Ce samedi 4 mai, le Giro d'Italia va s’élancer de Venaria Reale à Turin pour un périple de 3 321 km. Cyclism'Actu et Jean-Michel Guidez sont allés à la rencontre, au Canada, de celui qui a porté le maillot rose en 1996, Pascal Hervé. L'Entretien avec "Palou" avant qu'il ne rentre à l'hôpital pour entamer un tout autre combat. "Opération et séjour d'une semaine en milieu hospitalier car j'ai un problème à l'estomac, une tumeur sans métastase mais j'ai le moral, nous a confié, Pascal Hervé, avec toute sa pudeur qui le caractérise, pour ceux qui le connaissent. Même si je sais que l'intervention est délicate, je vais me battre. Vous savez, rester huit jours sous perfusion sans boire ni manger, ça va le faire. De toute façon, il va bien falloir que je me requinque vite car j'ai prévu de disputer L’Étape du Tour le 7 juillet prochain, Nice - Col de la Couillole, avec plus de 4 000 mètres de dénivelé." Mental d'acier Pascal Hervé, invétéré passionné du vélo et du Giro, entre autre, et par respect, nous resterons discret sur son actuel problème de santé. Un prompt rétablissement surtout !
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00:00 J'ai des bons souvenirs parce que j'adorais courir en Italie.
00:05 Les parcours me convenaient bien, c'était des parcours toujours un peu punchy, il n'y
00:10 avait jamais les tables de plats, c'était toujours difficile.
00:12 C'était très agressif parce que les Italiens étaient très agressifs.
00:16 Donc j'aimais ce genre de course et puis j'aimais l'ambiance parce qu'il y avait un grand grand
00:20 respect du sportif en Italie et puis notamment du cycliste.
00:23 C'est vraiment un sport très populaire en Italie et j'aimais ça courir là-bas.
00:28 J'étais super fier d'avoir porté le maillot rose et de gagner l'Italie.
00:30 Ça a vraiment été l'opportunité et les circonstances de course qui ont fait que tout
00:35 s'est bien arrangé.
00:36 On finissait à Cantanzaro en haut d'une longue côte, pas hyper dure mais longue longue côte.
00:43 Il y a eu beaucoup de mouvements toute la journée et puis j'ai su saisir ma chance au bon moment.
00:49 J'ai rattrapé le dernier qui était Roberto Petito à quelques centaines de mètres de
00:53 l'arrivée et je l'ai déposé pour finir tout seul.
00:56 C'est ce jour-là que vous endossez le maillot rose ?
00:58 Oui, au début d'ailleurs, ils avaient donné le maillot rose à… je ne me souviens plus
01:03 quel coureur italien qui était bien placé mais avec le jeu des bonifications, fin de
01:09 compte, après lui avoir donné le maillot rose à la télévision, c'est moi qui suis
01:13 allé chercher le maillot rose.
01:14 C'est plutôt une anecdote assez rarissime dans le cycling.
01:19 Oui, je suis resté bon copain avec le coureur.
01:22 Dans le passé, il y a eu quelques épisodes assez truculents où les français ont été
01:25 un petit peu lésés, il y avait des poussettes dans l'école, c'était plus le cas à
01:29 votre époque alors ?
01:30 Même à mon époque, il n'y avait pas toute la technologie d'aujourd'hui avec les
01:34 téléphones portables et puis les caméras qui sont partout.
01:36 J'ai le souvenir d'un Tour d'Italie dans le col de la Finestre dans les Alpes.
01:42 Je pense qu'on devait être seulement 15 ou 20 coureurs à monter à la force du jarré
01:47 et puis derrière ils étaient tous accrochés aux motos, aux voitures.
01:50 C'était le Tour d'Italie, c'était le folklore.
01:52 Le fait aussi qu'il n'y ait aucune formation italienne dans les World Tour, vous trouvez
01:56 ça surprenant ou logique ? Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
02:01 Économiquement parlant, peut-être qu'il n'y a pas de grosses compagnies italiennes
02:08 qui veulent investir dans le vélo mais si vous regardez bien, UAE, Bahreïn, même
02:14 Astana, il y a beaucoup de coureurs italiens, l'encadrement est italien, les sièges sociaux
02:19 des équipes sont souvent en Italie.
02:21 Il y a des équipes italiennes qui fonctionnent bien, même au niveau en dessous, vous avez
02:27 l'équipe Polti qui est revenue, il y a plein d'équipes qui sont là, qui font les grandes
02:32 courses, qui sont souvent présentes et puis on a quand même des grands coureurs italiens
02:36 avec des Ghana et compagnie.
02:39 Donc les meilleurs coureurs italiens sont dans les grandes équipes, même si elles
02:43 ne sont pas affiliées à la Fédération Italienne, des équipes comme UAE et Bahreïn sont un
02:46 peu italiennes.
02:47 Alors votre favori pour le prochain Giro ?
02:49 Je pense que Poggi va être difficile à battre, on l'a vu à l'oeuvre cette année, s'il
02:54 ne se passe rien, je pense qu'il va gagner les doigts dans le nez.
02:58 Tout ce qu'on peut souhaiter c'est un Français Maïros cette année ?
03:00 Un autre, oui, ça serait cool, oui, et puis il y a un qui l'emmène au bout mais bon,
03:04 ça va être compliqué.
03:05 Il y a une chose quand même cette année qui marque les esprits, c'est la multiplicité
03:10 des chutes qui nécessite même de bloquer la course quelques fois pour faire intervenir
03:14 les moyens, on a toute une succession d'épreuves qui ont été intachées par des chutes très
03:19 graves.
03:20 Des chutes graves il y en a toujours eu, même des très graves avec des circonstances dramatiques
03:24 des fois, je me souviens de Kibilev, je me souviens de Casartelli, donc il y a toujours
03:30 eu des chutes très très graves, sauf qu'aujourd'hui avec la rapidité de l'information, avec
03:38 les réseaux sociaux, on en parle un peu plus.
03:41 En plus cette année, pour une fois il y a nos grands leaders, les Van Aert, les Vingegaard,
03:48 ils sont tous tombés, ils se sont blessés assez gravement, je pense que c'est ça qui
03:53 fait un peu réfléchir les gens, mais je ne pense pas qu'il y ait plus de chutes qu'il
03:57 y a de manques, je pense même que la seule chose qui me fait croire qu'il y a beaucoup
04:01 de chutes c'est que les garçons sont déconcentrés avec les oreillettes et les capteurs de puissance,
04:09 il y a trop d'informations qui viennent à l'oreille du sportif et ça le déconcentre
04:16 un peu.
04:17 Par exemple il y a des grosses chutes où la moitié du peloton est par terre, des fois
04:20 tu regardes et tu te dis "c'est pas possible, le gars n'avait pas la tête en l'air parce
04:23 que personne ne s'arrête".
04:25 Donc je pense que leur attention est détournée avec tout ce qu'on a maintenant sur les vélos
04:30 et les oreillettes.
04:31 Il y a trop d'informations qui arrivent dans le cerveau du cycliste et ça perturbe sa
04:35 concentration, ce qui fait que quand il y a une chute, on fonce dedans, c'est comme
04:39 si on était attiré parce qu'on n'est pas concentré sur le fait d'éviter ou de freiner.
04:44 Les freins à disque n'ont pas eu d'influence ?
04:46 Non, je pense que les vélos n'ont jamais été aussi performants et aussi sécuritaires
04:51 qu'aujourd'hui.
04:52 Les freins à disque, tu freines beaucoup mieux avec des freins à disque qu'avec des
04:55 freins à patins dans le temps.
04:56 Dans le temps quand c'était mouillé, les freins à patins, tu pouvais bloquer le frein
04:59 avant et le frein arrière, tu n'arrêtais pas.
05:01 Peut-être le fait que les guidons sont un peu moins larges, on les voit beaucoup les
05:04 gars avec les petits guidons, donc ils ont peut-être une stabilité un peu mauvaise.
05:08 Je suis un spectateur assidu de toutes les courses de vélo.
05:10 Ici au Québec, on a la chance de pouvoir les garder le matin, donc ça ne gâche pas
05:14 nos journées puisque avec le décalage horaire et la transmission en direct maintenant avec
05:18 toutes les chaînes qu'on peut avoir, on regarde les courses le matin, donc on n'engage pas
05:24 trop notre journée.
05:25 Pendant longtemps, les courses se sont décidées dans les derniers kilomètres, voire les derniers
05:29 hectomètres.
05:30 Aujourd'hui, on voit que nos grands leaders n'hésitent pas à attaquer de loin, donc
05:33 c'est super, c'est génial.
05:36 Le paddage est revenu.
05:39 Le deuxième paradoxe, c'est que des coureurs se présentent au top de leurs conditions pour
05:43 la première course de l'année.
05:45 C'est aussi une nouvelle mode de préparation d'entraînement ?
05:48 Oui, c'est ça.
05:49 C'est contrairement aux années passées, il y a déjà un petit moment qu'ils font
05:54 ça, mais aux années 80-90 où il fallait aller courir pour trouver la forme.
05:59 Aujourd'hui, on trouve la forme à l'entraînement avec des entraînements bien spécifiques.
06:04 Et puis les gars, quand ils arrivent sur une course, il n'y a plus de petite course.
06:07 On prend le départ d'une course pour être au top de sa forme, alors qu'avant, on allait
06:11 souvent dans les courses pour trouver la forme, maintenant c'est différent.
06:14 On a des moyennes extraordinaires.
06:15 Dans les trois monuments du cyclisme, déjà cette année, on a eu des moyennes qui sont
06:20 dignes des records, carrément.
06:23 Paris-Roubaix a une vitesse extraordinaire.
06:25 Paris-Roubaix, Milan-San Remo, ils ont battu des records.
06:27 Je pense qu'il y a plein de paramètres qui font qu'aujourd'hui les courses sont retransmises
06:32 en direct du départ à l'arrivée.
06:33 Donc les gars n'hésitent pas.
06:36 Ils s'échauffent avant le départ.
06:37 Même quand tu prends un départ de Milan-San Remo, 280 km ou 290, les gars s'échauffent
06:42 avant de partir.
06:43 Alors qu'il y a une année, il y a eu une époque où tu partais avec les jambières
06:48 et tu attendais le passage du Turquino pour commencer la course.
06:52 Et la situation, parce qu'il y a aussi toujours des esprits malveillants qui annoncent des
06:56 théories, la situation, c'est un cyclisme qui vous paraît sain à l'heure actuelle,
07:01 propre, sans aucune ambiguïté ?
07:03 Je mettrais pratiquement mes mains à couper qu'aujourd'hui le cyclisme a beaucoup évolué.
07:10 Et puis j'ai totalement confiance.
07:13 Il y aura toujours les malsains qui sont là, les éternels sceptiques.
07:18 Mais on n'y peut rien.
07:21 On vit dans une société comme ça.
07:23 Mais on peut croire sans problème aux espoirs de nos jeunes, des Eventpool, des Pogacar,
07:29 des Warnard, des Vanderpool.
07:30 C'est des mecs que je mettrais ma main au feu, qu'ils n'auront jamais de problème avec
07:34 les années qu'on a connues.
07:34 C'est ça la société.
07:35 [Musique]