Chine-Russie le double jeu de Xi Jinping agace les occidentaux - Reportage #cdanslair du 06.05.24

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00:00 Grand sourire et poignée de main chaleureuse, Vladimir Poutine l'appelle son grand ami et Xi Jinping le lui rend bien.
00:09 Les présidents chinois et russes s'apprécient, c'est en tout cas le message qu'ils aiment faire passer et les compliments fusent.
00:17 Ces dernières années, la Chine a fait un énorme bond en avant dans son développement.
00:23 Partout dans le monde, cela suscite un réel intérêt et on vous en vit même un peu.
00:30 Grâce à votre gestion solide, la Russie a réalisé ces dernières années des progrès significatifs vers le succès et la prospérité du pays.
00:40 Une rencontre en mars 2023
00:47 Suivi d'une autre, en octobre, fin mai, c'est encore en Chine que se rendra le président russe, un pays qui n'a jamais condamné directement Moscou pour l'invasion de l'Ukraine.
01:04 La question de l'Ukraine s'inscrit dans un contexte historique complexe.
01:08 La Chine adopte une position juste et objective sur cette question et nous nous sommes engagés à promouvoir les pourparlers de paix.
01:16 Pourquoi se fâcher quand on peut commercer ?
01:21 En deux ans, les exportations de la Chine vers la Russie ont bondi de 64%.
01:27 Les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 240 milliards de dollars en 2023, soit plus du double de 2018.
01:36 Des chiffres qui indignent les Occidentaux.
01:40 La Chine affirme vouloir de bonnes relations avec l'Occident.
01:46 Dans le même temps, Pékin continue d'alimenter le plus grand conflit armé en Europe depuis la seconde guerre mondiale.
01:54 Ils ne peuvent pas gagner sur deux tableaux.
01:58 Les États-Unis accusent directement les entreprises chinoises de fournir à Moscou des composants électroniques nécessaires à la production de missiles, de chars et d'avions, ou encore des drones.
02:11 Pékin dit rester neutre. Washington et Bruxelles l'accusent au contraire de soutenir la Russie.
02:17 Le président Poutine utilise ses armes pour envahir un pays souverain, démolir son réseau électrique, tuer des femmes, des enfants et des hommes innocents.
02:25 Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour limiter les livraisons à la Russie qui finissent sur le champ de bataille.
02:33 Partenariats économiques et parfois même militaires, avec des exercices navals communs comme en août dernier dans le Pacifique.
02:42 Mais en coulisses, selon le Financial Times, Xi Jinping a bien fixé une ligne rouge.
02:49 En juillet dernier, il aurait mis personnellement en garde Vladimir Poutine sur le recours aux armes nucléaires en Ukraine.
02:56 Nous devons respecter strictement notre engagement solennel de ne pas utiliser d'armes nucléaires et de ne pas recourir à la guerre nucléaire.
03:08 Ce matin, la Russie brandit pourtant la menace nucléaire sous la forme d'exercices à la frontière ukrainienne.
03:15 Simple réponse aux hypothèses occidentales d'envoi de troupes, justifie le Kremlin.
03:21 Il s'agit d'un tout nouveau niveau d'escalade. C'est sans précédent et bien sûr, cela nécessite des mesures et une attention spéciale.
03:30 Et c'est encore vers la Chine que se tourne aujourd'hui la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour espérer tempérer les menaces nucléaires russes.
03:43 Juste un mot rapide avec vous Bruno Tertrais sur les exercices militaires organisés à la frontière de l'Ukraine qui concernent la force nucléaire russe.
03:53 Ce n'est pas à la frontière de l'Ukraine. C'est où ?
03:55 C'est dans le théâtre sud, donc justement, pas à la frontière.
03:58 Les Russes veulent très clairement envoyer une sorte de message parce que c'est très rare qu'ils fassent ce type d'exercice où ils disent explicitement
04:05 "Nous allons nous entraîner au service des armes non stratégiques, c'est-à-dire des armes à moyenne portée".
04:13 C'est très rare que les Russes le savent, mais j'allais dire que l'OTAN le fait aussi parfois et l'annonce.
04:18 Et surtout, les Russes ont pris bien soin de ne pas faire ça justement aux frontières de l'Ukraine.
04:22 Donc c'est un signal nucléaire très clair, mais ce n'est pas non plus quelque chose de particulièrement inquiétant.
04:27 C'est une réponse aux déclarations d'Emmanuel Macron ?
04:29 Non, je ne pense pas que les Russes attachent autant d'importance aux déclarations d'Emmanuel Macron.
04:34 Cette question de Robin dans l'Indre. Pouvons-nous nous entendre avec la Chine pour contrer la Russie en Ukraine ?
04:41 Je pense que c'est un peu naïf de se demander si la Chine peut nous aider.
04:47 Le président de la République a beaucoup parlé d'autonomie stratégique et je pense que dans ce contexte, c'est un petit peu comme ça qu'il faut raisonner.
04:53 Les problèmes des Européens, ce n'est certainement pas la Chine qui, comme ça a été dit dans l'interview tout à l'heure, profite beaucoup de cette guerre
05:00 parce que la Russie devient très dépendante de la Chine, parce que ça complique le calcul stratégique des Américains.
05:06 Ce n'est certainement pas la Chine qui va avoir l'intérêt dominant là-dedans.
05:11 Elle ne peut pas nous aider, entre guillemets, même si ça paraît naïf.
05:15 En tout cas, ça a l'air d'être au cœur quand même des discussions à raisonner d'une certaine manière, Vladimir Poutine, sur ses ambitions en Ukraine.
05:21 Il faut qu'il y ait un intérêt. Sur la question du nucléaire, je pense que c'est un petit peu différent.
05:25 Je pense que les Chinois n'ont pas envie qu'on parle trop de nucléaire parce qu'ils ont peur de la prolifération en Asie.
05:30 Donc, ils n'ont pas envie que les Japonais et les Coréens fassent leur bombe nucléaire. Donc, ils n'ont pas envie qu'on en parle trop.
05:35 Mais en revanche, le fait qu'il y ait une guerre qui occupe surtout les Russes et les rangs indépendants et les Occidentaux, ce n'est pas un problème pour eux.
05:42 D'ailleurs, si on regarde la façon dont ils ont communiqué sur les idées de paix en Ukraine, ce que je trouve très intéressant,
05:48 c'est qu'ils ont commencé à en parler de façon très vague quand ils pensaient que l'Ukraine allait prendre le dessus.
05:54 C'est-à-dire qu'au début de 2023, quand on parlait de contre-offensive ukrainienne, ils ont dit "voilà nos principes de paix".
05:59 Et puis, à la fin de l'année 2023, quand ils ont vu que l'offensive ukrainienne avait échoué et qu'on attendait les subsides américains qui n'arrivaient pas,
06:06 là, ils ont nommé un nouveau ministre de la Défense qui est revenu sur ce langage en disant "on va intensifier la coopération militaire avec nos grands amis russes".
06:14 Ça veut dire qu'en réalité, je pense qu'à la limite, ce qui pourrait les faire vraiment intervenir, ce serait sauver la mise aux Russes pour pas que les Russes soient trop affaiblis.
06:22 Et dans l'absolu, ils ont pas un intérêt évident à nous aider là-dedans.
06:26 Et je pense que c'est typiquement un domaine dans lequel on doit faire preuve d'autonomie stratégique, c'est-à-dire nous défendre ce qu'on a à défendre
06:32 avant de nous demander si des Chinois qui n'ont pas les mêmes intérêts nous règlent le problème à notre tour.
06:36 Elle est difficile à lire la position de la Chine dans cette tribune, dans le Figaro.
06:40 Xi Jinping dit qu'il est attaché à l'intégrité territoriale.
06:44 Bon, très bien, on parle de l'Ukraine, on se dit "ben quand même, c'est bizarre".
06:47 À la non-ingérence, à la coexistence pacifique, tout l'amènerait à condamner ce qu'a fait la Russie vis-à-vis de l'Ukraine, et pourtant il ne l'a pas fait.
06:55 Il n'a pas condamné l'invasion et la guerre en Ukraine.
06:58 Parce que la Chine en permanence joue sur deux tableaux.
07:01 Il y a donc son allié politique et idéologique qui est la Russie.
07:04 Comme vous le disiez, elle n'a pas envie que la Russie perde.
07:07 Elle a aussi intérêt finalement à ce que la guerre s'éternise.
07:10 Elle a tout à gagner parce que d'abord ça affaiblit l'Occident, qui s'appuie dans l'histoire.
07:15 Parce qu'entre temps, elle peut importer du pétrole et des céréales à prix cassé aux Russes.
07:20 Et parce qu'elle teste un petit peu la faiblesse occidentale pour éventuellement intervenir un jour à Taïwan.
07:25 Donc elle a plutôt intérêt à ce statu quo qui s'éternise.
07:29 En revanche, comme on le disait, je ne sais plus si c'était hors antenne ou à l'antenne, elle n'aime pas le désordre.
07:35 Et donc elle veut maintenir ce... il ne faut pas que ça déborde parce que c'est quand même un pays commerçant.
07:41 Quand je disais qu'elle joue sur deux tableaux, elle joue sur son agenda politique et idéologique, mais il y a son agenda économique.
07:47 Elle veut des investissements, elle flatte les investisseurs allemands.
07:52 Quand ils sont arrivés en délégation avec Olaf Scholz récemment, elle les appelait à investir de toutes ses forces.
07:58 Donc elle est vraiment sur ces deux terrains.
08:01 Et c'est là qu'on a une marge de manœuvre extrêmement étroite pour, comme vous dites, essayer d'influencer la Chine.
08:07 Quel est son intérêt véritablement ? Le seul levier que nous avons, c'est que l'Union européenne est le premier marché d'exportation des Chinois.
08:14 Comme vous disiez Bruno aussi, elle a besoin de nous, nous avons aussi besoin d'elle.
08:18 C'est ça qui compense, malheureusement, c'est ce qui nous rend moins...
08:21 Et donc on lui pardonne de livrer des armes à la Russie ?
08:24 On ne lui pardonne pas, on essaiera, parce qu'il y a en plus une conférence de la paix qui est prévue au mois de juin,
08:30 dans le prolongement du G7 à Genève ou en Suisse en tout cas.
08:35 On essaye de faire en sorte que la Chine puisse légèrement appuyer Vladimir Poutine en tant que représentante, elle aussi, de ce sud global.
08:44 Mais la marge de manœuvre est très étroite parce qu'encore une fois, la Chine n'a pas véritablement intérêt à ce que cette guerre s'arrête.

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