7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Que risque Gérard Depardieu, qui sera jugé en octobre pour agressions sexuelles?

  • il y a 6 mois
L'acteur a été placé en garde à vue ce lundi à la suite de plaintes pour agressions sexuelles. Les victimes l'accusent d'attouchements subis sur deux tournages: l'un en 2014, "Le Magicien et les Siamois", l'autre en 2021, sur le tournage des "Volets verts". Gérard Depardieu conteste les faits dont il est accusé. 
Le parquet n'a pas retenu le dossier de la première plaignante, en revanche, l'acteur sera jugé en octobre 2024 pour les agressions sexuelles susceptibles d'avoir été commises sur le film "les Volets verts".

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Transcription
00:00 [Générique]
00:05 On en parle avec Maître Maude Becker,
00:07 avocate spécialiste des violences sexistes et sexuelles au travail.
00:10 Merci d'être avec nous ce matin face à Marine Turki,
00:12 journaliste au service enquête de Mediapart,
00:14 et Mélodie Bertrand du service police-justice de BFM TV.
00:17 Au lendemain de cette garde à vue de Gérard Depardieu,
00:21 hier à Paris, l'acteur déjà mis en examen pour viol va donc être jugé
00:26 en octobre prochain pour agression sexuelle sur deux femmes
00:30 lors d'un tournage qui remonte à 2021.
00:32 D'abord la parole à la Défense, on va écouter ce que disait hier soir
00:34 à l'issue de la garde à vue de Gérard Depardieu, son avocat.
00:37 La garde à vue est terminée.
00:39 Il n'est plus retenu dans le commissariat.
00:42 Il n'est pas prévu qu'il revienne demain.
00:44 Il n'est pas retenu.
00:45 Pour vous la garde à vue est terminée ?
00:47 La garde à vue est terminée.
00:48 Mais c'est vrai, donc il va rentrer ce soir chez lui ?
00:51 Il n'est plus au commissariat.
00:52 Il n'est plus au commissariat ?
00:53 Non.
00:54 Mélanie, pas très bavard, maître Saint-Palais.
00:56 Que sait-on de la garde à vue ?
00:58 La garde à vue a duré une dizaine d'heures.
01:00 Hier, Gérard Depardieu a pu s'expliquer sur les faits,
01:03 des faits qu'il a contestés, nous a dit Christian Saint-Palais,
01:06 son avocat, à la sortie du commissariat.
01:08 Et d'après nos informations, on sait qu'il y a eu des confrontations
01:11 avec plusieurs plaignantes au sein de ce commissariat parisien.
01:14 C'est desquelles ?
01:15 Marine Turqui pourra vous en dire plus.
01:17 On sait qu'il y a une des plaignantes du film "Les volets verts",
01:21 l'autre, je vous laisse expliquer.
01:23 Il y a eu deux confrontations, avec celle qui se fait appeler Pauline,
01:27 dans la presse, qui dénonce des faits qui auraient eu lieu en 2014
01:31 sur un court métrage de Jean-Pierre Mocky,
01:33 et Amélie, une décoratrice ensemblière du film "Les volets verts" de 53 ans,
01:37 qui est l'une des deux plaignantes de l'affaire dite "Des volets verts"
01:40 qui aujourd'hui est renvoyée en octobre.
01:42 Vous voulez bien nous rappeler ce que racontait Amélie
01:45 au sujet du comportement de Gérard Depardieu sur ce tournage ?
01:48 Elles étaient deux femmes à dénoncer des faits assez similaires
01:50 sur le plateau "Des volets verts", le plateau de tournage.
01:52 Amélie, elle, était en train d'assembler le décor
01:54 quand Gérard Depardieu, ce serait d'après son récit,
01:56 assis sur un tabouret près d'elle, commentant un tableau,
01:59 il aurait alors eu des propos très obscènes,
02:01 et puis quand elle est repassée une heure plus tard dans le couloir,
02:04 en faisant son travail, il l'aurait attrapée violemment,
02:07 aurait refermé ses jambes, parce qu'il était sur le tabouret,
02:09 sur elle, et aurait pétri sa taille, son ventre, sa poitrine.
02:12 Ça a été assez violent, elle a été très choquée,
02:13 ils ont dû être séparés, et ensuite, Gérard Depardieu a été emmené
02:16 par l'un de ses deux gardes du corps, qui est présent tout le temps sur le tournage.
02:19 Dans un second temps, il lui a été demandé, à Gérard Depardieu,
02:21 par l'équipe de production, de s'excuser.
02:23 Et c'est là où ça devient complètement lunaire,
02:25 c'est qu'il s'excusait en l'insultant.
02:27 Il lui a dit "Ah, revoilà l'emmerdeuse, alors voilà, je m'excuse,
02:29 t'es contente", et en ayant des propos très vifs,
02:31 elle a été extrêmement traumatisée, sur le coup,
02:33 elle ne voulait pas porter plainte, elle ne voulait pas parler
02:35 de cette histoire. Il faut savoir qu'elle n'a pas travaillé
02:37 pendant deux ans après cette agression qu'elle dénonce.
02:42 Il a fallu un long temps pour qu'elle nous contacte,
02:44 et pour qu'elle réfléchisse peut-être à porter plainte.
02:47 Moi, elle m'a écrit au mois d'octobre, après la prise de parole
02:49 de Gérard Depardieu dans une lettre ouverte dans le Figaro,
02:52 et la prise de parole d'Anouk Grimbert, à l'époque,
02:54 qui dénonçait le comportement de Gérard Depardieu,
02:56 y compris sur ce tournage. Elle a pris contact avec moi
02:58 en me disant "J'ai honte d'avoir eu honte, je ne me tais plus,
03:01 je vais parler". Et même ses enfants n'ont pas compris
03:03 son silence, elle a été extrêmement traumatisée par tout cela.
03:05 Elle a pris la parole, j'ai fait une longue enquête
03:07 qui est sortie au mois de février, et vous voyez la justice
03:09 aujourd'hui, elle a agi rapidement.
03:11 - Je voudrais rappeler que c'est Mediapart,
03:13 les deux renvois concernent les deux plaignantes révélées
03:15 par Mediapart. Marine, est-ce que vous avez
03:17 des informations sur ce qui s'est passé
03:19 pendant cette confrontation ?
03:21 - Alors, j'ai eu effectivement les plaignantes, etc.
03:25 Déjà, Amélie, qui a été confrontée à Gérard Depardieu hier,
03:29 elle a été extrêmement soulagée, je crois que ce soit fini,
03:32 cette confrontation, c'est difficile.
03:34 - C'était tendu, c'était comment ?
03:36 - Oui, d'après ce qu'elle racontait, elle n'était pas très bien préparée,
03:39 mais après, lui expliquait qu'il ne comprenait pas
03:45 tout ce qui lui était reproché, etc.
03:47 - Vous voulez dire qu'il a continué à nier,
03:50 enfin, ne pas reconnaître la gravité des faits ?
03:53 - D'après les écoges, il a été dans la négation des faits,
03:56 mais depuis le départ, il conteste, puisque dans sa lettre
03:58 au Figaro, il dit "je n'ai jamais, au grand jamais, abusé d'une femme".
04:01 Alors même qu'on a des vidéos où on le voit
04:03 embrasser par surprise une maquilleuse ou une journaliste,
04:06 tout ça, c'est sous nos yeux depuis des années, quand même.
04:08 - Et à nous, Grimberg avait évoqué avec des mots très crus
04:11 l'ambiance sur le tournage il y a quelques mois. Écoutez.
04:14 - Quand des producteurs de films engagent Depardieu sur un film,
04:17 ils savent qu'ils engagent un agresseur,
04:19 pas un agresseur potentiel, un agresseur.
04:22 Je l'ai toujours entendu avoir des propos sexuels graveleux,
04:25 mais oui, ça s'est très, très gravement empiré
04:29 avec la permission du métier qui permet ça,
04:33 qui le paye pour ça et qui couvre ses délits.
04:38 - Elle est ressortie comment, Amélie, de cette confrontation ?
04:41 - Je pense soulagée. Après, je ne vais pas parler à sa place,
04:44 mais c'est évident que pour quelqu'un qui n'a jamais eu affaire
04:47 comme ça aux services de police, à la justice,
04:50 c'est quand même impressionnant, tout ça.
04:52 Il faut saluer le courage quand même de ces femmes.
04:54 La seconde, qui s'appelle Sarah, dans notre article, qui a 33 ans,
04:57 elle n'a pas accepté cette confrontation parce que c'est difficile.
04:59 Mais pourquoi elle a finalement accepté de porter plainte ?
05:01 Parce qu'elle dit qu'il faut que le cas Depardieu soit un exemple
05:04 dans notre société et dans le monde du cinéma,
05:06 un signal envoyé aux hommes qui peuvent avoir un comportement
05:09 inapproprié avec les femmes, que non, ce n'est plus possible
05:13 et que c'est fini, ce temps de l'impunité, de la complaisance.
05:16 - Alors, Maude Baker, à l'issue de cette journée de garde à vue,
05:20 Gérard Depardieu s'est vu remettre une convocation.
05:22 Et on verra donc Gérard Depardieu dans un tribunal correctionnel
05:25 en octobre prochain. Est-ce que ça, c'est une satisfaction
05:28 pour les victimes et les victimes potentielles qui se taisent toujours ?
05:33 De se dire, voilà, la justice avance et on va voir Gérard Depardieu
05:37 dans un tribunal.
05:38 - La justice avance, certes, mais elle avance assez lentement.
05:41 Il faut savoir quand même que ça fait des années qu'il y a eu
05:43 des violences sexuelles qui traversent tous les milieux professionnels,
05:46 que ce soit le cinéma ou la vie quotidienne des femmes,
05:50 de manière générale. Là, il se trouve que c'est un dossier médiatique,
05:53 donc on a des convocations qui sont très rapides,
05:55 qui ne sont pas celles que j'ai dans mes dossiers
05:57 quand les dossiers sont un peu moins médiatiques.
05:59 - Là, pour Depardieu, c'est très rapide.
06:00 - C'est très rapide, oui, c'est très rapide.
06:02 J'ai des dossiers d'ampleur également de violences sexuelles
06:05 où on a des convocations où les femmes doivent attendre
06:07 bien plus longtemps. Bon, ceci dit, on ne va pas se plaindre.
06:10 Il y a un dossier important qui va être jugé rapidement,
06:13 c'est la normalité. On devrait attendre ça dans tous les dossiers.
06:16 Donc, on ne va pas se plaindre que la justice aille vite pour le coup.
06:18 Donc, oui, évidemment, une satisfaction, mais ce qui reste insatisfaisant,
06:22 à mon sens, c'est que Gérard Depardieu va se faire juger,
06:27 et c'est très bien puisque ça fait des années, des années,
06:30 enfin, Marine Turc qui le dit, on n'a pas attendu le reportage
06:35 de la chute d'un ogre pour savoir que Gérard Depardieu
06:38 avait des comportements problématiques sur son lieu de travail.
06:41 Et c'est ça que je veux relever. - Bien sûr.
06:43 - C'est que c'est sur son lieu de travail.
06:45 Donc, il y a des employeurs sur place, il y a des producteurs sur place,
06:48 et cet homme, de façon totalement permise, finalement, par ses employeurs,
06:54 a pu violer la loi de façon permanente et recommencer à être embauché
06:59 sur des tournages et recommencer de nouveau à impacter des salariés.
07:03 - Ce que vous dites entre les lignes, c'est qu'il y a une forme de complicité
07:05 de la part des employeurs ?
07:07 - Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une complicité évidente
07:11 en ce qui concerne leur responsabilité en droit du travail.
07:14 Après, je ne vais pas vous dire qu'il y a une complicité pénale,
07:16 je ne fais pas partie du dossier, je ne peux pas vous dire,
07:18 mais l'employeur a une obligation de prévention et de réaction.
07:22 Et quand j'entends dire que lorsqu'il se passait une agression sexuelle
07:25 sur le plateau, on demandait à Gérard Depardieu de s'excuser,
07:27 on est à 10 milieux des obligations que doivent avoir les producteurs
07:30 dans ce type de situation.
07:32 Heureusement, il y a une politique d'État actuellement portée par le CNC
07:36 où les producteurs sont formés.
07:37 D'ailleurs, j'ai participé à un certain nombre de formations
07:39 à travers l'association de producteurs de photos photos femmes qui intervenait.
07:43 Les producteurs doivent maintenant, désormais, être formés
07:46 pour pouvoir bénéficier des subventions de l'État.
07:49 Et désormais, il va y avoir aussi des formations en début de tournage.
07:52 Mais enfin...
07:53 Gérard Depardieu, présumé innocent, c'est important de le rappeler,
07:56 évidemment, avant tout procès.
07:58 Mais est-ce que cette affaire ou ces accumulations d'affaires incitent,
08:02 est-ce que vous le constatez dans votre quotidien,
08:04 incitent les femmes à dire ce qui se passe face à un patron,
08:09 face à un chef de service, des femmes qui n'osaient pas parler ?
08:12 Est-ce que vous avez le sentiment qu'elles osent davantage maintenant ?
08:15 Elles osent sans doute davantage, mais compte tenu des conséquences
08:18 qui pèsent encore sur elles.
08:19 Il y a toujours des conséquences ?
08:20 Mais il y a toujours des conséquences.
08:21 C'est-à-dire ?
08:22 C'est-à-dire qu'une femme qui parle, dans 40% des cas,
08:25 oui, c'est ça, 37% des cas, va perdre son emploi.
08:28 C'est-à-dire qu'elle va ou être confrontée à un employeur
08:33 Elle va ou être confrontée à un employeur
08:35 qui ne va pas prendre en considération ses dénonciations
08:38 et donc elle va tomber malade et va finir par être déclarée inapte,
08:40 donc elle va perdre son emploi.
08:42 Ou on va lui trouver subitement des choses à lui reprocher.
08:44 Je viens d'avoir un dossier de cette nature-là.
08:46 Elle les révèle des faits et c'est elle finalement qui est coupable
08:49 d'une insuffisance professionnelle.
08:51 Ou elle va être obligée de partir.
08:53 Les dénonciations dans les entreprises ne sont pas encore
08:57 bien prises en compte sur le lieu de travail.
08:59 Mais il faut quand même leur dire de ne pas hésiter.
09:02 Évidemment qu'il ne faut pas hésiter, mais c'est très difficile
09:04 de dire à une femme de se confronter à la possibilité.
09:07 C'est tellement choquant.
09:08 C'est choquant, mais quand on voit justement le sort de ces actrices,
09:12 de ces régisseuses, de ces techniciennes,
09:14 qui quand elles font face à ça, n'ont plus de travail après.
09:18 C'est une réalité.
09:19 Tous les gens qui nous écrivent au Mediapart,
09:21 on reçoit énormément de témoignages et justement des affaires
09:23 électrochoc comme ça, ça nous amène beaucoup de témoignages.
09:25 Mais la première question c'est combien ça va me coûter
09:27 de porter plainte, de prendre un avocat, j'ai pas d'argent.
09:29 Combien de temps ça va durer ? Est-ce que mon nom va sortir ?
09:32 C'est toutes ces questions.
09:34 Et les gens ne savent même pas vers qui se tourner.
09:36 Mais ces affaires font quand même, ces affaires médiatiques,
09:38 elles font avancer les choses parce qu'on parle des mécanismes
09:40 autour des violences sexuelles et sexistes.
09:42 On parle de tout ce qui les entoure, des conséquences.
09:44 Je disais qu'Amélie, elle a pu travailler pendant deux ans,
09:46 mais on peut parler de tout un tas d'autres dossiers,
09:48 c'est le quotidien.
09:49 Ce sont les chiffres de l'AVFT, l'Association de violence
09:51 contre les femmes faites au travail, qui dit que 95%
09:53 de leurs dossiers, elles ne travaillent plus ensuite
09:55 ou elles doivent changer d'emploi.

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