Pierre Soulages par Jean-Michel Meurice (1981) est un documentaire exceptionnel qui nous plonge dans l'univers fascinant de Pierre Soulages, l'un des artistes majeurs de l'art abstrait. Réalisé en 1981 par Jean-Michel Meurice, ami de Soulages et lui-même peintre et cinéaste, ce film offre un regard rare et intimiste sur la vie et l'œuvre de cet artiste hors du commun.
Filmé dans l'atelier parisien de Soulages et dans sa villa de Sète, le documentaire alterne entre des entretiens avec l'artiste et des séquences le montrant en plein travail. Meurice explore également l'influence de l'œuvre de Soulages sur d'autres artistes et sur le monde de l'art en général.
Filmé dans l'atelier parisien de Soulages et dans sa villa de Sète, le documentaire alterne entre des entretiens avec l'artiste et des séquences le montrant en plein travail. Meurice explore également l'influence de l'œuvre de Soulages sur d'autres artistes et sur le monde de l'art en général.
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00:00:17 -Bonjour à tous, bienvenue à "Rambobina",
00:00:20 qui vous propose un document exceptionnel
00:00:22 par sa beauté et par sa rareté,
00:00:24 parce qu'il nous donne à voir l'acte créatif
00:00:26 d'un immense artiste, Pierre Soulages,
00:00:29 filmé en 1981 à Paris et à Sète par son ami Jean-Michel Meurisse,
00:00:34 lui-même peintre et cinéaste, avec une photo magnifique.
00:00:38 C'est un film 35 mm, rare, à la télévision,
00:00:41 qui rend justice au travail sur la lumière de Soulages,
00:00:45 avec nous, une journaliste longtemps à RTL,
00:00:47 aujourd'hui à TF1. Bonjour, Monique Younès.
00:00:49 Vous avez passé du temps auprès de Soulages,
00:00:52 de sa femme Colette, de leur grande maison de Sète,
00:00:55 qui surplombe la mer. Vous nous en parlerez.
00:00:57 Observateur et historien d'art, bonjour, Alfred Paquemont.
00:01:00 Ancien directeur du Musée national d'art moderne,
00:01:03 président de l'établissement public de coopération culturelle
00:01:06 du musée Soulages de Rhodes.
00:01:08 Est-ce que vous pourriez me dire l'une et l'autre
00:01:11 ce qui vous a le plus intéressé dans le document qu'on va voir,
00:01:14 ce qui vous a fait aimer ce film, l'acte créatif
00:01:17 Soulages au travail ? C'est passionnant.
00:01:20 Où le discours de l'artiste est pris de poésie,
00:01:24 d'architecture, de peinture médiévale,
00:01:27 Monique ? -Ce qui m'a fascinée,
00:01:29 c'est qu'il travaille quand même une matière tellement salissante,
00:01:34 et elle est toujours propre,
00:01:35 comme si la matière ne l'envahissait pas,
00:01:38 comme s'il restait quand même distant
00:01:40 par rapport à cette matière, distant,
00:01:42 qui lui permet d'avoir ce regard sur sa peinture
00:01:45 et d'en parler comme un philosophe ou un chirurgien.
00:01:49 -Alfred Paquemont ?
00:01:50 -C'est un film où on a une grande proximité
00:01:53 avec le peintre, avec son atelier.
00:01:56 C'est très rare de voir Soulages travailler.
00:01:59 Il disait même que sa femme ne le voyait pas travailler.
00:02:02 Elle venait après qu'il ait terminé.
00:02:04 -Colette ne voyait pas son mari peindre.
00:02:07 -C'est un cas rare de le voir.
00:02:09 Il travaille d'une façon très particulière dans ce film,
00:02:12 en tout cas au début, avec cette poudre.
00:02:15 C'est vraiment quelque chose...
00:02:17 Il s'aventure dans quelque chose d'un peu inédit.
00:02:20 -Quelque chose qu'il a inventé.
00:02:22 -Mais le film rend bien compte de son humanité,
00:02:26 de sa culture, de sa proximité avec beaucoup de domaines.
00:02:30 On voit que c'est un grand humaniste.
00:02:33 -On va en parler longuement après.
00:02:35 Je vous propose de voir ce film sans tarder.
00:02:38 Voici "Pierre Soulages" par Jean-Michel Meurice,
00:02:41 une production de la fameuse DPCR,
00:02:43 la création et recherche de l'INA.
00:02:46 Un document diffusé à 22h45 sur TF1.
00:02:49 Eh oui, sur TF1, à l'époque, le jeudi 21 mai 1981.
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00:18:50 - C'est quoi, cette petite liane ?
00:19:00 - Je ne sais pas son nom.
00:19:02 Mais elle est venue là,
00:19:06 et elle est bienvenue.
00:19:08 Elle le sépare...
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00:33:06 - J'ai été d'abord davantage touché par les peintures de Saint-Savaing,
00:33:11 par les peintures de Wick,
00:33:13 et je me sens plus proche de cette période-là, oui,
00:33:17 que des raffinements du 18e siècle.
00:33:22 D'ailleurs, la première fois que j'ai vu ces apocalypses,
00:33:31 j'ai été très frappé de la parenté qu'il y avait entre ces choses-là
00:33:35 et les choses que je connaissais de Picasso, comme Guernica, par exemple.
00:33:39 Les personnages que l'on voit dans Guernica
00:33:42 m'ont tout de suite rappelé ce que l'on retrouve
00:33:46 dans l'apocalypse de Saint-Savaing, par exemple.
00:33:50 Et d'ailleurs, ce n'est pas un hasard, je crois,
00:33:54 si notre époque,
00:33:58 autant celle de Guernica que celle de maintenant,
00:34:03 se sent plus proche ou rencontre les arts de ces époques-là,
00:34:10 plutôt que ceux des époques
00:34:15 comme celle dont nous parlions tout à l'heure.
00:34:18 Mais de toute façon,
00:34:23 dans toute l'aventure de l'art moderne,
00:34:33 telle que nous la vivons,
00:34:37 nous cherchons toujours le moment d'origine.
00:34:43 Et ce moment d'origine ne peut que nous reporter à nos origines,
00:34:49 c'est-à-dire à des arts qui ne sont pas
00:34:53 ceux de ces époques heureuses et sans inquiétude,
00:34:58 où tout était équilibre, ordre et calme.
00:35:04 C'est là ? C'est là, Pierre ?
00:35:07 C'est ça, le Péjournier ?
00:35:15 C'est impressionnant.
00:35:24 Toutes ces niches carrées.
00:35:26 Et finalement, c'est là où on se rend compte
00:35:30 que ce qui compte autant que la forme,
00:35:34 et beaucoup plus que la forme, c'est la répétition.
00:35:38 C'est là que nous nous rendons compte
00:35:45 que ce qui compte autant que la forme,
00:35:50 c'est la répétition.
00:36:19 Je me défile devant la manière dont tout ça se découvre,
00:36:22 se recouvre, dont l'ombre apparaît et disparaît.
00:36:26 Tu crois que c'est une bergerie de camp ?
00:36:34 Je ne sais pas.
00:36:36 Très ancienne, sûrement.
00:36:39 C'est une bergerie de camp.
00:36:42 C'est une bergerie de camp.
00:36:45 C'est une bergerie de camp.
00:36:48 C'est une bergerie de camp.
00:36:51 C'est une bergerie de camp.
00:36:54 C'est une bergerie de camp.
00:36:57 C'est une bergerie de camp.
00:37:00 C'est une bergerie de camp.
00:37:03 C'est une bergerie de camp.
00:37:06 C'est une bergerie de camp.
00:37:09 C'est une bergerie de camp.
00:37:12 C'est une bergerie de camp.
00:37:15 C'est une bergerie de camp.
00:37:18 C'est une bergerie de camp.
00:37:21 C'est une bergerie de camp.
00:37:24 C'est une bergerie de camp.
00:37:27 C'est une bergerie de camp.
00:37:30 C'est une bergerie de camp.
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00:37:39 C'est une bergerie de camp.
00:37:42 C'est une bergerie de camp.
00:37:45 C'est une bergerie de camp.
00:37:48 C'est une bergerie de camp.
00:37:51 C'est une bergerie de camp.
00:37:54 C'est une bergerie de camp.
00:37:57 C'est une bergerie de camp.
00:38:00 C'est une bergerie de camp.
00:38:03 C'est une bergerie de camp.
00:38:06 C'est une bergerie de camp.
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00:38:17 C'est une bergerie de camp.
00:38:20 C'est une bergerie de camp.
00:38:23 C'est une bergerie de camp.
00:38:26 C'est une bergerie de camp.
00:38:29 C'est une bergerie de camp.
00:38:32 C'est une bergerie de camp.
00:38:35 C'est une bergerie de camp.
00:38:38 C'est un peu comme ça que je correspondais avec elle.
00:38:42 Quand j'essaie de me rappeler
00:39:07 ce que j'ai ressenti en enfance,
00:39:10 ce que je retrouve,
00:39:12 c'est peut-être d'abord des sons,
00:39:15 peut-être des odeurs aussi,
00:39:18 et puis des paysages,
00:39:21 des choses qui m'ont beaucoup impressionné,
00:39:25 qui m'ont beaucoup plu.
00:39:28 Mais effectivement, je crois que dans mes souvenirs,
00:39:37 les sons ont une grande importance.
00:39:40 Et j'imagine, je crois en tout cas,
00:39:43 que ce n'est pas à eux-mêmes pour leur qualité de son,
00:39:47 encore que j'aime toujours, j'ai toujours aimé,
00:39:51 le bronze, la voix de bronze des cloches.
00:39:55 Mais c'est plutôt la manière dont les sons,
00:40:01 en parcourant un espace,
00:40:04 permettent de l'imaginer.
00:40:07 Et ça, ça m'a toujours beaucoup touché.
00:40:10 Que ce soit le marteau sur l'enclume,
00:40:14 la forge, que ce soit...
00:40:16 - De ton père. - Oui.
00:40:18 Que ce soit le bourdon
00:40:21 dans les nuits de gel dans la ville.
00:40:25 Le bourdon, c'est surtout à Noël.
00:40:30 Et...
00:40:32 Tous ces bruits, même celui du train
00:40:37 qui traverse la plaine comme ça
00:40:40 et qui résonne comme ça en faisant vivre
00:40:44 un espace aussi vaste qu'un horizon,
00:40:48 tout ça, ce sont des bruits
00:40:51 qui me reviennent en mémoire facilement.
00:40:55 Plus peut-être que certains paysages précis.
00:40:59 - Oui.
00:41:01 Je recherche là le passage. Je le trouve pas.
00:41:17 Il y a autre chose, oui,
00:41:19 qui moi m'a frappé à plusieurs reprises.
00:41:23 Tu parles pas vraiment de couleur.
00:41:26 La couleur, c'est vraiment presque la matière, la quantité.
00:41:31 Tu parles de lumière et d'espace, d'une part.
00:41:35 D'autre part, les outils que tu emploies
00:41:38 sont des outils qui enlèvent ou qui ajoutent.
00:41:41 Des pinceaux ou des racloirs.
00:41:43 Tout ça, c'est un peu une manière de...
00:41:46 Plus de sculpteur que de peintre.
00:41:49 - Ou ambiguë.
00:41:51 Parce que quand tu dis des racloirs,
00:41:54 effectivement, c'est quelque chose qui enlève.
00:41:57 Mais les outils que j'emploie, ce sont des racloirs très particuliers.
00:42:02 Ce sont des sortes de lames, de cuir ou de bois ou de métal,
00:42:07 qui me permettent dans le même moment
00:42:10 de déposer de la couleur et d'en enlever.
00:42:13 Ils me servent aussi bien à déposer qu'à retirer.
00:42:17 - Comme sur la toile, par exemple.
00:42:20 - Comme sur la toile, oui.
00:42:22 Je fais avec des outils de cuir.
00:42:25 Des lames de cuir qui étaient chargées de couleur
00:42:29 et qui, déposant de la couleur au début,
00:42:32 pouvaient, avec une pression différente,
00:42:35 une inclinaison différente de l'outil,
00:42:38 découvrir la couleur qui était par-dessous.
00:42:41 Oui, alors ça, ce sont des outils que j'ai fabriqués
00:42:46 avec des lames de cuir, des morceaux de semelle, au fond.
00:42:50 J'ai monté.
00:42:52 Ça me permet tout à la fois de déposer de la couleur
00:42:57 ou d'en retirer.
00:42:59 Si je mets de la couleur là, dans ce geste-là, je la dépose.
00:43:03 Puis, quand je redresse l'outil et que je racle en pressant plus fortement,
00:43:08 je découvre le bleu qui était sous le noir.
00:43:11 Et si je presse encore davantage, je découvre le blanc qui était sous le bleu.
00:43:16 Mais...
00:43:18 Toutes ces valeurs-là se produisent naturellement.
00:43:22 C'est-à-dire que le bleu, le noir,
00:43:26 le bleu plus clair et le blanc sont liés,
00:43:30 physiquement liés.
00:43:32 Alors qu'avec une technique différente,
00:43:35 qui correspond à une autre époque de la peinture,
00:43:38 on aurait pu obtenir un effet semblable,
00:43:41 mais par superposition de petites touches.
00:43:44 Au fond, on aurait analysé la forme avant,
00:43:47 et on aurait pu voir que tout arrive organiquement lié.
00:43:51 Il y a une chose que j'ai apprise en lisant un des interviews,
00:44:01 qu'il fallait une eau pas trop calcaire pour la peinture Song.
00:44:05 Oui, pour toute la peinture chinoise.
00:44:08 Parce que si on broie l'encre
00:44:12 avec une eau calcaire,
00:44:15 il y a toujours une auréole qui s'établit autour de la tâche,
00:44:20 dans le papier, une auréole calcaire.
00:44:24 Parce que l'encre chinoise, quand on travaille sur du papier de Chine,
00:44:28 a une manière de diffuser dans le papier très particulière.
00:44:32 Quand nous, nous travaillons sur du papier avec de l'encre,
00:44:36 l'encre se dépose à la surface du papier,
00:44:39 pénètre relativement peu dans le papier,
00:44:42 alors que le papier de Chine est absorbant.
00:44:45 L'eau le traverse.
00:44:46 Et il agit comme filtre, pratiquement.
00:44:49 C'est-à-dire que les fibres du papier retiennent les pigments
00:44:53 qui constituent la couleur de l'encre.
00:44:56 Et l'eau s'en va.
00:44:59 Et elle s'en va dans le feutre qui est dessous,
00:45:03 sous forme de vapeur déjà,
00:45:06 enfin, elle ne coule pas dans le feutre,
00:45:09 mais elle est absorbée par le feutre.
00:45:14 Et autour aussi de la tâche,
00:45:16 il y a une partie qui diffuse dans le papier.
00:45:21 Dans cette partie, l'encre ne diffuse pas,
00:45:24 le pigment de l'encre ne diffuse pas,
00:45:27 mais l'eau de l'encre diffuse.
00:45:29 En diffusant, elle entraîne du calcaire. Le calcaire jaunit.
00:45:33 Quand on travaille avec une eau calcaire,
00:45:36 l'idéal, c'est de travailler avec de l'eau de pluie.
00:45:39 Mais quand on travaille avec une eau calcaire,
00:45:43 au bout de quelque temps,
00:45:45 on a des auréoles jaunes
00:45:48 qui viennent du calcaire.
00:45:51 Voilà l'histoire.
00:45:54 Tout ça, c'est plein de subtilités qu'on n'imagine pas.
00:45:58 Quand on parle d'aventure chinoise, on imagine que c'est subtil,
00:46:02 parce que les Chinois passent pour très subtils,
00:46:05 mais dans le travail de la gravure,
00:46:08 on a des subtilités qui sont au moins aussi grandes.
00:46:12 Quand on imprime une gravure,
00:46:14 si le papier n'est pas mouillé convenablement,
00:46:18 ça n'imprime pas bien.
00:46:21 Si le papier n'est pas rendu,
00:46:24 comme disent les graveurs, amoureux de l'encre,
00:46:28 ça n'imprime pas bien.
00:46:30 Pour le rendre amoureux de l'encre,
00:46:33 on le brosse, une fois humide,
00:46:36 avant de le passer sous la presse, sur le cuivre.
00:46:40 Quand on est attentif à ces choses-là, à ces métiers-là,
00:46:44 on s'aperçoit la quantité de subtilités qu'il y a,
00:46:48 mais que les hommes qui pratiquent ces métiers connaissent,
00:46:52 car ce sont des artisans.
00:46:55 Alors que les trois quarts du temps,
00:46:58 nous rencontrons des phénomènes physiques extrêmement complexes
00:47:02 dans la peinture, dont nous ne prenons pas toujours conscience.
00:47:07 Quand on est sensible et attentif à ce que nous ne connaissons pas,
00:47:10 en regardant, on s'aperçoit qu'il se passe des choses importantes,
00:47:14 qu'on n'a pas besoin d'expliquer physiquement,
00:47:17 comme je viens de le faire pour l'encre de Chine,
00:47:20 mais que l'on voit sans qu'il y ait besoin d'analyser.
00:47:25 Je voudrais voir les cuivres ou les verres.
00:47:30 Dans ce coin d'atelier, j'ai un certain nombre de choses
00:47:36 qui me rappellent des moments de travail anciens.
00:47:39 Les plus anciens que j'ai, ce sont ces verres
00:47:45 que j'avais commencé à faire il y a très longtemps,
00:47:49 que j'ai ramenés ici, parce que ce sont des choses fragiles.
00:47:53 Ce sont des traces de...
00:47:56 J'ai fait ça au goudron, sur des morceaux de verre plus ou moins cassés.
00:48:01 -Quelle année ? -C'était après mon premier séjour à Paris.
00:48:05 Ça devait être entre 1947 et 1948.
00:48:10 Je ne me souviens plus exactement.
00:48:14 C'est à la même époque que mes premières peintures sur papier.
00:48:19 Au brou de noix sur fond blanc,
00:48:22 les premières choses abstraites datent de 1946-1947.
00:48:26 Montre-le bien.
00:48:34 L'idée m'en était venue après ce que j'avais vu
00:48:38 dans la verrière de la gare de Lyon.
00:48:41 Mais c'était plus complexe que ça.
00:48:47 Parce que les traits du pinceau
00:48:50 de l'ouvrier qui avait réparé cette verrière cassée
00:48:54 et qui avait été réparée avec du goudron,
00:48:57 ces traits de pinceau s'organisaient non pas pour leur qualité
00:49:01 de forme,
00:49:03 on se rendait bien compte que pour lui, ça n'avait pas compté,
00:49:07 mais il y avait une cohérence qui s'établissait entre ces traits
00:49:11 et qui était due, je crois, à la cohérence de la cassure.
00:49:16 Un verre ne casse pas n'importe comment,
00:49:19 surtout quand il est tenu par un châssis.
00:49:22 Il y a une relation qui s'établit entre la cassure,
00:49:26 la flexibilité du verre, la manière dont il est tenu.
00:49:30 Et la cohérence de ces coups de pinceau
00:49:33 ne venait pas du coup de pinceau eux-mêmes,
00:49:37 mais leur organisation était celle de la cassure du verre.
00:49:41 Et ça, je trouvais très intéressant, ce mariage de deux choses,
00:49:46 enfin, cette combinaison de deux logiques différentes.
00:49:51 -Je vous laisse.
00:49:53 ...
00:50:20 -T'as jamais fait de tableau ? -Non.
00:50:23 Non.
00:50:31 Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs.
00:50:36 Ou du moins...
00:50:38 Pour moi, en tout cas, il y a toujours la verticale
00:50:42 ou l'horizontale qui sont des choses importantes.
00:50:46 -La seule chose que tu aies choisie, je trouve,
00:50:50 dans ce livre, là, c'est que...
00:50:51 Il y a une seule image extérieure,
00:50:54 qu'il ne soit pas de ta peinture,
00:50:56 c'est le...
00:50:58 C'est cette pierre de...
00:51:01 -Ah oui, cette pierre du musée Fenay, qu'on a mise dans ce livre-là.
00:51:06 Oui, parce que j'en ai parlé, et c'est une chose qui m'avait impressionné.
00:51:10 Parce que c'est une pierre debout, c'est une pierre dressée.
00:51:14 C'est une chose qui affronte le regard.
00:51:17 Et...
00:51:19 Ca me plaît, parce que c'est aussi des choses que je retrouve dans mes toiles.
00:51:24 Il y a toujours cet élément vertical,
00:51:32 affirmé, répété,
00:51:35 qui fait que c'est une toile debout.
00:51:39 Bien que souvent, elle commence à coucher sur le sol et...
00:51:46 Et...
00:51:48 Et c'est devant le format que j'ai choisi.
00:51:55 Parce que...
00:51:57 Que j'attends, que je tourne, que je...
00:52:02 Je regarde, quelquefois, ça dure très longtemps, mais...
00:52:06 Ca ne vient pas...
00:52:08 Quand j'arrive à l'atelier, je ne me mets pas au travail immédiatement.
00:52:12 Je...
00:52:14 - Tu guettes ? - Oui.
00:52:17 J'attends, j'attends d'oser.
00:52:20 Et quelquefois, ça se produit.
00:52:23 Et puis, quelquefois, ça commence.
00:52:26 Après, toujours un assez long temps de...
00:52:30 Je ne peux pas dire que c'est de la réflexion.
00:52:34 Peut-être de la concentration serait plus... plus juste.
00:52:38 Je...
00:52:40 Je...
00:52:42 Je...
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01:04:48 C'est rare, à un moment, je trouve ça vraiment...
01:04:52 Ces coups de crayon qui fout droit à la toile,
01:04:54 comme des coups d'éclair,
01:04:56 et puis on voit l'œuvre qui apparaît, la magie opère.
01:04:58 Moi, je pourrais regarder un artiste au travail pendant des heures,
01:05:00 je trouve ça hypnotisant, il y a un vrai partage avec le téléspectateur.
01:05:04 Et c'est émouvant, vraiment émouvant.
01:05:06 -J'ai ressenti, évidemment, il ne s'agit pas de comparer les talents,
01:05:09 mais j'ai ressenti la même émotion il y a quelques mois
01:05:11 quand on a enregistré cette émission autour de "Tac au Tac",
01:05:14 avec les géants du dessin qui s'affrontaient dans cette émission,
01:05:18 et ces virtuoses qui créaient des personnages et des situations
01:05:21 sous nos yeux, en noircissant leurs feuilles avec leurs feutres.
01:05:25 Alfred Pacquemin, est-ce que les artistes se laissent...
01:05:28 La réponse est dans la question.
01:05:30 Est-ce que les artistes se laissent facilement filmer
01:05:33 quand ils sont devant leur toile ?
01:05:35 -En général, non.
01:05:37 Il y a de tout dans les comportements des artistes,
01:05:40 il y en a qui sont très heureux, qu'on les voit...
01:05:43 -Ils sont exhibitionnistes. -Oui, quelques fois, oui.
01:05:46 Mais ce que je trouve très intéressant dans l'extrait
01:05:49 que vous venez de montrer par rapport à celui de Pierre Soulages,
01:05:53 c'est la différence de comportement du peintre par rapport à sa toile.
01:05:56 C'est-à-dire que, d'un côté, le dernier qu'on vient de voir,
01:05:59 "Artung", c'est une oeuvre très gestuelle, très rapide,
01:06:02 très directe... -Il l'agresse, presque.
01:06:04 -Et Soulages, comme il disait, son geste est ralenti.
01:06:07 C'est-à-dire qu'il contrôle complètement.
01:06:10 C'est pas du tout quelque chose qui vient du...
01:06:13 Comment dire ? D'une espèce d'excitation corporelle,
01:06:17 comme chez Pollock ou ici, "Artung",
01:06:20 mais quelque chose de très, très contrôlé.
01:06:23 C'est très intéressant de voir que ces deux peintres abstraits,
01:06:27 on s'est... et proches, ont des démarches tellement opposées.
01:06:31 -Il travaillait en musique, "Artung". -Absolument.
01:06:34 -Pierre, c'était le silence absolu. -Et sur la facilité
01:06:38 à se laisser filmer, ça tient aussi à la relation de confiance
01:06:42 qu'il y a entre celui qui est derrière et devant la caméra ?
01:06:45 -Oui, bien sûr. -Là, par exemple, pour "Artung".
01:06:48 -"Artung", je pense que se prêter plus facilement,
01:06:52 puisque c'est quelque chose d'assez spectaculaire,
01:06:55 de très visuel, et Soulages était beaucoup plus pudique
01:06:59 par rapport à sa création dans l'atelier.
01:07:03 Moi, je l'ai jamais vu peindre, par exemple.
01:07:06 Je pense qu'on est très, très peu nombreux.
01:07:10 Il y a un magnifique texte de Roger Vaillant,
01:07:13 dans les années 60, qui raconte comment une toile se réalise,
01:07:17 mais qui était une exception
01:07:19 dans tout le corpus critique sur Pierre Soulages.
01:07:23 -Ce qui m'a beaucoup aussi frappée dans le documentaire,
01:07:27 c'est l'exposition de Baubourg
01:07:30 que vous avez réalisée avec lui,
01:07:33 et on voit effectivement cette toile suspendue par des câbles.
01:07:38 Est-ce que c'est la première fois qu'il faisait ça
01:07:41 ou il avait déjà fait ça avant ?
01:07:43 -C'est pas la première fois, parce qu'il l'avait fait déjà
01:07:46 dans un musée au Texas, à Houston,
01:07:48 mais ce qui est particulièrement intéressant,
01:07:51 c'est que ce film est fait tout de suite après le début
01:07:54 d'une nouvelle phase de l'oeuvre de Pierre Soulages,
01:07:57 qu'il a appelée "Outre-Noire".
01:07:59 Cette exposition, en 1979, au Centre Pompidou,
01:08:02 que j'ai eu la chance d'organiser,
01:08:04 était la première qui révélait cette nouvelle peinture,
01:08:08 cette nouvelle période de sa peinture,
01:08:11 et mine de rien, qui va durer jusqu'à la fin.
01:08:14 Ce qui est très surprenant, c'est de penser
01:08:17 que cette période où le protocole est tellement réduit,
01:08:20 où la seule couleur et la façon dont la couleur
01:08:23 est appliquée sur la toile
01:08:25 entraîne des différences de lumière,
01:08:28 eh bien, ça va durer de 1979 à 2022.
01:08:31 -Et de plus en plus fort,
01:08:33 puisque vous avez eu une émotion folle pour son centenaire,
01:08:37 quand vous avez organisé la rétrospective au Louvre,
01:08:40 d'arriver et de voir qu'à 100 ans, il faisait encore des toiles
01:08:44 de plus en plus grandes, de 4 m. C'est extraordinaire.
01:08:47 -C'était un moment bouleversant.
01:08:49 Je me souviens quand j'ai vu pour la première fois
01:08:52 une de ces oeuvres immenses,
01:08:54 mais Colette raconte toujours que j'étais dans un état
01:08:58 d'excitation, que j'ai éclaté de rire, ou je ne sais quoi.
01:09:02 C'est vrai que de voir chez un monsieur qui a 100 ans,
01:09:05 ou qui va avoir 100 ans, on prépare une exposition,
01:09:08 on espère qu'il y aura peut-être une oeuvre nouvelle
01:09:11 et tout d'un coup, on voit des peintures de 4 m,
01:09:14 ça impressionne. -C'est très impressionnant.
01:09:17 Je me souviens de ma première visite au musée Soulages de Rhodes,
01:09:21 où on m'a dit "Ah, c'est dommage,
01:09:23 "Pierre Soulages était là hier."
01:09:25 Rires
01:09:27 -C'est vrai qu'il aimait bien son musée
01:09:30 et qu'il y venait assez souvent. -Il y venait régulièrement.
01:09:34 On m'a dit qu'il corrigeait un éclairage,
01:09:37 qu'il ajustait les toiles, qu'il vérifiait que tout était en place.
01:09:41 -C'est quelque chose qui se sent dans le film,
01:09:44 l'impression du travail, de l'éclairage, de l'accrochage,
01:09:48 comme on voit sur ces images.
01:09:50 Il ne laissait rien au hasard.
01:09:52 -Un dernier document à vous soumettre dans ce rambobinat,
01:09:56 c'est l'une des premières interviews.
01:09:59 Il est déjà très connu à ce moment-là,
01:10:02 mais les interviews télévisées de Soulages ne sont pas fréquentes.
01:10:06 On est en 69.
01:10:08 La série animée par Pierre Dumayet s'appelle "Vocations"
01:10:12 et elle obéit à un dispositif particulier
01:10:15 qui commence par un filmage en caméra cachée
01:10:18 de la préparation de l'interview.
01:10:20 C'est cette première partie que je vous propose de voir,
01:10:24 avec un échange qui paraît tourner court,
01:10:27 car Pierre Soulages rejette le mot "vocation"
01:10:30 pour évoquer ce qui lui est venu très jeune au-dedans de soi.
01:10:34 Voici cet extrait. -Zoom arrière.
01:10:37 Chant.
01:10:38 ...
01:10:45 Panneau, change.
01:10:47 Oui, d'accord.
01:10:49 ...
01:10:56 Rideau, zoom avant, change.
01:10:59 ...
01:11:03 -Ca suffit ? -Oui.
01:11:06 ...
01:11:12 -Il faut que vous m'expliquiez ce que ça peut faire.
01:11:16 ...
01:11:24 -Je ne suis pas d'accord avec le mot.
01:11:27 Parce que...
01:11:29 Il faudrait savoir exactement ce que veut dire la vocation.
01:11:33 -Oui, mais... -Je ne sais pas s'il faudrait
01:11:36 prendre un dictionnaire pour voir le sens du mot "vocation".
01:11:40 -Ce qui vous gêne, c'est la proximité avec l'expression religieuse ?
01:11:44 -Oui, et puis cette espèce d'appel que ça a l'air d'être.
01:11:48 Alors que...
01:11:50 C'est quelque chose qui a l'air d'être...
01:11:54 extérieur...
01:11:56 à une...
01:11:58 à un individu.
01:12:00 Il a l'air d'être appelé d'ailleurs.
01:12:04 Alors que...
01:12:06 Pour moi, c'est une chose qui est venue très naturellement.
01:12:10 Un beau jour, j'ai su que je saurais peintre, au fond de moi.
01:12:14 -Oui, bien sûr.
01:12:16 -Mais...
01:12:18 Je n'ai pas...
01:12:20 J'ai su que je saurais peintre, que je ferais tout
01:12:26 pour, dans ma vie, ne faire que de la peinture.
01:12:30 C'est-à-dire que j'ai considéré un jour
01:12:32 que la peinture, c'était la chose la plus importante
01:12:36 pour moi.
01:12:38 Et c'était, finalement, la seule chose que j'aimerais faire.
01:12:43 Alors oui, un jour, je crois que j'ai su ça.
01:12:47 J'en ai pris conscience. Mais comment c'est venu ?
01:12:51 Alors ça, je ne crois pas que ce soit...
01:12:54 C'est venu...
01:12:57 Au fond, je sais un peu comment c'est venu, quand même.
01:13:00 Enfin, je sais à quel moment j'en ai pris conscience.
01:13:04 Ça, je m'en souviens. D'ailleurs, je vous l'avais dit.
01:13:08 Après une visite à une...
01:13:12 Une abbatiale romane,
01:13:15 à côté de Rhodes, le lieu où je suis né,
01:13:19 j'ai été très impressionné, très...
01:13:26 Par ce que j'ai vu, par l'architecture, par la sculpture, par l'art.
01:13:30 Et je crois que ce jour-là, au fond de moi,
01:13:34 j'ai décidé de m'occuper de ces choses-là
01:13:38 en en faisant...
01:13:41 toute ma vie.
01:13:43 Enfin, d'essayer de faire ça toute ma vie.
01:13:46 Ce jour-là, je l'ai su. Je devais avoir 13, 14 ans.
01:13:50 Mais si je suis devenu peintre, c'est parce que j'aimais peindre.
01:13:55 Quand j'avais 13 ans, je peignais.
01:13:57 Et...
01:13:59 Si je suis devenu peintre, je crois que c'est parce que j'ai eu...
01:14:03 Je préférerais dire que c'est parce qu'un jour,
01:14:07 je me suis aperçu que j'avais la passion de la peinture.
01:14:11 C'est comme ça que c'est arrivé.
01:14:14 - C'est la 1re découverte. La 2e, en Abbaye.
01:14:18 - Je sais pas.
01:14:20 Je ne savais peut-être pas que j'avais la passion de la peinture.
01:14:24 Comme il y a des vis que l'on pratique,
01:14:28 et puis on s'aperçoit que ce sont des vis.
01:14:32 Mais après...
01:14:34 - Quand vous dites "un beau jour", j'ai su que je serais peintre ce beau jour-là.
01:14:41 Je crois que c'est quelque chose qu'on ne peut comparer
01:14:44 à ce qui est contenu d'appeler l'appel dans la vocation.
01:14:47 Un appel peut être fait par une abbaye, par un arbre ou un paysan.
01:14:51 Alors qu'un appel, on a l'impression que ça vient de l'extérieur.
01:14:55 - C'est un auto-appel.
01:14:57 - C'est un auto-appel, oui.
01:14:59 - C'est un peu ça, le souvenir de ce jour-là.
01:15:02 - Oui.
01:15:04 Ce jour-là, ce n'était pas un auto-appel,
01:15:07 parce que je faisais de la peinture.
01:15:10 J'étais enfant, je peignais, je travaillais.
01:15:13 Je dis "je travaillais", mais en réalité, c'est un mot que je n'aime pas.
01:15:18 Dans la notion de travail, il y a un côté...
01:15:21 Il s'attache à une idée d'effort.
01:15:23 Je ne veux pas dire que je ne fais pas des efforts empeignants,
01:15:27 mais c'est d'une autre nature.
01:15:29 Pour moi, la peinture, ce n'est pas un travail.
01:15:32 C'est quelque chose d'une autre nature que le travail.
01:15:36 C'est quelque chose que j'aime faire, même si je souffre beaucoup,
01:15:40 devant un tableau qui ne vient pas comme je voudrais qu'il vienne.
01:15:44 - Vous aimiez faire des dessins qui représentaient ?
01:15:47 - Bien sûr.
01:15:49 Je crois me souvenir d'avoir fait, quand j'étais tout jeune,
01:15:54 beaucoup plus jeune que ça, vers 7 ou 8 ans,
01:15:58 des choses qui ne représentaient rien.
01:16:03 À l'encre, en trempant un pinceau dans un encrier.
01:16:07 Je me souviens que lorsqu'on me demandait ce que c'était,
01:16:11 j'avais dit que ce sont des paysages de neige.
01:16:14 Alors qu'il y avait du blanc, mais avec un encrier...
01:16:18 Un encrier en crenoir et un pinceau,
01:16:21 ce n'est pas des paysages de neige qu'on peut faire.
01:16:25 - Il y avait un peu de défile dans la réponse ?
01:16:28 - Non, je ne crois pas. C'était plutôt une excuse.
01:16:31 Quand j'étais enfant, j'étais plutôt timide.
01:16:34 Je ne me provoquais pas. - Pas de provocation ?
01:16:37 - Pas du tout.
01:16:39 Ce dont j'avais surtout envie, c'est qu'on me fiche la paix,
01:16:43 et je ne savais pas ce que faire.
01:16:46 - Vous disiez tout à l'heure, à partir d'un certain moment,
01:16:50 "J'ai su que je ferais de la peinture,
01:16:53 "et je ferais tout pour en faire."
01:16:56 Vous apprêtiez relativement à bagarrer pour en faire.
01:17:00 - Oui, j'avais tout de suite compris que pour faire ce qu'on a envie de faire,
01:17:05 quand on fait de la peinture, ce n'est pas facile.
01:17:09 Mais quand j'avais 12, 13 ou 14 ans,
01:17:12 je me suis mis au bout au problème d'avenir.
01:17:15 C'était confus dans mon esprit.
01:17:18 Je ne savais pas si on pouvait gagner sa vie en faisant de la peinture.
01:17:23 J'ai cru que je ne pourrais jamais gagner ma vie en peignant.
01:17:27 J'ai cru, persuadé par ma famille qui faisait tout pour me le faire croire,
01:17:32 qu'il était préférable d'avoir un second métier.
01:17:36 Et très longtemps, je l'ai pensé.
01:17:39 - Il y a des moments de découragement ?
01:17:42 - Oui, des moments où ça ne marche pas du tout.
01:17:45 - Qui ont été capables de remettre tout en question ?
01:17:49 - Des tentations d'abandonner ? - Oui, par exemple.
01:17:53 - Au fond, non, je crois.
01:17:59 Enfin, je ne sais pas. Je pense d'ailleurs que...
01:18:04 Quand j'acceptais l'idée du second métier,
01:18:08 c'était peut-être pour ne pas avoir un jour la tentation d'abandonner.
01:18:13 C'était peut-être par crainte d'avoir un jour la tentation d'abandonner.
01:18:21 D'abandonner pour des raisons matérielles.
01:18:27 Alors que si je me disais que si je choisis bien mon second métier,
01:18:31 me laissant un certain nombre d'heures par jour libres,
01:18:35 je ne pourrais pas l'accepter.
01:18:38 C'était l'idée du second métier, au fond.
01:18:41 Ce n'était pas par...
01:18:43 Parce que l'idée d'abandon, pour moi, ne pouvait venir que de...
01:18:47 Enfin, au fond, c'est vrai, je réfléchis, c'est ça.
01:18:51 L'idée d'abandon ne pouvait venir que de conditions matérielles impossibles.
01:18:56 C'était comme ça que je l'envisageais.
01:18:59 Je crois que c'est assez difficile d'y renoncer.
01:19:03 Je suis très prudent dans les comparaisons.
01:19:06 Mais il y a de ça.
01:19:08 Il y a de ça.
01:19:10 -Pierre Soulages, interview V piégé par Pierre Dumayet en 69.
01:19:16 Dumayet semble parfois plus soucieux de ses notes ou de sa pipe
01:19:20 que des questions ou des réponses de Soulages.
01:19:23 Quelle est la part de vérité que révèle Soulages
01:19:26 dans cet échange à vos yeux et à vos oreilles ?
01:19:29 -Le second métier dont il parle, c'est quand il commence
01:19:33 à vivre sa vie en France.
01:19:35 Il a perdu son père très jeune.
01:19:37 Il vit avec sa mère et sa grande soeur, plus âgées que lui.
01:19:41 L'objectif, c'est qu'il devienne professeur de dessin.
01:19:44 Il fasse le professorat de dessin, ce qui sera un "vrai métier".
01:19:48 Très vite, il va se tourner vers la production d'une oeuvre
01:19:53 qui va s'avérer très rapidement comme une oeuvre majeure.
01:19:58 -Moi, j'étais très émue en voyant ce documentaire,
01:20:02 parce que quand j'ai connu Pierre Soulages,
01:20:05 et qu'on parle de révélation de la peinture,
01:20:08 il disait sans embâche que c'était à Conque,
01:20:11 quand il était jeune, 12 ans, etc., et qu'il a eu la révélation-là.
01:20:16 Et là, on voit, non pas qu'il hésite, mais qu'il dit,
01:20:20 "Est-ce que c'est là ? Oui, peut-être, j'ai toujours peint,
01:20:24 "mais on se dit qu'on se cherche." Ensuite, c'est devenu établi.
01:20:28 Je peux pas appeler ça balbutiement,
01:20:31 mais l'origine était quand même, pour moi, assez émouvante.
01:20:35 -Conque, il a répété souvent que c'était l'endroit où il a décidé,
01:20:40 comme il dit, de m'occuper de ces choses-là.
01:20:43 -De ces choses-là. -On va préciser, donc,
01:20:46 Pierre Soulages, natif de Rhodes, ruténois absolu.
01:20:50 Conque, c'est un village magnifique,
01:20:53 merveilleux, très pittoresque, qui se trouve
01:20:56 à peu près une demi-heure, un peu plus d'une demi-heure
01:21:00 de Rhodes, environ, au nord de la Veyron.
01:21:03 Et Conque, qui a été une révélation
01:21:06 pour Pierre Soulages jeune,
01:21:08 a aussi le théâtre d'une commande publique
01:21:11 très célèbre, puisque c'est Jack Lang, je crois.
01:21:15 -Oui, ça a duré très longtemps, d'ailleurs.
01:21:18 -Ah bon ? -Oui, c'est Jack Lang,
01:21:20 mais entre la commande et la réalisation,
01:21:23 il y a, je crois, sept ans. -Ah oui, c'est très long.
01:21:26 Donc, la commande, c'était de refaire les vitraux
01:21:29 de cette abbaye, qui n'est pas une abbaye,
01:21:32 qui est un... -Une abbatiale.
01:21:34 -Une abbatiale romane. -Une abbatiale.
01:21:37 Et donc, ces vitraux sont maintenant admirés
01:21:40 par les très nombreux touristes qui viennent visiter Conque
01:21:45 et qui sont là, et c'est évidemment une partie
01:21:48 très importante de l'oeuvre de Soulages.
01:21:51 -Oui, c'est un événement majeur dans son travail.
01:21:55 Et évidemment, c'est des vitraux qui ont beaucoup surpris.
01:21:59 Parce que, bien sûr, ils sont non figuratifs,
01:22:03 mais en plus, il a mis au point un verre,
01:22:07 un verre translucide, qui, selon les moments de la journée,
01:22:12 va entraîner une coloration tout à fait différente
01:22:16 de la abbatiale, au point qu'il était inquiet
01:22:19 la première fois qu'il les a vus en place,
01:22:22 car il a vu des couleurs qu'il n'attendait pas.
01:22:25 Et avec ce rythme qu'on voit bien sur cette image,
01:22:28 ce rythme qui, d'ailleurs, est un rythme
01:22:31 qui va reprendre dans sa peinture, avec en particulier des polyptiques.
01:22:36 Donc, c'est une démarche tout à fait originale.
01:22:39 En plus, on voit les vitraux de l'extérieur,
01:22:42 ce qui n'est pas courant.
01:22:44 Tout ça en fait une réalisation exceptionnelle
01:22:47 et probablement une des plus remarquables
01:22:50 dans le vitrail à la fin du XXe siècle.
01:22:53 -Il fallait faire le verre,
01:22:55 il fallait trouver la composition, et il en était très fier.
01:22:59 J'aime beaucoup, parce qu'il gesticulait
01:23:02 quand il montrait, quand il voulait nous raconter
01:23:05 comment il a fait ses vitraux, par le geste.
01:23:08 Il avait toujours ce geste-là pour l'expliquer.
01:23:11 -C'est une caractéristique très symbolique du personnage.
01:23:15 Pour mettre au point un verre qui, pour d'autres,
01:23:19 aurait été n'importe quel verre, en quelque sorte,
01:23:23 il avait, je sais pas, trois, quatre, cinq ans,
01:23:26 et pendant ces années-là, il arrête la peinture
01:23:29 pour se consacrer entièrement...
01:23:31 -Donc, il teste des verres différents,
01:23:34 des dizaines de verres.
01:23:36 -Il travaille avec un verrier.
01:23:38 -Il a travaillé avec le centre de recherche de Marseille,
01:23:42 qui s'appelle le CIRVA, il a travaillé avec Saint-Gobain,
01:23:46 il a fini par travailler en Allemagne,
01:23:49 dans un petit atelier.
01:23:51 -J'imagine, en pensant à la façon dont ces vitraux
01:23:54 pourraient traverser le temps. -Il avait une idée
01:23:57 de ce que ça devait faire, et il cherchait un verre
01:24:00 qui répondrait à cette attente.
01:24:02 -Toujours la lumière au centre de son travail.
01:24:05 -La lumière, évidemment. Et il a réussi, il était absolument...
01:24:09 -Oui, il était très heureux du résultat.
01:24:12 -Voilà, donc, dans l'aviron.
01:24:14 Merci, Alfred Paquemont, d'être venu nous parler
01:24:17 avec autant de connaissances et de sciences de Pierre Soulages.
01:24:21 Merci aussi à vous, Monique Younes.
01:24:23 On vous retrouve désormais, chaque matin, sur TF1,
01:24:26 dans la matinale de Brustoussin. Bonjour.
01:24:29 Et merci à vous, Richard Poirot.
01:24:31 Je vous dis à très bientôt
01:24:33 pour de nouvelles aventures dans les archives de l'INA.
01:24:37 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:24:40 Générique
01:24:43 ...