Correspondances : Jean Cocteau - Pablo Picasso : Un dialogue artistique et amical

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Correspondances : Jean Cocteau - Pablo Picasso est un recueil de 450 lettres échangées entre les deux artistes sur une période de 48 ans, de 1915 à la mort de Cocteau en 1963. Ces lettres offrent un regard rare et intime sur l'amitié et le partenariat créatif entre deux des figures les plus influentes du XXe siècle.

Thèmes explorés dans la correspondance :

Échange artistique : Les lettres documentent le dialogue continu des deux artistes sur l'art, la littérature et la culture. Ils discutent de leur propre travail ainsi que du travail d'autres artistes, et ils partagent leurs réflexions sur les dernières tendances et mouvements.

Amitié et admiration mutuelle : Les lettres révèlent la profonde amitié entre Cocteau et Picasso. Ils expriment leur admiration pour le travail de l'autre et leur soutien à leurs efforts personnels et professionnels.

Contexte historique : Les lettres donnent un aperçu du contexte historique et culturel dans lequel les deux artistes ont vécu et travaillé. Ils mentionnent des événements tels que les Guerres mondiales, la montée du fascisme et le développement de nouveaux mouvements artistiques.

Importance de la correspondance :

Une ressource précieuse pour les chercheurs : La correspondance est une ressource précieuse pour les chercheurs en art, littérature et histoire. Elle fournit une multitude d'informations sur la vie et l'œuvre des deux artistes, ainsi que sur le paysage culturel plus large du XXe siècle.

Un témoignage d'une amitié remarquable : La correspondance est un témoignage de l'amitié remarquable entre Jean Cocteau et Pablo Picasso. C'est un récit émouvant et inspirant de deux esprits créatifs qui se sont mutuellement remis en question et encouragés tout au long de leur vie.
Transcript
00:00 25 septembre 1915. Mon cher Picasso, il faut vite peindre mon portrait parce que je vais
00:08 mourir. J'écris beaucoup de choses sur vous pour New York. Soyez heureux. Je vous
00:16 serre la main, vous aime et vous admire de tout cœur. Jean Cocteau.
00:20 A mon ami Jean Cocteau. Picasso. 1916. Jean Cocteau et Pablo Picasso posent complice
00:36 sur une photo qui fixe pour toujours le récit d'une amitié au long cours. Mais derrière la
00:41 simplicité d'une image se cache une relation complexe et troublante. Entre 1915 et 1963,
00:50 les deux artistes s'écrivent régulièrement. Pour comprendre leur relation, il reste aujourd'hui
00:56 280 lettres de Cocteau et 50 de Picasso. Une correspondance déséquilibrée qui révèle entre
01:03 les lignes des personnalités aux antipodes. Autant de traces d'une amitié fertile et bienveillante,
01:08 mais aussi amère et distante.
01:12 J'ai la grande joie d'avoir deux lettres de toi. Moi aussi je les ai.
01:25 C'est impossible de désigner sa adresse. Je ne sais pas du matin au soir ce que tu fais.
01:28 Je viens de rentrer avec mon père et je trouve une lettre de vous.
01:30 Devinez chez qui je suis. Chez un curé fort digne de nous.
01:34 Ce soir je vais chanter Place d'Italie dans un cinéma.
01:37 Je vous écrirai plus un dessin-jouet. A mon ami Jean Cocteau.
01:42 Mon cher Picasso.
01:43 Cher monsieur Picasso, je monte votre escalier pour vous dire ma joie profonde et ma reconnaissance
02:08 d'une rencontre toujours remise. Jean Cocteau, 10 rue d'Anjou, Paris 8e.
02:13 1er juillet 1915. Puis-je vous voir mercredi matin par exemple ?
02:19 22 juillet 1915. Mon cher Picasso, je suis bien malade.
02:26 Sitôt mieux, j'accours. Mon cher Picasso, sinon ne pourriez-vous...
02:29 Je voudrais bien vous voir. Un matin, lequel ?
02:32 Je me traîne sur une jambe rucheux-le-cheur. Votre admirateur dévoué.
02:35 Jean Cocteau.
02:39 En juillet 1915, les nombreuses lettres que Cocteau adresse à Picasso pour le rencontrer
02:48 restent sans réponse. Mais ce poète dandy de 26 ans, figure incontournable de la bonne
02:55 société parisienne, n'a pas l'habitude de laisser indifférent. Alors il s'accroche.
02:59 Et à la fin de l'été, par l'entremise de son ami le compositeur Edgar Varese, il
03:06 obtient enfin de rencontrer celui dont il rêve d'être dans la lumière.
03:09 Picasso est alors à l'apogée de sa période cubiste. A 34 ans, il fait déjà partie des
03:18 grands. Il est très entouré et courtisé. Mais s'il se laisse convaincre de rencontrer
03:22 le poète, c'est parce que le nom de Cocteau sonne comme la promesse d'élargir son réseau
03:27 parisien. Quand Picasso pénètre dans l'appartement de Cocteau, rue d'Anjou, il le toise longuement.
03:39 Que lui veut cet intrigant dandy ? Ce jeune poète qui n'a publié que quelques recueils
03:45 à compte d'auteurs ? Que peut-il en attendre ?
03:49 Cocteau reste pétrifié par le regard du maître. "Mais ton œil d'encre, même Dieu le redoute
04:02 autant que s'il était poète." Après cette brève et étrange rencontre,
04:14 le peintre et le poète se perdent de vue, chacun pris dans la tourmente de la première
04:18 guerre mondiale. Malgré sa santé fragile, Cocteau a réussi
04:28 à s'engager, porté par un élan patriote et par le besoin d'être là où les choses
04:32 se passent. Le poète officie comme ambulancier sur le front belge, une expérience qu'il
04:40 partage quotidiennement dans les lettres qu'il adresse à sa mère.
04:42 Juillet 1916. Chéri, le canon fait rage. La carcasse de
04:51 notre tente se démate. Elle tangue et roule comme un paquebot. Il fait jour à force de
04:56 lueur. Un village flambe. Des bombes d'avions explosent avec un vacarme énorme. On a le
05:03 cœur serré. Je m'apprête à partir aux lignes. Un camarade me cherche à 6 heures.
05:08 Je t'embrasse, Jean. Picasso, l'Espagnol, n'a pas été mobilisé.
05:19 Avec sa compagne Eva Guell, celle avec qui il rêve de fonder une famille, il regarde
05:27 Paris se vider de ses camarades, appelés sur le front. Derain, Braque et surtout le
05:34 grand ami, Apollinaire. Une période de tourmente qu'il partage dans les lettres qu'il adresse
05:40 à son ami et mécène, Gertrude Stein. Paris, 9 décembre 1915.
05:51 Ma chère Gertrude, ne vous étonnez pas si je ne vous ai jamais écrit depuis que vous
05:58 êtes partie. Mais ma vie est un enfer. Eva a été toujours malade. Je ne travaille presque
06:07 plus, je cours à la maison de santé et je passe la moitié du temps dans le métropolitain.
06:11 J'ai fait pourtant un tableau d'harlequin que je crois, à mon avis et à l'avis de
06:17 plusieurs personnes, être le mieux que j'ai fait. Vous le verrez à votre rentrée. Bien
06:23 à vous. Picasso.
06:24 Ma chère Gertrude, ma pauvre Eva est morte dans les premiers jours de décembre. Ça
06:54 a été une grande douleur pour moi et je sais que vous la regretterez. Elle a toujours
07:00 été si bonne pour moi. J'aurais été bien content de parler à une amie comme vous.
07:07 Je vous écrirai de temps en temps et vous m'écrireez aussi. Picasso.
07:14 30 juin 1916. Ma chérie, quelle surprise ! Rappelée soudain par une dépêche du
07:23 roc. À une heure, canons et nègres qui agonisent. À cinq heures, jardin plein de
07:28 roses rouges. Paris est moins calme que le front. Tout le monde s'entretue et ressuscite
07:33 pour se réentretuer. Je suis heureux de revoir ma maison, mais triste, mal à l'aise, loin
07:39 de ma tente. Bonheur de te voir. T'embrasse, Jean.
07:45 Démobilisé à la fin de l'été 1916, Cocteau reprend à Paris ses activités littéraires
07:51 et mondaines. Il se rapproche alors de Serge Diaghilev, le maître des balais russes, qu'il
07:58 introduit dans le cercle très fermé de Montparnasse. C'est là qu'ont lieu ses retrouvailles
08:02 tant attendues avec Picasso. C'est là que débutent vraiment leurs relations.
08:07 Le peintre fréquente assidûment la Rotonde, en quête de nouvelles amitiés pour oublier
08:14 le souvenir obsédant d'Eva. Cocteau et sa contagieuse énergie séduisent Picasso, qui
08:21 l'invite à la table des artistes. Montparnasse était un village. Et puis alors
08:28 n'oubliez pas aussi que c'était la guerre et que nous venions quelquefois avec un casque
08:32 sur la tête nous asseoir à la Rotonde. Paris était une ville déserte, une ville à prendre
08:37 et nous l'avons prise. C'est là qu'a eu lieu la grande révolution de l'art.
08:41 Avec l'extension de la ligne de métro Nord-Sud, les artistes de Montmartre ont migré à Montparnasse,
08:47 cœur battant de la vie culturelle parisienne. Picasso y élargit son horizon. Là où les
08:53 cubistes de Montmartre utilisent une palette de couleurs restreintes, à Montparnasse, Picasso
08:58 fréquente Kissling, Chagall ou Vassiliev, qui font exploser les couleurs et inspirent
09:03 son travail.
09:04 Derrière son objectif, Cocteau capte le vent de nouveauté qui traverse Picasso et sa bande.
09:17 Parmi les fidèles du maître, le poète Max Jacob, le peintre Ortiz Desarates, le mannequin
09:24 Pacret. "Chers magnifiques, en 1916, j'arrivais de loin à Montparnasse. Le milieu de ce qui
09:42 se fait m'avait laissé dans l'ignorance du ce qui se fera. Milieu dont le ballet russe
09:47 de Serge Diaghilev m'avait déjà entrouvert les portes malgré le fatras pittoresque de
09:51 son orientalisme."
09:56 A Paris, la révolution des ballets russes est à l'oeuvre. Les théâtres du Châtelet,
10:08 des Champs-Élysées ou de la Gaîté Lyrique font salle comble. La capitale est conquise
10:13 par ce nouveau langage artistique à la croisée des influences.
10:18 Inspirés de contes de fées, du folklore russe ou de la mythologie, ces ballets sont
10:24 montés dans des décors exotiques et colorés où se déploient romantisme et volupté
10:29 des chorégraphies. Portés par ce tourbillon esthétique, Cocteau se met à l'oeuvre et
10:43 aboutit le livret d'un ballet avant-gardiste qu'il intitule "Parade". Il convainc Diaghilev
10:49 de le produire et le tréprisé Ericsati de composer la musique. Cocteau est enfin prêt
10:56 à se tourner vers celui dont il rêve pour créer les costumes et les décors, Picasso.
11:03 "Cher Pablo, acceptez les offres de Diaghilev. Outre qu'elle dépasse tout ce qui se donne
11:11 dans nos théâtres, c'est un homme large avec lequel on s'arrange toujours. Il se
11:16 ruine pour ce qu'il aime. Je lui écris que vous le verrez dans un mois et parlerez ensemble.
11:20 Je vous écris cela au lieu d'aller vous le dire pour que vous ne me bougonniez pas
11:25 après et parce que je manque de charbon, ce qui me cloue chez moi avec des romantismes
11:30 atroces. Votre vieux Jean."
11:35 "Mon cher Cocteau, je suis bien triste de vous savoir malade. J'espère que vous
11:46 irez bien bientôt et que je vous verrai. J'ai de bonnes idées pour notre histoire
11:51 de théâtre. Nous en parlerons. Bien à vous, Picasso."
11:57 Mais Picasso se fait attendre. Il n'est pas pleinement convaincu par l'histoire
12:02 que Cocteau a écrite pour parade. Il confie à Satie qu'il la trouve trop simple et
12:08 qu'il veut rajouter des personnages. Pour s'assurer la collaboration du maître,
12:13 Cocteau sous pression réécrit son argument. "Mon cher Picasso, si vous ne m'écrivez
12:19 pas de contrandre, j'arrive chez vous mercredi avec le nouveau texte des Nègres que je
12:24 fais plus net et plus court et nous le répéterons derrière les rengaines de la musique. Votre
12:29 fidèle Jean." Picasso enfin convaincu, confirme officiellement
12:38 son engagement sur parade dans une lettre à Serge Diaghilev, le producteur des ballets
12:42 russes. "11 janvier 1917. Cher monsieur Diaghilev,
12:54 comment notre accord verbal accepte de me charger de la mise en scène, décors, rideaux,
12:59 costumes, accessoires, du ballet parade de Jean Cocteau et Éric Satie. Pour ce travail
13:06 vous me remettrez la somme de 5 000 francs et en suce de mon voyage à Rome, 1 000 francs
13:12 supplémentaires. Mes dessins ainsi que ma quête resteront ma propriété. Bien à vous,
13:19 Picasso."
13:19 La création du ballet se poursuit à Rome où la compagnie de Diaghilev se produit
13:28 au Théâtre d'El Opera. Loin de Montparnasse, dans la capitale romaine qui semble coupée
13:36 de la guerre, Picasso et Cocteau vivent un moment de grâce qu'ils racontent à leurs
13:40 proches restés en France. "Rome, février 1917. Mon cher Guillaume,
13:49 ce matin j'ai écrit dans mon lit. J'ai rencontré à Rome notre ami le capitaine
13:55 Woudink. Il m'a promené la nuit pour voir des françaises. Je loge via Delbabouineau,
14:02 hôtel de Russie et j'ai un atelier via Margoutin où je travaille. Voici Rome de nuit."
14:09 "Rome, 19 février 1917. Chéri, venons de prendre bain. Premier pas timide dans la
14:23 ville. Picasso arrive à se faire comprendre. On sort sans pas dessus. Je t'embrasse.
14:28 Jean."
14:29 Cocteau sert de guide au peintre dans la capitale italienne et dans une atmosphère foisonnante
14:37 et libre, il embrasse un peu son rêve d'alter ego de Picasso. Ensemble, il découvre les
14:44 représentations des ballets au théâtre de l'Opéra, l'exposition des peintres
14:48 russes et il se rapproche des futuristes italiens. Un renouveau esthétique qui nourrit
14:56 le travail des deux artistes. "Rome, avril 1917. Ma chère Gertrude, je
15:06 travaille toute la journée à mes décors et construction de costumes et à deux toiles
15:11 que j'ai commencé ici et que je voudrais finir avant de rentrer. J'ai 60 danseuses
15:17 et me couche très tard. Je connais toutes les dames romaines. J'ai fait des caricatures
15:23 de Diaghilev, du danseur Massine et des danseuses. Picasso."
15:30 Pour créer "Parade", des artistes issus de deux générations et de quatre nationalités
15:41 se mélangent dans une espèce de bohème romaine. Cocteau le français et Picasso l'espagnol
15:46 retrouvent les russes. Le chorégraphe Léonide Massine, le décorateur Léon Baxt, les danseuses
15:52 de la compagnie de Diaghilev. Mais c'est la rencontre avec le jeune futuriste
15:58 italien Fortunato De Péro qui est décisif pour Picasso. L'esprit révolutionnaire
16:06 de De Péro s'accorde avec la pensée du peintre cubiste pour donner naissance aux
16:10 costumes les plus marquants de "Parade", ceux des managers, les personnages inventés
16:14 par Picasso.
16:15 "Rome, 22 février 1917. Ma chérie, je travaille du matin au soir. Tu rirais de me voir devenu
16:37 danseur car Massine désire que je lui montre la moindre chose et j'invente des rôles
16:41 qu'il transforme séance tenante en chorégraphie. Quel bonheur de créer sur des ruines splendides
16:49 auprès du peintre que j'admire le plus au monde et au milieu d'une troupe toute jeune.
16:53 Tendre cœur. Jean."
16:57 Ce voyage en Italie scelle l'amitié des deux hommes jusqu'à devenir une source
17:04 d'inspiration mutuelle. Là où Cocteau immortalise le peintre et sa pipe, Picasso
17:10 drape le poète d'une allure antique.
17:12 Et Rome et l'amitié sur mes traits ressemblants ? Regardera l'image où Pablo Picasso à
17:21 l'hôtel de Russie me montre de profil à Rome un jour de Pâques.
17:25 "10 mars 1917. Mon cher Guillaume. À Naples, toutes les femmes sont belles. Tout est facile
17:43 ici. À toi et à Ruby, Picasso."
17:51 "Ma chérie, je n'imagine pas qu'aucune ville au monde puisse me plaire mieux que
17:57 Naples. La nourriture, Dieu et la fornication, voilà les mobiles de ce peuple romanesque.
18:03 Le Vésuve fabrique tous les nuages du monde. Je t'embrasse. Jean."
18:13 C'est cette ville libre, regardée par les deux artistes, qui nourrit la réalisation
18:21 du décor définitif de parade.
18:23 Sur les dessins d'études de Picasso, les grands immeubles napolitains et le Vésuve
18:38 se détachent. Le volcan ne fume plus, c'est devenu un triangle posé sur le linteau de
18:46 l'arrière scène.
18:57 De retour à Rome, Cocteau et Picasso retrouvent la compagnie de Diaghilev et les danseuses.
19:07 L'une d'elles accroche le regard de Picasso, la ballerine russe Olga Kokhlova. Une femme
19:15 différente de toutes celles qu'il a pu fréquenter à Paris, une grande bourgeoise,
19:20 élégante et mystérieuse, une exilée comme lui.
19:22 Sous le regard attendri de Cocteau, Picasso la courtisse sans relâche et Rome devient
19:30 le théâtre de leurs amours naissantes.
19:56 Paris, 13 avril 1917, 15h50. Vive Paris, viens vite, sans toi pas vrai Paris, porte
20:14 bien Jean Cocteau.
20:16 À un mois de la première, Cocteau rentre à Paris pour finaliser le livret et la musique
20:22 de parade. Les camarades se manquent.
20:27 Mon cher Jean, je viens de recevoir ta dépêche. Tu es très gentil. Je me promène toute la
20:36 journée au soleil, laissant mon travail. J'ai trouvé à Rome un musée plein de sculptures
20:42 nègres que personne ne connaissait ici. Écris-moi comme tu l'as fait jusqu'à présent.
20:47 Bien à toi, Picasso.
20:54 Mon cher Pablo, merci des lettres qui me font vivre un peu loin de cette chambre de bonne
21:11 très froide et triste. L'orchestre de Satie est un chef d'œuvre. Ce vieil homme accomplit
21:17 un miracle. Je m'occupe des bruits de parade. J'aurai quatre machines à écrire avec un
21:23 amplificateur que j'invente. Et comme le châtelet donne du cinéma, on trouve des merveilles
21:29 telles que train express, sirène, mer déchaînée, mitrailleuse, etc. Profite du soleil de Rome.
21:36 Jean.
21:37 À dix jours de la première, Picasso commence avec une équipe de peintres la création
21:47 du rideau de scène de parade. Dans un traitement néoclassique, il mêle l'univers du cirque,
21:53 les emblèmes mythologiques comme Pégase et des figures de la commedia dell'arte.
21:59 À travers huit personnages mis en abîme, Picasso a représenté une partie de l'équipe
22:06 de parade grimée et costumée. Sa chère Olga y est peinte en costume de sylphide,
22:13 Diaghilev en marin napolitain, Massine en art lequin et Fortunato d'Epero en toreador.
22:19 Le monumental rideau de scène de 10 mètres sur 16 est la plus grande œuvre jamais produite
22:26 par l'artiste. Il en pose la touche finale à quelques jours de la première.
22:32 Le 18 mai 1917, alors qu'à quelques centaines de kilomètres du Châtelet, la guerre fait
22:46 rage, le tout Paris se presse à la première de parade. Le cercle rapproché de Cocteau
22:53 et Picasso s'installe au premier balcon. Dans le public, les regards sont tendus, les
22:58 lèvres pincées. En coulisses, la bande de Diaghilev a le trac.
23:03 Parade raconte l'histoire d'une modeste troupe de théâtre itinérante,
23:33 qui représente dans la rue un petit aperçu de son spectacle pour inciter les passants
23:38 à venir voir la représentation. Il faut convaincre la foule.
23:43 Quand nous avons donné parade, qui a été un très grand scandale, les femmes voulaient
24:08 nous crever les yeux avec leurs épingles à chapeau à Picasso, à Satie et à moi.
24:14 Et Apollinaire les impressionnait à cause de son pansement, à cause de son pansement
24:18 héroïque et il nous a sauvés comme un véritable héros.
24:23 Encore marqué par une blessure de guerre, Apollinaire intervient pour sauver ses amis
24:29 des empoignades des spectateurs. Le public rejette violemment la légèreté de parade,
24:36 alors qu'au même moment, sur le front, des soldats tombent par milliers.
24:39 Mais la critique, bien que surprise, reconnaît la puissance esthétique de ce ballet, qu'Apollinaire
24:49 avant l'heure qualifie de surréaliste. Cocteau est adoubé comme créateur au cœur
24:55 des avant-gardes. Parade marque également un tournant dans
25:02 la vie de Picasso. Il poursuit non seulement sa collaboration avec Diaghilev sur d'autres
25:07 ballets, mais aussi son histoire d'amour avec la danseuse Olga Kokhlova.
25:11 "Mon rouge 9 juillet 1918, mon cher Jean, écris-moi un mot pour me dire si c'est bien
25:22 entendu vendredi prochain à la mairie du 7e à 11h moins le quart pour notre mariage.
25:28 A toi, Picasso."
25:30 "10 juillet 1918, je serai à 11h moins le quart à la mairie du 7e. Déjeune-t-on
25:38 après chez Missia ? Jean."
25:41 Par une belle journée d'été, Pablo et Olga se marient à l'église orthodoxe
25:49 de la rue d'Aru. Autour d'eux, on retrouve leurs témoins Apollinaire, le critique Valérian
25:57 Dikloff, Max Jacob et Jean Cocteau.
26:00 "Ma chérie, fatiguée par le mariage Picasso, je tenais une couronne d'or sur la tête
26:14 d'Olga et nous avions tous l'air de jouer Boris Godounov. Cérémonie très belle,
26:19 un vrai mariage avec des rites et des chants mystérieux. Olga en satin tricotule blanc,
26:24 très biarritz. Ils partent."
26:29 Pour leur voyage de noces, les jeunes mariés rejoignent Biarritz où ils sont reçus chez
26:36 Madame Erasuriz, une riche héritière amie de la famille Cocteau. Le couple y mène une
26:44 vie festive et heureuse qui ouvre une période féconde pour Picasso.
26:47 Biarritz, 22 août 1918. Mon cher ami, hier entendu parade au piano par Mademoiselle
27:09 Taillefer. J'aime beaucoup ta mère qui te ressemble. Viens pour quelques jours, quelques
27:16 heures si tu veux. Je travaille, fais des portraits au terrasse des cafés, des dames
27:21 cubistes dans des fauteuils, des Pierrot et des Harlequins, des amitiés d'Olga et de
27:26 moi. Ton Picasso.
27:30 30 août 1918. Je suis content parce que maman te voit et me raconte tes frasques et
27:38 fresques. Raconte-moi ton travail. Elle me parle de baigneuse. Je viens de finir de corriger
27:44 les épreuves du coq et l'harlequin avec mon portrait et tes deux monogrammes. Je t'aime,
27:50 t'admire et t'embrasse. Jean.
27:55 Cocteau continue de fabriquer des territoires de création avec le peintre. Il finalise
28:01 à cette période l'écriture de son "Node à Picasso", l'un des premiers hommages du
28:06 poète à son ami. Dans son texte, Cocteau applique à la poésie la forme du cubisme
28:14 synthétique cher à Picasso. Le langage du peintre trouve chez le poète une équivalence
28:20 littéraire. L'oeuvre de Picasso aussi est marquée par les créations stylistiques de
28:26 Cocteau. Le peintre apprécie notamment le talent du poète pour les métaphores.
28:30 Le matin de l'armistice de 1918, Picasso et Marc Jacob étaient venus au 10 de la
28:53 rue d'Ange où j'y habitais chez ma mère. Ils me dirent que Guillaume les inquiétait,
28:59 que la Grèce enveloppait son cœur et qu'il fallait téléphoner à Capmas, docteur de
29:04 mes amis. Capmas supplia le malade de l'aider, de s'aider, de s'en aider à vivre. Il n'en
29:15 avait plus la force. Le charmant dessoufflement devenait tragique. Il étouffait. Le soir,
29:24 lorsque j'arrivais à rejoindre Picasso, Marc ou le barquin Germain, ils m'apprirent
29:29 que Guillaume était mort. Déchiré par la mort de son grand ami, Picasso trouve refuge
29:44 dans son nouvel atelier, niché au-dessus de l'impeccable appartement de réception
29:48 de la rue de la Boétie où il vient d'emménager avec Olga. À quelques pas de son marchand
29:54 Paul Rosenberg, la fortune du peintre grandit et la période duchesse commence.
30:00 Copteau, régulièrement reçu chez les Picasso, observe la mutation du peintre. Loin de la
30:15 vie de bohème, sous l'influence d'Olga qui ne veut pas se voir transformer en portrait
30:18 cubiste, Picasso réaffirme son art dans le portrait classique.
30:22 Où êtes-vous ? Je rentre dans 4-5 jours. La belle garde. Je serai heureux si tu me
30:45 disais si elle t'inspire un tableau. J'ai envie de te voir et de connaître ton travail.
30:49 Embrasse, Olga et le bébé. Ton Jean. Picasso met des semaines à réagir à la lettre
30:58 du poète, très pris par son travail et sa vie de famille autour d'Olga et de leur
31:03 premier enfant. Il envoie seulement quelques photos à noter en guise de réponse.
31:08 Pour Jean, Fontainebleau, septembre 1921. Cher ami, voilà une bonne lettre par image
31:20 qui me renseigne mieux que l'écriture. Bonheur, santé, travail sont réunis sur
31:26 ma table. Inutile de te dire que ma santé, ma mine magnifique, s'écroule sous une
31:31 grippe. Je ne l'évite jamais. Mal de mer dans le lit depuis 3 jours.
31:36 Jean. Pendant les années 20, l'amitié se distend,
31:47 inexorablement. Villefranche-sur-mer, 21 octobre 1926.
31:53 J'ai bien envie de te voir marcher sur la mer jusqu'à chez vous. Je t'aime.
31:59 Embrasse, Olga et Paul. Picasso ne répond pas. Le peintre est à
32:06 la reprise avec de nouvelles formes. Son art tend de plus en plus vers le surréalisme
32:11 et son amitié va vers son chef de file, André Breton.
32:15 Les surréalistes forment autour de Picasso une nouvelle famille artistique.
32:19 Cocteau, rigoureusement tenu à l'écart de ce groupe qui le méprise, s'éloigne
32:26 un peu plus de Picasso. Et un matin d'octobre 1926, le poète est
32:32 dévasté quand il découvre dans l'Intransigeant, journal proche des surréalistes, les propos
32:37 blessants que Picasso aurait eus sur lui. Cocteau, c'est une machine à penser. Ses
32:44 dessins sont fort gracieux, sa littérature très journalistique.
32:48 Si on faisait des journaux pour intellectuels, Cocteau servirait chaque jour un nouveau plat,
32:55 une élégante pirouette. S'il pouvait vendre son talent, nous pourrions
33:00 aller toute la vie à la pharmacie acheter un cachet de Cocteau sans arriver à épuiser
33:06 son talent.
33:07 Mon cher Picasso, J'ai mesuré hier à l'écroulement de ma vie
33:17 l'amitié que j'avais pour toi. Je sais qu'on déforme toujours, mais la
33:22 chose est faite. Toi qui ne parles jamais de personne, toi
33:26 qui refuses de parler, tu as parlé de qui ?
33:28 De moi qui t'adore, qui suis prêt à mourir pour toi et les tiens.
33:32 Je souffre tellement que je voulais me tuer. Sans maman et l'église, je me jetais par
33:38 la fenêtre. Jean.
33:45 Cocteau implore l'aide de sa mère. Et un soir où Eugénie Cocteau croise les
33:56 époux Picasso au théâtre, elle obtient devant leurs amis un démenti public du peintre.
34:00 Ils concèdent n'avoir donné aucune interview au journal l'Intransigeant.
34:04 Les apparences sont sauves, l'affaire est close.
34:08 Mais cette brouille altère durablement leur amitié et le jugement de Cocteau sur l'art
34:14 de Picasso ne sera plus jamais sans réserve. Il partage son amertume avec Max Jacob, lui
34:20 aussi tombé en disgrâce. Je t'assure que je sais maintenant dompter
34:25 le diable et me remettre debout. Picasso déteste tout et se déteste lui-même.
34:30 Il veut faire l'infaisable et l'exige des autres.
34:34 Il ne comprend pas que sa révolution en peinture a été faite chez nous par Rimbaud, Lautréamont,
34:39 etc. Preuve ?
34:41 C'est toi le Will Kluw crucifie des chemises, des ficelles, essaie d'assassiner la peinture.
34:46 Pendant plus de dix ans, Cocteau et Picasso se croisent peu.
34:53 Le poète en voit seulement une ou deux lettres par an occupées sur d'autres fronts.
34:58 Il se consacre notamment au théâtre. Sa pièce Les parents terribles triomphe au
35:05 théâtre Antoine en 1938. Elle raconte sur fond de relations incestueuses
35:12 entre une mère et son fils la déliquescence d'une famille bourgeoise.
35:15 Tu parles de te suicider parce que j'aime une jeune fille.
35:19 Mourir de honte est pire que le suicide. N'essaye pas de jouer au plus fin.
35:22 Si tu aimais une jeune fille, si tu avais à m'exposer une intrigue nette, convenable,
35:25 digne de toi, de nous, il est probable que je t'aurais écouté sans colère.
35:28 Mais au lieu de ça, tu n'oses même pas me regarder en face et tu me débites une histoire
35:31 dégoûtante. Je te défends.
35:32 Ah par exemple. Je vais prendre avec mon père des dispositions
35:35 pour t'enfermer, pour t'empêcher de voir cette femme, pour te défendre contre toi-même.
35:39 Dans le rôle du fils, le jeune comédien Jean Marais fait une entrée fracassante dans
35:44 la vie et le cœur de Jean Cocteau. T'écrire, t'écrire, t'écrire n'importe
35:51 quoi, c'est mon seul bonheur. Je me lève et je vais t'écrire.
35:56 C'est merveilleux d'aimer, de t'aimer, d'être aimé de toi.
36:00 Jamais je ne te quitte une seconde. Et tu le devines et cela donne des forces.
36:04 Mon enfant chéri, garde mes lettres sur ton cœur.
36:08 En pleine guerre d'Espagne, Picasso révolté transforme sa peinture en acte politique.
36:19 Un choc esthétique et symbolique qu'il révèle au public en 1937 avec son œuvre
36:25 majeure "Kernicke". Une prise de position implacable qui, dès
36:31 le début de l'occupation, lui vaut son statut d'artiste dégénéré aux yeux du
36:35 régime nazi. Retranché dans son atelier de la rue Saint-Augustin,
36:42 le maître de la peinture n'a plus le droit d'exposer, mais personne ne lui enlèvera
36:46 le droit de créer. Picasso peint sans relâche sous l'objectif
36:52 de la nouvelle femme de sa vie, la photographe antifasciste et proche des surréalistes,
36:57 Dora Maar. Le couple sort régulièrement au théâtre
37:04 et vient applaudir Jean Marais qui monte Britannicus.
37:06 Si la presse collaborationniste dénigre, Picasso applaudit.
37:11 Cocteau, heureux de retrouver la bienveillance du maître, cherche à renouer avec lui.
37:24 "24 mars 1941. Très cher Dora, depuis quelques jours du fond de ma grippe,
37:30 j'essaie de vous téléphoner et votre téléphone marche dans le vide.
37:34 Je voudrais beaucoup savoir si les photos vous plaisent.
37:37 Je n'ose embêter Picasso et vous embêter, mais je pense à vous et à lui sans cesse.
37:42 Faites-moi signe n'importe quel matin. De tout cœur, Jean."
37:47 Mars 1941. Pour monsieur Jean Cocteau, couvert de bronchite dans son lit du Palais-Royal.
38:01 "Moi, certifié, en pleine possession de toutes mes bonnes et mauvaises raisons de juger un cas si délicat,
38:09 avoir eu la force et le courage de te dire, les photos que Dora t'apporte de Jeannot
38:15 sont et seront toujours les meilleures que jamais on aura de lui. Picasso."
38:21 Au printemps 1942, Paris est déserté par ceux qui ont fui en zone libre ou se battent sur le front.
38:38 Comme pendant la première guerre, ce vide rapproche Cocteau et Picasso,
38:43 qui se retrouvent autour de la seule chose qu'il leur reste, l'art.
38:47 Le peintre et le poète recommencent à se voir.
38:53 23 mars 1942. Déjeuner avec Picasso et Dora. Chez Picasso, c'est royal. Un désordre royal, un vide royal,
39:03 hanté par les monstres qu'il invente et compose son univers. Même si on se révolte contre l'univers de Picasso,
39:10 on devrait lui savoir gré de pousser à l'extrême le drame des formes.
39:14 Le premier qui sortira de ses pièges prouvera sa force. Les autres restent pris dans ses pièges ou font un détour.
39:21 En art, il n'y a que des batailles ou des tombes.
39:25 L'étau de l'occupation allemande se resserre sur les artistes. Malgré ces relations,
39:34 Cocteau devient la cible de la presse collaborationniste et sa pièce "Les parents terribles" est censurée dès sa reprise.
39:41 De son côté, Picasso redoute d'être arrêté par la Gestapo qui lui rend visite de plus en plus souvent.
39:50 Cocteau craint pour le peintre et note dans son journal en date du 6 mai 1942.
40:01 "Arnaud Breker m'a donné le moyen de lui téléphoner par ligne spéciale à Berlin au cas où il m'arriverait quelque chose de grave à moi ou à Picasso."
40:09 L'artiste allemand Arnaud Breker, vieille connaissance de Cocteau, est devenu le sculpteur favori d'Hitler.
40:24 Son œuvre a été promue par les autorités nazies comme antithèse de l'art dégénéré.
40:30 Ce sont ses sculptures qui encadrent la nouvelle chancellerie du Reich, la résidence du Führer.
40:37 Cocteau assiste au vernissage de l'exposition qui lui est consacrée au musée du jeu de paume.
40:42 A cette occasion, le poète publie un hommage à l'artiste.
40:47 "Je vous salue Breker. Je vous salue de la haute patrie des poètes.
40:57 Patrie où les patries n'existent pas, sauf dans la mesure où chacun y apporte le trésor du travail national.
41:04 Je vous salue parce que vous réhabilitez les mille reliefs dont un arbre compose un geste provocateur qui se veut apolitique,
41:11 mais qui ne peut être perçu comme tel."
41:14 Paul Éluard, ami intime de Picasso et d'Oramar, lui écrit aussitôt.
41:20 "Freud, Kafka, Chaplin sont interdits par les mêmes qu'Honor Breker.
41:24 On vous croyait parmi les interdits, que vous avez eu tort de vous montrer soudain parmi les censeurs.
41:30 Les meilleurs de ceux qui vous admirent et qui vous aiment en ont été péniblement surpris.
41:35 Redonnez-nous confiance. Rien ne doit nous séparer. Votre Paul Éluard."
41:41 Pourquoi le destin d'un poète changerait-il ?
41:50 Mon royaume n'est pas de ce monde et ce monde m'en veut de ne pas suivre ses règles.
41:54 Je souffrirai toujours la même injustice.
41:58 Un jour de février 1944, alors que Cocteau débute l'écriture de son film majeur "La Belle et la Bête",
42:07 il apprend que son ami Max Jacob vient d'être pris par la Gestapo à Orléans et transféré à Drancy.
42:14 Cocteau fait aussitôt jouer ses appuis et adresse une supplique à l'ambassade d'Allemagne pour empêcher le pire.
42:25 "Je dirais de Max Jacob que c'est un grand poète si ce n'était un pléonasme.
42:29 C'est un poète tout court, qu'il faut dire.
42:32 Car la poésie l'habite et s'échappe de lui par sa main sans qu'il le veuille.
42:37 En ce qui me concerne, je salue sa noblesse, sa sagesse, sa grâce inimitable, son prestige secret,
42:44 sa musique de chambre pour emprunter une parole de Nietzsche.
42:48 Dieu lui vienne en aide. Jean Cocteau. PS.
42:52 Ajouterais-je que Max Jacob est catholique depuis 20 ans."
42:56 Il demande même l'appui des camarades artistes et écrivains,
43:01 à commencer par Picasso, le plus vieil ami de Max Jacob.
43:05 "Dimanche 6 février 1944.
43:10 Mon cher Picasso, les lettres de Max me consternent.
43:14 J'ai tenté l'impossible mais je crains qu'il n'écrive trop à trop de personnes et qu'il embrouille les choses.
43:19 Soigne-toi avec tes charmes et permets-moi d'aller te rendre visite le plus rapidement possible.
43:24 Je t'embrasse, Edora. Jean."
43:27 Mais le peintre, lui-même surveillé par la Gestapo, ne donne pas suite.
43:34 Quelques jours plus tard, Max Jacob est emporté par une pneumonie à Drancy.
43:39 Le jour de la libération, Picasso invite Cocteau à son atelier où il célèbre la fin de la guerre avec Éluard et d'autres amis.
44:05 Dans le grenier de la rue des Grands Augustins, le monde d'après s'organise déjà.
44:11 À l'automne, Cocteau est convoqué par le comité d'épuration.
44:17 Il en recevra quitté, notamment grâce à la protection des communistes résistants Louis Aragon et Paul Éluard.
44:30 Au même moment, Picasso adhère au Parti communiste français et révèle enfin au public ses œuvres créées sous l'occupation et jusque-là privées d'exposition.
44:40 Les toiles suscitent alors de vives réactions.
44:56 La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. C'est une arme offensive et défensive contre l'ennemi.
45:04 Si Cocteau ne partage pas l'engagement communiste de Picasso, les deux artistes sont portés après-guerre par un même pacifisme.
45:15 En 1945, Cocteau reprend le visage de son orphée dans un dessin intitulé "La colombe de la paix".
45:25 Quelques années plus tard, Picasso crée aussi sa colombe pour l'affiche du Congrès mondial des partisans de la paix.
45:31 A travers cette figure symbolique, leur dialogue se poursuit.
45:49 "Mi, sene oase, Dimanche de Pâques 1947. Cher Picasso, je regarde le portrait que tu as dessiné de moi à Rome le Dimanche de Pâques 1917
46:01 et je t'écris pour te dire que je pense à toi chaque jour et chaque minute. Je me suis retiré à la compagne où je compte vivre. Paris me desservelait.
46:10 Dubois me raconte que tu n'arrêtes pas de peindre et de graver des merveilles. Je t'embrasse. Jean."
46:18 En 1947, Cocteau trouve refuge dans une maison qu'il achète avec Jean Marais.
46:23 Pour oublier la douleur que lui cause son sevrage de l'opium, il dessine et écrit.
46:29 Il poursuit sa correspondance pleine d'admiration et d'amitié avec Picasso, qui s'est installé à Valoris, où il espère mener une existence de potier comme les autres.
46:44 A l'abri de son atelier, Picasso vit pour créer et crée pour vivre. Il ne donne plus directement de nouvelles.
46:52 C'est sa compagne, Françoise Gillot, qui reprend la correspondance avec le fidèle Cocteau.
46:57 "Cher ami, Pablo dit qu'il faut que rapidement vous vouliez pouvoir venir nous voir. Meilleur signe que vous puissiez nous donner de votre guérison.
47:11 Pour voir la guerre et la paix, armez-vous de plaides et chandail, car ce tableau vivant se trouve dans une pièce très froide.
47:17 Nous sommes ici tous au grand complet et vous disons très affectueusement à bientôt. Françoise."
47:24 "Mes très chers chéries, j'ai passé auprès de vous une journée merveilleuse. Je réinstalle tout guerre et paix dans la maison.
47:40 Je suis rentré heureux avec tous ces trésors dans l'œil du cœur. Je vous embrasse, Jean."
47:47 Dans les années 50, le Sud redessine peu à peu la cartographie amicale du peintre et du poète.
48:00 Cocteau passe de longs séjours à Saint-Jean-Cap-Ferrat, chez son ami Francine Weisweiler.
48:07 Il en profite pour se promener sur le Cap d'Antibes et retrouver son vieil ami, comme en témoigne Maya, l'une des filles de Picasso.
48:14 Lorsque nous allions à la plage de la Garoupe, au Cap d'Antibes, Cocteau venait sur le beau voilier de Francine Weisweiler.
48:25 En fait, Cocteau était toujours là où nous allions. Il n'avait pas besoin de l'appeler pour le voir.
48:32 Avec papa, Cocteau était plus stylé, révérencieux. Il aimait la célébrité.
48:37 Et mon père explosait de rayons lumineux qui rejaillissaient sur son entourage.
48:41 Disons que Cocteau captait mieux ses rayons que les autres.
48:46 Au fil des étés, la famille Picasso inclut Cocteau pour des moments de partage.
48:57 30 juillet 1954. Mon très cher Jean, voici les deux places demandées pour la Corrida.
49:02 Les amitiés et les baisers de Pablo, Claude, Paloma, Itoda la Quadrilla. Et les miens, si vous le permettez.
49:09 Françoise.
49:26 Avant le début de la Corrida, nous allons demander à Pablo Picasso de nous dire pourquoi il y a eu une Corrida d'organisée à Valoris et pourquoi il a eu cette idée.
49:34 Parce que je trouve que la joie, la paix et l'amitié de tout le monde, c'est la chose la plus précieuse du monde.
49:40 La Corrida était une réussite. Tout le monde détendu, heureux.
49:50 Le seul point noir étaient les signatures d'autographe sur n'importe quoi.
49:55 Il y eut de vrais taureaux et de vrais petits taureaux à ses vaches.
49:58 Il se retourne très vite et regarde l'homme du coin de l'œil.
50:02 Dans le sud, Cocteau poursuit sa recherche cinématographique et tourne le testament d'Orphée.
50:13 Il presse Picasso d'y participer et le peintre accepte d'y jouer comme figurant.
50:23 Cocteau y interprète son propre rôle, celui du poète, et met en scène son enterrement sous le regard effaré du figurant Picasso.
50:30 Depuis leur rencontre en 1916, et malgré les silences répétés, les deux artistes ne sont jamais bien loin l'un de l'autre.
50:44 Picasso apprécie la compagnie du poète et Cocteau sait admirablement bien se rendre nécessaire au peintre.
50:52 Preuve ultime, quand à l'aube des années 60, Cocteau parachève son plus grand texte consacré au peintre.
50:59 Avec Picasso de 1916 à 1961, il signe un livre sous forme de dialogue en creux.
51:06 Les textes de Cocteau sur le peintre alternent avec une série de lithographies de Picasso.
51:11 Autant de jalons d'une amitié de 45 ans, suprême hommage réciproque, publié un an avant la mort de Cocteau.
51:20 "Mon cher magnifique, 30 années d'échange n'ont pu diminuer le respect que je te porte et la crainte que j'éprouve lorsque je pense que mon travail affrontera ton œil de personnage.
51:33 Aussi, ne faut-il pas chercher dans ce livre la moindre parole de juge, mais le simple témoignage d'un ami, Jean Cocteau."
51:43 Sous-titrage FR : VNero14
51:47 Musique de la vidéo "La vie de Cocteau"
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52:19 Musique de la vidéo "La vie de Cocteau"
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52:30 Musique de la vidéo "La vie de Cocteau"
52:37 Sous-titrage FR : VNero14
52:40 Il était décidé que Guermante n'aurait pas lieu au...

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