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00:00 Bonjour, je suis Aurélie Pallude, professeure en culture générale en prépa ECT et ECG
00:11 au lycée Ozen de Toulouse.
00:13 Effectivement, par le sport, on peut être violent et se faire violence.
00:23 Le sport est une pratique réglée qui implique des formes sociales instituées.
00:29 C'est une violence codifiée et canalisée.
00:32 On voit à travers le tir à l'arc par exemple, comment la violence initiale, qui visait à
00:39 blesser ou à tuer, a été canalisée et réorientée.
00:43 De la même façon, dans la boxe, la limite consiste à ne pas tuer son adversaire.
00:49 D'ailleurs, l'adversaire en est un, mais pas un ennemi.
00:52 On a des règles et des limites fixées au sport.
00:56 Le philosophe Alain avait cette phrase que je cite « Le boxeur n'aime pas les coups
01:03 qui viennent le trouver, mais il aime ce qu'il va chercher.
01:07 Il n'est rien d'aussi agréable qu'une victoire difficile dès que le combat dépend
01:11 de nous ».
01:12 On voit bien que faire du sport, c'est accepter les coups, c'est se confronter
01:18 volontairement à la violence et c'est aussi se faire violence.
01:23 Parce qu'à travers le sport, on donne le meilleur de soi-même et on va essayer de
01:28 s'éprouver, d'éprouver sa valeur dans un défi à la hauteur.
01:32 Le sociologue Norbert Elias a écrit un essai qui s'appelle « La civilisation des mœurs
01:38 ». Il explique qu'au XIXe siècle, les collèges anglais ont valorisé le sport
01:44 comme un moyen de canaliser la jeunesse, parce que la jeunesse avait besoin de se dépenser,
01:50 elle passait du temps dans les tavernes, dans les beuveries, elle avait besoin effectivement
01:55 de se défouler et donc le sport offrait l'occasion d'un exutoire.
02:00 Parce que le sport finalement, c'est une façon de mimer l'agressivité, mais c'est
02:06 une façon de retrouver une intensité dans un monde polissé.
02:10 Donc en fait, c'est une façon d'exprimer la violence, mais de la contenir.
02:15 Faire du sport, c'est souvent apprendre à se faire violence.
02:23 On peut penser à l'assaise que cela implique, à la rigueur, la discipline.
02:28 Donc on peut penser au film « Million Dollar Baby » de Clint Eastwood, qui met en scène
02:35 une femme de 30 ans qui veut devenir boxeuse professionnelle.
02:39 Alors là, les obstacles sont nombreux, mais elle est serveuse par ailleurs, mais même
02:46 pendant ses heures de service, elle va essayer de s'entraîner, de consolider ses appuis.
02:50 En fait, elle met tous les moments à profit pour s'améliorer et atteindre son but.
02:57 On peut penser aussi au film plus récent « La méthode Williams » qui revient sur
03:02 le parcours des sœurs Serena et Venus Williams.
03:05 Et on découvre que les adolescentes devaient faire des entraînements sous la pluie.
03:11 Alors on voit bien que faire du sport, c'est apprendre à se faire violence, mais finalement
03:16 que la fatigue est rendue surmontable par la passion et la détermination.
03:21 Donc ça, c'est un premier aspect de la violence, c'est cette violence consentie
03:27 que l'on s'impose à soi-même.
03:28 Dans les films qui mettent en scène le sport, on a souvent en arrière-plan une certaine
03:39 violence du monde.
03:40 Comme « Million Dollar Baby », on a la double violence du machisme et de la pauvreté.
03:47 Et ce sont deux obstacles très forts.
03:50 D'abord parce que la boxeuse est une femme, ce qui est déjà un problème dans un monde
03:57 plutôt masculin, et puis elle a 30 ou 31 ans et on estime qu'elle est déjà trop
04:04 vieille pour faire ce sport.
04:05 Et puis deuxième violence, c'est celle de la pauvreté.
04:08 Elle peine à se nourrir et elle n'a donc pas non plus de salle d'entraînement,
04:14 pas de matériel.
04:15 Donc on voit ici qu'il y a cet arrière-plan très violent qui va l'accompagner et qui
04:20 va aussi freiner initialement son parcours.
04:22 Dans « La méthode Williams », les jeunes filles sont confrontées au racisme et à
04:30 la pauvreté ainsi qu'à la violence dans leur ville de Compton qui se situe en banlieue
04:35 de Los Angeles.
04:36 Mais à chaque fois, dans les deux films, leur réussite par le sport est une réponse
04:42 saine en quelque sorte à cette violence du monde.
04:45 C'est-à-dire qu'en fait, par le sport, elles vont procéder à un dépassement de
04:51 soi, elles vont trouver leur place dans le monde et elles vont finalement rejeter le
04:59 déterminisme qu'on voulait leur imposer.
05:01 Et puis dernier aspect enfin, c'est celui de la violence qui peut contaminer le public
05:13 sportif.
05:14 Alors là, on pense à différents cas de figure.
05:17 On pense évidemment au phénomène des hooligans.
05:20 Dans un film comme « Raging Bull » avec Robert De Niro, dès les premières scènes,
05:28 la violence qui était initialement sur le ring, puisque c'est un film de boxe, se
05:33 diffuse dans la salle puisque le public conteste la décision de l'arbitre et ça devient
05:38 une sorte de pugilat général.
05:40 La scène, le match se dégénère et tout dérape.
05:43 Et puis on voit aussi que souvent, ces violences dans les stades peuvent être l'expression
05:49 de violences sociales ou de violences politiques en arrière-plan.
05:53 Alors, je vois surtout une question qu'on peut aussi aborder, une question très contemporaine.
06:02 Ce sont les violences sexuelles aussi dans le milieu du sport qui commencent à être
06:06 de plus en plus dénoncées.
06:07 Et puis ce qui est intéressant, c'est peut-être la difficulté à évaluer les limites de
06:16 la violence.
06:17 C'est-à-dire qu'en fait, lorsqu'on interview des sportives, souvent des sportifs,
06:22 on se rend compte que leur coach a pu faire preuve de violence, mais que le sportif n'a
06:28 pas perçu cela comme tel.
06:29 C'est un regard extérieur qui va définir la violence et parfois, le sportif n'a pas
06:33 perçu les choses ainsi.
06:34 Donc souvent, il peut s'en rendre compte tardivement, mais ça interroge aussi les
06:39 limites de la violence, puisque les violences relèvent d'une question de sensibilité,
06:43 d'une question de degré.
06:44 Et puis parfois, il faut des regards multiples sur une réalité pour en évaluer la violence.
06:49 [Musique]

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