Virginie Grimaldi, invitée de Jusqu'ici tout va bien, raconte dans "Plus grand que le ciel" les derniers instants de la vie du père de son héroïne à l'hôpital, on a voulu lui présenter quelqu'un qui aurait été à ses côtés, un infirmier en soins palliatifs qui couche des scènes de sa vie quotidienne sur le papier depuis quelques années.
Ca a commencé sur Instagram pour Xavier qui se fait appeler "L'Homme étoilé" en raison de son métier si particulier, parce que ses patients forment autour de lui une forme de constellation. Du haut de son mètre 93, de ses bras tatoués, Xavier accompagne depuis des années les personnes en fin de vie.
Xavier livre dans une nouvelle bande-dessinée aux éditions du Lombart des échanges tendres et lumineux avec ses patients au caractère bien trempé !
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
Ca a commencé sur Instagram pour Xavier qui se fait appeler "L'Homme étoilé" en raison de son métier si particulier, parce que ses patients forment autour de lui une forme de constellation. Du haut de son mètre 93, de ses bras tatoués, Xavier accompagne depuis des années les personnes en fin de vie.
Xavier livre dans une nouvelle bande-dessinée aux éditions du Lombart des échanges tendres et lumineux avec ses patients au caractère bien trempé !
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00:00 "Bonjour, vous appelez pour un proche décédé, dites décédé. Un proche en fin de vie, dites fin de vie."
00:05 Les soins palliatifs ne hâtent ni ne retardent le décès.
00:08 Ils vont juste faire en sorte que les gens puissent vivre la fin de leur vie de la manière la plus paisible possible.
00:12 Donc en somme, les soins palliatifs c'est un peu comme une grande salle d'attente avant d'aller chez le dentiste
00:17 qu'ils rendraient la plus agréable possible.
00:19 Tout est beau, tout sent bon, il y a des magazines galam et qui datent de cette année, c'est fou !
00:24 Des canapés moelleux, il y a des petits chats qui font du piano...
00:27 Mais genre, c'est pas des petits chats qui jouent Adèle, c'est moins de la queue parce que c'est le seul morceau qu'ils connaissent.
00:32 Non, c'est des petits chats, ils jouent du Chopin, ils ont fait le conservatoire.
00:34 C'est vraiment le nec plus ultra de la salle d'attente.
00:36 Ouais, honnêtement, la métaphore a ses limites.
00:38 La métaphore de Fanny en Béat.
00:40 Peut-être ses limites, mais c'est une compatriote.
00:42 Je crois. Bonjour l'homme étoilé !
00:44 Bonjour, bonjour à toutes.
00:45 En vrai, vous vous appelez Xavier, mais les étoiles, c'est toutes les personnes que vous accompagnez en fin de vie,
00:51 dans votre quotidien d'infirmier en soins palliatifs à Metz.
00:54 Vos passions forment autour de vous une constellation que vous racontez dans votre dernière BD du même nom.
00:59 Vous avez aussi un compte Instagram où vous vous racontez.
01:02 Alors, puisqu'on est à la radio, je vais quand même rajouter que vous faites 1m93,
01:06 que vous êtes un tout petit peu tatoué, on en voit qui dépasse du costume ici et là.
01:10 Vous avez une grosse barbe et que vous amadouez parfois, souvent, vos passions avec de la musique de Jacques Brel à Freddie Mercury,
01:17 en passant par La Fouine.
01:19 L'homme étoilé, c'est d'abord un compte Instagram, non ?
01:22 C'est un compte que vous avez commencé, je crois, parce que vous en aviez marre que les gens vous évitent
01:26 et fassent des têtes de 6 mètres de long, après que vous leur ayez dit qu'elle était votre métier, c'est ça ?
01:31 Oui, c'est ça. C'est qu'en fait, je vivais quotidiennement des rencontres d'une richesse incroyable
01:38 et on ne m'invitait jamais à les raconter.
01:40 Et je le vivais avec une grande frustration parce que je me rends compte que mon travail est toujours entouré de beaucoup de mystères,
01:48 d'obscurités, d'inquiétudes, alors qu'en soins palliatifs, on a un cœur de dire qu'on travaille avec la vie.
01:55 Et c'est ça que j'avais envie de raconter, de partager.
01:57 Et plutôt que les gens évitent de vous regarder une fois que vous avez dit "je suis infirmier en soins palliatifs"
02:01 et qu'ils regardent ailleurs et qu'ils essayent de parler à quelqu'un d'autre dans la soirée ?
02:04 Mais en fait, chaque fois que je dis que je suis infirmier en soins palliatifs, je recueille des réactions de l'ordre de l'apitoiement,
02:10 comme si j'étais puni quelque part.
02:12 Vous ne l'aviez pas choisi aussi ?
02:14 Oui, voilà, c'est ça. Alors que non, au contraire, c'est un métier qui m'anime, que je vis avec beaucoup d'épanouissement et de bonheur.
02:25 J'ai l'impression que la beauté des soins palliatifs, surtout dans un hôpital en souffrance, c'est que par rapport à plein d'autres soignants,
02:31 vous avez le temps de vous occuper des patients, notamment la nuit qui semble être un moment assez privilégié.
02:36 On a cette chance en soins palliatifs d'avoir un rapport au temps privilégié. On nous donne le temps d'offrir une prise en charge qualitative.
02:45 Et effectivement, la nuit, c'est un moment assez particulier parce que c'est souvent le moment où les angoisses remontent.
02:51 Les familles ont quitté l'hôpital, donc les patients se retrouvent seuls, un peu plus isolés.
02:56 On a un rapport au temps qui est différent parce qu'on organise notre charge de travail différemment.
03:00 On est moins de soignants dans le service et on palpe un petit peu quels sont les besoins en termes de communication, de dialogue, d'échange.
03:08 Et donc oui, on vit beaucoup de moments très touchants et très humains la nuit.
03:14 C'est la nuit qu'on vous raconte par exemple comment on a rencontré son premier amour pendant ses insomnies.
03:18 Je pense à Christine notamment, dont vous racontez l'histoire d'un constellation.
03:21 Virginie Grimaldi, vous-même, vous aviez des préjugés sur les soins palliatifs ?
03:25 Non, j'avais lu la première BD de Roméo et Juliette.
03:28 Je suis très heureuse de le rencontrer en vrai et je suis très émue.
03:32 Parce que vous êtes des personnes qu'on n'oublie pas.
03:35 Parce que vous accompagnez les mourants mais surtout les vivants qui les entourent.
03:40 Je crois que vous marquez des vies et donc les préjugés que j'avais étaient plutôt positifs.
03:46 Et alors, il y a de tout. Malheureusement, il y a un manque de moyens qui met à mal cette profession.
03:53 Mais c'est des gens qu'on n'oublie pas.
03:58 D'ailleurs, ils sont remerciés. On voit dans votre BD que les familles sont vraiment reconnaissantes de votre présence.
04:03 Ce que vous racontez, c'est des histoires de gens que vous accompagnez jusqu'au bout.
04:06 Des histoires qui sont très émouvantes, parfois un peu rigolotes.
04:09 Comme quand vous faites du tam-tam sur le ventre d'un patient.
04:11 C'est vraiment mon moment préféré que je n'avais pas vu venir.
04:14 Comment est-ce que vous entamez la relation ?
04:16 Notamment, j'imagine, quand le patient n'est pas super réceptif, il n'a pas très envie qu'on vienne l'aider.
04:22 Mon boulot se situe dans l'accueil et la proposition.
04:27 Je ne suis pas là pour imposer quelque chose.
04:29 J'aime bien envisager mon travail à la manière d'un enquêteur.
04:32 J'essaie de comprendre qui est en face de moi, qui je soigne.
04:35 Je prends toujours les gens à moment T de leur existence.
04:38 Je ne sais pas qui ils ont été avant.
04:40 J'essaie de comprendre qui je soigne pour tenter de trouver le chemin,
04:45 pour trouver quel corps de faire vibrer, pour tenter d'amener un peu de vie dans cette chambre.
04:51 Il y a effectivement des patients avec lesquels on ne noue pas de lien,
04:55 avec lesquels il ne se passe rien.
04:57 Et c'est ok en fait.
04:59 Oui, ce n'est pas des cons.
05:00 Non, non, tout à fait.
05:01 Et puis parfois le lien va se nouer avec une de mes collègues plutôt qu'avec moi.
05:05 C'est tout un équilibre qui me va très bien comme ça.
05:08 Parfois, quand vous ressentez de l'utilité,
05:11 quand vous, par exemple, vous n'aimez pas un patient,
05:13 vous vous posez la question de pourquoi et de comment contourner cette difficulté ?
05:16 Bien sûr. Alors moi, j'adore les patients qui sont hostiles.
05:19 Parce que moi, j'aime envisager mon métier comme un défi permanent.
05:23 Et j'adore les râleurs, les colériques.
05:25 Parce que je pense que justement, il y a quelque chose à...
05:28 C'est vrai ?
05:29 Ce dernier mot, ça a été "Allez vous faire foutre".
05:31 J'aurais adoré ton père.
05:33 Mais je pense qu'il y a quelque chose à gratter.
05:35 On peut se contenter d'apprécier les émotions que les personnes expriment au premier degré,
05:41 de manière assez superficielle.
05:42 Mais quand on gratte, on se rend compte qu'elles expriment toujours autre chose.
05:45 Et c'est un défi au quotidien. J'adore ça.
05:48 Alors moi, j'ai entendu dire que les soins palliatifs,
05:50 ce n'était pas forcément la dernière étape avant de dire "Ciao, bye bye".
05:53 Et qu'on pouvait être en soins palliatifs et en sortir.
05:55 Vous faites des miracles, en fait, c'est ça ?
05:57 Vous avez une barbe, des cheveux longs, vous êtes grand, charismatique.
06:01 Vous êtes un petit peu le prochain messie ?
06:03 Non, du tout. Mais en fait, un volet assez méconnu des soins palliatifs,
06:07 et c'est dommage, c'est ce qu'on appelle les soins de support.
06:10 Ce sont tous les soins qui vont être prodigués à des personnes qui sont en situation curative.
06:16 Donc qui sont, par exemple, atteintes d'un cancer, qui suivent de la chimiothérapie.
06:20 Et l'adjectif "palliatif", en fait, ce n'est vraiment pas lié à tout ce qui peut être source d'inconfort
06:25 et de souffrance liée à la maladie ou au traitement de la maladie.
06:29 Donc il y a des personnes qui sont en situation curative,
06:31 qu'on va suivre parfois pendant plusieurs semaines, mois ou années,
06:34 et qui risquent aussi d'arriver dans notre service dans des conditions de fin de vie.
06:41 Mais donc, on a des patients qui sont amenés à faire plusieurs séjours dans notre service
06:46 pour équilibrer leur traitement et rentrer chez eux ensuite.
06:50 Vous accompagnez des gens en fin de vie, vous êtes là pour eux quand parfois personne d'autre n'est là.
06:53 Est-ce qu'eux, ils vous apprennent des trucs ? Est-ce que vous parlez bien suédois, par exemple, aujourd'hui ?
06:57 Non, j'aimerais beaucoup, mais vraiment que des rudiments.
07:01 "Hej då", je veux aussi dire "je t'aime", en suédois c'est ce qu'il y a de plus beau.
07:04 "Hej då", c'est une patiente qui s'était promis de vous apprendre le suédois.
07:08 On peut le faire en Lara Fabian, "Hej då".
07:11 Je ne sais pas parler la suite.
07:15 Oui, bien sûr, parce que j'apprends beaucoup au contact de mes patients.
07:23 Je me plais à penser que mes patients me font grandir en tant que soignant, mais aussi en tant qu'homme.
07:27 C'est des rencontres humaines dans lesquelles je m'investis à 200%.
07:31 J'ai à cœur aussi d'apprendre de ces personnes qui vivent des moments si compliqués et si fragiles de l'existence.
07:39 Est-ce que vous pensez que la solidarité dans vos équipes de soignants est un peu différente qu'ailleurs ?
07:43 Je ne dis pas que c'est mieux qu'ailleurs, mais je me dis qu'on n'atterrit pas par hasard dans ce genre de service.
07:47 Je n'ai pas travaillé qu'en soins palliatifs, mais j'ai travaillé en oncologie, notamment, beaucoup.
07:55 On était aussi très solidaires au sein de notre équipe.
07:58 Les enjeux sont différents.
08:00 Je pense que l'important, c'est vraiment d'avoir un langage commun, un langage d'équipe, d'avancer tous dans le même sens.
08:07 Mais oui, effectivement, la solidarité, c'est un truc qui est super important au sein d'une équipe, surtout dans des prises en charge, c'est complexe.
08:15 Virginie Grimaldi, Xavier, vous cherchez tous les deux la lumière chez les gens dans votre travail, dans vos personnages.
08:21 Vous n'êtes jamais un peu plus sombre sur l'espèce humaine, l'un comme l'autre. Comment vous surmontez dans ces cas-là ?
08:27 Je te laisse répondre.
08:29 Si, moi souvent.
08:31 Ça se voit un peu dans votre dernier livre.
08:33 Oui, mais plus je vieillis, plus ma naïveté s'évapore.
08:39 C'est la raison pour laquelle j'aime beaucoup les jeunes, parce qu'ils ont cette insouciance, cette confiance en l'autre qui s'effrite un petit peu, je trouve.
08:51 Mais bon, il y a des moyens de la retrouver.
08:53 Il faut côtoyer les bonnes personnes.
08:55 Et je crois qu'il y a quand même du bon dans pas mal de personnes.
08:59 Xavier ?
09:00 Moi, je le retrouve étrangement à l'hôpital, ce bon-là.
09:03 Je me rends compte qu'au quotidien, j'ai le sentiment qu'on s'habille tous d'une espèce de pellicule de superficialité.
09:11 Et c'est ce que j'aime dans mon métier, c'est que j'ai vraiment le sentiment qu'on va au cœur de ce que sont les gens.
09:15 Et quand on va au cœur de ce que sont les gens, on se rend compte qu'on est tous habités et animés par la même chose.
09:21 L'envie d'être heureux, de diffuser de l'amour et du bonheur.
09:25 Et quelque part, c'est à travers les patients que je soigne que je retrouve une certaine forme de foi.
09:29 Ils sont vulnérables et ils sont vrais.
09:33 Et que vous portez des crocs, c'est ça aussi ? C'est une certaine vulnérabilité ?
09:36 Il ne faut pas faire ça.
09:39 Vous hochez beaucoup la tête, Virginie, en tout cas.
09:41 Aux crocs, oui.
09:43 Est-ce que dit Xavier de manière...
09:45 Oui, je suis complètement en phase avec son discours.
09:48 Et c'est vrai que dans les périodes de souffrance, de vulnérabilité, c'est là que les personnes se révèlent vraiment.
09:54 Et ce qu'on est profondément, c'est-à-dire qu'on est tous à peu près les mêmes, tous foutus pareils, c'est là que ça se révèle le plus.
10:02 On veut tous la même chose, surtout.
10:04 L'amour, de l'amour et du chocolat.
10:06 Oui, c'est devenu galvaudé, mais oui, de l'amour et du chocolat, exactement.
10:11 Xavier, c'est quoi le dosage parfait de vodka dans une dame blanche ?
10:14 C'est ni fait ni à faire.
10:17 C'était un patient qui rêvait d'une dame blanche.
10:22 Et quand on a pu lui offrir cette fameuse dame blanche, il nous a dit qu'elle était géniale, mais qu'elle manquait de vodka.
10:28 Et ça a été tout un challenge dans notre équipe de trouver la juste dose de vodka pour satisfaire ses papys.
10:33 Mais il ne faut pas faire ça.
10:35 Dans l'époque, c'est à bannir.
10:38 Vous le savez parce que vous avez finalement goûté un jour vous-même et ce n'était pas d'un goût.
10:42 Merci beaucoup, l'homme étoilé.
10:43 Votre nouvelle BD s'appelle "Constellation".
10:45 Elle fait pleurer, évidemment, je ne vais pas vous mentir, mais elle fait bien pleurer.
10:49 On est content d'avoir pleuré.
10:50 Et on va la faire gagner sur l'Instagram de l'émission.
10:52 Suivez-nous, on vous la fait gagner.
10:54 Dédicacé.
10:55 C'est aux éditions du Lombard.
10:57 *musique*