• il y a 7 mois
Enfin la justice agit : des perquisitions ont eu lieu dans plusieurs sites du géant américain Goodyear, mardi. Depuis 10 ans, Sophie Rollet se bat pour faire reconnaître que les défaut de fabrication de leurs pneus ont provoqué l'accident qui a tué son mari. Dix ans d'un long combat. Elle témoigne.

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Transcription
00:00 On me dit "c'est imminent"
00:02 et en fait le terme "imminent" pour la justice et le terme "imminent" pour moi n'a pas la même définition.
00:08 On va dire à l'instant T, ça a été
00:22 enfin, c'est fini.
00:25 C'est fini, c'est
00:28 la justice a enfin acté
00:30 l'ensemble des éléments que j'avais pu lui remettre depuis toutes ces années.
00:37 En fait pendant dix ans, alors c'est difficile à concevoir, mais pendant dix ans, de manière successive,
00:44 j'amenais des éléments à la justice, à travers différentes procédures, on va dire.
00:55 Et en fait à chaque communication, il y avait cet espoir de dire
01:01 il y a des éléments nouveaux qui viennent asseoir, qui viennent étayer ce que j'avais émis comme hypothèse dès 2016,
01:09 à savoir la possible existence d'une série accidentelle de poids lourds au niveau européen et en fonction
01:17 des éclatements de pneumatiques avec ce que j'appelle des références spécifiques.
01:25 Et donc de manière successive, je
01:28 communiquais donc ces éléments et donc à chaque fois vous avez l'espoir de dire, ça y est, aujourd'hui
01:37 il y a de nouveaux éléments, c'est étayé, la justice va enfin prendre en compte
01:43 ces éléments, les lire et acter. Et on me promettait toujours
01:50 de faire en sorte que des actes arrivent, tant au niveau de la justice qu'au niveau étatique,
01:57 différentes instances de l'État mais aussi corporatifs. Maintenant,
02:03 cette annonce est suggérée au mois de décembre. Décembre à mai,
02:10 c'est extrêmement long, sachant
02:17 qu'on me dit que c'est imminent. Et en fait, le terme imminent pour la justice et le terme imminent pour moi n'a pas la même définition.
02:25 Ce qui fait qu'on a toujours des petites remontées d'informations, soit d'un avocat, soit d'un journaliste, de dire,
02:34 ah mais c'est en route, ça va arriver. Donc ça va arriver, pour moi c'est dans deux jours. Donc à chaque fois on met des échéances
02:41 et une fois que l'échéance est passée, en fait on a ce que j'appelle cet ascenseur émotionnel espoir-désespoir,
02:47 qui est là depuis dix ans quasiment.
02:51 En fait, quand vous avez un interlocuteur, vous sentez s'il a de l'intérêt ou non pour votre problématique.
03:07 Si effectivement je vous parle cuisine et que vous êtes mécanique, on n'a aucune chance finalement d'avoir un intérêt pour le sujet qu'on évoque l'un et l'autre.
03:17 Donc là vous avez cette subtilité de sentir qu'il y a un truc qui ne matche pas.
03:24 Et donc à un moment donné, ayant ce sentiment, j'ai toujours la détermination de trouver, on va dire, des chemins de traverse.
03:33 Et à un moment donné, on est en septembre 2022, et j'ai un article de presse qui arrive, qui me met en colère sur ma notion d'injustice,
03:42 où il y a une famille qui dit "non mais ça fait huit semaines qu'on a déposé plate, il ne s'est rien passé", et qui crie au scandale effectivement.
03:49 Et moi je fais le rapport, je dis "ah oui, eux ils ont huit semaines, moi j'ai huit ans".
03:54 Et donc ça me met en fait dans une forme d'agacement certain, et à ce moment là j'essaye de trouver un chemin de traverse.
04:01 Et j'évoque avec maître Courtois la possibilité d'utiliser en fait mon statut d'IDSR, donc intervenant départemental de sécurité routière,
04:10 et d'interpeller directement monsieur le procureur en fonction de l'article 40 du code de procédure pénale.
04:15 Et là en fait, je ne me place plus dans le cadre de ma plainte dans lequel mon époux est décédé,
04:22 mais je me place de manière collective sur une notion de sécurité routière.
04:27 Un jeudi soir j'envoie ce mail formalisé à monsieur le procureur, qui laisse un petit peu perplexe mon avocat.
04:38 Et en fait, le lendemain matin, à 8h30 ou 9h de mémoire, monsieur Manteau m'envoie une réponse,
04:50 et j'ai une réponse de la part de monsieur Manteau, qui indique qu'il a lu mon mail, et donc qu'il suggère qu'il faut finalement
05:01 que l'on étaye finalement ce dossier en fonction des éléments que je pourrais lui donner dans le cadre de cet article 40.
05:12 [Musique]
05:24 En fait, c'est fini, ces 9 ans de quête sont terminés pour moi.
05:29 De collecte, de dire "il en faut toujours plus parce que la justice ne réagit pas",
05:35 parce que finalement c'était ça mon objectif.
05:37 Je suis très respectueuse des instances républicaines, et à un moment donné, moi je ne peux pas juger,
05:43 je ne peux pas judiciariser mes éléments, mais quand le dossier ne s'enclenche pas,
05:49 pour moi, ça veut dire qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments, c'est pas suffisamment probant.
05:55 Donc à un moment donné, je continue de collecter pour avoir finalement, dans ce souci de perfection,
06:01 d'avoir un dossier le plus complet possible, et que ça devienne probant et criant au regard de la justice.
06:10 Et en fait, c'est en ça qu'aujourd'hui c'est fini.
06:14 Enfin, des paroles qui m'ont été données sont enfin actées.
06:21 Parce que j'ai eu des hauts fonctionnaires au fil de ces 10 ans, qui m'ont dit "mais on va pouvoir faire ça,
06:29 on va pouvoir faire ceci, si si madame Rollet, je m'engage à ce que votre dossier soit pris en compte".
06:35 Et au final, vous vous rendez compte que rien n'a été fait.
06:39 Et c'est à ce moment là où mon esprit me ramène ce petit slogan de sécurité routière,
06:49 où "sécurité routière tous responsables".
06:53 À un moment donné, j'ai rencontré toutes ces personnes, que ce soit corporatifs, syndicales, etc.
06:59 Je crois que j'ai ratissé vraiment large toutes les portes auxquelles je pouvais frapper.
07:08 Et en fait, à aucun moment, les promesses qu'on m'avait faites n'ont été, ne serait-ce qu'un dixième de pourcentage, je veux dire, assumé.
07:25 Et là aujourd'hui, par ces perquisitions, on va dire "c'est acté", ça veut dire que mon dossier a été lu,
07:34 ça veut dire qu'enfin le relais est passé et la justice va pouvoir prendre en charge finalement tous les éléments que je leur avais amenés.
07:44 Alors c'est toujours...
07:57 Alors à certains moments, on a ce type de phrase qui arrive, ce type d'adage qui arrive.
08:01 Maintenant, rien n'est blanc, rien n'est noir.
08:05 On va dire qu'on est toujours dans des nuances de gris.
08:08 Donc certains jours c'est gris foncé, d'autres jours ça va être plus gris clair.
08:13 Donc à un moment donné, chacun a sa vérité.
08:26 Si on se place dans un prisme, on va dire, d'études comptables et économiques, j'arrive à comprendre les décisions que Goudière a pu prendre.
08:40 Maintenant, sachant que son pneu avait une action sur l'ensemble de la société, dans la mesure où ils étaient montés sur des camions qui roulaient sur l'ensemble de nos routes,
08:54 apprécier la problématique qui semble émerger de cette enquête, aller bien au-delà de l'analyse de ratio comptable et économique.
09:04 Et en fait, on n'est plus dans la même vision.
09:08 Moi, j'ai une vision collective de la problématique.
09:12 Effectivement, si on reste sur une vision économique, vous n'allez pas avoir la même vérité qui va sortir des analyses que vous faites des différents ratios.
09:23 Ce que j'aimerais dire à ces sociétés, parce que c'est Goudière, c'est Buitoni, c'est intégrer une once d'humanité.
09:38 Une once, je pèse ce terme, qui est une unité de mesure qui représente 28 grammes.
09:46 Je veux dire, moi, là-bas, j'ai fait des études économiques, j'étais en seconde d'un bac économique, et on m'apprend qu'une société repose sur deux piliers,
09:56 un capital investissement et un capital humain.
10:00 Et je crois qu'aujourd'hui, on a totalement oblitéré le capital humain.
10:05 Et en fait, j'ai envie de dire, apprécier les choses avec l'humain.
10:12 Sachant qu'effectivement, le risque zéro n'existe pas.
10:19 Le 1% de défectuosité des produits qui restera inhérent à toute production industrielle, je l'entends.
10:28 C'est-à-dire que si mon mari avait été dans ces 1%, c'est la fatalité, vous restez dans ces 1% de défectuosité de production industrielle.
10:38 Maintenant, on est bien au-delà de ce pourcentage-là.
10:41 Et c'est ça, en fait, que je défends.
10:44 En fait, quelque part, c'est dans mes gènes.
10:55 Avec cette formation de pompier professionnel que j'ai, en fait, c'est inhérent à ma personne.
11:01 Donc ça ne s'explique pas.
11:03 Effectivement, les 10 ans ont été compliqués à gérer.
11:06 Mais il y a quelque chose où, quand c'est trop lourd, quand c'est trop pesant, quand vous êtes fatigué, quand vous êtes usé,
11:15 le lendemain, vous avez cette petite chose qui est là en vous et qui vous fait repartir, en fait.
11:31 Alors, bien sûr que je pense à lui, puisqu'en fait, à l'origine, ça reste son accident.
11:35 Maintenant, curieusement, on va dire que les pensées sont...
11:45 Enfin, il y a beaucoup de recul.
11:47 10 ans viennent de passer.
11:49 On va dire qu'on grandit de chaque épreuve.
11:55 Et donc, en fait, voilà, j'ai grandi.
11:58 Et on va dire que...
12:01 Voilà, il y a un petit merci.
12:07 Merci à vous.
12:10 Merci à tous.
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