• l’année dernière
L’écrivain Nathan Devers réagit aux récentes violences que peuvent générer les réseaux sociaux. Et selon lui, «la numérisation est une extension immense des libertés».

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Je ne pense pas que ce soit un mal du siècle, mais c'est un phénomène du siècle. C'est le phénomène du siècle.
00:04 Qui est, à mon avis, caractérisé par une tendance contradictoire,
00:08 qui explique qu'on puisse dire que c'est pour le meilleur et pour le pire, c'est que la numérisation c'est à la fois une extension immense
00:15 des libertés.
00:16 Jusqu'à il y a quelques années, il y avait encore dans toutes les sociétés, notamment dans toutes les démocraties, une division
00:22 entre des citoyens qui avaient le droit à une parole publique, qui était une toute petite élite,
00:27 0,1% de la population, qui avait le droit de s'exprimer publiquement dans les médias, dans la presse, à l'université, à la télévision,
00:34 et les trois quarts, enfin pas les trois quarts, la quasi totalité du corps
00:39 populaire, qui était reléguée à une parole privée.
00:42 Si vous vouliez donner votre avis sur la vie, vous pouviez le faire dans un dîner de famille, avec des copains, dans un bar,
00:47 mais pas publiquement.
00:49 Le fait, par exemple, que tout le monde puisse s'exprimer publiquement sur Twitter,
00:54 sur X ou sur d'autres réseaux sociaux, c'est une révolution majeure,
00:58 extension des libertés. On pourrait multiplier les exemples, le rapport à la connaissance avec Wikipédia, etc. Et en même temps,
01:03 virtualisation des libertés. Ça veut dire que ces libertés-là, qui se créent, qui s'augmentent, qui se multiplient,
01:09 ça ne passe jamais par mon corps, mais ça passe par des doubles, des pseudos. Même quand c'est un pseudo qui n'est pas anonyme,
01:15 même si je m'appelle vraiment Nathan Devers sur mon réseau social,
01:18 ce sera toujours un autre que moi. C'est une certaine mise en scène, c'est une certaine étiquette, c'est une certaine image. Et cette virtualisation
01:23 des libertés, elle pose un problème, et là qu'on voit de manière très claire, c'est que c'est une liberté qui donc n'a plus toujours
01:29 de responsabilité.
01:31 Responsabilité, c'est la capacité de répondre,
01:33 respondérer de son action. Si je vous insulte, ce que je n'ai absolument pas l'intention de faire, mais si je vous insulte
01:39 en face, si je vous insultais plutôt, je me doute que vous allez peut-être vous énerver,
01:45 m'insulter en retour, porter plainte, éventuellement si j'insulte un inconnu dans la rue, je me dis qu'il va peut-être me frapper. Bon, si je fais ça sur
01:51 Twitter, je sais que je ne risque absolument rien. Et d'ailleurs à l'instant où nous sommes en train de parler,
01:55 il est très très probable, voire certain, qu'il y a des gens qui s'en donnent à cœur joie pour nous insulter.
02:00 Exactement, sur tout et n'importe quoi, notre physique, nos vêtements, machin. Donc, et ça c'est un phénomène qui à mon avis est majeur. Ça veut dire une liberté
02:08 formidable qui vraiment augmente une démocratisation totale de la liberté, mais qui ne répond plus de ses actions.
02:16 Et c'est bon.
02:17 [Musique]
02:20 [SILENCE]

Recommandations