• il y a 5 mois
Clément Méric reçoit Caroline Fiat, députée "La France Insoumise" de Meurthe-et-Moselle sur le projet de loi "fin de vie".

Le débat sur la fin de vie dépasse les clivages politiques traditionnels car il concerne à la fois l'intime et l'universel, l'individu et la civilisation. Alors, quand la politique se penche sur des notions aussi fondamentales que la vie et la mort, la souffrance et la dignité, comment faire la loi ? Faut-il autoriser l'aide à mourir ?
A l'occasion de l'examen de la loi sur l'aide à mourir qui s'ouvre à l'Assemblée nationale le 27 mai prochain, La politique et moi donne la parole dans 10 émissions spéciales, présentées par Clément Méric et Thibault Hénocque, à 10 députés qui ont décidé de défendre leurs convictions sur ce sujet.

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Transcription
00:00 C'est un débat qui dépasse les clivages politiques traditionnels.
00:03 Il concerne à la fois l'intime et l'universel,
00:06 l'individu et la civilisation.
00:08 Faut-il autoriser l'aide à mourir ?
00:10 Dans le cadre du projet de loi sur la fin de vie,
00:13 nous recevons les députés qui ont décidé de monter en première ligne
00:17 sur ce sujet dans le débat parlementaire.
00:19 La députée La France insoumise, Caroline Fiat,
00:22 qui est également co-rapporteur de ce projet de loi.
00:25 Musique de tension
00:29 ...
00:37 -Bonjour, Caroline Fiat. -Bonjour.
00:40 -Vous vous battez pour légaliser l'aide à mourir
00:42 depuis le début de votre premier mandat.
00:44 Vous avez été élue à l'Assemblée en 2017.
00:47 Dès 2018, vous avez défendu une proposition de loi
00:49 relative à l'euthanasie et au suicide assisté.
00:52 Pourquoi ce sujet vous tient tant à coeur ?
00:54 -Ma profession, je pense, aide-soignante,
00:58 m'a fait avoir un parcours
01:01 avec mes patients ou des résidents
01:04 qui, sur l'accompagnement à la mort,
01:09 m'ont fait réagir sur le fait qu'il manquait quand même une loi,
01:13 que la loi Claes-Leonetti ne suffisait pas.
01:16 -C'est cette loi qui a introduit le dispositif
01:19 de sédation profonde et continue.
01:22 -Mais qui ne répondait pas à toutes les demandes
01:24 qui ne sont pas si nombreuses que ça,
01:27 mais qui, parfois, peuvent arriver.
01:29 Et quand on est arrivés en 2017,
01:32 il y a eu un petit buzz sur moi, la première aide-soignante
01:35 jamais élue, et c'est mon président de groupe,
01:38 Jean-Luc Mélenchon, qui m'avait dit qu'on allait avoir
01:41 notre première niche. -La niche parlementaire.
01:43 C'est-à-dire les textes que vous pouvez,
01:46 vous, en tant que députée insoumise,
01:48 présenter dans l'hémicycle.
01:50 -Oui, c'était notre première journée spéciale
01:54 "La France insoumise".
01:55 Il avait à coeur que je porte un texte.
01:58 Il m'a dit "T'aimerais parler sur quoi ? Sur l'hôpital ?"
02:01 Et je lui ai dit "Il a d'un bon rire,
02:03 "je trouve que c'est un beau sujet".
02:05 Et c'est là qu'il m'a raconté que dès 99,
02:08 quand il était sénateur, il n'avait qu'aussi signé une loi,
02:11 donc forcément, il m'a fait confiance.
02:13 J'en serais pas là aujourd'hui s'il m'avait pas fait confiance
02:17 sur le sujet à l'époque.
02:18 -C'est une belle histoire.
02:20 -Ca vous a aidée à vous lancer dans votre mandat parlementaire,
02:24 en vous investissant sur ce sujet précis ?
02:26 -Il faut vraiment se rappeler que quand je suis arrivée,
02:29 l'accueil, on m'a pas super accueillie,
02:32 il y avait beaucoup de mépris.
02:33 Et le jour où j'ai rendu ma proposition de loi,
02:38 où je l'ai écrite, où je me suis sentie utile
02:41 et surtout légitime, j'ai commencé à me sentir légitime,
02:45 et aujourd'hui, finir co-rapporteur
02:47 sur un projet de loi, c'est...
02:51 -C'est une reconnaissance du travail.
02:53 -Oui.
02:54 -Vous évoquez ce passé d'être soignante
02:57 pendant une dizaine d'années, c'était en EHPAD.
03:00 Vous avez été confrontée à des situations concrètes
03:03 où vous ne pouviez pas répondre aux demandes,
03:06 aux attentes des patients confrontés à leur fin de vie.
03:09 -J'ai pas fait que de l'EHPAD.
03:11 Ce que je veux bien préciser, c'est que c'est pas en EHPAD
03:14 où on est le plus confronté.
03:16 J'ai mis plus souvent, ce que je répète,
03:19 plus souvent des soins de confort en EHPAD,
03:22 c'est-à-dire pour que la personne parte tranquillement,
03:26 que des soins palliatifs.
03:28 C'est plus en hospitalier, donc avec des patients,
03:31 où ça a pu m'arriver.
03:32 Là, on est en pleine difficulté
03:35 où la personne vous supplie de l'aider à partir,
03:39 vous demande un médecin,
03:41 vous dit "oubliez le chariot de soins dans ma chambre
03:44 "avec tous les médicaments, je vais m'en occuper",
03:47 et là, vous ne pouvez pas répondre.
03:49 C'est une détresse, vous vous dites
03:51 que vous n'apportez pas la réponse souhaitée par le patient.
03:54 -Comment vous avez géré ces cas très concrets ?
03:57 -On en discute en équipe pluridisciplinaire,
03:59 on note dans le dossier de soins,
04:01 on en parle aussi avec les proches, avec la famille,
04:05 pour qu'il y ait un petit soutien moral supplémentaire,
04:09 et on propose, si le pronostic vital est engagé à court terme,
04:14 la fameuse loi Claes Leonetti,
04:16 mais qui ne répond pas forcément tout le temps.
04:19 Quand les gens veulent partir tout de suite,
04:22 ils le font, ça m'est arrivé très rarement.
04:24 -On va évoquer ce projet de loi
04:26 et les deux formes d'aide à mourir qu'il prévoit.
04:29 Il y a le principe général, si l'on peut dire,
04:32 qui est d'autoriser une forme d'assistance au suicide,
04:35 dans des conditions strictement définies,
04:37 et puis il y a une exception, le texte autorise l'euthanasie,
04:40 dans le cas où la personne ne peut pas s'inoculer
04:44 de la léthalité du médicament.
04:45 Dans ce cas, elle pourra demander à un proche de le faire,
04:48 ou à un médecin, ou à un infirmier.
04:52 Beaucoup de personnels soignants
04:54 refusent de pratiquer de tels gestes.
04:56 Certains vous l'ont dit quand vous êtes allé sur le terrain
04:59 pour les rencontrer dans le cadre de votre mission d'évaluation
05:03 de la loi Claes Leonetti. On va entendre leurs témoignages.
05:06 -Moi, injecter un produit létal,
05:09 j'aurai mauvaise conscience.
05:12 C'est pas à moi de donner la mort à quelqu'un,
05:15 alors que j'ai signé pour prendre soin de l'autre,
05:18 et pas pour le faire mourir.
05:20 -Le lieu des soins palliatifs,
05:22 en tout cas de l'hospitalisation aux soins palliatifs,
05:25 ne sera pas forcément le lieu... -Entendu.
05:28 -...où ces choses-là devront être pratiquées.
05:31 C'est ce message-là qu'on essaie de vous passer,
05:34 parce que, nous, notre mission n'est pas celle-là,
05:37 en tout cas pour l'instant.
05:38 -Comment l'aide soignante que vous êtes
05:41 réagit à ces paroles de personnels soignants ?
05:43 -Je les entends.
05:45 Ce qu'on entend aussi, c'est que beaucoup de personnes
05:48 souhaitent mourir à domicile,
05:50 et à l'heure actuelle, 70 % des personnes décèdent
05:55 en milieu hospitalier et pas à domicile.
05:58 Donc, ce qu'il faut, c'est évoluer pour permettre
06:01 de pouvoir réussir à respecter le choix du patient
06:05 et de décéder à domicile.
06:07 Je rassure tous les soignants de France
06:10 avec cette fameuse double clause de conscience,
06:15 qui leur permettra de dire "je ne souhaite pas le faire"
06:18 et de permettre à une collègue qui n'a pas de difficulté
06:21 à prendre la place de la soignante
06:24 qui ne souhaite pas faire le geste,
06:26 qui sera quand même très rare,
06:28 parce que l'aide à mourir, c'est...
06:31 -Le principe, c'est l'assistance au suicide,
06:33 c'est le patient lui-même qui fera le geste.
06:36 -C'est le patient lui-même qui fera le geste.
06:39 On parle d'une personne totalement paralysée
06:42 qui ne peut pas faire le geste et qui aura besoin d'une assistance.
06:46 Ce sera des cas très rares.
06:48 -Vous êtes l'une des co-rapporteurs de ce projet de loi
06:51 sur la fin de vie.
06:53 C'est la première fois qu'une députée de la France Insoumise
06:56 occupe une telle fonction sur un texte présenté par le gouvernement.
07:00 Ca fait grincer des dents au sein de la majorité
07:03 ou dans votre groupe parlementaire ?
07:05 -Dans mon groupe parlementaire, c'est une fierté,
07:08 parce qu'ils savent le travail qui a été accompli.
07:11 -Ca a fait débat ?
07:12 C'est aussi une façon de valider un texte du gouvernement.
07:16 -Non, alors, ça ne peut plus faire débat aujourd'hui,
07:20 parce qu'en fait, le débat, c'était l'année dernière,
07:23 quand Agnès Firmin-Lebaudot, alors ministre,
07:26 crée un groupe de travail transpartisan,
07:28 et que je dis à mon groupe,
07:30 "J'ai vraiment envie de me mettre sur ce sujet,
07:33 "j'ai vraiment envie de travailler
07:35 "pour faire qu'un super texte soit écrit.
07:39 "Vous êtes d'accord pour que je travaille
07:42 "dans ce groupe transpartisan ?"
07:44 Une fois qu'ils savent que Caroline s'est mis au boulot,
07:47 il y a des suites.
07:48 -Comment vous expliquez que LFI et Renaissance
07:51 travaillent ensemble sur un tel sujet,
07:53 celui de la fin de vie, de l'aide à mourir ?
07:55 -Bah, tout simplement, parce que c'est un texte éthique,
07:58 mais je tiens à vous rassurer,
08:00 il y a d'autres textes sur lesquels on a travaillé ensemble.
08:04 La constitutionnalisation de l'IVG,
08:07 il y a eu un travail aussi,
08:09 Mathilde Panot a beaucoup travaillé sur ce texte.
08:12 Donc, évidemment, c'est pas...
08:15 -Vous dites "parce que c'est un texte éthique",
08:17 mais ça veut dire que ce n'est pas forcément
08:20 une mesure de gauche ?
08:21 -Ah non. Non, non.
08:23 Non, non. Soyons clairs, c'est...
08:26 -C'est pas politique, pour vous ? -Pour... Alors...
08:29 Ca le devient, parce que forcément,
08:32 à un moment donné, moi, dans notre programme,
08:35 c'est dans notre programme depuis 2012.
08:37 Je vais vous mentir si je vous dis que c'est pas politique,
08:40 sinon on le porterait pas dans notre programme depuis 2012.
08:44 Par contre, c'est pas forcément... Il faut pas tout...
08:47 C'est pas "je suis de gauche, je suis pour,
08:49 "je suis de droite, je suis contre", c'est pas ça.
08:52 Là, vous touchez à l'humain, à l'éthique,
08:55 et chaque personne vote avec sa propre conscience,
08:58 donc tout est permis.
09:00 -Vous avez évoqué la façon dont ce projet de loi a été élaboré,
09:04 il y a eu tout un travail transpartisan,
09:06 et il y a eu le travail de la Convention citoyenne,
09:09 184 citoyens tirés au sort, qui, pendant des semaines,
09:12 ont travaillé sur toutes les questions
09:14 qui ont voté et qui ont remis leurs propositions
09:17 au chef de l'Etat. Ca a été utile, ce travail ?
09:20 -Ah oui. -En quoi ?
09:21 -Alors, très, très utile, parce que la base
09:24 du projet de loi, c'est... On est parti du texte
09:28 de la Convention citoyenne.
09:30 -C'était pas pour rien ? -Ah non, non, non,
09:32 parce qu'on a bien vu les lignes rouges
09:35 qu'ils ne souhaitaient pas qu'ils soient franchies,
09:37 on a vu...
09:39 On a pu discuter avec les conventionnels,
09:43 qui sont aussi têtus et aussi convaincants
09:47 qu'un député, donc ils ont réussi...
09:49 Ils sont vraiment ravis de retrouver
09:52 beaucoup, beaucoup de leurs préconisations
09:55 dans notre projet de loi.
09:56 -Le débat sur ce projet de loi porte aussi
09:59 sur les mots. Dans votre proposition de loi,
10:01 dans le titre même, il y avait les mots "euthanasie"
10:04 et "assistance au suicide".
10:06 Le projet de loi du gouvernement va légaliser ces deux pratiques-là,
10:10 mais les deux mots sont absents. Vous le regrettez ?
10:13 -Non, parce que là, pour le coup...
10:15 -Vous avez évolué sur cette question ?
10:17 -J'ai beaucoup évolué, et au départ,
10:19 je suis partie en me disant qu'il fallait faire des compromis.
10:23 Il n'y a pas spécialement eu de compromis,
10:25 parce qu'on s'est tous globalement convaincus
10:28 du bien-fonder de tout. On s'est dit qu'il nous faut un terme,
10:32 c'est Agnès Fermin, au bout d'un heure,
10:34 qu'il nous fasse un terme français.
10:36 Je veux que "aide à mourir",
10:38 ça représente un terme français et une loi française.
10:41 -C'est pas une façon de fuir le tabou de la mort,
10:44 alors que vous-même, vous dites qu'il faut lever ce tabou
10:47 en France, qu'il faut parler ouvertement de la mort ?
10:50 -Non, "aide à mourir". Enfin, il y a...
10:53 "Aide à mourir". Donc on va bien mourir
10:55 et on va bien aider à mourir.
10:57 Parce que sinon, vous cliviez sur l'euthanasie
11:01 et pas sur l'ensemble du texte,
11:04 qui est sur l'accompagnement à la mort.
11:06 -Je l'ai évoqué, vous avez été co-rapporteur
11:09 de la mission d'évaluation de la loi Claes Leonetti,
11:12 qui a créé cette sédation profonde et continue.
11:14 Dans ce rapport, vous écrivez que ce dispositif
11:17 répond à la grande majorité des cas
11:19 et qu'il reste très peu appliqué.
11:21 Pourquoi ne pas avoir cherché à mieux développer,
11:24 mieux appliquer ce dispositif, s'il répond à la majorité des cas ?
11:29 -Alors, nous avons cherché, et ça a été entendu.
11:32 Le rapport Chauvin est sorti.
11:34 Il y a un plan décennal en même temps,
11:36 en parallèle de ce projet de loi, qui débute là, en juillet 2024,
11:41 et qui va donner des moyens aux soins palliatifs,
11:45 mais fléchés sur les soins palliatifs.
11:47 C'est quand même quelque chose d'important,
11:50 parce que souvent, avant, on sortait les enveloppes
11:53 sur les soins palliatifs, et c'était pas fléché.
11:55 Les hôpitaux prenaient, et l'hôpital se disait
11:58 qu'il vaut mieux prendre les sous pour guérir
12:01 plutôt que pour aider à mourir. C'était terrible.
12:03 Donc là, c'est bien fléché,
12:05 avec des maisons d'accompagnement prévues.
12:08 Il y a des choses en parallèle, mais pas dans le projet de loi.
12:11 -Ca s'inscrit sur un plan décennal.
12:13 On est dans une situation, aujourd'hui,
12:15 où 50 % des Français n'ont pas accès aux soins palliatifs,
12:19 d'après la Cour des comptes. Cette loi, potentiellement,
12:22 va égaliser l'aide à mourir avant que tout le monde, en France,
12:25 ait accès aux soins palliatifs. C'est pas un problème ?
12:28 -Non, parce que déjà, entre...
12:31 Si il n'y avait qu'à y avoir que quatre lectures,
12:35 ce serait formidable,
12:36 mais à l'Assemblée-Sénat, avec les navettes,
12:39 ça voudra dire que le Sénat et l'Assemblée
12:41 arrivent à se mettre d'accord.
12:43 -C'est un laisse du temps pour développer les soins palliatifs.
12:47 -On est plus parti pour six lectures,
12:49 et que, déjà, sur la première et la deuxième année,
12:52 on a une meilleure ration. Est-ce qu'on est dans une société parfaite ?
12:56 Est-ce qu'on est au pouvoir pour faire tout beaucoup mieux ?
13:00 Mais l'évolution sur les dix ans
13:03 est quand même quelque chose que nous soulignons.
13:05 -Merci, Caroline Fiat, d'être venue dans cette émission.
13:09 -Merci à vous.
13:10 (Générique)
13:13 ---

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