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00:00 7h45 sur France Bleu Gironde, c'est la semaine des primeurs.
00:03 Depuis hier, une échéance capitale pour les châteaux et les grandes appellations du vignoble bordelais
00:07 puisque des centaines de professionnels du monde entier viennent déguster le millésime 2023
00:12 toujours en cours d'élevage dans les chais pour ensuite passer commande.
00:15 Avec nous un spécialiste ce matin, le dirigeant et fondateur de la société de négoces Sauvinat à Mérignac.
00:21 Il vit ses 42e primeurs.
00:24 - Bonjour Jean-Christophe Estève. - Bonjour.
00:26 - On va commencer par un peu d'explications pour tous nos auditeurs qui ne sont pas aussi connaisseurs du monde du vin que vous l'êtes.
00:31 Qu'est-ce que c'est que ces primeurs ?
00:33 - Ces primeurs c'est une campagne qui est faite au moment où les vins sont en cours d'élevage.
00:39 Les châteaux ont déjà mis le vin en barrique, il est donc possible de le goûter.
00:45 Ça permet donc à l'ensemble du vignoble qui vend en primeur d'appeler ses clients, ses futurs clients, à venir déguster.
00:53 C'est ce que nous faisons cette semaine.
00:55 Vous avez des centaines de gens qui sont en train de tourner dans le vignoble, qui dégustent les vins,
00:59 pour se faire une opinion du millésime 2023 que personne ne connaît.
01:04 C'est encore un bébé et on est en train d'estimer s'il va devenir un adulte intéressant.
01:09 - Est-ce qu'il n'y a que les grandes maisons qui vendent en primeur Jean-Christophe ?
01:13 - Oui, assez peu de maisons vendent en primeur.
01:15 En effet, les plus grandes de Bordeaux, les plus grands négociants de Bordeaux le font quasiment tous.
01:20 - Vous le disiez, ce vin on va voir s'il va devenir un adulte intéressant.
01:23 Est-ce qu'on peut déjà avoir des pistes aussitôt dans l'élevage de ces vins ?
01:27 - Oui, bien sûr.
01:29 Il y a des dégustateurs partout dans le monde qui sont habitués à goûter les vins en barrique,
01:35 au départ quand ils ont six mois d'existence.
01:38 Oui, on peut déterminer déjà avec facilité ce que deviendra le vin dans le futur.
01:43 - C'est une année 2023 qui a été difficile.
01:46 Il y a eu le milieu notamment, il y a la crise viticole, on la connaît.
01:49 Est-ce qu'on peut déjà savoir si 2023 sera une bonne année selon vous ?
01:53 - Alors, qu'est-ce que vous entendez par bonne année ?
01:56 Bonne année pour le commerce ? - Pour le vin !
01:59 Pour le vin, oui.
02:01 On est dans la succession des grandes années que nous venons de vivre.
02:05 Bordeaux a vécu depuis 2015 quasiment, un nombre incalculable de grandes années.
02:12 Deux années seulement ont été un petit peu en dessous, 2017 et 2021.
02:17 Mais on a là un bouquet de grands vins, de grandes années,
02:22 et donc on est confiant sur la qualité des vins de l'année 2023.
02:26 - Alors, comment on l'explique justement ce fait que,
02:28 multiplication de très bons millésimes, on a des pistes, des explications ?
02:32 - Oui, c'est à la dégustation.
02:34 Déjà, on sait quand on a fait les vendanges, on sait si le raisin était mûr, c'était le cas.
02:38 On sait que si les raisins ont donné des volumes suffisants
02:43 pour pouvoir travailler correctement, on sait, et c'était oui.
02:48 Donc on a tous les éléments qui peuvent déterminer aujourd'hui
02:52 ce que donnera le vin qui sera bu beaucoup.
02:55 Je tiens à le rappeler, nous goûtons aujourd'hui des vins
02:58 mais qui seront normalement buts dans 10 ans, ou plus tôt.
03:02 - Et quel est l'intérêt pour les viticulteurs et pour les acheteurs
03:06 de venir à cette semaine de primeur ?
03:09 - Alors, d'abord ils découvrent un vin.
03:11 Ils découvrent une année avec laquelle ils vont travailler pendant assez longtemps.
03:15 Mais surtout, si vous voulez, ils ont un intérêt majeur
03:18 parce qu'ils vont pouvoir acheter les vins en primeur
03:21 une fois qu'ils auront été choisis et dégustés.
03:24 Mais pour ceux, les viticulteurs, en général les grands châteaux,
03:30 font des conditions de prix, une remise importante
03:34 pour les achats d'aujourd'hui, payés aujourd'hui.
03:38 Évidemment, quand on achètera le vin, lorsqu'il sera en bouteille dans 18 mois,
03:43 il ne sera plus du tout au même prix.
03:45 C'est donc un intérêt grand pour le château qui finance son élevage
03:49 et aussi pour le consommateur qui va payer beaucoup moins,
03:55 presque régulièrement, 20% moins cher.
03:58 - France Bleu Gironde, il est 7h49, nous sommes avec Jean-Christophe Estève,
04:01 négociant Viticol de Mérignac, qui participe à ses 42e primeurs cette année.
04:05 On a demandé à nos auditeurs aujourd'hui s'ils pensaient qu'il y avait un monde viticole
04:10 à deux vitesses entre ces grands châteaux qui font déguster leurs futurs vins,
04:14 leurs vins en cours d'élaboration pendant les primeurs,
04:16 et tous ces petits vignerons qui arrachent dans leurs vignobles.
04:19 On va écouter la réponse de Seb, il est cuisinier à Bordeaux.
04:22 - J'espère qu'il y aura de plus en plus de place pour les petits vignerons,
04:26 parce que je préfère les petits vignerons, les petites appellations,
04:31 des gens qui travaillent le raisin de façon un peu moins académique
04:34 pour faire plaisir à tous les budgets et à tous les moments de la vie où on partage.
04:39 - Il n'y a pas de place pour les petits vignerons dans ce genre d'événements, Jean-Christophe Estève ?
04:44 - Il y a la place pour des... Enfin, ça dépend de ce qu'on appelle un petit vigneron.
04:47 Le monsieur qui a 5 hectares et qui fait un vin de premier prix,
04:52 ça ne l'intéressera pas de vendre en primeurs, évidemment.
04:55 - Pourquoi ? Alors pourquoi ? Pour ceux qui ne connaissent pas le monde du vin,
04:58 pourquoi ça ne l'intéressera pas ?
04:59 - Parce que le client ne s'y intéresse pas.
05:00 Vous savez, pour vendre quelque chose, il faut avoir un vendeur, mais aussi un client.
05:03 Or, les clients s'intéressent aux vins prestigieux dont on peut dire qu'on les connaît un peu partout dans le monde.
05:10 - Donc, un vin qu'on va vendre, par exemple, peut-être en grande surface,
05:13 où il n'y a pas d'intérêt de le goûter avant, on l'achète sur un achat sur le moment ?
05:17 - Non, non, sauf pour les acheteurs de grande surface.
05:20 - Est-ce que vous avez le sentiment justement qu'il se creuse ce fossé,
05:23 entre ce qu'on appelle les petits vignerons, effectivement, c'est un terme un peu générique,
05:27 mais et les grandes maisons du vin de Bordeaux ?
05:29 - Oui, absolument. Il s'est creusé au fil des années.
05:32 On a aujourd'hui des ventes de bouteilles qui vont de 5 euros en grande surface pour des Bordeaux, je veux dire.
05:40 - Il y a eu jusqu'à 1 euro pendant la foire aux vins, 1,60 euros.
05:43 - Oui, 1 euro, ce qui est une absurdité complète.
05:46 Et puis, il y a des vins qui se vendent 3 ou 400 ou 500 euros la bouteille.
05:50 Donc, c'est pas du tout le même marché.
05:53 - Mais est-ce que ces deux mondes qui peuvent pas s'entendre, qui peuvent pas échanger, qui peuvent se comprendre, c'est trop différent ?
06:00 - Non, je pourrais même dire qu'ils s'ignorent un peu parce qu'ils travaillent pas du tout.
06:05 C'est un peu comme l'équipe de football en première division et puis celle qui joue en national.
06:12 Ils peuvent pas se rencontrer, ils jouent pas à la même échelle.
06:15 - Mais est-ce que les grands vins sont frappés, eux aussi, par la crise ?
06:18 On parle beaucoup de la crise de la fièvre viticole. Les grands vins sont concernés ?
06:20 - C'est incontestable, oui, bien entendu.
06:22 - Mais ils vendent moins, ils exportent moins ?
06:26 - Oui, l'exportation a eu un sérieux coup de frein.
06:29 Le marché français est beaucoup... et puis on le sait aujourd'hui, le Bordeaux n'est plus à la mode.
06:35 - Oui, on parle beaucoup de cette image du Bordeaux qui est à changer. C'est votre avis aussi ?
06:39 - Oui, bien sûr, il faut absolument la changer.
06:42 Le Bordeaux a été très frappé par le fait qu'on a des grands châteaux, mais c'est une petite quantité de châteaux.
06:50 Disons 10% de la production.
06:54 Ces 10% concernent des châteaux qui vendent à des prix ahurissants, mais ces prix sont achetés.
07:02 Ils ont des clients, donc ils ont raison de vendre à ces prix-là, on ne peut pas le contester.
07:07 Ce qui est très dommageable, c'est que les acheteurs de base ont cru que le Bordeaux était très cher.
07:16 Or, le Bordeaux n'est pas très cher, et il est très bon.
07:20 On n'arrive pas à le faire savoir, l'image de ce Bordeaux cher, parce qu'on vend des grands crus classés à 300€ la bouteille,
07:28 a détruit complètement l'image du Bordeaux de base, qui était finalement le gros gros de la production.
07:34 - Et ça se joue en termes de communication, il faut faire passer ce message que le Bordeaux n'est pas forcément cher.
07:39 - Oui, c'est compliqué à faire dire, parce que dans les grandes surfaces des Bordeaux, vous le disiez,
07:46 on vend des produits à 5€, ou à 3€, ou à 1€ la bouteille, qui font autant de mal que les prix les plus chers,
07:52 parce qu'on dit qu'à ce prix-là, ça ne peut pas être bon.
07:54 - Merci beaucoup Jean-Christophe Estelle d'avoir été avec nous ce matin,
07:58 dirigeant fondateur de la société de négociations Sauvinat Amérique.