Jade Grandin de l’Eprevier, correspondante de l’Opinion à Bruxelles, fait le bilan de l’intégration des pays d’Europe de l’Est et orientale à l’Union en européenne, vingt ans plus tard
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00:00 On peut même considérer que l'Union européenne a mieux traversé les crises depuis qu'elle s'est élargie.
00:05 Un bilan qui est globalement positif, surtout du point de vue de l'économie,
00:15 puisque les pays qui sont rentrés dans l'Union européenne en 2004,
00:22 ils avaient un niveau de prospérité et de richesse
00:25 qui était très inférieur à celui des pays membres de l'Union européenne à cette époque.
00:30 La Commission européenne estime qu'en gros, au début des années 2000,
00:34 les pays d'Europe centrale et orientale avaient un niveau de richesse
00:37 qui représentait moins de la moitié des pays qui étaient déjà dans l'Union.
00:41 Et en fait, depuis qu'ils sont rentrés dans l'Union,
00:44 leur richesse a tellement augmenté qu'aujourd'hui,
00:47 on estime que leur niveau de vie représente 80 % de celui des États qui étaient déjà dans l'Union.
00:53 Donc il y a un rattrapage économique qui s'est produit pour ces pays.
00:56 On peut estimer qu'ils sont aussi rentrés dans une union politique plus puissante.
01:01 Et puis c'est intéressant de voir aussi le bilan pour les pays qui étaient déjà dans l'Union européenne,
01:06 parce que c'est aussi positif pour eux.
01:08 Du point de vue économique, ils ont eu plus de retombées
01:11 parce qu'ils ont davantage échangé commercialement avec les nouveaux entrants.
01:16 Par exemple, pour la France, elle a pu beaucoup plus exporter de produits et de services
01:21 vers les pays d'Europe centrale et orientale.
01:23 Et puis pour l'Union européenne, il y a aussi un avantage géopolitique,
01:28 avec d'une part la stabilité de son voisinage qui est devenue plus stable politiquement,
01:34 et puis le renforcement du poids géopolitique de l'Union européenne sur la scène internationale,
01:39 puisque à mesure que l'Union européenne s'est élargie,
01:42 elle est devenue beaucoup plus puissante parce qu'elle représente aujourd'hui 27 pays.
01:46 On peut même considérer que l'Union européenne a mieux traversé les crises depuis qu'elle s'est élargie,
01:51 parce qu'elle a bien résisté à la crise du Covid de 2020,
01:55 alors que si on se souvient des crises dans les années 70,
01:57 certes l'Union européenne était beaucoup plus petite,
02:00 mais à l'époque elle a eu beaucoup de mal à réagir par exemple au choc pétrolier.
02:04 Aujourd'hui elle est quand même beaucoup plus unie alors qu'elle est beaucoup plus large.
02:08 Au final, la seule faiblesse qui est soulignée ces temps-ci à l'occasion de l'anniversaire de l'élargissement,
02:13 c'est vraiment ce qui s'est passé dans le domaine de l'État de droit.
02:16 L'État de droit, c'est ce qui assure qu'un gouvernement va respecter la loi
02:22 et ne va pas s'arroger le pouvoir pour dériver vers une autocratie.
02:26 Donc l'État de droit, on dit qu'il est garanti quand il y a plusieurs piliers.
02:29 Il doit y avoir une indépendance de la justice, une liberté de la presse,
02:34 un respect des partis d'opposition, un respect de la loi,
02:37 qui veut dire qu'on a l'égalité des citoyens devant la loi
02:41 et notamment la protection des minorités, et une lutte contre la corruption.
02:45 Et quand il y a tous ces piliers qui sont réunis,
02:47 on considère qu'un pays respecte l'État de droit.
02:50 Or, ces dernières années, on a vu que certains pays avaient des retours en arrière en la matière,
02:56 notamment la Hongrie qui a fait des réformes qui ont nuit à l'indépendance de la justice notamment.
03:02 La Pologne aussi, durant plusieurs années où le parti d'extrême droite, droit et justice, était au pouvoir,
03:08 il a sapé l'indépendance de la justice.
03:10 Et puis très récemment, la Slovaquie, dont le Premier ministre, Robert Schitzel,
03:15 a été récemment victime d'une tentative d'assassinat.
03:18 Juste avant cette attaque, il venait de faire passer une loi
03:22 qui allait nuire à la liberté de la presse, des associations et des partis d'opposition.
03:28 Pour l'Union européenne, c'est problématique pour trois raisons.
03:39 La première, c'est d'abord que ça souligne à quel point l'Union européenne
03:42 n'est pas seulement une machine à cash qui distribuerait de l'argent,
03:46 ce n'est pas seulement une union économique, c'est aussi une union de valeurs, une union politique.
03:52 Et cette union de valeurs, c'était l'idée que les pays européens s'accordaient
03:56 pour défendre et respecter un modèle de démocratie libérale progressiste.
04:01 Or, les pays où il y a un recul de l'État de droit,
04:04 on voit qu'ils remettent en cause certains piliers du modèle de la démocratie libérale
04:09 qui était dans la vision des pays fondateurs de l'UE.
04:13 En Hongrie, par exemple, le Premier ministre Viktor Orban
04:16 assume de vouloir construire un modèle de démocratie illibérale.
04:20 Et donc, il y a vraiment une espèce de collusion entre le modèle d'union politique
04:25 qu'avaient en tête les fondateurs de l'UE et la majorité des pays encore aujourd'hui,
04:29 et les autres, et ça souligne que l'Union européenne, c'est aussi une union de valeurs.
04:33 Le deuxième problème, c'est que justement, ces pays qui font un peu bande à part
04:38 peuvent bloquer la construction européenne en utilisant leur pouvoir de veto,
04:42 ce qui fait qu'il y a beaucoup de décisions où il faudrait l'unanimité, qui sont bloquées.
04:45 Et enfin, le troisième argument, c'est tout simplement la bonne gestion de l'argent européen.
04:51 Parce que, tout simplement, s'il y a dans un pays de la corruption
04:55 ou des juges qui sont acquis par le politique ou placés par les responsables politiques,
05:01 vous n'êtes pas sûr que l'argent public qui est versé par l'Europe
05:05 et qui représente des sommes énormes, des centaines de milliards d'euros,
05:09 comment vous êtes sûr que cet argent va être bien dépensé
05:11 s'il n'y a pas une indépendance de la justice et une lutte contre la corruption
05:14 qui permet de vérifier que le politique ne va pas récupérer cet argent ?
05:18 Donc, il y a aussi un enjeu financier pour les fonds européens.
05:21 Ces pays réagissent durement à ces critiques en considérant
05:30 qu'on n'a pas le droit de leur dire quelles réformes d'État de droit
05:34 il faudrait mettre en place, qu'ils sont seuls maîtres chez eux, seuls souverains.
05:38 Donc, il y a vraiment une lutte de ces pays contre ce qu'ils appellent
05:42 un peu la dictature bruxelloise, en disant qu'on a bien le droit de faire les réformes qu'on veut,
05:46 vous n'avez pas le droit de nous dire que notre justice n'est pas indépendante.
05:50 Ils utilisent l'argument de la souveraineté pour critiquer ça.
05:54 Ce que fait la Commission européenne pour pousser tout de même ces pays à prendre des réformes,
05:58 c'est que pour la première fois, elle a lié le versement d'argent européen
06:03 avec certaines réformes pour maintenir l'État de droit.
06:07 Donc, elle a réussi comme ça à forcer la Hongrie à faire beaucoup de réformes,
06:12 en disant que si vous ne faites pas ces réformes,
06:14 vous n'aurez pas, par exemple, l'argent du plan de relance
06:17 qui représentait des centaines de milliards d'euros.
06:19 Elle a fait de même avec la Pologne et on voit que ça a eu un impact
06:22 parce que ce sont des sommes tellement importantes dans ces pays
06:24 qu'ils ont été obligés de mettre en place les réformes demandées par la Commission.
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