Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00...
00:02Bonjour, Bruno Fudini.
00:04Bruno a un abonnement, ici.
00:06Comme il fait un bouquin tous les 6 mois,
00:09donc il y vient régulièrement.
00:11Il est haut fonctionnaire, auteur de nombreux livres
00:14et très différent.
00:15Une définition, d'abord.
00:16Qu'est-ce que ça veut dire,
00:18parler poloche, puisque c'est le titre de ce livre ?
00:21C'est quoi, poloche ?
00:22La poloche, c'est la politique, mais pas la haute politique,
00:25la politique du quotidien, les petits potes,
00:28les arrangements, les coups bas, c'est ça, parler poloche.
00:31La politique.
00:32Quand on parle poloche, forcément,
00:34on a besoin d'un vocabulaire un peu...
00:37Un peu... Voilà, spécifique, évidemment.
00:39La politique, évidemment, se nourrit de mots,
00:42mais aussi, elle en crée.
00:43Lorsque vous dites le perchoir,
00:45pour dire la présidence de l'Assemblée nationale,
00:48c'est un terme de poloche.
00:49Après, il y a des termes moins connus,
00:52plus bizarres, il y a aussi des termes oubliés,
00:54qui s'employaient dans l'histoire.
00:56Il y a des termes qui ont traversé le temps.
00:59La droite, la gauche, ça nous vient de la Révolution française,
01:02les Jacobins, les Girondins.
01:04C'est tout cela, le vocabulaire de la poloche.
01:06On parle encore de poloche ou de moins en moins ?
01:09Si, ça se parle, mais parfois dans les couloirs,
01:12souvent entre initiés.
01:13C'est plus ça, au bar, à la buvette.
01:15On dit pas le bar, d'ailleurs.
01:17On dit la buvette.
01:18Comme si c'était moins la buvette,
01:20on buvait moins d'alcool à la buvette.
01:23Qu'est-ce qui vous a motivé à réunir ces termes
01:25et ces expressions dans un ouvrage ?
01:27Comment avez-vous fait ? Il y a plus de 1 000 mots.
01:30Il se trouve que je travaille de longue date
01:33dans le petit monde politique et parlementaire.
01:35Vous travaillez à l'Assemblée nationale.
01:38J'ai assisté à de nombreux débats,
01:40j'ai discuté avec des députés de toutes sortes de tendances.
01:43Chaque fois qu'il y avait un mot pittoresque,
01:46j'essayais de le retenir, de le lister.
01:48J'aime l'histoire.
01:49Des fois, il y a des mots étranges
01:51qu'on trouve dans des vieux livres, des souvenirs de députés.
01:54C'est intéressant.
01:56A une époque, on disait les artichauts
01:58pour désigner les murs du Palais-Bourbon.
02:00Un casteur les avait ornés de pièces de métal
02:03qui ont la forme d'artichauts.
02:05Les artichauts, ça voulait dire l'enceinte du Palais-Bourbon.
02:08C'est pour initier.
02:09-"En faire un dictionnaire", c'est fou.
02:12En plus, il y a des mots qu'on ne connaît pas.
02:14On ne les connaît pas et on ne connaît pas toujours le sens.
02:17Ils sont issus du vocabulaire animalier
02:20pour beaucoup d'entre eux.
02:21Comment ça s'explique ?
02:23C'est vrai, ça se retrouve aussi dans l'art de la caricature.
02:26Quand on animalise quelqu'un,
02:28on lui prête des attributs.
02:30Par exemple.
02:31Et puis, on se moque un petit peu.
02:33Pensez à l'époque où le PS était très puissant,
02:36on parlait des éléphants.
02:37Sérieusement, dans un éditorial, on disait les éléphants du PS.
02:41On le dit moins, maintenant.
02:43Il y a moins d'éléphants au PS, peut-être.
02:45À un moment, les jeunes leaders socialistes
02:48ont voulu se mesurer aux éléphants
02:49et se sont présentés comme jeunes lions.
02:52On les appelait les lionceaux.
02:53Et puis, dans le vocabulaire animalier,
02:56vous avez de longue date les caméléons.
02:58Un caméléon, c'est un animal qui change de couleur.
03:01Pour un homme politique, c'est celui qui retourne sa veste.
03:04J'ai l'impression que tout bon politique a vu son nom déformé
03:08pour en faire une expression.
03:10Oui, c'est ce qu'on appelle des anthroponymes.
03:12Des quoi ?
03:14Des mots qui sont forgés sur un nom propre.
03:16Par exemple, la Macronie, la Sarkozy, le Pécreston.
03:19Et puis, il y a des mots plus anciens,
03:22les raffarinades, qui font suite aux rhénonades.
03:24Caroline, elle fait oui-oui,
03:26parce qu'elle a été journaliste politique.
03:29Une raffarinade, il faut rappeler ce que ça voulait dire.
03:32Une raffarinade de raffarin.
03:33C'était les phrases...
03:35-"The yes needs the no to win against the no".
03:37C'est ma préférée.
03:38Elle est très belle.
03:40Dans le contexte européen, il y a aussi...
03:42-"La route est de droite, mais la pente est longue".
03:45Je vous explique.
03:46Il y a mon oui et plus qu'un non au non.
03:49Ce genre de choses.
03:51Les raffarinades.
03:52Sous la Troisième République, il y avait l'équivalent
03:55qu'on appelait les kouénonades.
03:57Un député s'appelait Amédée Kouénon
03:59et s'était fait une spécialité de ce type de déclaration.
04:02Il y a quelques mois, certains montraient leur mécontentement
04:05en faisant des concerts de casserole.
04:08Dans votre livre, j'ai découvert que c'était
04:10quelque chose de plutôt ancien.
04:12Je me souviens, étant enfant,
04:14qu'en Algérie, les concerts de casserole,
04:16c'était quasiment tous les soirs.
04:18Oui, c'est un mode de protestation ancien.
04:21En France, on en trouve trace, déjà,
04:23dans les années 1830, sous la monarchie de Juillet.
04:26On allait faire ce genre de concerts
04:28sous les fenêtres des ministres.
04:30Ca s'appelait aussi une musique ministérielle.
04:32Sous la Troisième République, il y a eu une sombre affaire
04:36qu'on a appelée l'affaire des fiches.
04:38On s'est rendu compte que les officiers
04:40qui allaient à la messe étaient signalés au gouvernement.
04:43Comme une casserole, ça veut dire un indicateur adélateur en argot,
04:47celui des anti-casseroleurs.
04:49-"Casserole", c'est celui qui dit, qui balance.
04:51Ca fait du bruit.
04:53Être un allumeur à l'Assemblée, c'est quoi, ça ?
04:55Ca n'existe plus, les allumeurs à l'Assemblée.
04:58C'était au temps du régime parlementaire, avant 1958.
05:01Quand on mettait en difficulté le gouvernement pour le renverser,
05:05il y avait des interpellations, mais on n'envoyait pas
05:07un grand orateur. On envoyait un jeune député
05:10qui se faisait un peu le gant et qui allumait le débat.
05:13On l'appelait l'allumeur. Certains voyaient
05:15une belle carrière démarrer, d'autres se cassaient les ailes
05:18s'ils avaient raté l'allumage.
05:20Votre expression préférée, qui a été témoin de tout cela,
05:23dans vos fonctions ?
05:25J'aime la danse du ventre. C'est très expressif.
05:27Faire la danse du ventre, ça veut dire essayer de séduire,
05:31de capter l'attention pour différer une décision.
05:35Sous la Troisième République, il y a un garde des Sceaux
05:38qui s'en était fait une spécialité, Louis Ricard,
05:41surnommée la belle Fatma, danseuse orientale à la mode.
05:44La danse du ventre.
05:45N'importe qui peut faire la danse du ventre à l'Assemblée.
05:48Quelles que soient sons partis.
05:50Vous savez, la danse, en général, il faut...
05:53Il faut être deux. Au moins.
05:55Vous, vous êtes haut fonctionnaire.
05:57Je l'ai dit tout à l'heure, vous travaillez pour l'Etat.
06:00Est-ce que vos employeurs reçoivent les ministères,
06:05vos livres fréquemment ?
06:07Oui, j'ai pu me rendre compte que certains politiques
06:10les lisaient. Et l'un des premiers exemplaires
06:13imprimé de ce livre, je l'ai offert à Yael Broun-Thierry.
06:16Vous travaillez avec la présidente de l'Assemblée.
06:19Il faut lui demander une autorisation ?
06:21Non, mais là, c'est pas un livre politique.
06:24C'est un livre sur la politique, un livre aussi historique.
06:27Mon but, c'est que ces termes soient transmis
06:30et soient utilisés, y compris les plus anciens.
06:33Oui, mais c'est pas toujours humoristique.
06:35Parfois, c'est didactique.
06:37J'ai du mal à séparer les deux.
06:39Dans l'histoire, il y a beaucoup de choses réjouissantes.
06:42C'est bien de maîtriser ce vote.
06:44Je crois que le grand public ne sait pas
06:46à quel point il y a des humoristes parmi les politiques.
06:50Et des sérieux, si j'ose dire.
06:52Merci de votre visite. J'attends le prochain livre.
06:55Allez.