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A propos de la légion d’honneur à Thierry Ardisson, Libération a publié une pétition adressée au Président de la République.

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Transcription
00:00 C'est à vous, Christine Angot.
00:03 À propos de la Légion d'honneur à Thierry Ardisson,
00:06 Libération a publié une pétition adressée au Président de la République,
00:11 un texte que j'ai écrit
00:13 et celui d'une écrivaine canadienne
00:15 qui raconte le passage de Nelly Arcan à Tout le monde en parle,
00:18 dont elle rappelle le concept décrit par Thierry Ardisson lui-même.
00:24 Il dit
00:24 "Pour faire passer Easton Ellis, Tom Wolfe ou Hellbeck,
00:28 il faut des bimbos, de la lumière, de la musique.
00:32 Je me souviens de ce que je ressentais quand j'entendais ça.
00:35 Moi qui étais une femme
00:37 et me considérais comme un écrivain.
00:39 À l'époque on ne disait pas écrivaine.
00:42 Je le remarquais,
00:43 ça me blessait,
00:44 je le refoulais
00:46 en me disant c'est comme ça.
00:49 Ça ne choquait pas.
00:50 Les femmes,
00:52 ça n'existait pas encore.
00:54 Elles étaient rangées dans les émissions spécialisées du début d'après-midi,
00:58 aujourd'hui Madame,
00:59 ou tenaient le rôle de la bimbo dans celle du soir.
01:02 On sortait d'une époque où une actrice aussi importante et féministe que Delphine Sérig
01:07 pouvait dire à Caroline Champetier qui débutait derrière la caméra
01:11 "Vous savez Caroline,
01:12 les femmes préfèrent être filmées par des hommes."
01:16 On était habitués.
01:18 On trouvait ça normal
01:20 de faire partie d'un monde parallèle.
01:22 Mais on s'en souvient.
01:24 Moi,
01:24 Champetier,
01:26 Godrej, Sarah Forestier,
01:27 et tous les signataires.
01:30 Le concept
01:31 pour faire passer Easton Ellis, Tom Wolfe ou Hell Beck qu'il faut des bimbos de la lumière, de la musique,
01:35 régissait aussi les dîners en ville
01:37 qui avaient lieu à peu près à la même heure.
01:39 On y parlait cinéma, littérature, politique avec des femmes intercalées entre les hommes
01:43 pour faire alterner ce qu'on appelait le charme
01:46 avec l'intelligence.
01:47 Je me souviens avoir entendu Hardisson
01:50 demander dans son émission à Jean-Marc Roberts qui me publiait
01:53 et vivait avec une cinéaste, Laetitia Masson,
01:56 pourquoi il aimait les chieuses.
01:59 L'humour humiliation
02:01 et ce qu'on pensait pouvoir taire
02:03 tout d'un coup ressort.
02:04 Sarah Forestier raconte son passage à l'émission en 2006 pour y présenter un film.
02:09 Elle a 20 ans, vit chez ses parents.
02:11 On lui demande
02:13 "Tu passes ta langue sur tes lèvres de temps en temps dans la journée ?
02:16 T'as déjà dragué des amis de ton père ?
02:19 T'as déjà dragué ton père ?"
02:22 En 99, le mot inceste apparaît clairement sur la couverture de mon roman
02:27 comme le mot putain apparaît sur la couverture de celui de Nelly Arcand.
02:32 Aujourd'hui encore, régulièrement, dans les débats publics auxquels je participe,
02:37 vers la fin,
02:38 une main se lève
02:39 en me parlant statistiques,
02:41 associations
02:42 et me reproche en sous-texte à moi,
02:44 la femme au passé traumatique,
02:46 de prétendre au champ littéraire,
02:48 de ne pas intervenir dans des associations,
02:50 de tenir au terme de roman plutôt qu'à celui de témoignage.
02:55 Ça ne les dérange pas.
02:57 Ça les dérange
02:59 que je ne me mette pas sous cette bannière
03:02 et ne mette pas mes livres en dessous,
03:05 que j'essaie de faire rentrer la question dans la littérature.
03:10 À propos de la pétition et des textes de Libé contre la Légion d'honneur
03:13 à Ardisson par Macron,
03:15 je disais à Claire Denis hier
03:17 "Oui,
03:18 mais tu sais, comme une chose chasse l'autre".
03:21 Elle a répondu "C'est forcé,
03:23 parce que si on reste dans un temps suffisamment long
03:26 pour s'en imprégner,
03:27 on pose un problème, il faut balayer".
03:30 Il y a un truc qui m'embête,
03:34 c'est que cette Légion d'honneur d'Ardisson a éclipsé celle que le
03:37 président de la République remettait le jour même à Sheila,
03:42 qui est l'idole de mon enfance,
03:44 dont j'écoutais les chansons en regardant sa photo sur la pochette.
03:48 Sans me rendre compte du message qu'elle véhiculait avec sa voix claire et son air fier.
03:53 L'école est finie,
03:54 papa t'es plus dans le coup.
03:55 C'est cool.

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