.
05:15 Donc moi je me fais le devoir de témoigner de ce que j'ai vu.
05:18 - Mais sur les témoignages que vous faites, les gens sont réceptifs ?
05:21 Est-ce que le peuple, les gens, les Français sont au courant ?
05:24 Quand vous êtes ressorti de votre témoignage hier, est-ce que les gens sont au courant vraiment de ce qui se passe là-bas ?
05:31 - Alors pour certains qui suivent l'actualité, oui, mais je pense que certains, beaucoup même,
05:35 ils sont à l'intérieur d'une bulle, et ils ne se rendent pas compte de l'horreur que vivent les gaz à huile actuellement.
05:43 Il faut vraiment en fait aller le voir, donc moi je les invite à aller se renseigner,
05:47 par rapport à ce genre de réunion, d'assister à ce genre de réunion,
05:51 parce qu'il y a des témoignages qui sont là, on peut être pour ou contre, mais le témoignage reste un témoignage.
05:57 - Merci beaucoup Dr Shemsedine Bouchakour, vous êtes médecin anesthésiste à Dunkerque,
06:01 mais vous avez aussi travaillé... - Et je suis très content de pouvoir revenir sur les terres canines.
06:06 - Oui, parce que vous y avez fait votre internat au CHU de Caen.
06:09 - C'est grâce à Caen que je suis parti à Gaza.
06:11 - Voilà. - Parce que c'est à Caen que j'ai appris le métier d'anesthésiste réanimateur.
06:15 Merci pour votre invitation.
06:17 - C'est nous qui vous remercions, vous étiez notre invité sur France Bleu Normandie et sur France 3 ce matin.
06:21 Merci beaucoup, belle journée. - Merci, belle journée en Normandie.
06:24 Et bien sûr pour en savoir plus, le collectif 14 de Solidarité avec la Palestine a une page Facebook
06:28 pour tout savoir de ces différentes actions, notamment...

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