Antoine Vermorel-Marques est le député « Les Républicains » de Roanne, dans la Loire, un bastion historique du textile français. A l'heure où les usines reprennent doucement du service dans sa circonscription, l'élu s'est lancé dans un combat contre le phénomène de Fast Fashion qui impose une nouvelle concurrence venue de Chine. De nouveaux sites comme « Shein » ou « Temu » proposent exclusivement en ligne des collections sans cesses renouvelées de vêtements très bon marché mais d'une qualité médiocre. Pour le député, il s'agit d'une concurrence déloyale et d'un modèle très critiquable d'un point de vue environnemental. Par un amendement voté à l'Assemblée, il espère imposer un malus à ces enseignes chinoises pour chaque produit vendu en France. L'argent récolté serait ensuite reversé sous forme de bonus aux entreprises plus vertueuses qui produisent en France et en Europe.
C'est une partie essentielle du travail parlementaire qui est de nouveau mise en lumière à travers ce reportage où les journalistes de la rédaction suivent un député dans sa circonscription pour expliquer son travail sur le terrain. C'est aussi un voyage sur un territoire, avec ses enjeux locaux, et une rencontre avec ses habitants. Suivez votre député sur LCP !
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00:00C'est ce que j'ai commandé une fois, c'est une robe que j'ai mis une seule fois parce que c'était pour mon anniversaire.
00:07C'est vrai que j'étais un peu prise par le temps, donc je l'ai commandé là-bas.
00:13Vous l'avez acheté où alors ?
00:14Sur Shein.
00:15D'accord, ok.
00:16Où est-ce qu'ils vous l'ont rendu ?
00:1835.
00:19Et voilà, Made in China, 95% de polyester, 5% d'élastane.
00:23Je vous laisse.
00:24Merci.
00:25Je ne peux pas le passer en machine à laver, je pense.
00:27Je ne sais pas.
00:28Ce qui passe en machine à laver, c'est fini.
00:29Non, je pense que c'est…
00:30Ça, c'est typiquement le produit moelle éphémère.
00:38Bonjour, je m'appelle Antoine Vermorel Marques.
00:40Je suis député de la 5e circonscription de la Loire.
00:43On est une terre du textile.
00:44On a produit des emplois pendant plus de 200 ans et aujourd'hui, je défends une proposition
00:48de loi contre la fast fashion.
00:50C'est-à-dire la mode jetable, qui ne crée aucun emploi en France, qui importe tout
00:53de Chine.
00:54Et cette proposition de loi, elle vise aussi à favoriser le « made in France » ici
00:57dans ma circonscription.
01:00Antoine Vermorel Marques, agrandi à l'ombre des vieilles cheminées d'usines, vestige
01:06d'un passé pas si lointain où Rouen, dans la Loire, était un fleuron du textile français.
01:12Mais dans les années 70-80, il est devenu l'un des plus importants producteurs de
01:18Mais dans les années 70-80, les délocalisations vers l'Asie ont sinistré tout le bassin
01:24d'emploi.
01:25Avec Philippe Marconnet, historien spécialiste du patrimoine rouennais, le député revient
01:30sur ce traumatisme à l'origine de son combat contre la mode éphémère « made in China ».
01:37Dans chaque famille rouennaise, il y a quelqu'un qui a travaillé dans le textile.
01:40Et potentiellement, il y a quelqu'un qui a aussi été licencié au moment des années
01:4470.
01:45Et donc, c'est une forte charge émotionnelle parce qu'il y a à la fois une fierté d'avoir
01:50participé à ce mouvement-là.
01:51On a habillé la France pendant des décennies.
01:53Et puis, une forme d'humiliation de cette délocalisation en Asie, de ces métiers qui
01:58sont partis.
01:59Rouen, c'était le centre de la production du Vichy.
02:01Du carré Vichy.
02:02Du carré.
02:03Mais du textile également, il n'y a pas que le carré Vichy.
02:05C'est-à-dire que les habits en Vichy, on va dire 80% de la production était faite
02:09à Rouen.
02:10Et celle qui va relancer ce tissu-là dans les années 50, c'est Brigitte Bardot.
02:16Elle se marie avec une robe rose et blanche, avec Jacques Charrier.
02:22Elle va relancer à nouveau la mode du Vichy.
02:24Tout le monde va vouloir du Vichy.
02:26C'est ce qui va créer à Rouen des milliers d'emplois parce que cette industrie, elle
02:30va perdurer dans les années 50, 60, 70.
02:33On est en termes d'emplois entre 5 000 et 7 000 personnes qui travaillent uniquement
02:39pour le textile.
02:40En sachant qu'à cette époque, on a des grands noms du textile qui arrivent.
02:44Il y a des arbres, il y a Jeannie Poporté, il y a Griffon, il y a Devernois.
02:49Bref, des maisons qui existent toujours.
02:53Le textile à Rouen n'a pas disparu du paysage.
02:56Le secteur relève même un peu la tête et recommence à embaucher.
03:00Mais la concurrence venue d'Asie revient hanter les entreprises avec l'avènement
03:05de la fast fashion en ligne qui casse les prix.
03:08Et puis, c'est des industriels aujourd'hui qui m'en ont parlé en me disant qu'on
03:12est concurrencés par l'ultra fast fashion et si vous ne faites rien, ça va être
03:17une deuxième mort pour nous.
03:20Pour éviter que l'histoire ne se répète, le député a identifié son adversaire.
03:25Mais en quoi consiste exactement ce nouveau concept venu de Chine qu'il appelle l'ultra
03:31fast fashion ?
03:33A sa permanence parlementaire installée dans un camping-car, il reçoit une étudiante
03:39qui a fait un stage dans son équipe.
03:43Avec elle, il veut mieux comprendre comment ces nouvelles marques parviennent à toucher
03:48leur cœur de cible, les jeunes générations.
03:52Donc là, on voit qu'il y a des t-shirts vraiment pas chers.
03:55C'est ça, c'est pas cher.
03:56En plus, si on commande, je pense, un certain nombre d'articles, il y a des réductions
04:00en plus.
04:01On peut changer de style, je dirais, facilement comme on change super rapidement des vêtements.
04:07Des ventes exclusivement en ligne, des collections renouvelées en permanence à des prix imbattables
04:12mais dont la qualité importe peu.
04:14C'est le modèle de la fast fashion.
04:17Les leaders sont chinois et s'appellent Xi Yin, Temu et Ali Express.
04:23Je comprends que le consommateur, il se dise, tiens, j'ai un vêtement pas cher que je
04:27peux avoir rapidement en un clic sauf qu'en un clic, ça a des conséquences énormes.
04:30Ça a des conséquences sur l'environnement, ça a des conséquences pour les personnes
04:34qui produisent ça, qui travaillent 70 heures par semaine, ont un jour de repos par mois.
04:38Ça a des conséquences pour notre santé parce que pour produire pas cher, ils mettent
04:41des matériaux qui sont parfois interdits d'utiliser en France comme des perturbateurs
04:45endocriniens.
04:46Et tout ça, ça détruit les emplois en France, ça ne crée aucune richesse.
04:50Et le pire de tout, c'est que le vêtement, il va être porté une fois ou deux, après
04:53il va être délavé, décousu, on ne pourra pas le reporter.
04:56Ce n'est pas vertueux comme mode de consommation, même si eux, évidemment, veulent le faire croire.
05:02Pour sensibiliser à sa cause ceux qui achètent ses produits, Antoine Vermorel-Marques a décidé
05:08d'attaquer la marque Xi Yin sur son propre terrain, le réseau social chinois TikTok.
05:14Sa vidéo a dépassé le million de vues.
05:39C'était un peu provocateur de ma part, c'était de me dire, je vais aller sur le
05:41réseau qui promeut le plus Xi Yin, pour combattre Xi Yin en fait, et essayer de m'adresser
05:45à ceux qui commandent sur cette plateforme.
05:47Et donc on a lancé cette vidéo et puis effectivement, elle a fait le buzz parce que je pense que
05:51ça répondait aussi à une forme d'attente, de sentiment de se faire arnaquer peut-être
05:56par l'ultra fast fashion aussi, et on a apporté des arguments contre ça.
06:00Et en plus, ils ont été trop sympas, ils ont laissé le billet d'avion à l'intérieur
06:03pour Shanghai parce que tous les produits de Xi Yin sont apportés en avion, c'est
06:0720 fois plus polluant que le bateau.
06:08Clairement sur une pépite.
06:09Et cette pépite, moi ce que je veux, c'est qu'elle reste en Chine.
06:12Et pour ça, en tant que député, je propose qu'on impose un malus à tous les produits
06:15de la fast fashion pour qu'elle soit définitivement démodée.
06:20Imposer aux entreprises de la fast fashion un malus fixé à 5 euros pour chaque produit
06:25vendu, voilà ce que le député, par un amendement, a réussi à faire voter à l'Assemblée nationale.
06:33Comment peut-on laisser entrer des produits qui ne respectent ni nos normes sociales,
06:37ni nos normes environnementales, ni nos normes sanitaires ?
06:42Ce malus n'est pas une taxe à proprement parler.
06:45Chaque euro perçu sera réinjecté sous forme de bonus aux entreprises qui, elles, produisent
06:51en France ou en Europe des vêtements respectueux de l'environnement.
06:57Bonjour, ça va et vous ?
06:59Bonjour, enchanté.
07:00Vous allez bien ?
07:01Oui, ça va.
07:02On va visiter l'entreprise.
07:03D'accord, très bien.
07:05Dans les locaux historiques du Griffon.
07:08Voilà.
07:09Exactement.
07:11C'est le cas dans cette vieille manufacture où sont aujourd'hui installées plusieurs
07:15entreprises de prête à porter.
07:18Tout ce qui est tricotage, assemblage, traitement, expédition, c'est tout fait en France.
07:24Là, l'usine, elle ne tourne pas au charbon.
07:25Oui, non.
07:26Ce n'est pas expédié en avion non plus.
07:28Non, non, oui.
07:30L'idée, c'est vraiment un malus sur la fast fashion et un bonus pour le made in France
07:34et le made in Europe.
07:35De façon soit à aider les entreprises à investir et à produire encore davantage,
07:39à massifier pour baisser vos coûts, soit à faire baisser le prix de ce pull-là pour
07:43qu'il soit plus accessible.
07:44Ce qu'on va payer sur le made in China, ça va financer le made in France ou le made
07:49in Europe parce qu'on est en Union Européenne.
07:51Et ça, ça sera vertueux pour nos entreprises, pour nos emplois.
07:54Il faut en passer par là.
07:55Il faut vraiment taxer tout ce qui arrive de Chine et autres.
08:03Ici, les marques misent sur une autre tendance aux antipodes de la fast fashion, le renouveau
08:09du made in France.
08:11Le principe est de proposer des vêtements haut de gamme au style intemporel.
08:20Un pull comme ça, il sort à combien pour le consommateur ?
08:22Un pull comme ça, ça sort à 95 euros.
08:2495 euros pour le consommateur parce qu'on est sur du coton biologique.
08:28Acheter 100 % en France, fabriquer aussi 100 % en France.
08:32Forcément, le coton coûte un peu moins cher que le Merinos et le Cachemire.
08:35Là, par exemple, nos collerons en 100 % Merinos, Cachemire, eux sont à peu près à 169 euros.
08:40Le bonus à nous, il va nous servir peut-être à faire baisser les coûts par contre pour
08:44le coup.
08:45Peut-être qu'on pourra sortir un pull avec une qualité comme celle-ci, peut-être un
08:48peu moins cher et permettre de toucher une autre clientèle qui aujourd'hui hésite
08:53à acheter un pull français parce que 169 euros, 189 euros, ça reste un budget et on
08:58le conçoit totalement qu'on ne peut pas toucher toutes les bourses.
09:02Privilégier la qualité sur la quantité, changer les modes de consommation, c'est
09:07aussi l'enjeu du système de bonus-malus défendu par le député.
09:12Car depuis plusieurs décennies, les Français ont pris l'habitude d'acheter beaucoup
09:18trop de vêtements bon marché à la durée de vie limitée.
09:23Antoine Vermorel-Marquès se rend maintenant dans un entrepôt où sont triés des vêtements
09:30pour Emmaüs.
09:33Monsieur Vermorel, bonjour.
09:35Allons-y.
09:36Allez, je vous fais visiter la structure.
09:39Tout ça, ça vient uniquement de 150 kilomètres à la ronde.
09:42Tout ça, ça vient de 150 kilomètres à la ronde, donc on a peut-être quand même
09:45une réflexion à avoir sur ce textile-là, tout ce textile-là, est-ce qu'il a besoin
09:50d'en rentrer autant sur le territoire, est-ce qu'on a besoin d'en consommer autant,
09:53d'en trier autant.
09:55Et après, ce sont des vêtements de la phase française, c'est-à-dire qu'il y a des
09:58vêtements de la phase française, c'est-à-dire qu'il y a des vêtements de la phase française
10:01qui ne sont pas des vêtements de la phase française, c'est-à-dire qu'il y a des vêtements
10:05Et après, ce sont des vêtements de la phase fashion type chine, etc., il n'y a quasiment
10:10zéro réemploi en France.
10:11Alors, il n'y a pas de réemploi parce qu'on est quand même sur du vêtement qui perd
10:15vite sa forme, des textiles qui ne tiennent pas longtemps.
10:22Seuls 40% des vêtements triés ici pourront être portés de nouveau.
10:26La majorité finira au mieux en usine de recyclage.
10:31Voilà, clairement, un vêtement de mauvaise qualité, voilà ce qu'il devient au bout
10:34de quelques lavages, c'est-à-dire qu'il est acheté et il va boulocher, il va déteindre
10:40une fois qu'il aura quelques lavages.
10:42Et in fine, il a été porté 3-4 fois, 5 si tout va bien, et puis on ne le fera plus
10:50porter parce qu'il n'est plus en état et il finira sur du recyclage.
10:54Il leur a coûté de la matière première, il leur a coûté de l'eau à la fabrication,
10:58sans doute un peu de sueur, et puis on ne pourra plus rien en faire.
11:03C'est marqué « Authentic wear ».
11:05C'est ce qu'on a de plus en plus sur des vêtements dont les fibres sont courtes,
11:08dont la matière première n'est pas stable.
11:13Donc on sait que sa durée de vie est très limitée.
11:16C'est marqué « Vêtements durables ».
11:19Mais tous ces vêtements bon marché ne viennent pas uniquement de la fast fashion chinoise.
11:24Beaucoup viennent de grandes enseignes comme Zara, Primark, H&M ou Kiabi.
11:29Ces marques-là, qui sont parfois qualifiées de fast fashion,
11:32mais disposent de boutiques physiques,
11:34passent entre les gouttes de la proposition de loi votée à l'Assemblée.
11:38Un choix que le député assume.
11:41Moi ce que je souhaite, et dans le combat qu'on porte à l'Assemblée,
11:44c'est qu'on cible les pires, qui représentent beaucoup.
11:47Chine, c'est déjà 12% des ventes en ligne, et c'est 100% du taux de croissance.
11:51Si on ne fait rien dans les trois prochaines années,
11:53dans trois ans, ils ont 50% de départ de marché sur la vente en ligne de vêtements.
11:56Donc c'est vraiment eux qu'il faut cibler maintenant, tout de suite, sans tarder.
11:59Et ensuite, que cette proposition de loi, elle incite les autres à changer aussi de comportement.
12:06La proposition de loi sur la fast fashion a été votée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée.
12:14Elle doit maintenant poursuivre son chemin législatif et être étudiée au Sénat.
12:21Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org