Retrouvez un point complet sur l'actualité parlementaire et politique de la semaine en présence de Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Parlement Hebdo, c´est le tour d´horizon complet d'une semaine au Parlement. Chaque vendredi, Kathia Gilder (LCP-Assemblée nationale) et Alexandre Poussart (Public Sénat) passent en revue les événements et les discussions - en séance ou en commission - qui ont animé les débats. Une mise en perspective analysée en plateau par une personnalité politique.
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Parlement Hebdo, c´est le tour d´horizon complet d'une semaine au Parlement. Chaque vendredi, Kathia Gilder (LCP-Assemblée nationale) et Alexandre Poussart (Public Sénat) passent en revue les événements et les discussions - en séance ou en commission - qui ont animé les débats. Une mise en perspective analysée en plateau par une personnalité politique.
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00:10Bonjour à tous, très heureux de vous retrouver pour un nouveau numéro de Parlement Hebdo, l'émission qui revient sur les temps forts de la semaine au Parlement.
00:16Et avec nous, Jérôme Durin, bonjour.
00:18Bonjour.
00:20Vous êtes sénateur socialiste de Saône-et-Loire, vice-président de la commission des lois, et par ailleurs, président de la commission d'enquête
00:26qui a travaillé au Sénat sur le trafic de drogue, le narcotrafic, on y revient dans un instant.
00:31Et on parlera d'abord de la situation en Nouvelle-Calédonie, qui a connu une semaine d'émeutes et d'affrontements,
00:36alors que les indépendantistes kanaks sont vent debout contre le projet de réforme constitutionnelle qui vise à dégeler le corps électoral dans l'archipel,
00:44un texte qui a été voté mardi à l'Assemblée Nationale.
00:47La mort de deux agents pénitentiaires tués de sang-froid lors de l'attaque de leur fourgon mardi dans le département de L'Heure a beaucoup choqué
00:55les parlementaires leur ont rendu hommage et veulent travailler sur des mesures pour mieux protéger nos agents pénitentiaires.
01:02Comment éviter que la France ne devienne un narco-état ?
01:05La commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogue a rendu son rapport,
01:09elle dresse un constat inquiétant et fait toute une série de propositions pour mieux lutter contre ce narcotrafic.
01:15Et d'abord, le sujet à la une au Parlement, la Nouvelle-Calédonie où l'état d'urgence a été décrété,
01:21et ce qui a mis le feu aux poudres, c'est la réforme constitutionnelle examinée à Paris.
01:26Le texte voté par les sénateurs a été adopté à l'Assemblée Nationale dans une ambiance plus que tendue,
01:32compte rendu de séance avec Elsa Mondingava.
01:35Dans le projet loi constitutionnelle, deux articles.
01:39Le premier vise à déjouer le corps électoral pour les élections provinciales et du Congrès, figé depuis les accords de Nouméa de 1998.
01:48Il y a des calédoniens qui naissent calédoniens, de parents calédoniens,
01:53qui ne peuvent pas voter pour choisir celui qui va gérer le code de l'environnement
01:57ou la vie économique et sanitaire de son propre territoire.
02:02Qui peut accepter ce lap longtemps ?
02:05Article 2, le texte prévoit bien de privilégier un accord global négocié à Nouméa,
02:11mais le gouvernement fixe un ultimatum.
02:14En réalité, c'est le sentiment général qui est, encore une fois,
02:18ceux qui nous ont colonisés, ceux qui nous ont maltraités,
02:22ceux qui encore aujourd'hui nous dominent économiquement, socialement, culturellement aussi,
02:27en nous imposant leur vue, depuis Paris par exemple,
02:30encore une fois ceux-là nous font une entourloupe, nous imposent quelque chose dont on ne veut pas.
02:35La gauche fustige un changement de doctrine de l'Etat sur le dossier calédonien.
02:41L'ordre du débat était inversé, nous étions l'Assemblée nationale
02:46qui enterrinait le consensus construit par ce « nous » en Nouvelle-Calédonie,
02:50en le prolongeant par un « nous » de la représentation nationale.
02:54En inversant aujourd'hui cet ordre et cette temporalité,
02:58vous bouleversez malheureusement ce qui a fait depuis 40 ans
03:03la garantie de la construction du destin commun.
03:06Le projet de loi a été adopté après un débat houleux dans l'hémicycle
03:10et une situation qui se tend de jour en jour à 17 000 km de là, en Nouvelle-Calédonie.
03:17Jérôme Durand, la Nouvelle-Calédonie c'est un sujet hautement inflammable, on le sait,
03:22et cette réforme constitutionnelle examinée à Paris a l'effet d'un détonateur.
03:27Est-ce que pour vous il faut retirer cette réforme pourtant votée par les deux chambres du Parlement ?
03:33À l'évidence oui, à l'évidence oui.
03:36Nous sommes arrivés à une situation de guerre civile qui est extrêmement préoccupante.
03:43On doit déplorer des morts, des blessés, côté des civils qui participent à ces événements
03:49et du côté des forces de l'ordre.
03:51On ne sortira pas par l'imposition d'un texte voté à Paris de cette situation
04:00et c'est le dialogue seul qui permettra de revenir au calme.
04:04Pourtant ce texte était censé corriger une anomalie démocratique
04:07avec des milliers de citoyens de Nouvelle-Calédonie privés du droit de vote depuis 1998.
04:12Il y avait quand même un but démocratique avec ce texte constitutionnel ?
04:16Il n'y a pas que les intentions, il y a aussi la méthode.
04:19Et ça a été dit, d'ailleurs de nombreux observateurs, des responsables politiques ont alerté
04:25sur le sentiment de passage en force, ça vient d'être dit dans les extraits des débats que vous venez de nous montrer.
04:32On aurait dû d'abord tomber d'accord sur la méthode.
04:37Et là on a voulu passer en force, il y a eu une forme d'entêtement.
04:40Ce n'est pas faute d'avoir alerté, ça produit la situation dans laquelle nous sommes.
04:44Il faut retirer le texte et il ne faut pas convoquer le congrès.
04:48D'ailleurs Olivier Faure, Patrick Cannaire, Boris Vallaud enjoignent le gouvernement,
04:53de toute la gauche, je parle de ma famille politique,
04:57enjoignent le gouvernement de retirer ce texte.
05:00Vous dites qu'il y a un problème de méthode, qu'est-ce que ça veut dire précisément ?
05:03Est-ce que ça veut dire que Gérald Darmanin n'a pas bien géré ce dossier calédonien ?
05:08Est-ce que ça veut dire aussi pour vous que le gouvernement est quelque part responsable de l'embrasement sur place ?
05:13Qu'est-ce que vous dites ? Qu'est-ce que vous entendez par problème de méthode ?
05:16Je pense que les acteurs locaux qui réfutent le processus constitutionnel en cours
05:22considèrent qu'ils n'ont pas été considérés eux-mêmes au bon niveau.
05:26Alors on nous dit qu'il faut que ce soit du niveau du Premier ministre.
05:29Je ne sais pas si c'est la question du Premier ministre, mais c'est la question de la considération politique.
05:33Ça veut dire que c'est Gabriel Attal ?
05:37Il faut que l'État, au sommet de sa hiérarchie, montre que ce sujet est prioritaire
05:42et qu'on a un dialogue qui vient du plus haut de la République.
05:46Ce n'est pas le sentiment que le gouvernement a envoyé, c'est ce qui a provoqué l'embrasement.
05:50Il faut maintenant apaiser, revenir au dialogue, retirer le processus constitutionnel en cours.
05:55Faute de quoi, on va être sur une situation qui sera uniquement sécuritaire.
05:59La sécurité, c'est pour réparer les erreurs qu'on a commises.
06:03Là, il faut maintenant reprendre le chemin du dialogue.
06:07Et pourtant, le dialogue a eu lieu. Il y a eu un long processus,
06:11issu des accords de Matignon puis de Nouméa, avec d'ailleurs sous Emmanuel Macron,
06:16trois référendums sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.
06:19À chaque fois, trois résultats en faveur d'une Nouvelle-Calédonie dans la République française.
06:24Est-ce qu'il n'est pas temps d'avancer et de renforcer la démocratie sur cet archipel ?
06:28On peut décider ici, à Paris, que le temps est venu,
06:32que les référendums qui ont donné des résultats de plus en plus serrés ont produit des effets incontestables.
06:38Le résultat, c'est la rue. Il y a un moment où il faut quand même se rendre à l'évidence.
06:41Quand on arrive à ce niveau de violence et de contestation,
06:45un désordre dont on se demande si on va pouvoir le maîtriser,
06:49l'état d'urgence qui a été déclaré, il faut être raisonnable.
06:53Donc, retirons le texte, revenons au dialogue.
06:56Sinon, on peut continuer à s'entêter, on peut avoir raison contre tout le monde.
06:58Voilà ce que ça produit.
06:59C'est la rue qui prime sur la démocratie ?
07:01Est-ce qu'un processus parlementaire qui n'est pas reconnu, c'est la démocratie ?
07:06Est-ce que la démocratie, ce n'est pas la qualité du dialogue ?
07:08Est-ce que les accords de Matignon, à l'époque, avec un dialogue,
07:13avec une commission de personnalité impartiale reconnue pour leur capacité d'écoute,
07:19ce n'était pas de la démocratie ?
07:20La démocratie, c'est d'abord se mettre d'accord.
07:22Les textes, ils viennent enteriner ces accords.
07:24Là, on est dans l'inverse.
07:25Pour sortir de cette crise complexe, aux multiples aspects,
07:29il faudrait par exemple un nouveau référendum,
07:31avec peut-être un champ plus large, incluant la question sociale notamment.
07:34Ce serait une piste pour vous ?
07:36On n'en est vraiment pas là.
07:38Je pense que déjà, il faut que les gens se parlent.
07:40Quand on voit que des propositions de visioconférence sont faites,
07:42alors qu'un responsable du gouvernement n'est même pas en capacité d'aller sur place,
07:47quel message on envoie ?
07:49Est-ce qu'une visioconférence est à la hauteur des enjeux qu'on observe ?
07:52Non.
07:53Du coup, il faut qu'on ait une autorité de la République, en son plus haut niveau,
07:58qui reprenne le dialogue, qui reprenne les choses en main,
08:00pour qu'on puisse faire baisser la pression, revenir au calme,
08:03et après, on se posera la question des textes.
08:05Mais les textes, ils viennent sanctionner,
08:08sanctuariser un accord politique.
08:10Mais qui doit reprendre la main ?
08:11Le Premier ministre ou le Président de la République lui-même, pour vous ?
08:14Il y a un groupe de contact qui est convoqué par le Premier ministre,
08:18avec les principaux responsables politiques de ce pays.
08:20Faisons leur confiance.
08:23Est-ce que vous voterez pour la prorogation de l'état d'urgence qui doit être soumise au Parlement ?
08:28On n'en est pas là. C'est une possibilité, on verra.
08:31L'état d'urgence ne peut être mis en place que 12 jours sans validation par un texte.
08:37Donc, on n'est pas encore là, mais on se posera la question,
08:41en fonction de la situation sur le terrain et sur les événements.
08:46Vous êtes inquiet de ce qui se passe ?
08:48Vous diriez que la Nouvelle-Calédonie est en guerre civile ?
08:52Oui, il y a une situation qui est très inquiétante.
08:55On voit bien qu'on est à la limite de la perte de contrôle.
08:58Il faut vite reprendre la main.
09:00Est-ce que le problème, ce n'est pas aussi cette question sociale,
09:02avec un cinquième de la population en Nouvelle-Calédonie
09:04qui vit sous le seuil de pauvreté,
09:06et puis cette dépendance des mines de nickel de Lille,
09:10avec le nickel qui est un secteur en berne en ce moment ?
09:15Évidemment, oui. C'est une situation protéiforme, composite.
09:20Il y a beaucoup d'éléments. Il y a des éléments sociaux,
09:23mais il y a quand même un sujet politique majeur,
09:26et la politique, c'est se parler.
09:28Autre actualité qui a marqué le Parlement cette semaine,
09:31la mort de deux agents pénitentiaires tués de sang-froid,
09:34mardi, lors de l'attaque de leur fourgon,
09:36chargé de transporter le détenu multirécidiviste Mohamed Hamra.
09:39Une attaque qui a ému la représentation nationale et l'exécutif.
09:43Écoutez la réaction du Premier ministre Gabriel Attal,
09:45mercredi, lors des questions d'actualité au Sénat.
09:49C'est un drame absolu qui bouleverse évidemment l'administration pénitentiaire,
09:54dont je veux saluer l'engagement au quotidien,
09:57au service de la République et au service des Français.
10:00C'est un bouleversement absolu également pour l'ensemble de nos concitoyens,
10:04qui évidemment, chaque jour, ont l'occasion d'avoir une reconnaissance totale
10:10pour celles et ceux qui se lèvent tous les matins
10:13pour les défendre, défendre nos lois, défendre les règles de la République.
10:16Et c'est bien cela qui a été attaqué hier.
10:19C'est la République.
10:21C'est sur nos lois qu'on a tiré.
10:26C'est sur le respect de nos règles.
10:28C'est sur des femmes et des hommes qui se battent tous les jours contre l'impunité.
10:33Jérôme Durin, quelle leçon faut-il tirer de ce drame ?
10:36D'abord, le fait que nos agents pénitentiaires ne sont pas assez protégés aujourd'hui ?
10:40Elles sont nombreuses les leçons à tirer.
10:43D'abord, il y a l'émotion et la sidération de la violence qui s'est manifestée au péage d'un Carville,
10:51avec cet assaut avec des armes de guerre au milieu du flux des véhicules qui continuent de passer.
10:57Et c'est une image de cette violence qui est enquistée dans la société autour du narcotrafic.
11:02La vie continue, apparemment, mais cette explosion de sauvagerie, elle est insupportable pour les citoyens.
11:11Et elle est extrêmement douloureuse pour la première ligne de ceux qui assurent notre sécurité.
11:15Il s'agit là d'agents de la pénitentiaire, mais c'est la même chose pour les gendarmes, les policiers, les douaniers,
11:21notamment sur la question du narcotrafic.
11:25Évidemment, ils ne sont pas assez protégés.
11:28Alors justement, à la suite de cette attaque, des agents pénitentiaires se sont mis en grève
11:33et le ministre de la Justice a proposé des mesures pour mieux protéger les agents.
11:38Présentation de détenus aux magistrats en visioconférence ou encore armes longues pour les agents pénitentiaires.
11:44Est-ce que pour vous, ce sont de bonnes réponses ?
11:46Il faut trouver des réponses.
11:49C'est sain et nécessaire que le garde des Sceaux saisisse les propositions qui lui sont faites par les intersyndicales
11:58pour apporter des réponses concrètes.
12:00On a des fourgons de la Brinks pour l'argent et on a de pauvres véhicules banalisés pour transporter des gens.
12:08Donc, ce n'est pas à la hauteur des enjeux.
12:10On avait eu un dispositif de visioconférence pendant le Covid, d'audition en visio,
12:18mais qui posait des problèmes juridiques.
12:20Cela avait d'ailleurs été contesté par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel.
12:23Donc, il faut réinterroger ces modalités.
12:25Si on peut simplifier, éviter de faire prendre des risques aux agents pénitentiaires, c'est une bonne chose.
12:31Mais il faudra le travailler finement du point de vue juridique.
12:33La question des armes lourdes, elle est beaucoup plus complexe.
12:36Si c'est une demande des syndicats et qu'elle est expertisée et qu'elle est possible, moi j'y suis pas défavorable.
12:42Les syndicats disent qu'ils n'avaient aucune chance.
12:44Ils n'avaient aucune chance face au commandant lourdement armé qui s'est présenté.
12:49Cela renvoie à un sujet qu'on abordera sans doute tout à l'heure sur le narcotrafic, c'est-à-dire l'asymétrie.
12:55Guerre asymétrique.
12:57C'est une guerre asymétrique à tous les niveaux.
13:00Est-ce que parce que des criminels se permettent tout et n'importe quoi, ont une liberté d'action absolue,
13:07s'affranchissent du respect de la vie humaine, des plus élémentaires règles morales, on peut faire la même chose ?
13:14La question que je pose c'est une question technique.
13:17Est-ce que les criminels peuvent tirer à l'arme de guerre sans crainte de ce qu'ils font ?
13:22Ça ne les préoccupe pas.
13:24On doit doter les agents d'armes lourdes au risque eux-mêmes de se mettre en danger, de mettre en danger l'environnement.
13:31C'est plus facile pour un criminel de tirer à la volée que pour un agent pénitentiaire qui lui quand même devra faire attention.
13:38Je pense que ce n'est pas si simple à utiliser sur le terrain.
13:41Mais en tout cas, il faut les protéger.
13:43Il faut les protéger, c'est évident.
13:44Justement, vu que le sujet est quand même complexe, les parlementaires doivent s'en saisir.
13:48Par exemple, les députés veulent lancer une mission flash sur cette protection des agents pénitentiaires.
13:53Oui, il faut le faire.
13:54Il faut d'ailleurs élargir la réflexion sans doute à la question de la surpopulation carcérale.
13:58C'est un sujet qui est quand même le terreau de ces difficultés.
14:01Il y a donc beaucoup de questions qui sont posées.
14:04On a évoqué aussi l'idée que ça revienne au ministère de l'Intérieur.
14:07On a fait le chemin inverse à l'époque.
14:09Je pense qu'il faut remettre ça à plat.
14:13Il y a une question de moyens, c'est évident.
14:15Il y a une question de moyens, une question de considération faite dans leurs rémunérations, dans leurs outils aux agents pénitentiaires.
14:21Il faut tout mettre à plat.
14:22Mais il faut apporter les réponses.
14:23Ce n'est pas normal que des agents de la pénitentiaire soient tués, abattus comme ça en pleine rue.
14:27Mohamed Amra, le détenu évadé, était mis en examen dans une affaire de meurtre liée au trafic de drogue.
14:32Est-ce que pour vous, ce qui s'est passé au PH d'Ancarville a un lien avec le narcotrafic ?
14:38J'ai interrogé le ministre de l'Intérieur aux questions gouvernement cette semaine.
14:42Je lui ai posé la question en exprimant une forme de prudence.
14:46Il a levé la prudence en me disant évidemment le lien est établi.
14:51Voilà, je pense que les choses sont claires.
14:53Et d'ailleurs, ce qu'on sent au travers de cette affaire, de ces crimes,
15:01c'est que ce sont les méthodes du narcotrafic que nous découvrons au grand jour.
15:07Finalement, tout ça se passe habituellement de manière plus limitée dans des territoires de la drogue.
15:14Là, au grand jour, avec des vidéos, on voit la violence complètement débridée, complètement sauvage, sans limite du narcotrafic.
15:21Donc il y a un lien qui est évident.
15:23Justement, votre commission d'enquête sénatoriale sur la lutte contre le trafic de drogue a rendu son rapport ce mardi.
15:30On va regarder l'essentiel de vos propositions avec Audrey Vieutaz.
15:35Après sept mois d'enquête, c'est une France submergée par le narcotrafic, que décrivent les sénateurs dans leur rapport.
15:42Des travaux, commencés à Marseille, qui montrent que le trafic de stupéfiants concerne toute la France, même les territoires ruraux.
15:50Ce qui nous a le plus surpris, c'est l'ampleur du phénomène.
15:53On est dépassé quand on apprend les quantités de drogue qui rentrent en Europe.
15:57On est dépassé quand on va dans le détail de cette violence.
16:02Puis deuxièmement, quand en face, on regarde les moyens qui sont mis en œuvre par la puissance publique,
16:07on s'aperçoit qu'il y a des lacunes. Il y a des lacunes procédurales, il y a des lacunes sur les moyens.
16:11La commission d'enquête fait 35 propositions pour créer un électrochoc.
16:16Parmi elles, la création d'un parquet national anti-stupéfiants, à la manière du parquet antiterroriste.
16:22Les sénateurs proposent aussi de donner autorité sur le terrain à l'office anti-stupéfiants,
16:28à l'image de ce qui se fait aux Etats-Unis avec l'agence anti-drogue.
16:32Pour les sénateurs, il faut s'attaquer au haut du spectre, de manière coordonnée.
16:37En filigrane, ils taclent les opérations Plasmatics XL du gouvernement.
16:42On ne peut pas se contenter de s'en prendre simplement au point de deal aux consommateurs.
16:46Il faut travailler sur les réseaux, il faut travailler sur le blanchiment,
16:50sur la saisie des avoirs pour avoir une action qui produise des effets à long terme.
16:56Faute de quoi, on s'expose à la corruption, on s'expose à la criminalité.
17:00Sur la corruption, justement, les parlementaires alertent.
17:03Elles seraient pour l'instant embryonnaires en France, mais bien réelles.
17:07Enfin, ils suggèrent de frapper les trafiquants au porte-monnaie,
17:11avec des enquêtes patrimoniales, des injonctions pour « richesse inexpliquée »
17:16et la confiscation des avoirs criminels.
17:18Autant de pistes qui seront présentées prochainement au gouvernement,
17:22avec l'espoir qu'un projet doit voir rapidement le jour.
17:27Jérôme Durand, en quoi la France est proche de devenir un narco-État, pour reprendre vos mots ?
17:32Nous sommes un point de bascule.
17:35La formule vise à tirer l'attention sur le phénomène que notre commission d'enquête documente.
17:42On n'est pas un narco-État, évidemment, mais il y a des signaux faibles,
17:47qui commencent à devenir des signaux d'alarme,
17:50de quelque chose qui se modifie de manière très substantielle.
17:55L'ampleur du trafic, son implantation territoriale,
18:00des phénomènes de violence qui, au début de notre commission d'enquête,
18:04concernaient Marseille, puisque notre commission d'enquête,
18:06c'est au départ quelque chose qui tient aux narco-homicides marseillais.
18:10Et puis finalement, on s'est rendu compte qu'en 2023, il y a eu 57% d'homicides en plus,
18:16300 homicides ou tentatives de homicides liés au narco-trafic,
18:20un peu partout en France, des phénomènes de violence à Dijon, à Rennes,
18:23qu'on n'avait jamais connus, des morts, des rafalages, des mitraillages en pleine rue.
18:27Donc ça, c'est inquiétant. Il y a la dimension emprise économique.
18:32La difficulté qu'on a avec ce dossier, c'est que ce qui est spectaculaire,
18:36tout le monde le comprend. La violence, on la voit, on les saisit,
18:39on les observe, on les documente. Mais ce qui est insidieux,
18:43c'est l'emprise économique des réseaux, la porosité entre une économie légale
18:49et l'économie du narco-trafic. Et tout ça, ça produit des effets.
18:53La corruption de basse intensité, qui est un terme qu'on comprend mal
18:58et qui donne le sentiment finalement que ce n'est pas très grave.
19:01Ça veut dire quoi, une corruption de basse intensité ?
19:03Ça veut dire qu'il y a des petits maillons de notre chaîne institutionnelle
19:08qui sont corrodés et qui peuvent lâcher. Des policiers qui consultent des fichiers,
19:13des greffiers qui peuvent modifier l'ordre des procédures
19:19et faire tomber des procédures, des documents qui sont perdus,
19:24des scellés, qui sont détruits.
19:26Ce n'est pas grand-chose pour l'administration, ça ne se voit même presque pas.
19:29D'ailleurs, les ministres nous disent, vous nous parlez de corruption,
19:31mais nous, on a peu d'instructions. Mais parce qu'en fait,
19:33on ne se rend même pas compte. Et pourtant, ça existe et ça permet
19:36le développement de l'activité criminelle, le trafic lui-même,
19:40et puis la protection des criminels eux-mêmes.
19:42Alors, Jérôme Durand, en lisant votre rapport très documenté,
19:46vous nous l'avez expliqué, on comprend aussi que les opérations place-nette
19:50de Gérald Darmanin pour faire tomber les points de deal sont peu efficaces.
19:54Est-ce que pour vous, c'est avant tout de la communication, ce genre d'opération ?
19:59Il faut être sur ce sujet très pondéré dans le discours,
20:04parce que c'est une situation qui est extrêmement grave.
20:06Sur le terrorisme, on a su avoir des discours forts
20:10et trouver une modalité de travail politique qui soit à la hauteur des enjeux.
20:15Donc moi, je ne veux pas dire des choses qui sont...
20:18C'est nul, ça ne sert à rien, c'est complètement inefficace.
20:21Place-nette, ça a un mérite. C'est principalement de dire
20:25à des habitants de quartiers ou territoires qui sont concernés par le trafic,
20:29l'État est de retour et on ne vous laisse pas tomber.
20:32Et c'est essentiel.
20:33C'est un message essentiel à ces populations ?
20:36Évidemment ! Et donc, ça, c'est bon à prendre.
20:38Mais ça ne peut pas être l'alpha et l'oméga d'une politique de lutte contre le narcotrafic.
20:43Ça n'est pas la hauteur des enjeux.
20:45Parce qu'on s'attaque au bas de la chaîne.
20:47On s'attaque à la distribution, à la fin du circuit.
20:50On ne s'intéresse pas à ce qu'il se passe après, l'argent.
20:52On ne s'intéresse pas à ce qu'il se passe avant.
20:55Heureusement, on s'en occupe, mais pas suffisamment.
20:57Ce n'est pas systémique.
20:58Le terrorisme, on est en ordre de bataille.
21:01Le narcotrafic, on est en ordre de disperser.
21:03Il y a des services qui travaillent les uns à côté des autres, en tuyau d'or,
21:06que les policiers le disent.
21:07Donc il faut qu'on soit beaucoup plus structurés.
21:09Donc justement, les enquêteurs sur le terrain,
21:11vous parliez de guerre asymétrique,
21:12ils sont démunis face à ce crime organisé de manière internationale ?
21:15Oui, ils sont démunis.
21:17Ils sont démunis parce qu'ils n'ont pas accès à l'information,
21:20à suffisamment d'informations.
21:21On a besoin de renseignements dans la lutte contre le narcotrafic.
21:25Le renseignement, il est éparpillé entre Bercy, Trakfins,
21:30les douanes, la DNRED, le renseignement douanier.
21:33On a la DGSI du côté du ministère de l'Intérieur,
21:36mais qui ne s'occupe finalement pas beaucoup de narcotrafic
21:38parce qu'ils considèrent que ce n'est pas leur truc.
21:40Donc ils font ce qu'ils peuvent, et ils n'ont pas de moyens,
21:42et ils n'ont pas de moyens dédiés.
21:44C'est-à-dire qu'on a modifié l'organisation de la police nationale,
21:47on a réformé la police judiciaire.
21:49Qui fait les enquêtes économiques et financières ?
21:51Comment peut-on dire qu'il faut taper les criminels au portefeuille
21:54si par ailleurs on n'a pas les moyens d'expertise,
21:58les connaissances, les compétences,
22:00les effectifs dédiés à ces enquêtes patrimoniales ?
22:03Et bien ça ne marche pas.
22:04Il faut une agence de lutte anti-drug comme ça existe aux Etats-Unis,
22:07une agence française ?
22:08Nous nous proposons des patrons.
22:10Il faut des patrons.
22:11La lutte contre le narcotrafic, quel numéro de téléphone ?
22:14Il faut un patron judiciaire, un parquet national anti-stupéfiants.
22:17Mais donc une restructuration des services tels qu'ils sont actuellement faits ?
22:21Une réorganisation, une coordination, une mise en cohérence,
22:24on l'appelle comme on veut.
22:25Il faut un pilotage, il faut des patrons.
22:27Comme pour la lutte anti-terroriste ?
22:28Comme pour la lutte anti-terroriste côté judiciaire,
22:30comme pour la lutte financière avec le parquet national financier.
22:35Donc un parquet national qui pilote toute la chaîne judiciaire
22:38et une organisation côté répressif des forces de l'ordre
22:42avec l'OFAST qui prend du muscle et qui devient cette DEA la française
22:47pour coordonner tous les services.
22:49Question politique, Jérôme Durand,
22:50puisque pendant votre commission d'enquête,
22:52le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti
22:54a recadré les magistrats qui avaient témoigné devant vous
22:58car il les jugeait trop défaitistes sur le narcotrafic.
23:00Une magistrate avait déclaré qu'on était, je cite,
23:03en train de perdre la guerre face au trafic de drogue.
23:06Est-ce que le gouvernement a essayé de perturber vos travaux ?
23:09C'est une mauvaise manière qui nous a été faite.
23:12Pas à nous, à la commission d'enquête,
23:14c'est une mauvaise manière qui a été faite au travail parlementaire.
23:17Dans nos institutions de la Vème République,
23:19vous êtes les mieux placés pour le savoir,
23:20le Parlement n'a pas tant de pouvoir que ça.
23:22Alors quand il en a sur une commission d'enquête,
23:24aller gêner notre travail, ce n'est pas très heureux.
23:27Je crois que le garde des Sceaux est revenu à de meilleurs sentiments
23:30puisqu'il nous invite la semaine prochaine à aller présenter notre rapport.
23:32Donc on discutera avec lui.
23:33Et puis je crois qu'il a fait quelques annonces pendant la commission d'enquête même
23:38qui montrent qu'il a essayé de s'inspirer de ce qu'on faisait pour faire des propositions.
23:41Mais il faut une vision globale.
23:42On ne peut pas avoir le ministre de l'Economie d'un côté
23:45qui donne quelques informations,
23:47Gérald Darmanin qui veut taper par le bas,
23:50Eric Dupond-Moretti qui veut créer un statut de repenti.
23:52Là aussi, il faut un seul numéro de téléphone
23:54et il faut une seule politique et une vraie stratégie.
23:56Alors justement, vous allez voir le ministre, le garde des Sceaux,
23:59est-ce que vous pensez qu'il va reprendre les éléments de votre rapport parlementaire
24:04ou alors est-ce qu'il va falloir que vous déposiez une proposition de loi,
24:09c'est-à-dire un texte d'origine parlementaire ?
24:12Alors moi, je ne suis pas madame Irma, je ne sais pas ce qu'il va nous dire
24:14et je n'ai pas d'informations de première main sur ses intentions.
24:18Le garde des Sceaux, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant
24:22parce qu'il y a une dimension justice,
24:25mais il y a aussi la dimension policière, gendarmerie, douane.
24:28Ça fait trois ministres et je le répète,
24:31si on veut une lutte efficace contre le narcotrafic,
24:34il faut que tous ces gens se parlent,
24:37au niveau ministériel, au niveau des services centraux, au niveau local.
24:40Ça demande une vraie architecture, donc il faut que ce soit porté.
24:43Globalement, si la réponse qui nous est faite par ce ministre ou d'autres n'est pas à la hauteur,
24:48on ira vers une initiative parlementaire pour défendre ce rapport
24:52qui a été très bien accueilli, vous l'avez vu,
24:54parce que je pense que le pays est mûr pour accueillir le constat de la gravité du narcotrafic en France.
25:03Donc on va aller vers l'initiative parlementaire vraisemblablement
25:07parce qu'on veut défendre cette idée.
25:09C'est une démarche de célébrité publique.
25:11Dans quel calendrier, selon vous ?
25:13Il faut qu'on aille assez vite.
25:15Si avant l'été, on n'a pas bougé, on aura perdu du temps.
25:19Donc avant l'été, un texte sera présenté, une proposition de loi sur ce sujet.
25:22Merci beaucoup, Jérôme Durand, d'avoir été l'invité de Parlement.
25:25Et de cette semaine, on se retrouve la semaine prochaine.
25:28Ciao, ciao !