La grossophobie existe même chez les médecins

  • il y a 5 mois
La grossophobie existe même chez les médecins

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Amusant
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00:00 Être discriminé du fait de son apparence physique,
00:03 la plupart des gens n'ont pas conscience que cela existe.
00:06 Pourtant, cette grossophobie est une violence qui a infiltré tous les milieux,
00:11 même les plus surprenants.
00:13 Ainsi, sur de nombreux forums sur Internet,
00:16 des personnes se plaignent d'être victimes de grossophobie par certains médecins.
00:21 C'est la mésaventure qu'a vécue plusieurs fois cette femme,
00:26 que nous appellerons Anna.
00:28 Elle a décidé de témoigner sur ce phénomène méconnu,
00:30 mais souhaite préserver son identité,
00:32 pour ne pas avoir de répercussions dans son travail,
00:35 où elle a un poste à responsabilité.
00:38 Pour elle, tout a démarré par un simple rendez-vous chez un médecin généraliste.
00:43 Par exemple, pour un rhume, on va nous dire qu'il faut perdre du poids,
00:47 directement, au lieu de s'intéresser à ce que l'on touche,
00:50 à ce qu'on a le nez qui coule, voilà, des choses comme ça.
00:54 Souvent, les docteurs consultés par Anna ont imaginé qu'elle était en mauvaise santé
00:58 à cause de son surpoids.
01:00 Car chez certaines personnes, l'obésité peut avoir un impact sur la santé.
01:05 Mais en réalité, il n'est pas juste de penser que tous les obèses
01:09 souffrent de maladies liées à leur poids.
01:11 Moi, je suis grosse depuis plusieurs années,
01:15 mes bilans sanguins sont bons,
01:17 je pratique une activité sportive depuis plus de trois ans,
01:20 donc je fais des choses pour être en bonne santé.
01:25 Malgré cela, Anna a rencontré des médecins qui n'avaient qu'une obsession, son surpoids.
01:30 Elle a d'ailleurs un terrible souvenir d'une gynécologue.
01:33 L'accueil, il était glacial.
01:36 Quand je me suis déshabillée, j'ai senti le regard de ce médecin sur moi,
01:40 vraiment comme si j'avais l'impression d'être un monstre.
01:42 En fait, j'étais gênée, j'avais l'impression que je devais m'excuser d'être grosse.
01:46 L'examen lui-même était hyper désagréable.
01:49 Et ensuite, à la fin de l'examen, il m'a dit,
01:51 vous savez, il y a des solutions, en fait, pour votre poids.
01:54 Parce que sinon, j'aurais du mal à supporter la contraception.
01:57 Pour un suivi gynécologique, voilà, c'est mieux avec une personne moins corpulente, en fait.
02:03 Elle a connu ce genre de consultation culpabilisante plusieurs fois chez des médecins,
02:08 alors qu'elle pensait aller chez des professionnels de toute confiance.
02:12 Clairement, ça fait mal.
02:14 Et à plusieurs reprises, je suis rentrée chez moi en pleurs en sortant de consultation.
02:19 Et ce qui fait qu'à un moment, on n'y va plus, en fait.
02:21 J'avais peur d'y aller, mais j'avais l'impression que d'y aller et de ressortir mal,
02:26 je mettais encore plus ma santé en danger.
02:28 Donc risque, risque, j'ai choisi de ne pas y aller pendant plusieurs années.
02:32 Aujourd'hui, Anna se sent plus forte et mieux dans sa peau pour remettre à sa place un médecin.
02:37 Mais cette difficulté n'est pas normale.
02:41 Beaucoup d'autres personnes souffrent de cette situation comme Anna.
02:45 Il est donc indispensable que les mentalités changent parmi le personnel médical.
02:49 En Normandie, le Centre hospitalier universitaire de Rouen a créé il y a cinq ans une formation unique en France.
03:00 Il s'agit de sensibiliser ses soignants pour transformer leur regard sur l'obésité.
03:05 Voilà la première lancée qui vous vient.
03:08 C'est ça. L'idée, c'est que sur les images qu'on va vous montrer, on va essayer d'attraper la première chose que vous vous dites.
03:13 Donc essayez du mieux que vous pouvez de ne pas mettre de filtre.
03:16 Elodie, psychologue, anime ses ateliers.
03:19 Elle veut d'abord savoir ce que ses infirmières, médecins ou nutritionnistes pensent spontanément des personnes très obèses.
03:26 Alors, qu'est-ce que vous dit votre tête ?
03:29 - Énorme. - Énorme ?
03:31 - Large. - Ouais.
03:33 - Le pauvre. - Le pauvre.
03:35 - Ouais. - Waouh.
03:37 - J'ai pas encore eu de bergue. - Bah, c'était ça que vous me dites.
03:41 - Ah ouais ? - Repoussant.
03:43 - Repoussant. - Différent.
03:45 - Incroyable. - Ouais.
03:48 Tout l'enjeu de la formation est de travailler sur ses réactions spontanées.
03:52 Car elles peuvent aboutir à rejeter ou éviter un patient obèse.
03:56 Sans m'en rendre compte, je vais mettre en place un comportement qui ne correspond pas à ce que j'aimerais me voir faire en tant que personne avec justement mes patients.
04:05 Et donc du coup, cette distance-là, si j'en prends conscience, je vais pouvoir la rectifier assez naturellement.
04:10 De l'aveu même de ces soignants, dans le milieu médical, on est encore loin du compte.
04:15 - La grossophobie, il y en a beaucoup dans le corps médical. - Ouais.
04:20 - C'est ça qui est terrible. - Ouais.
04:22 J'ai souvent des collègues pour des patients qui ont des complications liées à l'obésité qui vont culpabiliser le patient de ne pas perdre de poids.
04:28 Et les gens arrivent déjà avec des freins à revoir un médecin qui va encore les accuser de ne pas faire ce qu'il faut pour perdre du poids et donc de ne pas améliorer leur santé.
04:37 Des paroles souvent blessantes, mais aussi du matériel inadapté à des personnes obèses.
04:42 C'est le cas dans la plupart des hôpitaux, car ce sont des équipements plus coûteux.
04:47 Ainsi, un jour, cette infirmière devait faire passer un scanner à une patiente, sauf que l'appareil standard était trop petit.
04:55 Elle annonçait à une patiente que si elle veut avoir un scan, il fallait qu'elle aille dans une clinique vétérinaire sur les machines équines.
05:04 C'est un petit peu psychologiquement un peu dur pour la patiente.
05:08 Elle a refusé du coup. Elle a dit je vais rester avec mes douze heures. Donnez-moi des cachets et puis on n'en parle plus.
05:14 Pour comprendre ce que l'on ressent dans la peau d'une personne obèse, cette formation a une particularité.
05:21 Vanessa, médecin nutritionniste, est à l'origine de ce projet.
05:25 Le point culminant est de faire endosser ce costume au personnel médical.
05:30 Finalement, je voulais faire une formation qui puisse faire comprendre aux soignants ce que c'était que l'obésité.
05:36 Et à mon avis, la meilleure façon, c'est d'expérimenter.
05:39 Alors là, je prépare la combinaison qui mime une obésité de 200 kilos.
05:46 En pratique, elle pèse 17 kilos cette combinaison.
05:49 Et elle va permettre de faire ressentir aux soignants finalement les difficultés motrices.
05:55 Et ça permet finalement de réfléchir et de développer encore l'empathie, la bienveillance par rapport à ces personnes.
06:02 Première impression, je l'ai juste mis en pantalon, je suis déjà très fatiguée.
06:09 Et le costume ne pèse que 17 kilos.
06:12 Hélène est médecin nutritionniste et travaille essentiellement avec des patients obèses.
06:16 Aurélie, elle, est secrétaire médicale.
06:23 Un geste aussi simple que celui de monter un escalier devient une ascension comme celle de l'Himalaya.
06:39 - Physiquement, c'est comment ?
06:41 - J'en peux plus.
06:43 - J'ai le coeur qui va sortir de la poitrine.
06:51 Avoir une telle corpulence, Aurélie en découvre les conséquences insoupçonnées.
06:57 - Je ne peux pas m'y pierre.
06:59 - C'est parce que je sais que c'est la marche.
07:03 - Et donc vous imaginez au quotidien ce que ça doit être finalement ?
07:07 - Pas possible.
07:09 - Ça doit être hyper éprouvant et fatigant.
07:12 - Une peur aussi de tomber.
07:16 Hélène, la nutritionniste, va avoir un challenge à l'extérieur.
07:23 Rentrer dans cette voiture.
07:26 - C'est fou parce que t'aurais plus envie d'aller l'aider, de tenir la porte.
07:30 - Tu sens que t'as envie.
07:33 - Tu ne peux pas passer la tête.
07:35 Utiliser un véhicule standard s'avère impossible.
07:38 - Tu ne peux pas fermer la porte.
07:42 - Et maintenant tu mets ta ceinture ?
07:46 - Ah bah oui !
07:48 - C'est très compliqué parce que le volume des fesses
07:51 ne permet pas de faire passer la tête en hauteur.
07:53 Parce que le ventre, et même en touchant le volant,
07:58 ne me permet pas de toucher les pédales avec mes pieds.
08:02 Et puis parce que la ceinture de sécurité est trop petite.
08:05 Je ne peux pas l'accrocher.
08:07 Quand même je voudrais rouler, je ne pourrais pas.
08:10 Une expérience de courte durée, mais qui marque les esprits.
08:15 - Le costume est très désagréable à porter.
08:18 - On a envie de l'enlever.
08:20 - Si tu peux.
08:22 - C'est ça, sauf que le bras est en jeu.
08:25 - Malheureusement, nos patients ne peuvent pas enlever le costume d'au soir.
08:28 - Je suis trempée. Je suis en soeur.
08:31 Ce jour-là, elles vont se succéder pour tester ce costume.
08:35 C'est au tour d'Adeline, socio-esthéticienne dans un centre de nutrition.
08:40 Et Najat, médecin nutritionniste.
08:43 Cette fois-ci, elles vont aller faire un tour en ville.
08:48 - Là, je suis déjà fatiguée. Je suis essoufflée.
08:52 J'ai mal au dos, aux pieds.
08:56 C'est pas très agréable, là.
08:58 Je crois que j'ai jamais marché aussi lentement de ma vie.
09:01 - C'est fatigant. On sent que le rythme cardiaque augmente.
09:05 Et on n'arrive pas à faire de grands pas.
09:08 On est bloquées dans les pas.
09:10 Donc, voilà, c'est vite encombrant, cette envergure-là.
09:15 - Pour corser l'exercice, nos soignantes prennent le bus à une heure de pointe.
09:27 - On se sent à l'étroit.
09:29 On se sent tout le temps aussi percutées.
09:33 Donc là, moi, j'ai pas mal, mais je me dis que quelqu'un qui se fait tout le temps cogner...
09:38 C'est très pénible. En fait, on n'a pas d'espace du tout d'intimité, quoi.
09:42 Adeline tente alors de s'asseoir.
09:47 Mais l'opération est en fait plus délicate qu'elle n'y paraît.
09:50 - Voilà. Tu peux pas ?
09:54 Elle ne marche pas.
09:56 Elle est alors obligée de se rabattre sur les 2 sièges vides de l'autre côté.
10:01 Et en plus, elle a besoin d'aide.
10:04 - En fait, quand il y a quelqu'un à côté, je peux pas...
10:07 J'avais qu'une fesse de poser sur le siège.
10:10 Clairement, c'est pas très adapté, là.
10:12 - Tu prends 2 places, c'est un peu stigmatisant.
10:14 - La honte, la gêne...
10:17 Je pense qu'ils n'osent plus prendre le bus, finalement.
10:20 Ils ont l'impression de gêner, quoi, de pas être à leur place.
10:24 Du matériel inadéquat dans les transports en commun.
10:28 Et dans la rue, il faut encore subir le regard de tous ces gens
10:32 qui se retournent au passage d'une personne obèse.
10:35 - Ouais, mais j'ai vu beaucoup de regards.
10:44 Des regards insistants, ouais.
10:47 Il y a ceux qui dévisagent et d'autres, au contraire, qui détournent le regard.
10:52 Dans ce magasin de friandises, c'est le cas du vendeur.
10:56 En fait, les personnes en surpoids sont jugées en permanence.
11:00 - Il m'a pas regardée.
11:02 - Ouais ? - T'as vu, non ?
11:04 - Très fuyant, ouais. - Oui.
11:06 Il était gêné, je pense.
11:08 - Dès qu'ils sortent, ils s'exposent au regard des autres
11:11 et au regard qui est pas toujours bienveillant.
11:15 Et finalement, ça aide pas à sortir.
11:18 Ça fait qu'ils se renferment, ils restent chez eux.
11:22 Du coup, ils sont pas bien, ils mangent,
11:24 et puis ça renforce encore le problème de poids.
11:27 - Grâce à cette formation, Najat, la médecin nutritionniste,
11:31 prend conscience que ce qu'elle préconise en consultation n'est pas toujours faisable.
11:35 - Souvent, on dit aux patients, bah, il faut marcher 10 000 pas par jour,
11:39 marcher, marcher 30 minutes au moins par jour,
11:41 mais en fait, c'est juste très, très difficile, quoi, à atteindre comme objectif.
11:47 Donc ça va remettre en question mon discours. Voilà.
11:52 - Cette journée d'apprentissage n'est pas encore terminée.
11:56 Retour à l'hôpital.
12:00 Ce jour-là, un 2e groupe va bénéficier d'une autre formation,
12:04 car il n'y a pas que les mentalités qu'il faut changer.
12:07 La prise en charge en hospitalisation des personnes obèses
12:10 peut également être améliorée.
12:13 - Oui, parce qu'on va simuler maintenant,
12:15 on va simuler donc l'arrivée du patient dans le service de soins.
12:19 - Voilà. Si c'était vraiment ma corpulence, je me dis, mais ils se foutent de moi,
12:23 ils ont pas pensé à moi.
12:25 Ouais, non, mais c'est vrai. C'est la 1re chose que je me dis.
12:28 - Un lit trop petit, mais en fait, c'est l'ensemble du matériel courant
12:32 qui n'est pas approprié aux personnes obèses.
12:35 Des tensiomètres, en passant par les fauteuils ou des balances,
12:38 qui ne vont que jusqu'à 150 kg.
12:41 - Parfois, le patient me dit, bah, écoutez, je ne sais pas quel est mon poids,
12:44 parce que mon médecin n'a pas réussi à me peser.
12:47 Donc tout ça, c'est des petites choses qui s'accumulent
12:51 et qui font que les patients sont en souffrance.
12:53 Ils viennent demander de l'aide, des soins,
12:55 et finalement, bah, ils se rendent compte que rien n'est adapté pour eux
12:58 et ils se sentent encore plus exclus.
13:00 En France, il existe seulement 37 centres spécialisés de l'obésité
13:04 avec le matériel adéquat sur plus de 1 300 hôpitaux publics.
13:09 - Tu pourrais pas rester comme ça plusieurs heures ?
13:11 - Non, pas très confortable.
13:13 - Alors, pour améliorer les soins,
13:16 le personnel médical va apprendre des techniques
13:18 pour s'occuper au mieux de personnes obèses.
13:21 Comment effectuer un transfert facilement d'un brancard au lit ?
13:24 Grâce à une planche.
13:26 - C'est bien ?
13:28 - Bah, voilà, on prend les ondes d'appui, les fesses, les épaules.
13:31 Plus tu vas l'engager au départ,
13:33 moins tu auras de difficulté à le recréer à l'arrivée.
13:35 Voilà. - D'accord.
13:37 - Voilà.
13:41 - Essayez de déplacer vos fesses avec vous.
13:44 - Voilà, super.
13:46 Karine est infirmière aux urgences.
13:48 Ce sont des gestes qu'elle doit accomplir tous les jours.
13:52 - On est en grande difficulté pour respecter le patient.
13:56 Avec le manque de matériel, ça devient compliqué.
13:59 On sent bien qu'on est peut-être même maltraitant, parfois.
14:02 Sans le vouloir, mais par manque de matériel
14:04 ou par des petits soupirs,
14:07 parce que... Pas parce que le patient nous convient pas,
14:10 mais parce que le matériel n'est pas là,
14:12 mais le patient, lui, le ressent différemment, probablement.
14:14 Donc c'est compliqué.
14:16 - Ça va ? - Ça va.
14:18 - Vous pouvez attraper les sangles si vous le souhaitez.
14:20 Ça vous rassure.
14:22 Ils apprennent également à utiliser cette machine
14:25 pour relever un patient qui est tombé.
14:27 Un lève-malade qui peut supporter jusqu'à un poids de 205 kg.
14:32 - Tiens, pour te laver le dos.
14:35 Autant de méthodes qui sécurisent le patient,
14:38 mais aussi le personnel soignant
14:40 en évitant des efforts trop importants.
14:42 - Ça permet d'arriver à se laver les pieds.
14:45 Enfin, à atteindre ses pieds, en tout cas.
14:47 - Atteindre ses pieds, oui.
14:49 - Jusque-là, 250 personnes ont pu bénéficier de cette formation.
14:54 Une goutte d'eau au regard
14:56 des 1,2 million de professionnels de santé en France.
14:59 Mais d'autres hôpitaux sont intéressés par cette initiative
15:04 et devraient lancer leur propre formation dans les années à venir.
15:08 ...

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