• il y a 7 mois
Aujourd’hui, nous allons parler de pourquoi le recyclage et l’économie circulaire sont devenus contre-productifs.

En effet, malgré tous nos efforts, la part des matières recyclées et réutilisées par rapport à la consommation mondiale est passée de 9 % en 2018 à 7 % en 2023.

Comment une telle aberration est-elle possible alors que nous entendons toutes les marques se vanter de leurs nouveaux emballages recyclables ? Quelles sont les vraies raisons derrière cette inefficacité du recyclage et comment pouvons-nous les surmonter ?

Vous êtes sur le podcast Circular Metabolism, la chaîne pour mieux comprendre le métabolisme de nos sociétés et leurs impacts socio-environnementaux.

Pour parler de ces sujets, j’ai le plaisir d'accueillir Flore Berlingen. Flore a dirigé pendant sept ans l’association Zero Waste France, qui œuvre en faveur d’une société zéro déchet et zéro gaspillage. Elle est également la cofondatrice de l’Observatoire du Principe Pollueur-Payeur et l’auteure des livres “Recyclage - Le Grand Enfumage” et “Permis de nuire - Sous le règne des pollueurs payeurs”.

SOMMAIRE

00:00 Introduction
01:45 Qu’appelle-t-on déchet ?
04:54 Tous les déchets se valent-ils ?
07:29 Que deviennent les décharges ?
09:14 Qui gère les déchets ?
11:47 Comment marche l’éco-contribution ?
14:56 Mettre la pression sur les entreprises ?
17:24 Le revers des progrès en recyclage
22:01 L’avenir du plastique
24:34 Principe de “pollueur-payeur”
26:59 Donner un prix à la nature ?
31:08 Effets de verrouillage contre-productifs
38:23 Quelles solutions systémiques ?
40:33 Reconstitution de la couche d’ozone
42:15 Le tabou de la décroissance
43:58 Recommandations

RÉFÉRENCES CITÉES

• Permis de nuire (2022) Flore Berlingen
• Recyclage : le grand enfumage (2020) Flore Berlingen
• La croissance verte contre la nature (2021) Hélène Tordjman
• Christian Arnsperger sur la chaîne Antithèse : https://www.youtube.com/watch?v=qM2ML4litoo

CHIFFRES CLÉS

• 50% de nos déchets finissent incinérés ou enfouis.
• 300 millions de tonnes de déchets produits en France en 2020.
• 20 milliards €/an pour la gestion des déchets en France.
• 40% du plastique produit est utilisé dans les emballages.

Interview : Aristide Athanassiadis
️ Montage: https://codexprod.fr

#dailysemetauvert

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LIENS VERS LE PODCAST

Newsletter: https://www.circularmetabolism.com/
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Transcription
00:00 Sans remettre en question notre volume de production,
00:03 malheureusement on ne peut pas tenir l'équation environnementale.
00:06 Il y a une contradiction inhérente,
00:08 c'est qu'on demande aux producteurs
00:09 qu'ils réduisent en amont la quantité de déchets produits,
00:12 en contradiction totale avec leur objectif de croissance,
00:16 de volume, de vente de produits.
00:18 C'est là que tous les discours sur l'économie circulaire, le recyclage,
00:23 peuvent devenir contre-productifs
00:25 s'ils nous maintiennent dans l'idée qu'on peut rester à ce niveau de consommation,
00:27 voire continuer à l'augmenter grâce à l'économie circulaire.
00:30 Est-ce qu'on a vraiment envie et besoin de continuer à consommer autant de jetables,
00:34 d'objets divers et variés dans notre maison ?
00:37 Est-ce qu'on est prêt à en accepter le prix ?
00:38 Aujourd'hui nous allons parler de pourquoi le recyclage
00:46 et l'économie circulaire sont devenus contre-productifs.
00:49 En effet, malgré tous nos efforts,
00:50 la part des matières recyclées et réutilisées est passée de 9% en 2018
00:54 à 7% en 2023.
00:56 Comment une telle aberration est-elle possible
00:58 alors que nous entendons toutes les marques se vanter de leurs nouveaux emballages recyclables ?
01:02 Quelles sont les vraies raisons derrière cette inefficacité du recyclage
01:05 et comment pouvons-nous les surmonter ?
01:07 Vous êtes sur le podcast Circular Métabolisme,
01:09 le podcast pour mieux comprendre le métabolisme de nos sociétés
01:13 et leurs impacts sur ce environnement.
01:15 Pour parler de ces sujets, j'ai le plaisir d'accueillir Flore Berlinghien.
01:17 Flore a dirigé pendant 7 ans l'association Zero Waste France.
01:21 Elle est également la cofondatrice de l'Observatoire du principe pollueur-payeur
01:25 et l'auteur des livres "Recyclage, le grand enfumage"
01:28 et "Permis de nuire sous le règne des pollueurs-payeurs".
01:31 Cet épisode est sponsorisé par le média Tilt.
01:33 Plus sur ce média plus tard dans la vidéo.
01:36 Bonjour Flore.
01:37 Bonjour.
01:38 Merci de passer.
01:39 On venait de discuter juste avant,
01:41 j'étais curieux de comment on s'intéresse aux déchets
01:45 et c'est quoi un déchet ?
01:47 Alors comment on s'intéresse aux déchets ?
01:49 Parfois un peu par hasard, c'est mon cas.
01:51 Je suis allée à une conférence sur la question des déchets,
01:53 donc c'est comme ça que j'ai découvert la destination de la majorité de nos poubelles,
01:58 donc les décharges, les incinérateurs
02:00 et les problématiques environnementales qui en découlent.
02:03 Et puis évidemment quand on se rend compte que ces exutoires,
02:05 comme ils sont qualifiés,
02:07 ne sont pas souhaitables du tout du point de vue environnemental,
02:10 du point de vue sanitaire,
02:11 du point de vue de la préservation de nos ressources,
02:13 on est forcément amené à prendre le problème de plus en plus à la source
02:17 et qu'on en finit par se préoccuper plutôt de la question de la gestion de nos ressources,
02:22 plutôt que de celle de simplement la poubelle en fait.
02:25 Et c'est quoi un déchet ?
02:26 Alors c'est l'acte d'abandon en fait qui produit le déchet.
02:29 On a beaucoup entendu, c'était même le slogan d'une de nos multinationales de traitement des déchets,
02:33 je crois à un moment,
02:34 que nos déchets sont des ressources.
02:37 Plutôt que de se réjouir en se disant "oui nos déchets sont des ressources,
02:40 ça va alimenter l'économie de demain grâce à l'économie circulaire etc."
02:44 se poser plutôt la question de ne pas faire de nos ressources des déchets.
02:49 Et voilà, c'est pas juste une simple inversion des termes,
02:52 c'est une manière de penser les choses vraiment complètement différente.
02:55 Oui parce que du coup la gestion de déchets n'existerait pas dans ce cas-là.
02:59 Oui alors on aura quand même toujours des déchets à gérer etc.
03:04 Mais disons qu'en tout cas on va pas mettre exactement le même type de solution en face,
03:08 que si on part du principe que nos déchets doivent devenir des ressources,
03:12 on va pas remettre en question un niveau de production par exemple.
03:17 Et c'est là que le bas blesse parce que sans remettre en question notre volume de production,
03:24 malheureusement on peut pas tenir l'équation environnementale.
03:27 Oui, il y a plusieurs éléments, c'est-à-dire qu'une fois que c'est traité comme un déchet,
03:32 ça va dans une autre sphère de l'économie.
03:35 C'est plus nous en tant qu'utilisateurs, utilisatrices, qu'on peut retoucher cette matière-là.
03:41 Ça doit passer par un secteur dédié sur le déchet.
03:45 Qu'est-ce qui se passe une fois que ça quitte la sphère individuelle ou celle de l'entreprise ?
03:51 La notion de statut de déchet empêche certaines choses,
03:55 notamment les déplacements transfrontaliers etc.
03:57 Et c'est plutôt une bonne chose en fait qu'il y ait quand même cette frontière.
04:00 Parce que en gestion des déchets il y a théoriquement un principe de proximité qui doit s'appliquer.
04:05 C'est-à-dire que quand on parle de déchets justement et pas de ressources et pas de produits,
04:09 quand on parle de déchets normalement le principe de proximité doit s'appliquer.
04:12 Évidemment si on voit les déchets comme une mine de ressources,
04:15 on se dit finalement peu importe qu'ils soient traités à proximité.
04:18 Alors même si on se dit que du coup en termes de transport c'est à peu près équivalent,
04:21 puisque de toute façon la matière elle se serait déplacée,
04:23 enfin je ne sais quoi, en fait non l'équation n'est pas équivalente.
04:26 Parce qu'il faut quand même prendre en compte la notion de colonialisme des déchets
04:30 qui est soulevée de plus en plus par les pays du Sud.
04:33 À mon avis le recyclage ne doit pas être une raison pour laquelle
04:37 on met de côté le principe de gestion de proximité des déchets.
04:41 Bon évidemment il y a énormément de déchets,
04:43 quand on parle de déchets c'est un mot aussi fourre-tout,
04:45 c'est-à-dire qu'il y a les déchets de construction, il y a les déchets des entreprises,
04:48 il y a les déchets industriels, dangereux, enfin il y a vraiment une myriade de déchets.
04:54 Ils ne sont pas équivalents également ces déchets ?
04:56 Non.
04:57 Si on regarde un petit peu la composition des déchets produits à l'échelle française,
05:02 par exemple on peut avoir l'impression que les déchets issus des ménages
05:05 ça représente qu'une goutte d'eau de l'ordre de 10% en masse.
05:10 En réalité les déchets de la construction du BTP pèsent très très lourd,
05:15 c'est pour ça qu'en proportion nos déchets des ménages peuvent sembler pas significatifs,
05:19 mais nos déchets ménagers ils sont extrêmement polluants
05:23 parce qu'ils sont extrêmement divers dans leur composition
05:27 et donc il faut s'en préoccuper de manière très attentive.
05:30 Et dissipatif aussi, très léger, il s'immisce dans les sols, il s'immisce dans l'air,
05:34 de plus en plus en eau également, enfin c'est vraiment comparé à quelque chose de la construction.
05:39 Ça n'a pas le même impact dans les milieux.
05:42 Oui, les déchets issus de notre consommation peuvent se retrouver un petit peu n'importe où,
05:47 et même quand ils se retrouvent correctement dans une poubelle,
05:49 et même quand ils se retrouvent triés, ils ont un impact malgré tout.
05:53 Il y a quand même encore plus de la moitié qui va en incinération ou en décharge.
05:58 Centre d'enfouissement technique, centre de stockage,
06:01 ISDN, installation de stockage de déchets non dangereux,
06:04 ce sont des euphémismes pour dire décharge.
06:06 Quand ils ne terminent pas en décharge, ça termine en incinérateur.
06:10 Alors certes avec une valorisation énergétique dont on fait beaucoup de cas,
06:13 mais cette valorisation énergétique, ce n'est pas du recyclage.
06:17 On se contente de, à minima, récupérer la chaleur, éventuellement la transformer en électricité,
06:22 mais voilà, il ne faut pas pour autant mettre de côté
06:24 les impacts environnementaux très négatifs de l'incinération des déchets,
06:27 production de CO2, mais aussi d'un cocktail de produits chimiques non désirables
06:32 qu'on filtre à travers l'infiltration des fumées,
06:34 mais qui ne sont pas supprimés pour autant.
06:36 Ensuite, on a des déchets toxiques à gérer.
06:38 Mentionnons quand même le fait qu'en Ile-de-France, les sols sont tellement pollués
06:42 et notamment au dioxyne, issu entre autres de l'incinération des déchets.
06:45 L'Agence régionale de santé a recommandé de ne plus consommer les oeufs
06:48 issus de poulaillers domestiques en Ile-de-France.
06:52 On est sur un territoire quand même vaste.
06:54 Voilà, la manière dont on gère nos déchets, la manière dont on les traite in fine,
06:59 ça fait partie des sources de pollution environnementale
07:02 auxquelles il faudrait s'attaquer.
07:04 Peut-être certains chiffres à garder en tête.
07:08 On a mentionné que les ménages, c'est peut-être un dixième des déchets totaux.
07:11 On est en France en 2020, je pense, entre 300 et 350 millions de tonnes.
07:16 Et puis, quelques chiffres qui étaient dans le livre,
07:18 qui avait en 2018 en France 124 incinérateurs et 230 décharges, 232 décharges.
07:24 Les décharges ne sont pas en voie de disparition.
07:26 Il y en a quand même énormément.
07:28 Et puis, qu'est-ce qui se passe une fois qu'une décharge est pleine ?
07:31 Est-ce que ces déchets sont stables ? Est-ce qu'ils sont en expansion ?
07:34 Est-ce qu'on va devoir ouvrir d'autres installations ?
07:36 Comment on gère tout ça ?
07:38 En France et en Europe, ça fait de nombreuses années
07:41 que la mise en décharge est censée être vraiment l'exutoire à éviter.
07:44 Une fois que les décharges arrivent à saturation,
07:46 elles sont fermées, elles sont éventuellement recouvertes.
07:49 Concrètement, on les dissimule.
07:51 On fait un parc paysager éventuellement par-dessus.
07:53 Mais il n'y a pas tellement de nouveaux projets de décharge en France.
07:57 Il peut y avoir ponctuellement des projets d'extension de décharge.
08:00 Et notamment pour des types de déchets dont on ne sait pas quoi faire d'autre.
08:03 D'autres types de déchets que les déchets ménagers.
08:06 Mais on n'est pas sur une logique d'expansion
08:10 de ce mode de traitement-là des déchets, heureusement.
08:13 Après, encore une fois, l'incinération, ce n'est pas mieux sur tous les plans.
08:17 La logique voudrait qu'on cherche surtout à voir
08:20 comment on peut réduire la quantité de déchets produits en amont.
08:23 Parce que les autres alternatives de valorisation matière,
08:27 par opposition à valorisation énergétique,
08:29 soit du recyclage, soit du compostage,
08:32 ou de la méthanisation avec un retour au sol,
08:35 ces autres solutions-là peuvent être encore développées.
08:38 Il y a un énorme potentiel, évidemment.
08:40 Mais elles ne solutionnent pas non plus tous les problèmes,
08:43 comme je le disais tout à l'heure.
08:45 Parce que là, c'est quoi ?
08:47 C'est début 2024, obligation de tri pour les biodéchets, c'est ça ?
08:51 Oui, alors ça, c'est quand même une belle avancée.
08:54 Parce que c'est la moitié de nos poubelles, plus ou moins, les biodéchets.
08:57 Tout à fait, oui, c'est plutôt de l'ordre d'un tiers
09:00 de ce qu'on peut réellement composter.
09:03 Mais oui, c'est une grosse part quand même de notre poubelle.
09:05 Donc déjà, si on sort cette part,
09:08 et qu'on en fait quelque chose d'utile,
09:10 qui va retourner au sol, c'est très bien.
09:13 Comment ça se passe ? Qui sont les acteurs clés ?
09:16 Alors, ça dépend du type de déchets dont on parle.
09:18 Mais si on parle des déchets des ménages,
09:20 effectivement, les parties prenantes à la gestion des déchets,
09:24 ce sont les collectivités locales,
09:27 qui sont dotées de la compétence de collecte des déchets,
09:30 notamment, et de traitement.
09:32 Compétence, ça veut dire obligation ?
09:34 Alors, c'est par rapport aux différents niveaux d'acteurs publics.
09:37 Ce n'est pas l'État qui est en charge de la gestion des déchets,
09:40 ce sont les collectivités locales.
09:42 C'est peut-être un point de détail.
09:44 Ça veut dire que les collectivités ont un pouvoir, quand même, par rapport à ça.
09:47 Souvent, les collectivités se délaissent et disent "moi, je ne sais rien faire".
09:51 C'est vraiment une compétence locale, alors ?
09:53 Si c'est une compétence locale, on pourrait aussi dire que c'est une charge locale.
09:57 Oui, exactement.
09:59 Mais effectivement, elles ont une certaine marge de manœuvre
10:02 dans l'organisation de la gestion des déchets,
10:04 même si les règles sont fixées au niveau national, voire européen.
10:07 Donc, les collectivités locales, c'est peut-être l'acteur qu'on voit le plus,
10:11 parce que c'est le premier interlocuteur auquel on pense.
10:14 Quand on sort sa poubelle, on sait que c'est la ville,
10:17 ou l'intercommunalité, qui organise le service de collecte
10:20 et de gestion des déchets.
10:22 Soit en interne, soit en externe. Comment ça se passe ?
10:25 Oui, la plupart du temps, c'est par délégation de services publics,
10:28 vis-à-vis d'une entreprise.
10:31 Au moins, ce sont les acteurs du financement de la gestion des déchets
10:35 et des filières de collecte séparées des déchets.
10:38 C'est là qu'on peut parler des éco-organismes,
10:41 parce que justement, les collectivités locales,
10:43 depuis quelques dizaines d'années, font face à une quantité de déchets plus importante.
10:47 Et dans les années 80-90, les collectivités locales
10:51 ont tiré la sonnette d'alarme en disant que ça coûtait de plus en plus cher,
10:54 et qu'il fallait absolument que les entreprises
10:57 qui mettent sur le marché les différents produits qui deviennent ensuite des déchets,
11:01 contribuent financièrement à la prise en charge de ces produits
11:04 une fois qu'ils arrivent en fin de vie.
11:06 C'est comme ça qu'on a assisté à la naissance, au tout début des années 90,
11:10 des premières filières de responsabilité élargie du producteur,
11:13 qui consistent à faire payer les producteurs ou les distributeurs.
11:18 Alors, en premier lieu, pour les emballages mis sur le marché,
11:21 c'est la première filière qui a été créée, c'est les emballages.
11:23 Ça c'est Citeo, c'est ça ?
11:25 Actuellement, oui, l'éco-organisme s'appelle Citeo,
11:27 anciennement éco-emballage, historiquement éco-emballage.
11:30 Et donc l'idée, c'est que pour chaque emballage mis sur le marché,
11:35 il y a une éco-contribution qui est versée,
11:37 et qui sert à financer la prise en charge du déchet
11:41 une fois qu'il arrive dans la poubelle.
11:43 Et comment ça se passe ?
11:44 C'est-à-dire, si c'est une canette, disons, que je prends d'une certaine marque,
11:47 est-ce que c'est le producteur de cette canette,
11:49 ou est-ce que c'est la grande distribution qui reverse,
11:51 ou c'est les deux ? Comment ça fonctionne ?
11:53 En tout cas, ce n'est pas le Carrefour ou le Leclerc.
11:56 La notion précise, c'est le metteur sur le marché.
11:59 Alors, dans certains cas, le metteur sur le marché, c'est le producteur,
12:02 dans certains cas, c'est un distributeur.
12:04 Mais, voilà, en tout cas, c'est celui qui met sur le marché
12:07 un emballage ou d'autres types de produits,
12:09 parce qu'il y a d'autres filières qui ont été créées depuis,
12:12 de nombreuses filières,
12:14 qui doivent s'acquitter de cette éco-contribution sur chaque produit.
12:18 Après, cette éco-contribution, dans certains cas,
12:20 elle est rendue visible pour le client final, le consommateur,
12:24 dans le cas de l'électroménager, par exemple.
12:26 Dans le cas de l'électroménager, ce n'est pas le cas.
12:29 Le montant de ces éco-contributions est assez faible.
12:32 La manière dont elles sont calculées, ces éco-contributions,
12:36 c'est en partant du coût de la gestion des déchets.
12:39 On n'est pas du tout dans l'idée
12:41 d'internaliser l'ensemble des externalités environnementales
12:44 de la production d'un produit.
12:46 J'ai utilisé plein de termes sur lesquels on pourra revenir,
12:49 avec la notion de pollueur-payeur, par exemple.
12:52 Mais il faut bien garder en tête
12:54 que les filières de responsabilité élargie du producteur,
12:57 comme leur nom ne l'indique pas,
12:58 parce que quand on pense responsabilité élargie,
13:00 on se dit, ça doit couvrir vraiment tous les impacts environnementaux.
13:03 Non, au contraire.
13:04 Le point de départ de la création des filières REP,
13:07 c'est vraiment la fin de vie,
13:09 la prise en charge en tant que déchets.
13:11 Ce n'est pas la pollution en amont.
13:13 Ce n'est pas la pollution en amont.
13:14 Même si, de fil en aiguille,
13:16 il y a des choses qui ont été rajoutées
13:18 et qui portent un petit peu plus sur l'amont.
13:20 Mais le point de départ,
13:21 et ce qui reste central dans le calcul des éco-contributions,
13:24 c'est les coûts de gestion des déchets,
13:26 notamment les coûts pour les collectivités locales,
13:28 quand c'est elles qui sont en première ligne
13:30 pour collecter les déchets.
13:32 C'est le cas pour les emballages, par exemple.
13:34 Donc, en fonction du coût de la gestion,
13:36 on va avoir des éco-contributions
13:38 d'un niveau plus ou moins élevé.
13:40 Mais c'est ça qui fait que ça n'est guère incitatif,
13:43 en réalité, à réduire les emballages,
13:45 parce que le coût de la gestion en tant que déchets
13:47 n'est finalement pas si élevé
13:49 rapporté à chaque emballage individuel.
13:52 C'est pour ça que, de mon point de vue,
13:55 ce dispositif d'éco-contribution,
13:58 ça fonctionne du point de vue du financement,
14:00 parce qu'il y a effectivement de l'argent
14:02 qui transite des producteurs
14:04 vers les collectivités locales ou les opérateurs.
14:07 Par contre, en tant qu'outil incitatif,
14:09 qu'outil économique pour faire changer les comportements,
14:12 pour faire changer les choix des producteurs,
14:14 pour aller vers moins de déchets,
14:16 à mon sens, ça ne fonctionne pas suffisamment bien du tout
14:19 pour qu'on se contente d'un dispositif comme celui-là.
14:22 C'est pour ça qu'on a besoin vraiment d'autres outils,
14:25 d'autres leviers réglementaires, normatifs.
14:28 On ne peut pas s'appuyer uniquement
14:30 sur ce système pollueur-payeur
14:32 au travers des filières REP
14:34 pour régler la question des déchets.
14:36 Il faut qu'on aille voir ailleurs, à côté.
14:38 On peut peut-être donner les chiffres
14:40 qui étaient dans le livre,
14:42 où en France, ça coûte environ
14:44 20 milliards d'euros par an, je pense,
14:46 la gestion de déchets.
14:48 Et les éco-organismes,
14:50 j'imagine que c'est la totalité des éco-organismes,
14:52 c'est 1.2 ou 1,
14:54 un truc comme ça vient des entreprises.
14:56 Est-ce que si les entreprises prenaient
14:58 la totalité de gestion de déchets à leur charge,
15:00 est-ce que ça change quelque chose ou pas ?
15:02 Si on multipliait par 10 les éco-contributions,
15:05 par exemple, est-ce que ça fonctionnerait ?
15:07 Pas forcément, parce qu'en fait,
15:09 tout dépend de la structure de coût
15:11 de l'entreprise au départ.
15:13 Si de toute façon, dans tous les cas,
15:15 l'emballage pèse très peu dans sa structure de coût,
15:17 même s'il y a un pourcentage
15:19 plus important d'éco-contributions
15:21 qui porte sur l'emballage,
15:23 ça ne va pas remettre en question
15:25 les choix de conception qui sont faits.
15:27 Et puis, surtout, le principal problème
15:29 pour d'autres catégories de produits,
15:31 prenons les vêtements par exemple,
15:33 c'est qu'il y a une contradiction inhérente
15:35 aux filières de responsabilité élargie du producteur.
15:37 C'est qu'on demande aux producteurs
15:39 de financer la prise en charge de la fin de vie,
15:41 mais on voudrait aussi qu'ils réduisent
15:43 en amont la quantité de déchets produits,
15:45 alors que ça peut aller en contradiction totale
15:49 avec leur objectif de développement des ventes,
15:52 de croissance, de volume de vente de produits.
15:55 Parce que pour les emballages,
15:57 on peut se dire que l'emballage,
15:59 c'est un moyen, pas une fin en soi.
16:01 Donc les producteurs peuvent être incités
16:03 à réduire leurs emballages,
16:05 et peut-être qu'ils arriveront à trouver des solutions
16:07 en ce sens, des solutions de réemploi par exemple.
16:09 Mais si vous prenez le cas des vêtements,
16:11 le produit sur lequel s'applique l'éco-contribution,
16:13 c'est le vêtement en lui-même.
16:15 Donc est-ce qu'on peut s'attendre
16:17 à ce que les producteurs ou les distributeurs
16:19 de vêtements soient en charge eux-mêmes
16:21 de la prévention des déchets ?
16:23 Parce que prévention des déchets de vêtements
16:25 dit forcément réduction des mises
16:27 sur le marché de vêtements à l'origine.
16:29 Donc la réparation des vêtements,
16:31 le réemploi des vêtements, mais que ça ne se traduit pas
16:33 par une réduction des ventes de vêtements neufs,
16:35 d'un point de vue environnemental,
16:37 la prévention des déchets n'a pas eu beaucoup d'intérêt.
16:39 Donc donner ce rôle-là aux producteurs,
16:41 c'est probablement une contradiction
16:43 qui est, je pense, insurmontable.
16:45 Et c'est pour ça qu'on a besoin d'autres leviers.
16:47 On ne peut pas juste laisser les producteurs
16:49 s'auto-organiser pour arriver à réduire
16:51 les volumes de production sur certains
16:53 types de produits.
16:55 Donc les emballages, les vêtements
16:57 sont un large parti que l'on pourrait
16:59 qualifier de "fast fashion".
17:01 Et puis plein d'autres segments de consommation aussi.
17:03 Au niveau mondial,
17:05 on a beau
17:07 augmenter
17:09 la quantité
17:11 de matériaux recyclés et réutilisés,
17:13 comme l'extraction
17:15 augmente beaucoup plus que celle-ci,
17:17 le taux de circularité baisse
17:19 de 20% ces 5 dernières années.
17:21 Ça doit être Christian Arspenger
17:23 qui disait "on se fait voler
17:25 des progrès qu'on est en train de faire
17:27 par la surconsommation et la surproduction".
17:29 Malgré l'enthousiasme,
17:31 la bonne foi,
17:33 le talent et le génie de certains de ces
17:35 innovateurs,
17:37 le fruit de leur travail
17:39 et de leur innovation
17:41 leur est littéralement
17:43 volé par la croissance économique.
17:45 Vous allez penser que ce que
17:47 vous faites est là pour économiser
17:49 des ressources, économiser de l'énergie, etc.
17:51 Mais sachez que dans le système
17:53 capitaliste, avec la croissance
17:55 comme impulsion de base,
17:57 ça va vous être piqué
17:59 par derrière,
18:01 par le motif de profit,
18:03 l'accumulation de capital et la nécessité de croître.
18:05 On a beau faire des progrès
18:07 en recyclage, des progrès en réutilisation,
18:09 tous ces progrès-ci sont
18:11 volés par une surconsommation.
18:13 Le problème aussi c'est que ces progrès-là
18:15 ou ces pistes de progrès
18:17 sont aussi instrumentalisés
18:19 pour masquer la croissance de production.
18:21 C'est là que tous les discours
18:23 sur l'économie circulaire
18:25 et le recyclage peuvent devenir
18:27 contre-productifs s'ils nous maintiennent
18:29 dans l'idée qu'on peut rester à ce niveau de consommation
18:31 voire continuer à l'augmenter grâce à l'économie
18:33 circulaire.
18:35 Le sens de mon propos dans les livres
18:37 notamment, c'est pas du tout de dire que
18:39 le recyclage ne sert à rien, évidemment.
18:41 Il sert à quelque chose
18:43 mais que si l'argument du
18:45 recyclage est utilisé pour
18:47 retarder toute évolution
18:49 réglementaire notamment
18:51 en faveur de la production
18:53 et de la réduction des déchets,
18:55 là ça devient vraiment problématique.
18:57 C'est vraiment ce qui est en train de se passer.
18:59 C'est-à-dire que l'argument du recyclage
19:01 et de l'économie circulaire, il est utilisé
19:03 non seulement comme argument de vente,
19:05 argument marketing vis-à-vis des consommateurs,
19:07 c'est la partie la plus visible.
19:09 On a sans doute tous des exemples en tête
19:11 de vêtements
19:13 100% polyester recyclés, donc on se dit
19:15 tout va bien.
19:17 En plus, je fais quelque chose de bien
19:19 en achetant ça.
19:21 Parfois, on se fait avoir simplement
19:23 par l'emballage parce qu'on voit un 100% recyclable
19:25 ou 100% recyclé quelque part
19:27 et on ne se rend même pas compte qu'il s'agit juste
19:29 de l'emballage et par contre le produit qui est vendu
19:31 sous cet emballage, il ne l'est pas du tout.
19:33 Il y a plein de moyens de créer
19:35 de la confusion du fait de l'usage
19:37 de ces arguments marketing
19:39 mais ce n'est même pas le seul problème.
19:41 L'argument du recyclage et de l'économie
19:43 circulaire, il est aussi utilisé
19:45 en direction des décideurs
19:47 politiques et il contribue à retarder
19:49 souvent la mise en place
19:51 de mesures plus contraignantes
19:53 sur la production.
19:55 C'est là que c'est peut-être le plus grave parce que c'est pourtant
19:57 là où il faudrait agir,
19:59 sur le cadre réglementaire et sur la gestion
20:01 de nos ressources à l'échelle globale.
20:03 Pas juste à l'échelle individuelle
20:05 maîtriser sa consommation, tenter de maîtriser
20:07 sa consommation alors qu'on est sous l'effet
20:09 d'un matraquage publicitaire
20:11 qui au contraire nous pousse à la consommer plus.
20:13 Donc, sur le cadre réglementaire
20:15 le discours du recyclage et de l'économie circulaire
20:17 tente à retarder l'action
20:19 nécessaire. Les efforts de
20:21 lobbying récemment sur la directive
20:23 emballage l'illustrent parfaitement.
20:25 On est en pleine négociation
20:27 d'un traité international sur la pollution plastique
20:29 et évidemment l'argumentation
20:31 de l'économie circulaire tient une place
20:33 extrêmement importante dans ces débats
20:35 parce que si l'industrie plastique
20:37 pétrochimique arrive
20:39 à faire passer l'idée que
20:41 les plastiques peuvent devenir circulaires
20:43 l'expression "circular plastic"
20:45 existe, on n'obtiendra rien
20:47 de contraignant en termes de restriction
20:49 de plafonnement de la production
20:51 de plastique à l'échelle mondiale
20:53 ce qui serait pourtant l'objectif prioritaire de ce traité là.
20:55 Il faut vraiment réduire la quantité de plastique
20:57 en circulation parce qu'un plastique qui soit recyclé
20:59 ou vierge, il va quand même se traduire
21:01 par des microplastiques, par un
21:03 relargage d'éléments chimiques dans l'environnement
21:05 en fait il va poser
21:07 des problèmes qui soient circulaires ou non.
21:09 Et ça on peut vraiment le perdre de vue
21:11 si on se laisse bercer des illusions
21:13 de l'économie circulaire.
21:15 Petite pause avant la prochaine partie pour vous parler
21:17 du partenaire de cette vidéo, le média digital
21:19 Tilt. Si vous regardez cette chaîne
21:21 c'est que vous essayez de mieux comprendre
21:23 les crises socio-écologiques que nous traversons
21:25 et comment agir de manière systémique.
21:27 Avec tout le contenu qui explose sur internet
21:29 et Youtube, il est compliqué de trouver du
21:31 contenu de qualité essourcé.
21:33 Et c'est là qu'intervient Tilt. Ce média digital
21:35 vous pouvez le trouver sur Youtube
21:37 et Instagram mais aussi sur leur site
21:39 Tilt.fr, propose du contenu
21:41 de qualité pour comprendre et
21:43 agir face aux grands enjeux mondiaux
21:45 tels que les inégalités sociales
21:47 et environnementales, le réchauffement climatique,
21:49 le droit des femmes et bien d'autres.
21:51 En lien avec la vidéo d'aujourd'hui,
21:53 je vous propose cette vidéo animée qui illustre
21:55 les impacts environnementaux et sanitaires
21:57 des flux plastiques. Bonne découverte
21:59 et de retour à la vidéo.
22:01 Il ne faut pas oublier certains points
22:03 premièrement, les plastiques
22:05 restent du pétrole.
22:07 C'est un dernier rempart de l'industrie pétrolière.
22:09 Il faut se dire que
22:11 on a beau faire du recyclage,
22:13 ça ne va pas être recyclé à l'infini.
22:15 Il y aura tout le temps un apport
22:17 de matières vierges et ça veut dire
22:19 qu'on a besoin de plus de pétrole pour produire
22:21 des plastiques. Et puis il y a un deuxième point
22:23 c'est que, on a peut-être oublié,
22:25 mais en 2017, il y avait la Chine qui a fermé les portes
22:27 et qui a dit "on ne veut plus de vos plastiques
22:29 qui ne sont déjà pas contrôlés,
22:31 qui sont de mauvaise qualité, etc."
22:33 Et nous on est dans un marché interne, on se porte très bien
22:35 donc de toute façon l'exutoire,
22:37 le recyclage ne va peut-être pas exister.
22:39 Oui, parce qu'on a
22:41 pris tellement l'habitude
22:43 d'exporter nos problèmes qu'on ne mesure pas
22:45 ce que ça voudrait dire d'entrer
22:47 dans une économie circulaire, locale,
22:49 relocalisée aussi. Bien sûr il y a
22:51 énormément de projets d'augmentation de capacité
22:53 de recyclage en France,
22:55 en Europe. Il y a
22:57 énormément d'argent qui est mis sur la table aujourd'hui
22:59 mais même ces capacités supplémentaires,
23:01 même le retard qu'on est en train d'essayer
23:03 de rattraper, même ces capacités-là
23:05 ne sont pas du tout à la hauteur
23:07 de la quantité de déchets qu'on génère aujourd'hui.
23:09 Surtout si on dézoome
23:11 un petit peu de la question des emballages. Alors certes
23:13 les emballages c'est une grosse partie de notre utilisation
23:15 de plastique, de l'ordre de 40%, etc.
23:17 Mais il y a à côté la quantité
23:19 énorme de vêtements qu'on jette qui sont aussi
23:21 en partie du plastique, en majorité du
23:23 plastique, du polyester.
23:25 Si on additionne les efforts qu'il faudrait faire
23:27 dans toutes les catégories, tous les flux déchets
23:29 pour être en mesure
23:31 de gérer nos propres déchets sans avoir à les
23:33 exporter. On les exporte plus tellement
23:35 en Chine, un peu moins, enfin dans les pays asiatiques,
23:37 en tout cas pour la France, mais on les exporte
23:39 en Turquie, enfin voilà
23:41 un petit peu plus proche mais quand même à distance.
23:43 En tout cas si on voulait complètement
23:45 relocaliser, il faudrait
23:47 vraiment quadriller la France d'usine.
23:49 Est-ce qu'on a vraiment envie et besoin
23:51 de continuer à consommer autant
23:53 de jetables, de fast fashion,
23:55 d'objets divers et variés dans notre maison ?
23:57 Est-ce qu'on est prêt à en accepter le prix ?
23:59 Voilà, et en fait, comme tout ça
24:01 est pour l'instant masqué, on se rend pas
24:03 compte du coût réel que
24:05 ça aurait de maintenir ce niveau de consommation.
24:07 Et comme on
24:09 en parle depuis le début, évidemment tout ça
24:11 c'est une question d'arbitrage également, c'est-à-dire que
24:13 quand on parle de prix,
24:15 que ce soit financier ou au prix
24:17 environnemental, est-ce que
24:19 nous voulons cramer tous nos
24:21 budgets carbone, tous nos budgets de transition
24:23 sur la gestion de déchets alors
24:25 qu'on pourrait le faire sur avoir
24:27 un peu plus de souveraineté alimentaire,
24:29 énergétique et autres ?
24:31 Complètement. Et du coup, je vais rebondir
24:33 sur la question du prix. La notion de "pollueur-payeur"
24:35 revient très souvent. C'est un
24:37 slogan qui fonctionne. "Pollueur-payeur", on se dit
24:39 "bah oui, c'est ça, c'est la responsabilité"
24:41 alors qu'en fait, on se rend compte que le principe
24:43 "pollueur-payeur" ou les mécanismes
24:45 qui le mettent en œuvre sont souvent
24:47 plutôt une restriction de la responsabilité.
24:49 Un encadrement, une délimitation de la responsabilité.
24:51 Qui dit délimitation, dit
24:53 limitation de la responsabilité.
24:55 Ensuite, ce slogan, il fonctionne
24:57 parce qu'il a toutes les
24:59 apparences de la simplicité. Quand on parle
25:01 "pollueur-payeur", souvent on a des images qui nous viennent
25:03 en tête. Marais noir,
25:05 ou déchets abandonnés,
25:07 plastique sur la plage, déchets abandonnés,
25:09 éventuellement pollution
25:11 d'une rivière, c'est un peu moins visible, mais
25:13 on l'identifie dans notre tête à des cas de pollution
25:15 qui sont souvent ponctuels,
25:17 visibles, ou en tout cas qu'on peut
25:19 mesurer, concentrer, etc.
25:21 C'est pas du tout représentatif des atteintes
25:23 à l'environnement d'une manière générale.
25:25 Dans notre appréhension des impacts environnementaux,
25:27 savoir que la pollution
25:29 en nitrate, ses effets à court terme,
25:31 on les connaît un peu,
25:33 ses effets à moyen terme, long terme, on les connaît
25:35 moins bien déjà, et on n'est pas
25:37 forcément capable de les mesurer, et encore moins
25:39 de les monétiser. Et aujourd'hui,
25:41 la monétisation, qui est quand même un peu la base
25:43 de l'application du principe "pollueur-payeur", parce que si vous voulez
25:45 faire payer les pollueurs, il faut quand même monétiser
25:47 à un moment. Eh bien, cette
25:49 monétisation, elle repose sur des méthodes
25:51 encore plus complexes,
25:53 où on cherche à évaluer la valeur
25:55 d'un service écosystémique,
25:57 par exemple. D'une vie, enfin...
25:59 Oui, la valeur d'une vie aussi.
26:01 Non, mais quand on parle de perturbateurs endocriniens,
26:03 c'est une commodification
26:05 de la pollution. Tout à fait. Et quand on regarde
26:07 les méthodologies utilisées par les économistes,
26:09 qui sont parfois très sophistiquées,
26:11 parfois assemblées de manière
26:13 assez invraisemblable, finalement, quand vous avez
26:15 différentes méthodes qui sont utilisées
26:17 pour produire une seule valeur, parfois ça n'a aucun
26:19 sens, c'est sur le plan scientifique.
26:21 C'est malgré tout ces méthodes-là qui sont
26:23 utilisées à l'heure actuelle, notamment dans le cadre
26:25 des méthodes de compensation
26:27 sur la biodiversité, qui sont une autre expression
26:29 du principe "pollueur-payeur". Et donc,
26:31 moi, c'est vraiment ce qui a conforté
26:33 le fait d'analyser le principe "pollueur-payeur"
26:35 sous ses différentes formes. Donc,
26:37 qu'il s'agisse des filières de responsabilité élargie
26:39 du producteur, qu'il s'agisse de taxes environnementales,
26:41 qu'il s'agisse de mécanismes de marché,
26:43 toutes les expressions du principe "pollueur-payeur",
26:45 elles butent quand même un petit peu
26:47 sur les mêmes difficultés de mesure,
26:49 de monétisation, de biais démocratiques,
26:51 sociaux, sur lesquels on pourrait aussi
26:53 discuter.
26:55 C'est vrai que
26:57 c'est toujours une conversation délicate
26:59 à avoir, est-ce qu'on doit mettre un prix à la nature ou pas.
27:01 Parce que dès qu'on peut en mettre un,
27:03 on peut se permettre
27:05 de marchander, de dire
27:07 "ouais, mais est-ce qu'une forêt vaut vraiment
27:09 ça, ou deux fois ça,
27:11 ou la moitié,
27:13 et du coup, si je mets le prix, je peux la détruire."
27:15 On pourrait faire tout un épisode
27:17 sur cette question de "faut-il donner
27:19 un prix à la nature ?" Il y a d'ailleurs
27:21 beaucoup de choses à lire sur le sujet.
27:23 Souvent, ces mécanismes de prix
27:25 reposent sur un principe d'équivalence
27:27 entre des fonctions
27:29 environnementales, entre les vales,
27:31 et ce principe-là est problématique,
27:33 il ne fonctionne pas,
27:35 même sur quelque chose de relativement simple,
27:37 comme le CO2 ou les gaz à effet de serre,
27:39 on se rend compte que les équivalences qui sont posées sont discutables.
27:41 Après,
27:43 on peut avoir une deuxième catégorie de questionnement
27:45 sur le plan éthique, philosophique,
27:47 quelque chose qui est unique,
27:49 quelque chose qu'on ne sait pas
27:51 reproduire,
27:53 peut-on vraiment lui donner une valeur ?
27:55 Ça me fait penser aussi
27:57 à tout ce qu'on peut dire des notions de seuil
27:59 et d'irréversibilité, les points de bascule,
28:01 ça ce sont des choses qui sont très mal prises en compte
28:03 par les mécanismes pollueurs-payeurs,
28:05 parce qu'en général, c'est linéaire,
28:07 c'est proportionnel, et donc
28:09 ça ne prend pas en compte les irréversibilités,
28:11 les effets de seuil.
28:13 Et puis, à nouveau,
28:15 il y a aussi toute une dimension de critique
28:17 sur le plan démocratique et social,
28:19 ces mécanismes pollueurs-payeurs,
28:21 ils ont des effets redistributifs
28:23 qui peuvent jouer dans un sens comme dans l'autre,
28:25 et en général, ils ne jouent pas forcément en faveur
28:27 des populations les plus défavorisées, au contraire.
28:29 Il y a des rapports nord-sud,
28:31 coloniaux, néo-coloniaux,
28:33 qui sont maintenus par ces dispositifs,
28:35 qui sont renforcés par ces dispositifs,
28:37 notamment les dérives
28:39 qu'on peut observer autour des crédits
28:41 de compensation,
28:43 carbone ou biodiversité, ou même crédit plastique.
28:45 Et puis après...
28:47 Il y a des crédits plastiques qui existent aussi ?
28:49 Oui, il y a une diversification du marché
28:51 de l'offsetting...
28:53 Évidemment, une fois qu'on ouvre la porte, c'est ça le problème.
28:55 Absolument, c'est des questions compliquées,
28:57 parce qu'évidemment, il y a besoin d'argent pour lutter
28:59 contre la pollution plastique, c'est indéniable,
29:01 mais est-ce qu'il faut que l'argent prenne la forme de crédit
29:03 de compensation ? Ça, c'est beaucoup plus discutable.
29:05 Pareil pour la biodiversité,
29:07 il y a un énorme besoin de financement,
29:09 mais...
29:11 Est-ce qu'il faut vraiment que les gouvernements,
29:13 notamment le gouvernement français,
29:15 dépensent énormément de temps et d'énergie
29:17 à inventer des
29:19 dispositifs de crédit
29:21 volontaire des entreprises ?
29:23 Ou est-ce qu'il faudrait
29:25 s'attaquer à la question du financement public ?
29:27 Et pourquoi ce financement public est en régression ?
29:29 Bon, c'est une petite parenthèse...
29:31 Non, mais c'est
29:33 vraiment le nerf de la guerre.
29:35 Et il y a un dernier aspect,
29:37 dont il faut discuter
29:39 quand on parle de principes polaires payeurs et de ces différents
29:41 mécanismes d'application,
29:43 c'est l'enjeu démocratique.
29:45 C'est-à-dire, dans quelle
29:47 mesure ces mécanismes modifient
29:49 les rapports de force ?
29:51 Ou en tout cas, quelles influences ils ont sur les rapports de force,
29:53 notamment entre
29:55 les entreprises, les acteurs économiques,
29:57 les États,
29:59 ou les acteurs publics d'une manière générale,
30:01 les citoyens.
30:03 Ce sont tout sauf des instruments neutres.
30:05 Ils ne sont pas neutres, évidemment, quand en plus
30:07 il y a une part d'auto-gestion dedans,
30:09 comme les filières de responsabilité élargie du producteur,
30:11 ou ce sont quand même
30:13 les metteurs sur le marché, les producteurs,
30:15 qui pilotent eux-mêmes les éco-organismes,
30:17 sous le contrôle de l'État,
30:19 mais c'est quand même eux qui sont à la manœuvre.
30:21 Donc il y a une notion de conflit d'intérêt
30:23 qui est quand même assez énorme.
30:25 Ça, c'est un exemple peut-être un petit peu extrême,
30:27 mais d'autres dispositifs
30:29 comme le pôle urpayer peuvent présenter
30:31 aussi des enjeux de rapports de force
30:33 et de conflits d'intérêt.
30:35 Et ça, je pense qu'il faut
30:37 vraiment le garder en tête quand on étudie
30:39 quel est le meilleur équilibre entre différents
30:41 leviers de politique environnementale
30:43 face à un problème donné.
30:45 Et je ne dis pas du tout qu'il faut les abandonner,
30:47 les mettre de côté complètement, que ça ne sert à rien,
30:49 que le signal pris, ça ne sert à rien.
30:51 Bien sûr, il faut utiliser
30:53 les incitations, mais quelle place
30:55 on leur donne par rapport aux autres leviers
30:57 de politique environnementale ? Quelle place on donne
30:59 aux instruments économiques dans tout ça ?
31:01 C'est déjà intéressant de se dire
31:03 comment peut-on faire confiance à
31:05 quelque chose qui est géré par
31:07 les propres pollueurs ? Le pire dans tout ça, c'est
31:09 le principe de verrouillage. C'est-à-dire que
31:11 si on construit une usine de recyclage,
31:13 d'incinérateur ou que sais-je,
31:15 il y a 30, 40 ans, soit 50, 60 ans
31:17 de durée de vie.
31:19 C'est un peu la fuite en avant,
31:21 tout ça, non ?
31:23 Le fait que les entreprises,
31:25 les producteurs aient la main
31:27 sur la conception des produits,
31:29 c'est plutôt un argument
31:31 qui a été utilisé en faveur
31:33 du mécanisme des filières
31:35 de responsabilité énergie du producteur,
31:37 en se disant justement,
31:39 puisqu'elles ont une connaissance intime
31:41 de leur choix
31:43 de conception, etc., elles seront plus efficaces
31:45 aussi dans l'anticipation
31:47 des choses de manière collective, etc.
31:49 On se rend compte
31:51 qu'en fait, pas forcément, pas vraiment,
31:53 on a plusieurs cas d'école, notamment sur
31:55 la filière emballage où
31:57 les co-organismes, dont les actionnaires
31:59 quand même, il faut le rappeler, sont les producteurs eux-mêmes.
32:01 Donc pour les emballages, les grands
32:03 de l'agroalimentaire, de la grande distrib', etc.
32:05 Les co-organismes
32:07 n'ont pas été en mesure d'anticiper
32:09 certains changements dans le choix des emballages
32:11 et les collectivités se sont retrouvées
32:13 face aux problèmes
32:15 une fois qu'ils étaient là, alors qu'on aurait pu
32:17 anticiper de plusieurs années.
32:19 Ça a été le cas pour le PET au PAC,
32:21 il y a quelques années. Après,
32:23 sur la notion de verrouillage
32:25 technologique, etc.,
32:27 oui, c'est sûr que
32:29 si on regarde la question de la gestion des déchets,
32:31 c'est un exemple
32:33 ce qui vraiment illustre bien cette notion
32:35 de verrouillage. On a fait des choix
32:37 dans la
32:39 deuxième partie du XXe siècle,
32:41 des choix technologiques, en France,
32:43 notamment, d'aller vers l'incinération des déchets
32:45 pour s'éloigner de la
32:47 mise en décharge, parce qu'on est
32:49 sur des problématiques foncières,
32:51 très concrètes. Aux Etats-Unis,
32:53 par exemple, ils n'ont pas investi dans l'incinération,
32:55 en tout cas pas à cette hauteur-là, parce qu'il y avait
32:57 plus de place, tout simplement,
32:59 pour créer de nouvelles décharges.
33:01 Donc, en France, on a fait ces choix
33:03 technologiques,
33:05 et un des points qui différencient
33:07 une décharge d'un incinérateur, c'est que, bon, une décharge,
33:09 on n'est pas obligé de la remplir au plus vite,
33:11 on n'a pas besoin de
33:13 respecter un rythme de remplissage.
33:15 D'un point de vue technologique, la décharge,
33:17 elle n'a pas besoin de se remplir pour fonctionner.
33:19 L'incinérateur, il a
33:21 besoin de fonctionner avec un certain niveau
33:23 d'approvisionnement, sinon,
33:25 sur le plan technique et financier,
33:27 ça ne marche plus.
33:29 Et c'est vraiment pas une bonne chose,
33:31 même sur le plan environnemental, d'arrêter
33:33 un incinérateur, de le remettre en fonctionnement,
33:35 c'est dans ces phases-là, justement, qu'on produit le plus
33:37 de polluants. Donc, vraiment,
33:39 sur tous les plans,
33:41 c'est une technologie qui n'est pas flexible,
33:43 à la hausse ou à la baisse,
33:45 en fait. Et donc, forcément,
33:47 si on construit un incinérateur, c'est pour
33:49 30 ou 40 ans, et voilà !
33:51 Oui, mais comment on fait, quoi ?
33:53 Et donc, ça, on peut avoir l'impression
33:55 que c'est un problème qui relève un peu du passé,
33:57 même si, en fait,
33:59 on continue à construire des incinérateurs
34:01 pour renouveler les installations, etc.
34:03 Mais en fait, c'est la même question qui peut se poser aujourd'hui
34:05 pour les infrastructures de recyclage.
34:07 Aujourd'hui,
34:09 on est en train de dimensionner les infrastructures de
34:11 recyclage à des échelles
34:13 qui me semblent surdimensionnées.
34:15 C'est-à-dire que j'ai l'impression qu'on est en train de dimensionner
34:17 les infrastructures de recyclage en considérant
34:19 qu'on ne va de toute façon pas
34:21 réduire notre consommation
34:23 de plastique d'emballage à usage unique,
34:25 par exemple. Alors, parfois,
34:27 il y a des choses qui masquent ça.
34:29 C'est-à-dire que, là, notamment,
34:31 de gros projets d'usines de
34:33 recyclage chimiques mettent
34:35 beaucoup en avant le fait qu'ils vont être capables de recycler
34:37 des plastiques non recyclables aujourd'hui,
34:39 qu'ils vont être capables de recycler
34:41 du polyester, des vêtements, etc.
34:43 Mais,
34:45 est-ce que ce n'est pas un effet de
34:47 façade ? Parce que le gros
34:49 du flux qu'ils vont gérer, ce sont
34:51 quand même des emballages à usage unique. En fait,
34:53 ce n'est pas parce que c'est une usine de recyclage que c'est
34:55 forcément vertueux. La question qu'il faut
34:57 poser, c'est une usine de recyclage pour recycler quoi ?
34:59 Est-ce que c'est une usine de
35:01 recyclage pour recycler des objets
35:03 qui ont eu une longue vie, qui ont été réparés,
35:05 réemployés, etc. et dont il
35:07 faut effectivement, à la fin,
35:09 récupérer la matière ? C'est le truc
35:11 le plus intelligent à faire.
35:13 Ou est-ce que c'est des usines de
35:15 recyclage qui ont vocation à absorber
35:17 un flux incessant
35:19 et insoutenable
35:21 d'objets à usage unique,
35:23 ou d'emballages à usage unique ?
35:25 Là-dedans, évidemment, il y a les exemples
35:27 phares, comme ça en Europe, comme
35:29 à Copenhague avec la grosse usine d'incinération,
35:31 qui doivent importer
35:33 des déchets parce qu'ils n'en ont pas
35:35 suffisamment. Enfin, on est dans des logiques
35:37 assez folles. Oui, alors ça paraît
35:39 fou pour un incinérateur, mais dès que c'est pour
35:41 une usine de recyclage, par contre, on
35:43 considère que c'est normal. Aujourd'hui, le
35:45 projet d'usine Eastman,
35:47 qui est prévu à côté du Havre, dont la France
35:49 se glorifie parce que ça va être la
35:51 méga-usine de recyclage
35:53 chimique, vitrine
35:55 de l'Europe, etc., son
35:57 approvisionnement est prévu
35:59 pour toucher plusieurs pays européens,
36:01 sur des dizaines
36:03 de milliers de tonnes. Enfin, j'ai vu
36:05 encore il y a trois jours qu'ils venaient de décrocher un contrat
36:07 pour 30 000 tonnes d'approvisionnement
36:09 en Italie. 30 000 tonnes,
36:11 ça fait combien de semi-remorques sur les routes
36:13 pour amener les déchets plastiques
36:15 à recycler vers le Havre ?
36:17 Moi, je trouve que ça ne tient pas debout.
36:19 Et à un moment, l'Italie va produire ses propres
36:21 usines, et du coup, cette usine...
36:23 On peut imaginer qu'il y ait une forme de spécialisation
36:25 selon les pays sur certaines technologies,
36:27 c'est un peu ça qui est mis
36:29 en avant, mais
36:31 la vision globale, est-ce qu'elle
36:33 tient de la route ? Est-ce qu'elle a du sens ?
36:35 On essaie de faire entrer des carrés dans des ronds,
36:37 des ronds dans des carrés,
36:39 ça ne marchera pas.
36:41 Oui, et le dimensionnement,
36:43 c'est quand même une affaire d'ingénieur,
36:45 il devrait quand même penser à quelque chose
36:47 où c'est modulaire également.
36:49 On pourrait penser à des solutions
36:51 décentralisées, quelque chose plus local,
36:53 quelque chose plus modulaire pour pouvoir y arriver.
36:55 Si on se pose la question en tant que
36:57 territoire, en tant que nation,
36:59 si on essaye d'avoir une vision globale,
37:01 oui, on peut réfléchir de cette manière-là.
37:03 Si on est un industriel
37:05 qui a une technologie et qui veut la
37:07 vendre, on ne se pose
37:09 pas forcément cette question de l'articulation
37:11 entre les bonnes échelles, le bon
37:13 mix technologique, etc.
37:15 Moi, je suis tout à fait convaincue qu'au
37:17 niveau de l'ADEME, ils ont
37:19 une vision, ils ont des compétences pour ça,
37:21 par contre, ils n'ont pas suffisamment de moyens
37:23 humains et de pouvoirs d'influence
37:25 pour complètement orienter
37:27 les choses. Je pense qu'il y a une
37:29 disproportion de moyens quand même
37:31 terrible aujourd'hui entre les
37:33 ressources humaines et les moyens financiers
37:35 dont dispose l'industrie d'une part
37:37 et celles dont disposent
37:39 les pouvoirs publics et les citoyens
37:41 d'autre part, pour
37:43 contrebalancer les analyses,
37:45 pour avoir un pouvoir
37:47 de contrôle sur les installations.
37:49 Il y a une disproportion qui fait que l'analyse
37:51 n'est pas forcément aussi méthodique
37:53 et rationnelle que ce qu'on pourrait imaginer.
37:55 Déjà, on peut se poser la
37:57 question comment c'est réellement encore
37:59 moins cher de rendre
38:01 des bouteilles en verre.
38:03 C'est plus facile de les jeter
38:05 et de les recycler en France que
38:07 dans un pays voisin, au Belgique, où la consigne
38:09 existe un peu partout.
38:11 Par contre, quand je
38:13 discutais des solutions tout à l'heure,
38:15 on s'était dit aussi qu'il faudrait peut-être
38:17 ouvrir le cadre, enfin prendre
38:19 beaucoup de distance, que ce soit par rapport
38:21 aux réglementations, mais aussi
38:23 d'autres points. Comment on doit réfléchir
38:25 de manière systémique
38:27 à cet enjeu-là ?
38:29 Par rapport à la
38:31 question des ressources et des déchets,
38:33 on peut
38:35 bien sûr chercher des solutions de
38:37 substitution, quand on a un problème
38:39 technique, verre, plastique,
38:41 mais
38:43 il faut être sûr que
38:45 la substitution
38:47 vaille vraiment la peine sur le plan environnemental,
38:49 parce que là, on a quand même
38:51 beaucoup de cas de substitution où
38:53 on ne règle pas le problème, que ce soit
38:55 du point de vue consommation de ressources, ou du point de vue
38:57 gestion des déchets, ou du point de vue pollution induite,
38:59 parce que
39:01 les impacts sont juste
39:03 transférés. Par contre,
39:05 la notion de substitution, il faut
39:07 vraiment l'avoir en tête
39:09 de manière plus large
39:11 sur les usages, pas juste
39:13 substitution de matière,
39:15 changement de conception, etc., mais changement
39:17 d'usage. C'est là que
39:19 on ne peut pas passer du recyclage à la
39:21 réutilisation, au réemploi,
39:23 donc ne pas détruire
39:25 l'objet ou l'emballage, dont c'est
39:27 question, mais
39:29 prévoir plusieurs utilisations.
39:31 Et en tout cas, pas un usage unique.
39:33 Après,
39:35 même cette réflexion de substitution en
39:37 termes d'usage,
39:39 il ne faut pas qu'elle prenne toute la place,
39:41 parce que le réemploi
39:43 ne peut pas non plus tout régler,
39:45 surtout quand il ne se traduit pas directement
39:47 par une réduction de la production
39:49 d'objets neufs
39:51 au départ.
39:53 De la vanne ouverte.
39:55 Et donc, pour
39:57 aborder aussi la question
39:59 du robinet qu'il faut
40:01 arriver à fermer, on est obligé
40:03 de travailler en parallèle sur d'autres choses
40:05 que la substitution. Et
40:07 notamment, tout simplement,
40:09 je pense surtout au plastique
40:11 quand je dis ça, mais des
40:13 plafonnements de production.
40:15 Il y a un moment où
40:17 on est obligé d'en remonter vraiment à la
40:19 source et à l'échelle internationale
40:21 avec des
40:23 quotas de production, si on veut
40:25 pouvoir régler le problème. Et il y a
40:27 un exemple quand même qui montre
40:29 qu'on l'a déjà fait avec beaucoup de
40:31 succès, c'est la problématique
40:33 de la couche d'ozone, le protocole de
40:35 Montréal. Tout simplement,
40:37 enfin, tout simplement, ça a probablement
40:39 pas été simple à mettre en place,
40:41 etc. Mais
40:43 les pays se sont entendus pour
40:45 réduire l'usage des substances qui
40:47 étaient à l'origine de ce
40:49 trou dans la couche d'ozone
40:51 avec des quotas de plus en plus
40:53 restreints. Et c'est comme ça qu'on est en passe
40:55 de régler le problème aujourd'hui.
40:57 Donc, c'est
40:59 quelque chose dont on peut
41:01 s'inspirer pour réguler
41:03 d'autres substances problématiques, et
41:05 notamment les plastiques. Alors, ça sera évidemment
41:07 beaucoup plus compliqué pour les plastiques
41:09 parce qu'ils sont omniprésents
41:11 dans nos modes de vie.
41:13 Mais c'est pas non plus quelque chose d'insurmontable
41:15 parce que,
41:17 voilà, il y a toute une catégorie d'utilisation
41:19 du plastique qui sont absolument pas vitales,
41:21 et même dont on n'est même pas sûr qu'ils
41:23 augmentent réellement notre confort de vie. La première
41:25 des solutions à mettre en oeuvre,
41:27 c'est de mettre ça
41:29 à plat de manière collective, et pas juste
41:31 à l'échelle individuelle de se demander
41:33 est-ce que j'en ai besoin, pas besoin, est-ce que c'est utile, pas utile ?
41:35 C'est à l'échelle collective
41:37 qu'il faut poser ces questions, c'est-à-dire quels sont nos usages
41:39 prioritaires du plastique, quels sont ceux
41:41 qu'on veut pouvoir maintenir, et pour pouvoir
41:43 maintenir ces usages-là, il faut
41:45 qu'on en supprime d'autres. C'est une question
41:47 de choix, d'arbitrage, basique.
41:49 Cet accord de Montréal, il est quand même
41:51 assez unique parce que, bon,
41:53 il y a eu une substitution, et puis c'était
41:55 une chose, une molécule,
41:57 ou quelques molécules... Oui, plusieurs quand même, mais...
41:59 Voilà, je veux dire, ça restait quelque chose,
42:01 le nombre
42:03 d'objets était quand même assez limité, c'était
42:05 les frigos, les déos, enfin, deux-trois trucs...
42:07 Et puis on avait des solutions de substitution
42:09 relativement disponibles. C'est ça.
42:11 Donc, on n'a pas diminué le nombre de déos
42:13 ni de frigos, en attendant.
42:15 Est-ce que les entreprises
42:17 vont réellement limiter leur croissance économique
42:19 en faisant ça, quoi ?
42:21 C'est sûr que ça nous amène sur
42:23 des questions politiques
42:25 globales, structurelles,
42:27 ça nous amène à questionner la liberté
42:29 d'entreprise.
42:31 La liberté de mettre sur le marché
42:33 ce qu'on veut.
42:35 Donc,
42:37 évidemment, on peut avoir
42:39 l'impression face à ça que c'est insurmontable, qu'on n'arrivera
42:41 jamais, donc il vaut mieux
42:43 faire juste des instruments de marché, et puis ça, ça va
42:45 marcher beaucoup mieux parce qu'on est
42:47 dans un fonctionnement de marché, etc.
42:49 Moi, je ne suis pas sûre que ce soit
42:51 plus irréaliste de
42:53 remettre en question cette liberté d'entreprendre
42:55 que de
42:57 se fier uniquement au marché,
42:59 justement. Parce que là aussi, on a quand même des exemples,
43:01 en fait. On est capable de restreindre
43:03 la liberté d'entreprendre,
43:05 la liberté de commercialiser
43:07 certaines choses, quand notamment
43:09 il y a des dangers sur la santé.
43:11 On est capable de restreindre
43:13 la propriété même,
43:15 un autre truc totem
43:17 pour des causes qui
43:19 sont à un moment donné reconnues comme
43:21 étant prioritaires.
43:23 Et donc, si on a pu le faire pour
43:25 des raisons de santé,
43:27 et qu'on arrive à peut-être encore mieux
43:29 illustrer le lien entre notre environnement et notre santé,
43:31 peut-être que ça peut
43:33 progresser de ce point de vue-là. En tout cas, sur les plastiques,
43:35 c'est une voie de travail, parce que
43:37 la quantité de
43:39 connaissances scientifiques sur les
43:41 implantes du plastique sur notre santé ne
43:43 cesse d'augmenter.
43:45 On peut à un moment imaginer qu'il y ait quand même une bascule
43:47 qui se fasse, en se disant
43:49 "ce plastique, il apporte plus
43:51 de problèmes que de solutions et que de
43:53 confort, donc on en limite l'usage".
43:55 Juste avant de finir, souvent
43:57 on demande, est-ce qu'il y a un
43:59 livre ou un film ou une inspiration
44:01 pour continuer d'explorer
44:03 cette thématique-ci ?
44:05 Sur les déchets, il y a plein de choses, mais sur
44:07 ces instruments économiques dont on a beaucoup parlé aussi,
44:09 il y a un livre vraiment
44:11 intéressant et assez exhaustif
44:13 d'Hélène Torgmann,
44:15 "La croissance verte contre nature",
44:17 qui est vraiment passionnant,
44:19 qui traite des instruments
44:21 économiques, mais plus largement
44:23 de l'économie mainstream
44:27 face aux problématiques environnementales.
44:29 Elle parle notamment
44:31 des aspects de financiarisation de la nature
44:33 par exemple, qu'on n'a pas évoqué aujourd'hui.
44:35 Donc je recommande vivement. C'est un gros
44:37 pavé, mais il ne faut pas se laisser impressionner,
44:39 ça se lit vraiment facilement.
44:41 Je ne dirais pas que c'est agréable à lire,
44:43 parce qu'en fait on en ressort quand même un peu...
44:45 Il faut s'attacher. Voilà, c'est lourd,
44:47 mais en tout cas,
44:49 c'est facile, c'est de la vulgarisation
44:51 scientifique.
44:53 Merci beaucoup d'être passé sur le podcast,
44:55 et puis également merci à vous toutes et tous
44:57 de regarder jusqu'au bout. Si ça vous intéresse
44:59 ces questions de déchets,
45:01 je vous propose d'aller voir l'épisode
45:03 avec Baptiste Monsingeau,
45:05 ainsi que Sabine Bard sur
45:07 l'histoire et la sociologie des déchets.
45:09 Voilà, merci beaucoup,
45:11 et à un prochain épisode.
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