Jean-Pierre Foucault n’a jamais su pourquoi ni par qui son père a été assassiné en 1962. Mais aujourd'hui, des éléments de réponse commencent enfin à émerger. Il se confie.
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00:00C'est là que j'ai appris, avec horreur, ce qui vraiment s'était passé.
00:10J'ai 15 ans, c'était le 22 février 1962 et je suis en classe.
00:15Je suis au lycée Marseille-Vert, à l'école,
00:18et le surveillant général, M. Bianchi, vient me dire
00:23« Il y a un problème, il faut que tu rentres chez toi ».
00:27Avant de rentrer chez moi, je voulais savoir pourquoi.
00:29J'ai demandé au censeur, M. Verdier, de téléphoner chez moi, ce qu'il refuse.
00:34Et depuis ce temps-là, je lui en veux.
00:37Je vais chez moi, et là on me dit que mon père a eu un accident de voiture.
00:41En fait, on habitait Marseille.
00:42Il est parti à Alger pour vérifier la comptabilité de sa boîte.
00:45Il avait une succursale à Alger.
00:47Et puis, il y a un monsieur qui vient me chercher,
00:49qui était l'un de ses associés à Marseille,
00:51qui me dit « Ça va, qu'est-ce que tu veux faire plus tard ? ».
00:53Je dis « Oh non, ça ne sent pas très bon ce type de question ».
00:57Le lendemain matin, ma mère prend l'avion, part pour Alger,
01:01pour aller chercher mon père, que j'imaginais revenir.
01:04Et je regardais toujours en bas du jardin, on avait un jardin en espalier.
01:08Je m'attendais à ce que la porte s'ouvre et de le voir arriver avec des béquilles,
01:10parce que je ne sais pas pourquoi.
01:11Un accident de voiture, on doit se casser une jambe, etc.
01:14Hélas, ma tante est arrivée de Paris.
01:17Là, j'ai compris que c'était sérieux.
01:18J'ai compris qu'il était mort.
01:20Je n'ai pas su tout de suite pourquoi il était mort et comment il était mort.
01:24Je l'ai su quelques heures après.
01:27En fait, il s'est fait descendre dans la rue.
01:29On ne sait pas par qui et on ne sait pas pourquoi.
01:32Historiquement, c'était en février 1962.
01:35Et l'indépendance de l'Algérie, c'était au mois de mars 1962.
01:40Et tout le monde tirait sur tout le monde.
01:42Et j'ai connu les circonstances de sa mort il y a quelques semaines à peine.
01:48C'est curieux.
01:49Un jour, chez des amis, dans l'Hérault,
01:51il y avait une femme politique originaire de l'Hérault
01:54qui est secrétaire d'État aux anciens combattants.
01:57Elle me dit, si tu veux, je peux essayer de retrouver les archives.
01:59Elle a retrouvé les archives.
02:01Elle a même retrouvé la main courante de la voiture de police secours
02:05qui est arrivée sur les lieux peu après l'assassinat de mon père.
02:08C'est là que j'ai appris avec horreur ce qui vraiment s'était passé.
02:14J'ai appris qu'il avait reçu deux balles,
02:17une dans la nuque, une dans le dos.
02:20J'ai appris qu'une voiture conduite par un nord-africain,
02:26immatriculée tel numéro, 9A, était partie en trombe.
02:31Je sais que c'est quelqu'un qui est venu sciemment pour le tuer
02:36et qui est parti en trombe.
02:38Donc je ne sais pas pourquoi.
02:39Mais j'imagine, j'imagine, il ne faisait pas partie de l'OAS.
02:45Il n'était ni militant ni d'un côté ni de l'autre.
02:48Mais quand ma mère m'a dit qu'il était parti pour vérifier la comptabilité,
02:51je suppose que son associé sur place avait dû peut-être un peu piquer dans la caisse.
02:56Et comme à l'époque, pour un billet, on pouvait faire descendre qui on voulait.
03:00Voilà, il a acheté sa tranquillité comme ça.
03:02Je suppose, j'en sais rien.
03:04De toute façon, c'est trop tard et ça ne me fera pas revenir.
03:07C'est une page importante de ma vie, une page que j'ai tournée.
03:12Et ce jour-là, d'un coup d'un seul, je suis devenu, malgré mes 15 ans, adulte.