• il y a 8 mois
Yaël Menache, députée Rassemblement National de la Somme.

Une première agression est à l'origine de son engagement en politique. Une seconde a marqué le début de son mandat sous les couleurs du Rassemblement national. Le parcours de Yaël Ménache est loin d'être un long fleuve tranquille.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -Une première agression est à l'origine
00:02 de son engagement en politique,
00:04 une seconde a marqué le début de son mandat
00:06 sous les couleurs du RN.
00:08 Le parcours de mon invité est loin d'être un long fleuve tranquille.
00:12 Musique intrigante
00:14 ...
00:26 Bonjour, Yael Ménache. -Bonjour.
00:28 -Votre goût pour la politique remonte à loin.
00:30 J'ai toujours voulu faire de la politique,
00:32 j'ai suivi des études de droit constitutionnel,
00:35 mais j'étais trop pressée. De quoi ?
00:37 -Trop pressée de rentrer dans la vie active,
00:40 d'être libre, indépendante, gagner ma vie.
00:43 J'étais pas assez patiente pour faire de longues études.
00:47 -Et donc, ça vous a détourné,
00:49 en tout cas dans vos premières années de vie active,
00:52 d'un engagement politique ? -Oui, tout à fait.
00:54 Cette envie de liberté, en fait,
00:56 m'a effectivement détourné de mon trajet initial.
01:00 -Votre père a longtemps eu sa carte au RPR,
01:02 ensuite à l'UMP, je crois qu'il vous emmenait
01:04 même dans des réunions politiques.
01:07 Qu'est-ce qui fait que vous n'avez pas choisi
01:09 cette famille politique-là, celle de la droite gaulliste ?
01:12 -Il y avait beaucoup de choses qui ne me correspondaient pas,
01:16 qui ne correspondaient pas à mes convictions.
01:18 Ca manquait pour moi de...
01:21 C'était pas assez conservateur
01:22 par rapport à ce que je suis, à qui je suis.
01:25 Donc, c'était pas vraiment le parti qui me convenait.
01:28 Donc, je ne voulais pas adhérer au RPR, puis à l'UMP.
01:32 Et en fait, j'attendais de trouver vraiment
01:36 le parti qui allait me convaincre et donc me correspondre.
01:39 -Et alors, votre politisation,
01:41 c'est donc pas faite par votre famille,
01:43 elle est davantage liée à votre histoire personnelle,
01:46 plus précisément à un traumatisme que vous avez vécu adolescente.
01:50 Au lycée, vous avez été victime de plusieurs agressions antisémites.
01:54 Ca remonte à vos années lycée, je crois.
01:56 -Tout à fait. -Qu'est-ce qui s'est passé ?
01:59 -J'étais harcelée parce que je faisais des cours d'hébreu
02:02 pour le bac. J'avais option hébreu,
02:04 donc c'était assez facile d'identifier.
02:06 On n'était pas beaucoup, on devait être 5-6,
02:09 et j'étais la seule juive à étudier l'hébreu pour le bac.
02:12 Et en fait, j'avais été repérée par des personnes
02:16 qui étaient profondément antisémites
02:18 et qui avaient commencé par me harceler,
02:20 d'abord au lycée, ensuite à l'extérieur du lycée,
02:23 et ensuite, ils ont emmené des grands frères
02:26 ou des amis plus vieux, en tout cas, que moi,
02:29 pour me suivre jusqu'à mon domicile ou jusqu'à la synagogue
02:32 quand j'allais faire shabbat le vendredi soir,
02:35 et donc je me sentais plus en sécurité.
02:37 -Ca allait jusqu'à vous menacer physiquement.
02:40 -Tout à fait, menacer physiquement avec un couteau,
02:43 de me trancher la gorge, de me couper les oreilles.
02:46 -Vous vous expliquez que vous êtes rapprochée
02:48 des idées du Front national après avoir été victime
02:51 de ces agressions, vous faites le lien entre les deux.
02:54 Pourquoi ? En quoi est-ce que c'est lié ?
02:56 -Pour moi, c'est lié dans le sens où,
02:58 à l'époque où j'ai vécu cet antisémitisme,
03:01 et encore aujourd'hui, d'ailleurs,
03:03 c'est un antisémitisme qui est islamiste, en fait.
03:06 Il n'est pas du tout l'antisémitisme
03:08 qu'il a pu être dans les années 80.
03:10 -La haine des Juifs,
03:11 ça ne vient plus que des Maghrébins.
03:14 -Oui, essentiellement. -Vos agresseurs étaient...
03:16 -Ils étaient Maghrébins. Et en fait, pour moi,
03:19 le Rassemblement national était le seul rempart
03:22 contre l'antisémitisme, cette forme d'antisémitisme-là.
03:25 -Mais est-ce que vous n'êtes pas politisée
03:27 sous une forme de colère à la suite de cette agression ?
03:31 -Je ne pense pas, parce qu'il y a quand même eu un délai.
03:34 Plusieurs années se sont écoulées
03:36 entre ce que j'ai pu vivre,
03:38 mes traumatismes et mon engagement politique.
03:42 Il s'est passé plus de dix ans, donc...
03:44 Non, non, c'est pas la colère, c'est vraiment...
03:47 Il y a eu d'abord cette colère, mais il y a eu une réflexion.
03:50 Je me suis dit, mais il faut... Je ne suis pas la seule, d'abord,
03:54 et on doit absolument combattre ça, on ne peut pas laisser faire.
03:57 -Ils ont été condamnés, vos agresseurs ?
04:00 -Une partie, pas tous, mais une partie.
04:02 -Donc, justice a été rendue ?
04:04 -Pour moi, c'est pas suffisant.
04:06 C'est pas suffisant, parce que quand une personne
04:09 est condamnée à un an de sursis
04:11 pour incitation à la haine et à la violence raciale,
04:14 en fait, c'est rien.
04:16 C'est pas une vraie réponse, c'est pas suffisamment ferme.
04:19 En quoi ça va les empêcher de recommencer ?
04:22 Pour moi, c'est pas suffisant.
04:24 -Votre père a été sauvé de la déportation
04:26 par des résistants allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.
04:30 Est-ce qu'il vous en a voulu, quand vous avez rejoint le Front National,
04:33 un parti qui a été fondé notamment par un ancien SS,
04:36 Pierre Bousquet, par un ancien militien, François Brignot,
04:40 et par un homme, Jean-Marie Le Pen,
04:42 qui a été condamné pour antisémitisme insidieux ?
04:45 -Je me souviens qu'il a très mal pris.
04:47 Il comprenait pas mon engagement,
04:50 il avait beaucoup de difficultés,
04:52 et puis, finalement, vers la fin de sa vie,
04:55 il a commencé à s'y intéresser,
04:58 et il m'a dit "Ma fille, tu as raison, en fait.
05:00 "C'est toi qui as raison."
05:02 Parce qu'effectivement, aujourd'hui,
05:04 seul le RN est le véritable rempart à cet antisémitisme.
05:08 -Il y a un antisémitisme d'extrême droite en France ?
05:11 -Moi, personnellement, je ne l'ai jamais vu
05:14 et je l'ai jamais vécu. -Mais ses racines antisémites
05:16 du Front national, ça vous a jamais dérangé ?
05:19 -Pas du tout. Moi, j'ai jamais...
05:21 Pour moi, j'ai jamais eu la preuve, ni quoi que ce soit,
05:24 et ça m'intéresse pas, en fait,
05:26 parce que ça, c'est avant.
05:28 Avant, c'est avant, aujourd'hui, c'est aujourd'hui.
05:31 Je veux dire, si on condamnait à chaque fois,
05:34 pour un oui, pour un non,
05:35 des choses qui ont pu être dites ou faites dans le passé,
05:38 on aurait encore beaucoup de choses à dire
05:41 sur beaucoup de monde.
05:43 Mais c'est pas le cas.
05:44 Pour moi, la page est tournée, ça n'a rien à voir.
05:47 Jean-Marie Le Pen n'a jamais été quelqu'un d'antisémite,
05:50 il était même plutôt pro-israélien.
05:52 Je n'ai jamais vu, en Jean-Marie Le Pen,
05:54 quelqu'un d'antisémite, pas du tout.
05:56 -Vous avez pris votre carte OFN vers 2015.
05:59 -C'est ça. -En 2021, vous êtes présentée
06:01 à une première élection, c'était au départemental,
06:04 et vous étiez en binôme avec un des fondateurs
06:07 de Génération Identitaire,
06:09 c'est un groupuscule d'ultra-droite
06:11 qui a été dissous par Gérald Darmanin,
06:13 il s'agit de Damien Rieu,
06:15 mais ça ne s'est pas bien passé avec lui.
06:17 Vous avez déclaré après coup que ça avait été une erreur
06:20 de faire campagne avec lui. Pourquoi ?
06:22 -Damien, pour moi, était quelqu'un
06:25 qui n'avait pas du tout
06:28 le contact humain,
06:31 il n'était pas suffisamment tourné vers les gens,
06:35 il avait vraiment son sacerdoce, en fait,
06:37 qui n'était pas le mien.
06:39 Lui, il a vraiment un sacerdoce,
06:40 et l'immigration, il ne parle que de ça.
06:43 C'est matin, midi, soir.
06:45 Or, moi, oui, l'immigration est un sujet, bien sûr,
06:48 mais ce n'est pas le seul sujet.
06:50 Il y en a beaucoup d'autres tout aussi importants,
06:53 et l'immigration, je ne pense pas que ce soit le sacerdoce,
06:56 et encore moins dans la somme.
06:58 -Sur le terrain, on vous surnomme la marine du sans-terre.
07:01 Je pense à votre ressemblance physique avec Marine Le Pen,
07:04 mais peut-être aussi aux efforts que vous déployez
07:07 pour vous détacher de l'étiquette d'extrême droite
07:10 qui est accolée au RN,
07:12 au point que votre adversaire de la nupe aux législatives
07:15 a dit de vous qu'elle prend tellement ses distances
07:18 avec les obsessions de Damien Rieu
07:20 qu'elle donne l'impression d'être au RN.
07:22 -Par erreur, non, je ne crois pas.
07:25 C'est vraiment un choix qui a été réfléchi,
07:27 et c'est un véritable engagement.
07:29 Je n'ai pas l'impression d'avoir pris de distance.
07:32 Au contraire, je me retrouve chez Marine Le Pen.
07:36 En fait, Marine, pour moi, c'est...
07:39 C'est... Enfin, c'est...
07:41 Je peux pas... J'arrive même pas à mettre un mot,
07:45 mais c'est vraiment la personnalité que j'admire.
07:49 Je trouve qu'elle...
07:52 D'ailleurs, pour moi, c'est même un compliment,
07:55 de dire que je lui ressemble.
07:57 Je suis très contente quand on me dit que je suis la marine du sans-terre.
08:01 -Au début de votre mandat, vous avez accepté
08:03 de participer à une expérience originale.
08:06 Elle a été prise en place par Anne Sautemont.
08:08 L'idée, qui n'avait jamais été réalisée,
08:11 c'était de faire dialoguer cinq députés
08:13 de cinq bords politiques différents
08:15 en échangeant des notes vocales sur WhatsApp.
08:18 Vous y avez débattu de façon virulente
08:20 de tous les débats politiques du moment.
08:22 Parfois, vous vous êtes confiée de façon plus personnelle.
08:26 On va écouter un extrait d'une de vos interventions.
08:29 -Bonsoir, c'est Yael.
08:30 Il est 22h44, on est en suspension de séance.
08:33 C'est mon petit coup de gueule,
08:35 parce qu'on a beaucoup de victoires,
08:37 on gagne beaucoup d'amendements, on est fiers de nous,
08:40 on bosse énormément, on est là tous les jours,
08:43 du matin au soir, les nuits, on sacrifie beaucoup.
08:46 Moi, je sacrifie ma famille, je vois pas mes enfants.
08:49 Le week-end, quand je rentre,
08:50 quand je rentre, c'est-à-dire pas toujours,
08:53 je les vois pas, je suis là, mais je suis pas là.
08:56 -Je sacrifie ma famille,
08:57 je ne vois pas mes enfants le week-end.
08:59 Quand je rentre, je suis là, mais je suis pas là.
09:02 Quand on vous entend, il y a de quoi dissuader
09:05 les gens qui sont les plus motivés à s'engager en politique.
09:08 -C'est une réalité, on va pas se mentir,
09:11 c'est un engagement à temps plein,
09:14 et si on a envie de le faire bien et correctement et à fond,
09:18 c'est un engagement 7 sur 7,
09:20 et ça demande des sacrifices.
09:22 -C'est des choses auxquelles on vous avait pas forcément préparé,
09:26 sensibilisé ? -Non, pour ma part, non,
09:28 puisque ça s'est fait effectivement très vite,
09:30 donc j'y étais pas préparée,
09:32 mais je savais que quand on fait de la politique,
09:35 il est très difficile d'avoir du temps à accorder à sa famille.
09:39 -Aujourd'hui, vous avez trouvé un équilibre ?
09:42 -J'ai trouvé un équilibre, oui. Ca y est.
09:44 -Si votre début de mandat a été compliqué,
09:46 c'est aussi parce que vous avez été agressée,
09:49 vous et votre mari, par vos voisins,
09:51 vos voisins de maison, de quartier, à Peronne, dans la Somme.
09:54 Pour vous, il n'y a pas de doute sur la dimension politique
09:58 de cette agression ? -Je pense que...
10:00 -Parce que l'un des agresseurs, si j'ai bien compris,
10:03 était lui aussi membre du FN. -Oui.
10:05 Comme vous le dites, très bien. -Du RN.
10:07 -Il était membre du FN, et il l'a d'ailleurs soulevé.
10:10 Il a dit "moi, je suis un véritable FN,
10:12 "toi, tu n'en seras jamais une". -Il a dit "moi, je suis FN,
10:16 "vous n'êtes pas une FN pure". -C'est ça, exactement.
10:20 -Comment vous l'avez compris, comment vous avez ressenti ça ?
10:24 Est-ce qu'il y a une dimension antisémite ?
10:27 -C'est comme ça que je le vis,
10:29 parce que forcément, ça fait écho
10:31 à ce que j'ai pu vivre dans le passé.
10:33 Maintenant, est-ce que c'était vraiment timide ?
10:36 Je ne pense pas, très honnêtement,
10:38 mais je pense qu'il y avait ce côté, effectivement,
10:41 Front National de l'époque, très ancien...
10:44 -On y revient. -On y revient ?
10:46 Non, je ne pense pas, pas du tout.
10:48 Je pense qu'il reste encore, effectivement,
10:50 des personnes qui sont ancrées dans leur absurdité
10:53 et qui n'en démordent pas, mais heureusement,
10:56 et en fait, ils n'ont même pas de poids.
10:58 Pour moi, c'est insignifiant.
11:01 -A la suite de cette agression,
11:03 vous avez regretté d'avoir reçu peu de messages de soutien
11:06 du reste de la classe politique.
11:08 Comment vous expliquez ça ?
11:09 -Eh bien, je ne l'explique pas, justement.
11:12 Je ne comprends pas que les autres classes politiques
11:15 n'aient pas eu un mot. J'ai eu quelques députés,
11:18 de LR et un ou deux macronistes, mais c'est tout.
11:22 Et je déplore, parce que moi, si un de mes collègues,
11:25 quelle que soit l'étiquette, se faisait agresser,
11:28 j'aurais un message de soutien,
11:29 parce que c'est pas une question d'étiquette,
11:32 c'est une question de fonction.
11:34 Ca n'a rien à voir, c'est l'humain.
11:36 Donc il faut savoir faire abstraction
11:38 des guerres politiques qu'on peut avoir
11:41 et qui doivent rester politiques.
11:43 -On va conclure l'émission sur note plus légère,
11:46 avec notre petit quiz.
11:47 Vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:51 Avant d'être élu député,
11:53 je pensais que l'Assemblée...
11:55 -C'était moins intense que Sadeley, aujourd'hui.
11:59 Rires
12:01 -On y revient.
12:02 Depuis que je suis député, mon mari...
12:04 -Mon mari doit s'occuper de la maison.
12:08 -Et à renoncer aussi à sa propre carrière politique,
12:12 enfin, à son propre engagement politique,
12:15 parce qu'il avait été candidat. -Oui.
12:17 -Quand on me confond avec Marine Le Pen...
12:19 -Eh bien, pour moi, c'est un véritable plaisir
12:22 et un honneur. -Ca vous arrive souvent ?
12:24 -Oui, des fois, j'ai des collègues de notre propre parti
12:27 qui, dans l'Assemblée, disent "Ah, Marine, c'est pas mal".
12:31 Ca me fait toujours sourire, mais j'aime bien.
12:33 -Merci, Yael Menache, d'être venu. -Merci à vous.
12:36 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
12:38 Générique
12:41 ...
12:55 [SILENCE]

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