• il y a 6 mois
Claire Touzard, autrice du livre « Sans alcool », réagit aux propos de Léa Salamé sur le plateau de « Quelle Epoque ». Le 27 avril, la journaliste avait reproché à l'humoriste Artus d'être « devenu chiant » parce qu'il avait décidé d'arrêter de consommer de l'alcool et du tabac. Sa remarque avait suscité l'indignation de celles et ceux qui ont décidé de devenir sobres ou qui l'ont toujours été, et qui subissent les injonctions à boire en société. 

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Transcription
00:00 J'ai arrêté de boire, j'ai arrêté de fumer.
00:01 Ah vous êtes devenu chiant.
00:02 C'est marrant parce que dès qu'on dit qu'on arrête de boire, on devient chiant.
00:06 Alors que putain c'est bien de ne pas boire de l'alcool forcément.
00:09 Oh là là dis donc !
00:11 Mais quoi ? Je vous emmerde ?
00:13 Quand je vois cette vidéo, ce qui me vient à l'esprit c'est qu'en 2024,
00:19 ça m'étonne qu'on en soit encore là.
00:20 Qu'on émette à quelqu'un qui a fait ce choix-là d'arrêter de boire
00:24 que ce n'est pas drôle en fait.
00:26 Alors qu'on voit bien que cette personne, Artus, a envie de dire qu'il va mieux, etc.
00:31 Et cette petite moquerie, elle lit beaucoup je trouve.
00:34 Alors qu'il n'y a rien à juger, il n'y a rien à justifier en fait.
00:37 Je trouve ça hyper dommage.
00:39 Ces réactions qu'on voit sur le plateau, elles sont assez gênantes.
00:43 Mais en fait, moi ce qui me choque surtout,
00:45 c'est qu'on nie complètement une éventuelle souffrance.
00:48 C'est pour ça que j'ai été assez choquée par cette séquence sur le service public.
00:51 Parce que j'ai l'impression que les mentalités ont beaucoup évolué.
00:54 C'est vrai qu'on ne sait pas vraiment quoi répondre à ça.
00:56 Parce que c'est tellement stupide en fait.
00:59 Ça n'a aucun fond.
01:00 Ça véhicule des clichés, des carcans sur une francité qu'on essaye de nous imposer.
01:05 Beaucoup de gens, il faut le dire, arrêtent de boire parce qu'ils en souffrent.
01:08 L'alcool, ça peut être de la douleur, ça peut être des parents qui sont violents et qui boivent.
01:13 Ça peut être vous-même qui vous détruisez.
01:15 En fait, l'alcool n'est pas justement que amusant pour beaucoup de personnes.
01:19 Quand même, quand on sait que l'alcool est présent sur un féminicide, sur deux.
01:22 Quand on sait que l'alcool accélère les violences conjugales, les violences envers les enfants.
01:26 Je pense que c'est un vrai sujet de société.
01:28 Ce n'est pas qu'une tendance du sans-alcool.
01:31 Moi, je n'ai jamais interdit quiconque de boire.
01:34 Et tout le monde est libre de boire.
01:35 Et c'est super si les gens arrivent à boire et s'amuser, etc.
01:39 En fait, ce n'est pas la question, ce n'est pas le sujet.
01:41 La question est comment on fait pour vivre ensemble, avec des gens qui s'amusent en buvant,
01:46 d'autres qui s'amusent sans boire ou qui essayent en tout cas d'arrêter de boire pour plusieurs raisons.
01:50 Et juste apprendre à se solérer les uns les autres.
01:52 Ce qui est choquant dans cette séquence,
01:55 c'est qu'à aucun moment, Léa Salamé se dit que peut-être la personne qu'elle a en face d'elle,
02:00 ce qu'elle essaye d'imposer, la fait souffrir.
02:02 Réduire ce combat à une sorte de, comment dirais-je, d'esprit rabat-joie,
02:08 c'est vraiment nier la souffrance de beaucoup de personnes.
02:11 Aujourd'hui, on essaye d'ostraciser les sobres.
02:15 Et aussi, on n'en a pas parlé, mais on peut être sobre pour des raisons médicales,
02:18 parce qu'on a des troubles psy, parce que ça fait partie de notre culture, de notre religion.
02:23 Et donc, exclure toute une partie de la population parce qu'elle ne boit pas,
02:26 c'est quand même hyper violent.
02:28 Il y a, oui, un sentiment d'exclusion sociale.
02:30 Et je pense que cette exclusion, elle s'arrête quand on arrête de mettre des clichés faux derrière la sobriété,
02:38 quand on arrête justement d'exclure les gens et de leur faire des petites remarques qui paraissent rien,
02:43 mais en fait, qui sont hyper excluantes et stigmatisantes.
02:48 Si j'avais dit que j'arrêtais la coke, tout le monde aurait dit "putain, bravo".
02:51 La drogue et l'alcool, c'est très différent dans le sens où l'alcool, ça fait partie d'un patrimoine français.
02:57 Ça fait partie du terroir et ça fait partie de notre économie aussi.
03:00 Là où la drogue, c'est illégal,
03:02 donc tout d'un coup, il y a aussi une espèce de vision encore plus sulfureuse des choses, etc.
03:08 et que c'est très mal vu.
03:10 Donc encore une fois, je pense que l'alcool, ça fait participer aux choses
03:15 qui maintiennent une sorte de mythe un peu, je dirais, réactionnaire et masculin aussi,
03:20 masculiniste, enfin viriliste en tout cas, de la France.
03:23 Et c'est pour ça que, comme dans beaucoup d'autres secteurs, on peine à le déconstruire.
03:26 Mais qu'on y arrive, je crois, de plus en plus, tous ensemble,
03:29 et que c'est pour ça que c'est dommage que ce genre de séquences arrive sur le débat public.
03:35 Rire d'une personne qui essaie d'aller mieux,
03:38 je pense que c'est peut-être symboliquement et pour plein de raisons
03:41 quelque chose qu'on peut essayer d'éviter en France.
03:43 ♪ ♪ ♪

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