Agri-Ethique labellise des produits de 4 600 agriculteurs français. "Notre référence, ce sont les charges de l'exploitation", affirme, vendredi, Ludovic Brindejonc le fondateur et directeur général d'Agri-Ethique.
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00:00 - L'invité éco, Sophie Auving
00:04 - Bonjour Ludovic Brindejaun. - Bonjour.
00:07 - Vous êtes fondateur et directeur général d'Agri-Ethic, c'est le label numéro 1 de commerce équitable, mais français.
00:14 Donc pas de café, pas de cacao parmi vos produits estampillés, mais des chips bretonnes, des lentilles de Charente-Maritime, du miel du Jura, vous nous en avez apporté.
00:24 Évidemment de la brioche ou du pain de Vendée parce que c'est votre berceau, mais alors franchement on aurait envie de dire tout de même encore un label.
00:31 Vous parlez d'ailleurs vous-même de jungle, qu'est-ce que vous avez de plus que les autres ?
00:35 - Alors nos particularités d'abord, comme vous l'avez dit, on est sur du commerce équitable 100% origines France.
00:42 Donc le petit logo bleu blanc rouge, vous avez déjà l'apercevoir sur de la brioche, sur du miel, et donc on est né en 2013, ça fait 10 ans.
00:53 - Alors votre concept, ça part de l'agriculteur qui calcule ses coûts de production, vous m'arrêtez si je me trompe.
00:59 A partir de là, tous les acteurs s'engagent sous contrat pendant au moins 3 ans, producteurs, transformateurs, distributeurs.
01:07 En fait les professionnels qui se sont écharpés, on l'a vu il y a quelques mois pendant les négociations commerciales.
01:13 Alors vous, comment vous faites pour qu'ils s'entendent ?
01:16 - C'est très simple, il faut une rencontre en fait. Il faut une rencontre entre tous les acteurs.
01:21 La première étape c'est que les producteurs puissent bâtir leur propre prix, qui sert de base après pour tous les acteurs de la filière.
01:29 - Donc en fait vous inversez le principe des cours mondiaux, c'est l'agriculteur qui fixe les prix de la matière première en fonction de ses coûts de production.
01:37 - Alors exactement, surtout on se déconnecte des cours mondiaux. J'aime bien cette analogie, les cours mondiaux c'est un peu comme le loto en fait.
01:45 On ne peut pas prédire le prix auquel on va être payé sur notre matière première.
01:50 Eh bien à Gretik on se déconnecte de ces cours et on bâtit comme je l'ai dit un prix base, coût de production pour le producteur.
01:57 - Puisqu'on parle de prix d'ailleurs, vous voulez valoriser les labels qui ne prennent pas de marge. J'imagine que c'est votre cas, mais comment est-ce que vous vivez ?
02:06 - Alors c'est vrai qu'on n'est pas un intermédiaire supplémentaire. On n'est pas là pour freiner le développement.
02:12 C'est vrai qu'aujourd'hui notre cotisation est très limitée, mais ça nous permet quand même d'accompagner les producteurs dans la construction du label, dans la construction du modèle.
02:24 - Alors ces contrats qui figent les tarifs pendant trois ans, quand on vit une période d'inflation telle qu'on l'a connue, est-ce que ça fonctionne tout de même ?
02:34 - Oui ça fonctionne parce qu'on a réussi à passer ces trois dernières années, vous le savez au moment de la guerre en Ukraine, les prix ont flambé.
02:40 Les prix ont flambé, les charges aussi des producteurs ont flambé. Et bien on a adapté notre modèle.
02:45 C'est-à-dire qu'on est bien sur un engagement de trois ans, mais avec une révision des prix tous les ans en fonction de l'évolution des charges.
02:52 - Alors on vient de connaître évidemment une crise majeure du monde agricole, reçue d'ailleurs hier par le Président de la République.
02:59 Vous, vous travaillez avec entre 4000 et 5000 agriculteurs. Est-ce que vous avez essayé de proposer votre solution pendant cette période de revendication ?
03:11 - Alors déjà on a été sollicité par les deux rapporteurs de la loi EGalim, donc Alex Izar et Anne-Laure Babaut, qui ont voulu en effet voir comment on avait monté notre modèle.
03:23 Donc en fait AgriEthique ont fait de l'Egalim depuis dix ans.
03:27 - Et alors qu'est-ce qu'on vous a répondu ?
03:30 - Alors en fait notre méthode c'est de faire du sur-mesure. C'est-à-dire qu'on a parlé de prix planchers, on a parlé d'Egalim.
03:36 Nous l'objectif c'est d'accompagner tous les producteurs sur tous les territoires et que ces prix soient bien adaptés à leur production, à leur territoire, à leur exploitation.
03:46 - Vous dites que c'est la bonne formule pour protéger notre souveraineté alimentaire. Vous n'allez pas un peu loin là quand même ?
03:52 - Non, justement l'objectif c'est de... Alors on va à la fois être solidaires de producteurs qui sont en difficulté, mais on va aussi permettre de pérenniser une agriculture qui fonctionne.
04:02 Donc l'objectif c'est bien de pérenniser des productions des matières premières sur notre territoire.
04:08 - Alors vous affirmez que vos produits ne sont pas plus chers que les autres. Eh bien je suis allé voir une enseigne de la grande distribution, bah oui vous souriez, le jambon blanc notamment qui porte votre label.
04:19 C'est le bio des éleveurs. Eh bien oui mais enfin il culmine à quasiment 49 euros le kilo, quand les autres vont de 37-38 euros à 41-43 maximum.
04:29 Le consommateur c'est vraiment votre autre priorité comme vous le dites ?
04:32 - Bien sûr, en fait ça dépend des produits. Ce qu'il faut savoir c'est que... Je reprends le cas de la guerre en Ukraine.
04:38 Le prix du blé a complètement explosé. Et pourtant l'agriculteur a toujours été payé sur la base de ses coûts de production. Ce qui fait qu'on n'a pas subi cette fluctuation importante des prix.
04:50 Donc on a protégé aussi le pouvoir d'achat du consommateur.
04:53 - Par quel mécanisme ? Alors expliquez-le un petit peu mieux.
04:55 - Le mécanisme c'est très simple, c'est que le prix est construit par les producteurs et validé par les producteurs sur la base de leurs coûts de production.
05:03 Mais en aucun cas notre référence c'est le marché. Je parlais de la loterie tout à l'heure.
05:08 Cette loterie c'est pas notre référence. Nous notre référence c'est les charges de l'exploitation.
05:13 - Donc les agriculteurs acceptent aussi de gagner un peu moins lorsqu'ils pourraient gagner plus ?
05:17 - Exactement. C'est-à-dire que dans le cas où le prix du marché est trop bas, lui il va toujours être payé sur la base de ses coûts de production et d'une marge pour qu'il puisse vivre de son métier.
05:28 Et quand le prix du marché est trop haut, il est toujours sur la base de ce prix. Donc on vient protéger le consommateur.
05:35 - Alors AgriEthic labellise du bio, mais tout autant que des produits issus de l'agriculture conventionnelle, l'environnement là aussi c'est un peu moins votre priorité ?
05:43 - Non, c'est un enjeu. C'est un enjeu. Mais pour parler d'environnement il faut d'abord parler du prix.
05:48 Si on reste sur des prix rémunérateurs pour le producteur, sur des engagements de 3 ans, de 5 ans, voire de 8 ans, on va pouvoir l'engager dans cette phase de transition agroécologique.
06:00 - A la fin de l'année votre système de contrôle va être renforcé. Est-ce que vos garanties, on est toujours sur l'idée de cette jungle des labels, est-ce que vos garanties produits issus du commerce équitable n'étaient finalement pas assez fiables ?
06:14 - Ce n'est pas l'objet en fait. L'intérêt de consolider notre modèle c'est d'apporter toute l'indépendance du contrôle. C'est-à-dire qu'AgriEthic est là pour accompagner les producteurs, ensuite c'est un tiers indépendant, un organisme certificateur qui va venir contrôler toutes les parties prenantes, également le producteur, l'industriel ou l'intermédiaire.
06:34 - Oui mais vous le dites, vous vivez de cette manière-là depuis 13 ans, comment vous avez fait ?
06:38 - Pour consolider notre modèle ?
06:40 - Pour contrôler en tous les cas et donner confiance évidemment à l'ensemble des acteurs, notamment les consommateurs.
06:47 - L'objectif en fait c'est qu'on va venir garantir le message de la marque. On va venir garantir les engagements de la marque. C'est tout le rôle du label et c'est ce qui nous distingue justement de la marque. On est complémentaire des marques.
07:01 - En un mot, votre objectif d'ici 2030 c'est un aliment sur deux équitable dans le commerce. Vous y croyez vraiment ?
07:07 - Mon souhait, j'irais encore plus loin, c'est que finalement Agri-Ethic n'existe plus demain et que ce soit la règle d'un prix juste pour tous les producteurs.
07:17 - Ludovic Brindejaun, directeur général d'Agri-Ethic, invité éco de France Info, merci et on vous retrouve évidemment sur franceinfo.fr