Le général De Gaulle souhaitait une Constitution à sa main pour pouvoir gouverner à sa guise un pays alors ingouvernable de par son instabilité politique et la question algérienne. D'où la Ve République instaurée en 1958, complétée d'un volet présidentiel en 1962, et qu'il nomma avec son génie du paradoxe « monarchie républicaine », autrement dit une hybridation du présidentialisme et du parlementarisme. Depuis 1958, la France connait 8 présidents de la République et 26 Premiers ministre, une Constitution révisée à de nombreuses reprises, la dernière en date ayant trait à l'inscription constitutionnelle de l'IVG le 4 mars 2024, avec des référendums gagnés ou perdus et selon des modes de gouvernance distincts en fonction de la concordance politique ou non entre le parlement, plus concrètement l'Assemblée nationale, et la présidence de la République. Trois cas de figure se présentent : une identification des pouvoirs résultant d'une majorité absolue, une distinction avec une cohabitation et le cas d'une majorité relative comme c'est la situation présente avec le couple Emmanuel Macron Président et Gabriel Attal Premier ministre. Si la France a pu être gouvernée jusque-là, nonobstant des difficultés et des crises politiques, l'ambiguïté institutionnelle de la Ve République s'est accrue du fait de la prééminence verticale du pouvoir présidentiel sur les prérogatives parlementaires. D'où le constat que nous serions déjà régi par une VIe République sans qu'il en soit fait mention officiellement.
Émile Malet reçoit :
- Noëlle Lenoir, avocate, ancienne ministre, ancienne membre du Conseil Constitutionnel,
- Anne-Charlène Bezzina, maitre de conférences à l'Université de Rouen et à Sciences Po Paris,
- Philippe Brun, député PS de l'Eure, ancien magistrat,
- Olivier Passelecq, professeur de droit à l'IPAG de l'Université Paris Panthéon Assas,
- Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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Émile Malet reçoit :
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- Anne-Charlène Bezzina, maitre de conférences à l'Université de Rouen et à Sciences Po Paris,
- Philippe Brun, député PS de l'Eure, ancien magistrat,
- Olivier Passelecq, professeur de droit à l'IPAG de l'Université Paris Panthéon Assas,
- Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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NewsTranscription
00:00 Générique
00:02 ...
00:24 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 Faut-il instaurer une sixième République ?
00:31 Le général de Gaulle souhaitait une constitution à sa main
00:35 pour pouvoir gouverner à sa guise
00:37 un pays alors ingouvernable
00:40 de par son instabilité politique et la question algérienne.
00:44 D'où la Ve République,
00:46 instaurée en 1958,
00:49 complétée d'un volet présidentiel en 1962
00:53 et qu'il nomma, avec son génie du paradoxe,
00:57 "monarchie républicaine",
00:59 autrement dit, une hybridation du présidentialisme
01:04 et du parlementarisme.
01:06 Depuis 1958, la France connaît huit présidents de la République
01:11 et 26 premiers ministres.
01:13 Une constitution révisée à de nombreuses reprises,
01:17 la dernière en date ayant trait à l'inscription de l'IVG
01:22 le 4 mars 2024,
01:25 également avec des référendums gagnés ou perdus
01:29 et selon des modes de gouvernance distincts
01:33 en fonction de la concordance ou non
01:37 politique entre l'Assemblée et le pouvoir exécutif.
01:41 Trois cas de figure se présentent.
01:44 Une identification des pouvoirs
01:47 résultant d'une majorité absolue.
01:50 Une distinction avec une cohabitation
01:54 et le troisième cas, une majorité relative,
01:58 comme c'est la situation présente
02:00 avec le président Emmanuel Macron
02:03 et le Premier ministre Gabriel Attal.
02:06 Si la France a pu être gouvernée jusque-là,
02:09 nonobstant des difficultés, des crises politiques,
02:13 l'ambiguïté institutionnelle de la Vème République
02:17 s'est accrue du fait de la prééminence verticale
02:21 du pouvoir présidentiel
02:23 sur les prérogatives parlementaires.
02:26 D'où le constat que nous serions déjà régis
02:29 par une VIe République
02:31 sans qu'il en soit fait mention officiellement.
02:34 C'est ce que nous allons voir
02:36 avec mes invités que je vous présente.
02:39 Noël Lenoir, vous êtes avocate, ancienne ministre,
02:43 ancien membre du Conseil constitutionnel.
02:46 Philippe Brun, vous êtes député
02:50 Parti socialiste de l'heure et ancien magistrat.
02:53 Anne-Charlène Bézina, vous êtes maître de conférence
02:58 à l'Université de Rouen et à Sciences Po Paris.
03:01 Olivier Paslec, vous êtes professeur de droit à l'IPAG
03:05 de l'Université Paris Panthéon-Assas.
03:08 Et Dominique Rousseau,
03:10 vous êtes professeur de droit constitutionnel.
03:13 Vous êtes ancien membre
03:15 du Conseil supérieur de la magistrature.
03:18 Musique rythmée
03:20 ...
03:26 Vous voyez cette citation,
03:27 qui a un côté humoristique dans les temps présents.
03:31 Elle est d'Edouard Philippe.
03:33 "Je pense que quand le président se mêle de gouverner,
03:37 "il se plante,
03:38 "et je pense même qu'il est condamné à échouer."
03:42 Alors, si on se déplace un peu dans le passé,
03:47 Georges Pompidou a pu dire que la Ve République
03:50 avait un côté bâtard par sa dualité institutionnelle.
03:54 Diriez-vous que ce système hybride
03:57 a définitivement penché
04:00 vers une présidentialisation du régime ?
04:03 Monsieur le député.
04:05 -Oui, à l'évidence, on atteint aujourd'hui
04:07 les limites des institutions telles que nous les connaissons.
04:11 Il y a eu la réforme du quinquennat,
04:13 dont on discutera les uns et les autres,
04:15 qui a rendu un peu inutile le Premier ministre,
04:18 dont on ne sait pas très bien à quoi il sert,
04:20 coincé entre le président de la République,
04:23 l'Assemblée nationale et l'autre.
04:25 La situation que nous connaissons aujourd'hui
04:27 est de blocage institutionnel.
04:29 A l'Assemblée nationale, depuis six mois,
04:32 on ne vote quasiment rien.
04:33 On se promène avec des propositions de loi agréables,
04:36 on discute de tout et de rien,
04:38 mais on voit bien qu'aujourd'hui,
04:40 gouverner le pays en majorité relative,
04:42 c'est difficile.
04:44 -Un pays qui, lui-même, montre très forte défiance
04:47 vis-à-vis des institutions,
04:49 défiance vis-à-vis de l'usage de cet article 49,
04:52 alinéa 3, dont on aura également l'occasion de parler.
04:55 On voit bien qu'on arrive au bout d'une logique
04:57 et que, sinon, une 6e République, la 5e République,
05:00 doit être profondément amendée.
05:02 -Ecoutez, on a beaucoup de constitutionnalistes ici.
05:07 Est-ce que vous avez l'impression
05:09 que ce qui est voté depuis quelque temps,
05:12 ce sont que des petites réformettes ?
05:14 Olivier Paslec.
05:16 -Oui et non. Je rejoins
05:19 monsieur le député sur cette observation.
05:23 C'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de textes qui peuvent passer.
05:27 Néanmoins, il en est passé certains,
05:30 notamment la réforme des retraites
05:32 et la loi dite "immigration".
05:35 Alors, dans des conditions, c'est vrai,
05:37 je voudrais le rappeler, qui sont assez discutables.
05:41 J'étais parmi ceux qui pensaient
05:42 qu'effectivement, pour la réforme des retraites,
05:45 il y avait un cumul de procédures
05:47 qui s'apparentait, selon moi,
05:49 à un excès de pouvoir constitutionnel.
05:52 Voilà ce que je pense.
05:53 Et je pense, pardon, Noël Le Noir,
05:55 mais le Conseil constitutionnel a réussi...
05:58 Il suffit de changer un adjectif,
06:00 de mettre que ce n'est pas un cumul de procédures inhabituel,
06:03 mais de dire que c'était inapproprié
06:05 pour considérer que ce n'était pas valable.
06:08 Quant à la loi immigration,
06:10 je crois qu'on a atteint vraiment le sommet
06:12 de ce qu'un président ne devrait pas faire.
06:15 Dans toute la procédure législative,
06:17 il a été à la main-oeuvre,
06:18 il s'est immiscé dans la commission mixte paritaire
06:22 et il a osé finalement dire
06:23 "oui, on vote la loi, mais je demande au Conseil constitutionnel
06:27 "de bien vouloir la supprimer",
06:29 ce que Laurent Fabius, d'ailleurs, lui a fait remarquer
06:32 en disant que le Conseil constitutionnel
06:34 n'était pas une chambre d'appel du Parlement.
06:37 -On est dans la sévérité complète.
06:39 Qu'en pensez-vous ?
06:41 -Alors moi, je ne suis pas tout à fait d'accord,
06:44 si je puis me permettre,
06:45 avec ce qui vient d'être dit.
06:48 Bon, premièrement,
06:50 on fait porter aux institutions
06:54 une influence qu'elles n'ont pas.
06:56 On est une monarchie qui est devenue républicaine,
06:59 on l'a toujours été, et chez nous, malheureusement,
07:02 le régime parlementaire et la Quatrième République,
07:05 ça n'a pas marché.
07:07 Quand j'étais à Sciences Po,
07:08 il y avait une propagande gaulliste incroyable,
07:11 et on nous disait que la Quatrième République,
07:14 c'est le règne des partis.
07:15 Je trouve que la constitution de la Ve,
07:18 qui a évolué de deux façons,
07:20 d'abord parce que jamais une constitution au monde
07:23 n'a fait l'objet de tant de révisions,
07:25 plus d'une révision tous les trois ans,
07:27 avec le quinquennat et l'élection au suffrage universel,
07:31 on a quand même pas mal évolué,
07:33 et deuxièmement, comme vous le disiez,
07:35 ce qui est remarquable, c'est que cette constitution
07:39 s'est adaptée au fil du temps.
07:41 C'est-à-dire qu'il y a les trois hypothèses
07:43 que vous avez soulignées,
07:45 la cohabitation, la majorité absolue,
07:47 mais quoi qu'en France, il n'y a jamais de majorité,
07:50 car au sein des partis, il y a beaucoup de dissensions,
07:53 et la majorité relative.
07:55 Quand on fait moins de lois, je trouve que c'est très bien,
07:58 on fait beaucoup trop de lois,
08:00 et on n'applique pas assez les lois qu'on vote.
08:03 J'y reviendrai, mais je pense que la vraie maladie infantile
08:08 de ce pays, c'est l'instabilité des partis.
08:11 Et De Gaulle a fait une constitution
08:14 contre les partis, contre cette instabilité des partis.
08:18 Il n'y a plus... Il y a un radical à Paris,
08:20 et je m'en félicite, qui est ici, à ma droite,
08:23 mais il n'y a plus aucun parti qui existe
08:26 qui était dominant sous la 3e, la 4e ou même la 5e.
08:30 Et ça, c'est une pathologie française,
08:33 parce qu'on n'a pas de maturité politique.
08:35 -Dominique Rousseau, vous n'avez pas l'air d'accord,
08:38 mais en tout cas, je vous laisse.
08:41 -C'est justement l'occasion de débattre.
08:45 Je partirai d'une proposition
08:48 qui avait été formulée par Le Doyen Vedel,
08:50 disant qu'il n'y avait pas de contradiction
08:53 entre l'élection populaire du chef de l'Etat
08:56 et la structure parlementaire.
08:58 En revanche, il y avait une contradiction
09:01 entre l'élection populaire du chef de l'Etat, qui gouverne,
09:05 et la structure parlementaire.
09:07 Si on fait du droit comparé, on en parlait tout à l'heure,
09:10 on prend le Portugal, la Roumanie, la Pologne, la Finlande, l'Irlande,
09:14 dans tous ces pays-là, le président est élu,
09:16 mais c'est le Premier ministre qui dirige.
09:19 Deuxième observation, contrairement à ce que vous avez dit,
09:22 le Premier ministre continue à avoir un rôle central
09:26 dans le fonctionnement des institutions.
09:29 C'est lui qui a la manette,
09:31 c'est lui qui a toute l'administration
09:33 à sa disposition.
09:35 C'est pas le président de la République.
09:37 Si vous regardez l'histoire de la Ve République,
09:40 il y a toujours eu des conflits.
09:42 De Gaulle-Debré, Pompidou-Chaban...
09:44 -Sauf dans les cas... -Non, non.
09:46 Mitterrand-Rocard...
09:48 -Chirac-Juppé, il n'y avait pas de contradiction.
09:51 -Si. -Mitterrand-Montroy,
09:55 il n'y avait pas de...
09:57 Au moment de la dissolution...
09:58 -Il arrive toujours un moment dans un ménage politique
10:02 où ça grince. -Vous avez toujours,
10:04 sur toute l'histoire de la Ve République,
10:06 un désaccord entre le président et le Premier ministre.
10:09 -On va rentrer dans le détail sur ce point-là,
10:12 mais Anne-Charlene Bézina,
10:14 je voudrais que, pour nos téléspectateurs,
10:17 que vous disiez ou que vous esquissiez
10:20 une réponse à la question que je formulais au début
10:23 et à laquelle il n'y a pas eu de réponse.
10:26 Est-ce que vous pensez qu'on va
10:28 vers une présidentialisation du régime ?
10:31 -On y est, déjà. -Alors, moi,
10:33 je vais me permettre d'apporter une petite nuance
10:36 à la nuance que vous aviez apportée
10:39 sur la maladie de la Ve République.
10:41 Je pense qu'elle en a une, en effet,
10:43 qui est, aujourd'hui, un peu plus encore
10:45 que cette présidentialisation du régime,
10:48 la personnalisation du pouvoir.
10:50 C'est vrai que nous sommes une ancienne monarchie,
10:52 vous l'avez dit, et on a ce problème
10:55 avec un président qui, non seulement gouverne,
10:57 mais incarne à lui seul la figure de la Ve République.
11:00 C'est vrai qu'on l'a dit, l'ADN Gaulliste
11:03 fait partie de la rédaction de la Ve République
11:05 et encore aujourd'hui de son texte.
11:07 On a un président qui intervient en commission mixe-paritaire,
11:11 qui intervient dans les conférences de majorité,
11:14 qui nous dit s'il est bon ou non
11:16 d'avoir une loi de finances rectificative.
11:18 Toutes ces maladies-là, au fond,
11:20 ne sont même pas dans le texte de la Constitution.
11:23 Je crois qu'on a parfois tendance,
11:25 c'est une phrase du consécutif,
11:27 qu'on a souvent tendance à assimiler
11:29 la maladie de la règle du jeu
11:31 avec la maladie des joueurs.
11:33 Je crois que c'est ça qu'il ne faudrait pas confondre.
11:36 Une présidentialisation, oui, bien sûr.
11:38 La Ve République, déjà, dans son ADN, la comportait.
11:41 On a accentué le virage avec les réformes
11:44 sur lesquelles on reviendra,
11:45 le quinquennat et l'inversion du calendrier,
11:48 mais je ne crois pas que ce soit tant ces réformes-là
11:51 qui ont radicalisé le régime que l'incarnation par les hommes
11:55 qui a amené à ce que presque tous les autres organes
11:58 constitutionnels fassent effet de figurant.
12:00 Pourtant, le code génétique de nos constitutions,
12:03 je crois qu'il est profondément parlementaire.
12:06 Si nous avons été des monarchies,
12:08 nous avons aussi cet ADN parlementaire.
12:10 Nous aimons notre Parlement.
12:12 Il a l'habitude de manifester les débats.
12:14 La grande question qu'il faut se poser,
12:17 c'est présidentialisation, peut-être,
12:19 c'est vraiment ça. -Philippe Brogne,
12:21 je vois que vous voulez intervenir.
12:23 Intervenez en généticien.
12:25 Est-ce qu'il peut y avoir un ADN gaulliste
12:28 dans la Constitution et dans le fonctionnement politique
12:32 sans De Gaulle ?
12:33 -Oui, je le crois.
12:34 D'ailleurs, nous sommes tous à la recherche
12:37 de la femme ou de l'homme prévidentiel.
12:39 Il existait avant le général De Gaulle.
12:41 A gauche, Léon Blum, homme d'Etat,
12:44 Georges Clemenceau, il n'a jamais gouverné,
12:46 mais Jean Jaurès ont été des figures
12:49 incontournables qui ont incarné nos espoirs.
12:51 Pierre Mendès-France... -Vous ne citez
12:53 que des gens de gauche, mais à droite, il n'y a pas...
12:56 -Je suis le député de la circonscription
12:58 de Pierre Mendès-France, une figure dont je connais
13:01 tous les écrits, qui décrivait ce qui allait se passer.
13:04 Ce discours de 1958 est extraordinaire.
13:07 Il dit que nous allons devenir une pâle copie
13:09 de la démocratie américaine.
13:11 Pour parler de la présidentialisation,
13:13 on est arrivé aujourd'hui à un système
13:16 où, quand vous écrivez aux collaborateurs
13:18 comme ceux du président de la République,
13:20 ce qui n'est jamais arrivé dans notre histoire,
13:23 ils ont des adresses mail.
13:25 Aujourd'hui, le pouvoir du Premier ministre,
13:27 c'est celui de prendre des arbitrages
13:29 en réunion interministérielle.
13:31 Ces conseillers sont les délégués pour prendre ces arbitrages.
13:35 Ce sont les conseillers du président de la République.
13:38 Le Premier ministre, une marionnette
13:40 dont le président est le ventriloque.
13:42 C'est un vrai problème sur l'équilibre de nos institutions.
13:46 Comment faire ?
13:47 -La décentralisation de la vie politique,
13:49 je crois qu'elle est présente,
13:51 parce que les gens attendent des figures importantes.
13:54 -Sûrement moins que sous la cinquième.
13:56 -Voilà. Tout au long de l'ère,
13:58 le Premier ministre, on le reprochait
14:00 d'être assez présidentialiste,
14:02 parce qu'il y avait des femmes et des hommes élus
14:05 dans des régimes plutôt primoministériels
14:07 ou parlementaires.
14:09 Je voulais répondre à Noël Lenoir sur la question de l'instabilité
14:12 de la Quatrième République et de la Troisième République.
14:16 Les plus grandes lois qui réagissent
14:18 à notre vie individuelle et collective
14:20 ont été prises sous le régime de la Troisième République,
14:23 qui ressemblait à la de la Quatrième.
14:26 Ces grandes lois ont été le fait de compromis, de discussions.
14:29 Ce que nous essayons de revivre aujourd'hui...
14:32 Je suis heureux d'être député d'un Parlement sans majorité.
14:35 On a réussi à faire passer un certain nombre de choses.
14:38 J'ai fait passer la première loi d'opposition
14:41 adoptée définitivement dans l'histoire de la Ve République,
14:45 qui est sur EDF, qui rétablit les tarifs réglementés
14:47 et empêche le démantèlement.
14:49 Elle a été adoptée en trois lectures à l'Assemblée
14:52 et au Sénat. Contre l'avis du gouvernement,
14:55 elle a été adoptée définitivement.
14:57 Cela nécessite de sortir de cette habitude
15:00 du système bipartisan et de l'absence de travail en commun,
15:03 l'absence de compromis.
15:05 Je crois qu'aujourd'hui, on doit renforcer
15:07 le parlementarisme, renforcer le dialogue
15:10 et notre capacité à travailler les uns et les autres ensemble
15:13 pour ne jamais décoalifier.
15:15 -Olivier Paslec et Noël Lenoir,
15:17 je voudrais que vous tranchiez cette question.
15:20 En près de trois quarts de siècle,
15:25 on a vu une évolution dans le fonctionnement
15:28 du couple président de la République,
15:31 premier ministre.
15:32 Est-ce que le premier ministre,
15:35 oui ou non,
15:37 assume de plus en plus
15:40 une fonction d'exécutant de la politique gouvernementale ?
15:44 Et si c'est le cas,
15:47 est-ce qu'il y a distorsion constitutionnelle ?
15:50 -Je vais répondre rapidement.
15:52 Je voulais juste dire un mot par rapport à ce qu'a dit Noël Lenoir.
15:56 Au contraire, je n'attaque absolument pas les institutions,
15:59 je les défends.
16:01 Je considère simplement qu'elles sont mal employées.
16:05 Ceux que je mets en cause,
16:06 ce sont ceux qui les peintrent d'application.
16:09 Ce n'est absolument pas les institutions
16:11 qu'on peut néanmoins certainement améliorer.
16:14 En ce qui concerne le couple exécutif,
16:16 très vite, je rappellerai que l'article 20 de la Constitution
16:20 est très clair.
16:21 Le gouvernement, le gouvernement, pas le président,
16:24 détermine et conduit la politique de la nation.
16:27 C'est absolument fondamental.
16:29 Je rappelle également, par rapport à tout ce qui a été dit,
16:32 que l'essence même de la Ve République est parlementaire.
16:35 Nous retrouvons, et c'est le discours de Michel Foucault,
16:39 de Michel Debré devant le Conseil d'Etat en 58,
16:42 en atteste, c'est vraiment un régime
16:44 qui est fondé sur les mécanismes essentiels
16:46 du régime parlementaire,
16:48 c'est-à-dire un exécutif bicéphale,
16:50 un droit de dissolution et une responsabilité politique
16:54 d'ouvernement devant le Parlement.
16:56 Ceci, effectivement, a dérivé vers ce qu'on appelle
16:59 la présidentialisation ou le présidentialisme.
17:02 Alors, comment voulez-vous aujourd'hui,
17:04 effectivement, qu'un Premier ministre existe ?
17:07 Je rebondis sur l'histoire du quinquennat.
17:10 Il est vrai que le quinquennat a aggravé beaucoup les choses.
17:13 A partir du moment où Nicolas Sarkozy
17:15 a considéré son Premier ministre comme son collaborateur,
17:19 on était mal partis.
17:20 On peut considérer là qu'Emmanuel Macron,
17:23 par rapport à Elisabeth Borne,
17:24 je crois que tout le monde le sait,
17:26 ça ne s'est pas très bien passé.
17:28 Elisabeth Borne n'a pas été très bien traitée.
17:31 Donc on peut considérer que... -Elle ne s'est pas plainte.
17:35 -Elle ne pouvait pas, publiquement.
17:37 Mais en tout cas, en tout cas, deux choses, je termine.
17:41 On peut considérer que c'est une espèce
17:43 de superdirectrice de cabinet du président.
17:46 Et surtout, elle s'est bien vengée au moment de son départ,
17:50 puisqu'elle a repris la fameuse formule,
17:52 selon laquelle, "Vous m'avez demandé, vous m'avez forcé à partir."
17:56 Et ça, ce n'est pas conforme à la Constitution.
17:59 Les articles 49 et 50 ne prévoient pas ce cas-là.
18:01 -Noëlle Lenoir ?
18:03 -Alors, moi, je pense que, finalement,
18:05 on est assez d'accord, tous, sur un point,
18:08 à savoir qu'une Constitution, c'est une structure,
18:12 mais que ce qui est à l'intérieur
18:14 diffère selon les hommes et les femmes.
18:17 Et un autre président de la République
18:19 aura une autre pratique
18:21 et d'autres types de relations avec son Premier ministre.
18:26 Je retiens aussi, quand même, ce qui m'a intéressée,
18:29 et je souscris, finalement,
18:31 le Parlement n'a jamais eu autant de pouvoir,
18:34 parce qu'on est obligés de faire des compromis pour avancer.
18:37 Il y a quand même un spectre très, très éclaté
18:41 dans l'hémicycle, avec des partis radicalisés,
18:44 il faut dire, des deux côtés de l'hémicycle,
18:47 et puis, au milieu, des ex-partis
18:49 qui ont rejoint un autre parti, etc.
18:51 Et moi, je pense que je souhaite que le Parlement,
18:54 et je félicite notre député ici de l'adoption de cette loi,
18:59 que le Parlement joue son rôle.
19:02 Il n'a pas toujours voulu jouer son rôle.
19:04 Alors, maintenant, moi, je le critique un peu,
19:07 il n'y a plus de cumul des mandats,
19:09 donc c'est l'occasion, et je pense que ce qui manque
19:12 un petit peu en France, parce qu'on a tellement valorisé
19:15 la Révolution française, le peuple en armes, etc.,
19:19 on n'a pas exactement le sens du compromis.
19:21 Et si cette minorité, disons, relative du gouvernement
19:27 pouvait conduire à un petit peu plus d'ouverture,
19:30 ce serait vraiment très bien.
19:31 Je suis très contente que les socialistes
19:34 se soient un peu détachés, j'ai oublié son nom,
19:37 mais du parti extrême à gauche.
19:39 -De la nuppes, c'est pas tout à fait le cas.
19:42 -La force assommée, Zaléfi. -Dominique Rousseau.
19:45 -Pour revenir sur votre question sur le couple d'exécutifs,
19:48 je crois que je suis d'accord pour dire
19:50 qu'il y a une présidentialisation et une personnalisation.
19:54 Vous avez raison. -Mais au détriment du...
19:57 -Là, vous dites pas que...
19:59 -Je crois qu'il ne faut pas négliger et oublier
20:02 l'importance des premiers ministres
20:04 dans le fonctionnement concret quotidien des institutions.
20:08 C'est eux qui font les décrets, qui signent les décrets,
20:11 qui ont toute l'administration.
20:13 Je voudrais donner quelques exemples importants
20:15 pour l'histoire de la Ve République.
20:17 C'est quand même Pompidou, premier ministre,
20:20 qui a obligé le général de Gaulle à renoncer au référendum
20:23 et lui a imposé la dissolution en mai 68.
20:27 C'est Alain Juppé qui a gouverné
20:30 lorsque Jacques Chirac était président de la République.
20:34 Il y a toujours, toujours eu des conflits.
20:37 Je parle pas, par exemple, Mitterrand-Rocard,
20:40 bien évidemment, mais Nicolas Sarkozy-François Fillon.
20:44 On sait que Nicolas Sarkozy voulait se débarrasser
20:47 de François Fillon et il n'a pas pu le faire.
20:49 Il y a même une anecdote que le président Giscard d'Estaing
20:53 m'avait racontée.
20:55 Lorsque Giscard d'Estaing souhaitait,
20:57 à la fin de son mandat, nommer Chabandelmas premier ministre
21:01 afin d'embêter Jacques Chirac,
21:03 qui allait se présenter à la présidentielle.
21:07 Et il a demandé à Raymond Barr
21:11 de démissionner. -De partir.
21:14 -Et Raymond Barr a refusé.
21:15 Giscard d'Estaing me disait "Je n'ai pas pu,
21:19 "parce qu'il faut qu'il me présente sa démission."
21:22 Donc, si vous voulez, et on parle bien, d'ailleurs,
21:25 dans les cinq ans, de barisme, beaucoup plus que de giscardisme.
21:28 Donc, si vous voulez, je crois qu'il ne faut pas négliger
21:32 l'importance politique,
21:34 évidemment, sous la cohabitation.
21:37 C'est Jospin qui a gouverné, c'est pas Jacques Chirac.
21:41 Donc, le rôle du premier ministre reste un rôle important
21:46 et moi, ma proposition pour renforcer ce rôle,
21:49 c'est de faire une modification de la Constitution
21:52 pour faire dire que le président ne préside plus
21:55 le Conseil des ministres.
21:56 Le président ne préside plus le Conseil des ministres,
21:59 le Conseil des ministres est présidé par le premier ministre.
22:03 -Alors, Anne-Charlene Bézina, on arrive au niveau des propositions.
22:07 Est-ce que vous êtes...
22:09 Vous pensez que ce serait une avancée
22:12 qu'en matière de référendum, par exemple,
22:15 ce ne soit pas de la décision unique
22:18 du président de la République,
22:20 mais que ça devrait être co-signé par le premier ministre
22:24 et qu'il y ait d'autres modifications,
22:28 par exemple, que le Conseil des ministres
22:30 soit présidé non plus par le président de la République,
22:34 mais par le premier ministre,
22:35 que la nomination des hauts fonctionnaires
22:38 et des magistrats soit également un acte de co-signature
22:43 de telle manière à restaurer pleinement le parlementarisme ?
22:48 -Alors, je crois en effet...
22:50 -Il y a un équilibre au niveau du couple exécutif.
22:53 -Bien sûr. Je crois que le premier ministre
22:56 ne doit pas être négligé dans son importance,
22:58 notamment administrative. C'est une superpuissance,
23:01 le gouvernement sous la Ve République.
23:04 Néanmoins, pour rééquilibrer,
23:08 puisque c'était le grand thème de la réforme constitutionnelle
23:11 de 2008, nos institutions, je crois que la disparition
23:14 progressive du premier ministre dans le discours présidentiel,
23:18 il y a eu une conférence de presse
23:20 avant le discours du premier ministre,
23:22 la disparition dans l'incarnation,
23:24 quand le président mériterait d'être revu.
23:27 Je suis d'accord pour que l'idée de couper
23:30 cette dépendance du Conseil des ministres
23:32 de la part de la personnalisation de ce président
23:35 qui est présent autour de la table,
23:37 et en son milieu, d'ailleurs,
23:39 mériterait d'être revue.
23:41 Sur la question du référendum,
23:43 je crois que nous souffrons en France
23:45 d'un mal référendaire,
23:47 mais qui n'est pas dû à la procédure en tant que telle.
23:50 On a du mal à utiliser cet outil
23:52 depuis quand, on va dire,
23:54 cette ascendance un peu plébiscitaire
23:56 que nous connaissons sur notre histoire
23:59 nous a tous marqués,
24:00 et depuis l'échec des précédents référendums.
24:03 Néanmoins, l'idée que ce soit sur proposition du premier ministre,
24:07 je ne suis pas sûre que ce soit la sortie.
24:09 Nos révisions constitutionnelles
24:11 sont censées être présentées sur proposition du premier ministre.
24:15 C'est à l'origine des propositions faites par son premier ministre.
24:19 Je ne crois pas que c'est en rétablissant
24:21 le pouvoir de proposition ni en rétablissant
24:24 un pouvoir de nomination de la part du premier ministre.
24:27 C'est toujours assumé, plus ou moins,
24:29 par le premier ministre.
24:31 Il y a un très fort pouvoir de nomination par le gouvernement.
24:35 Il y a des questions de concordance des mandats.
24:38 On a parlé du quinquennat.
24:39 On a assez peu évoqué ce sujet.
24:41 On reparle de revenir à un septennat unique.
24:44 Couper la dépendance du président et du Parlement,
24:47 c'est là qu'on va renforcer le pouvoir du premier ministre.
24:51 Il devient fort quand son Parlement reprend de la vigueur.
24:54 Je crois que ce n'est pas tant un problème
24:56 de partage des attributions exécutives,
24:59 qui existent presque à l'identique au Portugal.
25:02 L'idée qu'on est un président élu et un exécutif
25:04 qui continue à gouverner, c'est même le cas avec le régime britannique.
25:08 Les deux têtes, ça ne me dérange pas.
25:11 L'attribution exécutive est partagée d'une manière
25:14 qui, en conséquence, n'est pas le problème,
25:17 mais c'est la revalorisation du Parlement.
25:19 Une réflexion aussi sur les mandats.
25:21 La question de la connexion des calendriers
25:24 est aujourd'hui à revoir.
25:26 Un affaiblissement du Parlement affaiblit le Premier ministre.
25:29 -Philippe Brun voulait intervenir.
25:31 -Je pense qu'on a un peu cliniquement démontré
25:34 ce qui ne fonctionnait pas.
25:36 Ce qui est clair aujourd'hui, c'est qu'il faut faire sortir
25:39 nos institutions du régime de l'irresponsabilité.
25:42 C'est l'irresponsabilité du président de la République
25:45 de l'ensemble de ses actes pendant 5 ans.
25:48 C'est l'irresponsabilité du Premier ministre
25:51 devant le Parlement, puisqu'il ne soumet pas
25:53 sa déclaration de politique générale à un vote d'investiture.
25:57 -Il y a la Constitution. C'est l'interprétation
26:00 qui en est faite. -Qu'on n'arrive pas
26:02 à faire adopter une motion de censure,
26:04 c'est un autre sujet.
26:05 Donc, irresponsabilité du gouvernement
26:07 devant le Parlement. Et une certaine irresponsabilité
26:11 des politiques devant les citoyens,
26:13 avec le sentiment d'une déconnexion.
26:15 Vous parliez du référendum, c'était votre question.
26:18 Cette demande sur les ronds-points des Gilets jaunes,
26:21 j'y suis allé beaucoup dans l'heure.
26:23 Le département de l'heure est parti du mouvement des Gilets jaunes.
26:27 Les gens demandaient le référendum d'initiative citoyenne
26:30 comme un moyen de reconnecter la politique
26:32 avec leurs problèmes.
26:34 Moi, je suis plutôt favorable à ce qu'on puisse développer
26:37 une logique référendaire qui ne soit pas publicitaire.
26:40 Mais qui soit un outil à disposition des citoyens.
26:43 Il faut voir quel thème...
26:45 On veut des référendums sur la peine de mort,
26:47 je ne crois pas, mais on va voir
26:49 quel référendum pourrait être mis en place.
26:51 J'ai fait une proposition à l'Assemblée nationale
26:54 dans la niche des écologistes sur l'article 49,
26:57 bien que ce soit que quand le gouvernement active
27:00 l'article 49, en cas de rejet du texte par l'Assemblée,
27:03 il soit procédé à un référendum automatiquement.
27:06 Donc, on a une sorte de...
27:07 De...
27:09 De corde de rappel référendaire
27:12 lorsque l'on se passe du vote du Parlement.
27:15 -Oui, alors, avançons un peu, quand même.
27:18 Avançons un peu.
27:19 La question du domaine réservé,
27:22 c'est-à-dire, ça concerne plus spécifiquement
27:26 la politique étrangère, la défense,
27:29 est-ce que c'est pas une distorsion
27:32 par rapport à la Constitution ?
27:34 Est-ce que cette pratique-là,
27:36 parce qu'elle figure nulle part dans la Constitution...
27:40 -C'est... -Non, non.
27:41 -Alors, moi, si je peux dire...
27:43 Je voudrais dire quelque chose,
27:45 c'est qu'il faut sortir de l'idée
27:47 que parce qu'on va bricoler encore la Constitution,
27:50 on va changer de régime.
27:52 Non.
27:53 Je suis d'accord pour considérer
27:55 qu'un des bijoux de la Ve, et d'ailleurs de la IVe,
27:59 c'était l'organisation gouvernementale
28:01 avec ce pouvoir d'arbitrage du Premier ministre,
28:04 mais qui, malheureusement,
28:06 et là, je vous rejoins, en pratique,
28:08 s'était un peu effiloché au fil du temps,
28:11 et le rapport du collaborateur au président de la République,
28:15 à une époque, je ne dis pas quel Premier ministre,
28:18 il n'y avait plus d'arbitrage, plus de bleu,
28:20 et maintenant, on sait que pour régler les problèmes,
28:23 il faut monter à l'Elysée.
28:25 Ca, c'est une distorsion du partage
28:27 qui avait été instauré au début de la Ve
28:30 avec un président-arbitre.
28:31 Quand même, constitutionnellement,
28:34 c'est choquant que le président de la République,
28:36 un politique, soit le garant de la Constitution.
28:39 Vous, député, vous êtes garant de la Constitution,
28:42 nous, citoyens, nous devons aussi respecter la Constitution.
28:46 Il y a eu un déséquilibre à l'origine,
28:48 et je suis pour la revalorisation du travail gouvernemental,
28:51 c'est peut-être une question générationnelle.
28:54 On a un président qui est jeune, qui n'a jamais été élu,
28:57 et je pense que l'expérience, je plaide pour mon bonnet,
29:00 quelquefois, c'est utile.
29:02 Mais je suis absolument opposée au grand soir,
29:06 à la VIe République,
29:08 au fait de dire que vous avez un élu politique
29:12 qui est élu au suffrage universel direct
29:14 d'une population de 67 millions d'habitants
29:17 et il n'aura rien à dire au Conseil des ministres.
29:20 Non, on n'est pas en Slovaquie, ni au Portugal,
29:23 je suis désolée, mais ça ne marchera pas.
29:26 Donc moi, ce que je pense, c'est qu'effectivement,
29:30 le président de la République, sans être le président italien,
29:33 qui a quand même du pouvoir... -Alors qu'il n'est pas élu.
29:36 -Alors qu'il n'est pas élu, et qui a un pouvoir
29:39 d'influence considérable, je pense que le domaine réservé
29:42 serait utile au président,
29:44 parce que les Français ont besoin de cette figure
29:48 un peu tutélaire, un peu paternelle ou maternelle.
29:52 D'ailleurs, les Allemands avaient cette image maternelle de Merkel,
29:55 même si sa politique est très contestée, à mon avis.
29:59 Moi, je suis absolument opposée,
30:00 parce que vous allez lancer des débats,
30:03 vous allez avoir Mélenchon qui va vouloir
30:05 faire ses comités révolutionnaires,
30:07 il va défiler avec ses caravanes en France,
30:10 ça va être une pagaille terrible.
30:12 Prenons un peu de recul,
30:14 attendons l'évolution qui est devant nous,
30:16 on a quand même la guerre à nos portes.
30:19 On est en guerre.
30:20 On n'est pas en économie de guerre, peut-être encore,
30:23 mais on est en guerre, sur tous les fronts,
30:26 et moi, je pense qu'il y a vraiment...
30:28 Je souhaite le domaine réservé,
30:31 pas seulement le domaine réservé thématique,
30:33 je pense qu'effectivement, le commandant-chef des armées,
30:37 c'est le président de la République,
30:39 et la politique étrangère, c'est normal,
30:41 avec un partage au Parlement qui est un peu meilleur aujourd'hui
30:45 qu'il n'était hier.
30:47 Mais on est un pays ultra-divisé,
30:50 avec des partis totalement instables,
30:52 et avoir un pouvoir relativement fort,
30:56 une personnalité forte, ça ne me choque pas,
31:00 comme ne me choque pas le 49-3.
31:02 Le 49-3, c'est quand même une invention de Jaurès,
31:05 de Blum, ça a été poussé et concrétisé
31:09 par Félix Gaillard avant la fin de la IVe République,
31:12 et en réalité, De Gaulle et Debré n'en voulaient pas, du 49-3.
31:16 Ils ne comprenaient pas ce que c'était.
31:18 C'est un instrument de responsabilisation
31:21 de l'Assemblée nationale,
31:25 c'est-à-dire où vous acceptez le programme,
31:28 où, à ce moment-là, vous renversez le gouvernement
31:31 sur des textes essentiels sans lesquels on ne peut pas gouverner.
31:34 Je suis tout à fait pour le 49-3.
31:36 Je pense qu'il a été trop utilisé,
31:38 mais c'est aussi un petit peu la faute du Parlement.
31:41 On ne peut pas avoir un Parlement
31:44 qui ait l'image même de l'agitation perpétuelle.
31:46 J'ai emmené mes petits-enfants,
31:48 plutôt ceux de mon mari, à l'Assemblée nationale,
31:51 mais ils étaient absolument atterrés, atterrés du spectacle.
31:55 Donc, si le Parlement est plus mature,
31:57 à ce moment-là, il aura plus de pouvoir,
32:00 plus de crédibilité, et l'opinion publique s'en portera mieux.
32:03 -Le Parlement n'a jamais été un havre de paix.
32:06 C'est un spécialiste ici.
32:07 -Sous la Troisième République, déjà, c'était rude.
32:10 -C'était très dur.
32:11 La différence, c'est qu'il y a la caméra
32:14 et que les médias sélectionnent des moments.
32:16 J'ai terminé la séance hier à minuit et demi
32:19 pour discuter d'une réforme boursière,
32:21 s'il vous plaît.
32:23 Il n'y a eu aucun éclat de voix, beaucoup de cordialité.
32:25 98 % des débats se passent dans une grande cordialité.
32:28 Je veux pas qu'on laisse croire, ici,
32:31 que l'Assemblée est un chantier permanent
32:33 où les autres s'invectivent.
32:35 -Hanne-Charlène Bézina ?
32:36 -On peut peut-être, quand même, aussi,
32:38 émettre des propositions,
32:40 notamment à notre présidente de l'Assemblée,
32:42 des propositions qui ne sont pas forcément
32:45 de l'ordre de la Constitution,
32:47 mais qui sont de l'ordre du mieux légiféré.
32:49 Je crois qu'on sera tous d'accord pour dire
32:52 que notre Parlement est aujourd'hui...
32:54 Composé avec une majorité relative à l'Assemblée nationale,
32:57 où nous en avions fait l'article.
32:59 Je crois que c'est, en effet, une chance
33:01 de pouvoir comprendre quels sont les mécanismes
33:04 d'une gouvernance plus partagée,
33:07 peut-être plus rale,
33:09 mais on a cette habitude de faire beaucoup trop de voix,
33:12 de le faire trop d'amendements, de passer trop de temps
33:15 et d'aller très peu vers l'efficacité.
33:17 Cette critique du 49-3, je n'y suis pas favorable non plus,
33:21 parce qu'au fond, on en arrive à critiquer
33:24 l'outil qui est là pour, normalement,
33:26 ne pas être utilisé.
33:28 Le 49-3, c'est un outil du parlementarisme rationalisé
33:31 qui est censé être ce que Marcel Prelot a appelé
33:34 ce corset orthopédique.
33:36 Sauf que, c'est vrai que,
33:37 je prends souvent cette métaphore avec mes étudiants,
33:40 l'idée que le corset orthopédique a bien fonctionné
33:43 s'est un peu démusclée.
33:45 Il faudrait trouver la bonne dose pour mieux légiférer,
33:48 pour ne pas recourir à ces outils-là.
33:50 Ca n'est pas sur les outils qu'il faut que nous réfléchissions,
33:53 mais sur la manière dont notre parlement peut travailler
33:56 à tête reposée, peut-être même ajouter un peu de travail
34:00 en commission avec moins de théâtre au sein de la séance publique,
34:03 qui, vous l'avez dit, peut très bien se dérouler.
34:06 -Dominique Rousseau, au niveau où nous en sommes
34:09 dans le débat,
34:11 les téléspectateurs se posent la question,
34:14 par rapport au titre de l'émission,
34:18 est-ce qu'on est en passe de franchir le pas
34:22 et d'être dans une sixième République ?
34:25 Est-ce qu'à votre avis, tout ce qui a été fait
34:27 comme modification constitutionnelle,
34:31 quinquennat, proportionnel,
34:34 donc cumul des mandats, est-ce que tout cela,
34:37 en cumulé,
34:39 est-ce que ça a changé l'esprit de la Ve République
34:45 et à partir de quel moment on serait en sixième République ?
34:50 Qu'est-ce qui fait qu'on passerait,
34:52 que l'esprit de la Ve ne serait plus là ?
34:55 -On y est déjà, sous la sixième République.
34:58 Maurice Duverger disait que la véritable naissance
35:01 de la Ve République, c'était 1962,
35:03 avec la révision constitutionnelle.
35:05 Pour les téléspectateurs, puisqu'on s'adresse à eux,
35:08 la Constitution de 1958, c'est un président
35:11 qui n'est pas élu par le peuple.
35:13 Aujourd'hui, il est élu par le peuple.
35:15 C'est un président qui est élu pour sept ans,
35:18 renouvelable indéfiniment.
35:19 Aujourd'hui, c'est cinq ans, renouvelable une seule fois.
35:23 Le Parlement siégeait en deux sessions en 1958.
35:26 Aujourd'hui, session unique.
35:28 Le Conseil constitutionnel était un nain.
35:30 Personne ne pouvait le saisir,
35:32 aujourd'hui, il y a la question prioritaire
35:35 de constitutionnalité.
35:36 Autrement dit, notre cinquième République
35:39 ne ressemble absolument plus au texte d'origine,
35:42 notamment aussi depuis la révision de 2008,
35:46 où presque la moitié des articles de la Constitution ont changé.
35:50 Je donnerai un seul exemple pour montrer le basculement.
35:53 En 1958, il est décidé que les projets de loi
35:57 seront discutés à partir de l'écriture
36:00 faite par le gouvernement.
36:02 En 2008, on modifie et on dit que les projets de loi
36:07 doivent être réécrits par les parlementaires en commission.
36:10 Donc, ce n'est pas le projet du gouvernement
36:13 qui est présenté en commission,
36:15 c'est le projet réécrit par les parlementaires.
36:17 Résultat, le gouvernement est obligé de déposer des amendements
36:21 pour retrouver son texte d'origine.
36:23 Autrement dit, la sixième République,
36:26 ça ne veut rien dire, sixième, septième, huitième.
36:29 Il n'y avait pas de contrôle de constitutionnalité des lois
36:32 en 1958. Aujourd'hui, le contrôle de constitutionnalité
36:36 fait partie du système de production des normes.
36:39 Bon, avec une... Là encore, je vais reciter le doyen Vedel,
36:43 mais jusqu'en 1985, la loi est l'expression
36:47 de la volonté générale,
36:49 c'est-à-dire ce que dit le Parlement est la volonté.
36:52 Depuis 1985, la loi n'exprime la volonté générale
36:56 que dans le respect de la Constitution.
36:58 C'est-à-dire, le vote de la loi ne suffit plus
37:01 pour faire de la loi l'expression de la volonté générale,
37:04 il faut encore qu'elle respecte les droits fondamentaux.
37:08 On n'est plus sous la cinquième République
37:10 telle qu'on l'a conçue.
37:11 Moi, si vous voulez mon souhait,
37:14 puisqu'on discute des propositions des uns et des autres,
37:17 plutôt que la sixième, septième ou huitième République,
37:21 c'est un retour à la cinquième République.
37:24 Ce que je souhaiterais, c'est un président qui arbitre,
37:27 qui ne soit pas élu au suffrage universel
37:29 et qui laisse le gouvernement gouverner
37:32 avec l'appui du...
37:33 Comment ? Avec l'appui de l'Assemblée nationale
37:37 et peut-être sous une forme...
37:39 Puisqu'on discutait de l'article 49-3,
37:42 moi, je suis partisan de ce qu'on appelle en Allemagne et en Espagne
37:45 la motion de censure constructive,
37:48 c'est-à-dire que le Parlement ne peut renverser
37:51 un gouvernement que si, dans le même temps,
37:56 il est capable de proposer le nom du successeur.
37:59 -C'est ce qui existe en Allemagne.
38:01 -Oui, c'est la motion en Espagne.
38:03 -C'est ce qui existe en Espagne.
38:05 Résultat, comme tout le monde veut être Premier ministre,
38:08 personne ne renverse le...
38:10 -Oui, mais alors, monsieur Paslec,
38:12 monsieur Rousseau dit
38:14 "on n'est déjà plus en cinquième".
38:17 Bon. -Il n'a pas dit ça.
38:18 -Vous l'avez laissé entendre, n'est-ce pas ?
38:21 -Non, non, il n'a pas dit ça.
38:23 -Vous avez dit que l'esprit n'était plus le même.
38:26 -Ah ben oui ! -Entre le texte de 58...
38:28 -Et l'évolution, évidemment.
38:31 Il a 65 ans d'évolution.
38:33 -Il n'y a plus l'esprit de la cinquième,
38:35 mais il a proposé de retourner à cet esprit de la cinquième.
38:40 Vous, vous proposeriez quoi ?
38:42 -Je propose la même chose.
38:44 Effectivement, je pense que nous sommes
38:46 dans une cinquième République dénaturée.
38:49 Revenons un peu sur ce qu'on a dit au début.
38:51 Oui, la Constitution est un système hybride
38:54 et qui, en plus, donne lieu à un régime,
38:56 à géométrie variable.
38:58 Lorsque vous avez une concordance
39:00 des majorités présidentielles et parlementaires,
39:03 vous avez l'hyperprésidentialisation.
39:05 En revanche, quand vous avez une majorité parlementaire
39:08 qui n'est pas conforme à la majorité présidentielle,
39:11 on a la cohabitation.
39:13 Là, ça n'a pas si mal marché que ça.
39:15 C'est un grand mérite de la Constitution de 58.
39:18 C'est un Etat à la fois très solide et très souple.
39:21 On a eu trois cohabitations
39:23 qui ont montré que le régime parlementaire,
39:25 ça pouvait fonctionner.
39:27 Je ne parle pas du fond,
39:28 je parle que de l'aspect institutionnel.
39:31 Je pense, je suis favorable, à titre personnel,
39:35 à une reparlementarisation du régime.
39:38 -Vous êtes d'accord ? -Tout en gardant, bien sûr,
39:41 les mécanismes essentiels du parlementarisme
39:43 rationalisé.
39:45 -Est-ce que vous êtes d'accord avec la proposition
39:49 de changer à nouveau l'élection du président de la République ?
39:53 C'est ce que vous avez proposé.
39:55 -Il y a plusieurs possibilités.
39:57 Je pense qu'il sera très difficile,
40:00 politiquement, de revenir sur l'élection
40:02 du président au suffrage universel.
40:04 Mais on peut un peu jouer sur les mots
40:06 et revenir au suffrage universel indirect.
40:09 On pourrait.
40:10 -On pourrait. -On pourrait.
40:12 -Il y a une alternative.
40:13 Je suis d'accord que c'est très difficile
40:16 de revenir sur l'élection populaire du chef de l'Etat.
40:20 C'est pour ça que ma véritable proposition,
40:23 il y a ce que je souhaiterais dans l'idéal,
40:25 ma proposition réaliste, c'est de sortir
40:28 le président de la République du lieu
40:30 où se détermine la politique de la nation.
40:32 La politique de la nation se détermine
40:35 au Conseil des ministres.
40:36 -On n'est plus dans la Ve République.
40:38 -Mais si ! -Si vous proposez...
40:40 C'est une réforme radicale. -Le président n'est pas capitaine.
40:44 Il est arbitre. -Voilà.
40:45 C'est la façon de former le genre massaud.
40:48 -Vous le sortez du lieu où se détermine
40:50 la politique de la nation. -Oui, Anne-Charlene Bézina.
40:53 -On a bien fait à l'ADN initial et l'ADN renouvelé,
40:56 la Ve République, et on a encore beaucoup d'autres éléments,
41:00 dont au moins deux qui, moi, me paraissent vraiment cruciaux.
41:04 C'est qu'en 58, ou en tout cas dans la pratique
41:07 des premières années, on use du référendum
41:10 et de la dissolution, qui sont deux outils
41:12 qui existent encore dans notre Constitution.
41:15 -Il n'y a pas de majorité. -On l'oublie souvent.
41:17 -Pour l'indépendance de l'Algérie,
41:20 De Gaulle avait besoin de s'appuyer sur le peuple
41:22 contre le Parlement et contre l'armée.
41:25 -Et pas uniquement pour l'Algérie,
41:27 car même pour l'élection du président
41:29 au suffrage universel direct, il avait tous les organes
41:32 constitués contre lui. Le général De Gaulle utilise,
41:35 de manière un peu plébiscitaire, le référendum,
41:38 mais on a parlé de la paralysie de la responsabilité politique.
41:41 C'est ici une piste. Michel Debré vous présente
41:44 la Constitution en 58 en disant que de toute façon,
41:47 tout se passera par un retour au peuple.
41:50 Si crise institutionnelle ou démocratique, il y a,
41:53 soit Constitution, soit référendum. -Mais la fragment...
41:56 Pardonnez-moi, la fragmentation du référendum,
41:59 on parle de RIP, etc.,
42:02 est-ce que ça ne tue pas cette dimension sacrée
42:05 du retour au peuple ?
42:06 Est-ce que, finalement, multiplier...
42:08 -Je crois que ça ne devrait pas,
42:10 parce que beaucoup de grandes démocraties
42:12 connaissent les référendums. -Comme en Suisse, par exemple.
42:16 -Pas uniquement. La Suisse est un exemple
42:18 assez éloigné du nôtre, mais l'Italie, évidemment.
42:21 Le référendum, c'est quatre propositions.
42:23 Le référendum de ratification, comme nous le connaissons.
42:27 Le référendum de proposition, comme nous le connaissons,
42:30 mais sous une forme tellement corsetée
42:32 qu'elle est impraticable.
42:34 Déverrouillons ce référendum d'initiative partagée.
42:37 Il y a aussi le référendum recall.
42:39 On peut être pour ou contre. C'est cette idée de rappeler
42:42 des élus, ça pourrait se faire au niveau local,
42:45 même si c'est pas une culture que nous avons dans les régions.
42:49 -Le député ne sera pas d'accord. -Il y a surtout un quatrième.
42:52 Je termine là-dessus.
42:54 Il y a un quatrième référendum, le référendum abrogatif,
42:57 que les Italiens connaissent et qu'on refuse encore
43:00 dans son discours des 65 ans de la Constitution de la Ve.
43:03 Le président parle de concurrence des légitimités.
43:06 C'est une erreur de parler de concurrence des légitimités
43:09 entre le Parlement et le référendum.
43:11 Ces deux légitimités peuvent cohabiter.
43:14 Le référendum abrogatif pourrait être une solution.
43:17 On réobtiendra la responsabilité politique.
43:19 -Je vous donne la parole, Noëlle Lenoir,
43:22 mais je voudrais ajouter ce petit élément.
43:24 Est-ce que ces propositions qui sont faites
43:27 au regard de ce qu'est la société française
43:30 aujourd'hui archipélisée à tous les niveaux,
43:35 est-ce que vous croyez pas que ça va rajouter au désordre ?
43:38 -Moi, j'ai deux choses à dire.
43:40 D'une part, je ne crois pas dans le miracle
43:43 de la réforme institutionnelle.
43:45 On a un ADN qui n'est pas...
43:49 L'Allemagne a connu un pouvoir personnel,
43:51 ça n'a jamais marché.
43:53 La République de Weimar s'est effondrée.
43:55 Elle a été attaquée de toutes parts.
43:58 Friedrich, le Premier ministre,
44:00 le chancelier, il est mort pendant les procès qu'on lui faisait.
44:03 Il a été attaqué tout le temps par l'extrême droite.
44:06 Ensuite, ils ont connu Hitler.
44:08 Le pouvoir personnel, ils ont fait une croix.
44:11 Nous, le parlementarisme, on considère que c'est un échec
44:14 et que, une fois, ça finit par une chute assez brutale.
44:17 Je crois qu'il faut accepter...
44:19 Je n'aurais pas voté pour l'élection
44:21 du président de la République en suffrage universel,
44:24 mais je pense qu'aujourd'hui, si j'avais été en âge de voter,
44:27 on ne peut pas reculer.
44:29 Et à cet égard, il y a deux choses que je voudrais dire.
44:33 La première, c'est que je trouve que vouloir essayer...
44:37 On n'est pas dans du bricolo.
44:39 "Pourquoi le Premier ministre ? On va faire ça."
44:42 La seule chose que je souhaiterais au plan institutionnel,
44:45 je vais venir au référendum, c'est que l'Europe, qui dirige,
44:49 c'est-à-dire que 80 % des lois, que ce soit la migration,
44:52 que ce soit le droit des sociétés,
44:54 que ce soit la responsabilité sociale d'entreprise,
44:58 que ce soit pratiquement tout avec la charte des droits fondamentaux,
45:01 relève maintenant des législations européennes,
45:04 je souhaiterais qu'il y ait auprès du Premier ministre
45:08 un vice-Premier ministre chargé de l'Europe
45:10 à l'Assemblée nationale, une commission européenne
45:13 avec un pouvoir plus important,
45:15 et que les commissions permanentes,
45:18 aussi, en fonction des sujets, des domaines,
45:20 aient à connaître de ces textes européens.
45:23 La plupart du temps, nous sommes mis devant le fait accompli.
45:26 Je trouve que ce Parlement est resté un peu hexagonal.
45:33 Ca, ce serait vraiment la réforme,
45:35 parce qu'on ne peut pas vivre en ignorant
45:38 ce qui se passe dans le reste du monde,
45:40 y compris au plan législatif.
45:42 Moi, je suis sur le référendum.
45:44 Je pense que le référendum, dans la pratique française,
45:47 ça n'est pas bon.
45:48 Un référendum pour changer de constitution, oui.
45:51 Mais un référendum...
45:53 Les gens qui réclament un référendum,
45:55 c'est systématiquement parce qu'ils sont contre.
45:58 Alors, on est pour bloquer l'immigration.
46:00 Il y a un vrai problème migratoire en France.
46:03 Donc, on veut un référendum.
46:05 On est contre l'Europe, donc on veut un référendum.
46:08 -Noël Le Noir,
46:09 je voudrais vous poser une question précise.
46:12 A propos de l'Europe,
46:15 vous savez qu'il y a une question qui fait polémique
46:18 et qui concerne l'immigration.
46:20 Est-ce que vous souhaiteriez
46:24 que ça relève de la souveraineté des Etats,
46:27 des nations, et pas des institutions européennes ?
46:31 -Non, je pense... -Parce qu'à ce niveau-là,
46:34 il y a un vrai problème,
46:35 parce qu'on sait que cette question influence les votes politiques.
46:39 -Bien sûr. Je pense que la politique migratoire,
46:42 elle doit être européenne,
46:44 parce qu'on ne peut pas revenir avant le traité de Rome.
46:48 Il y a quand même une libre circulation, etc.
46:51 En revanche, je pense qu'il n'y a aucune solidarité européenne,
46:54 parce qu'il n'y a pas de patron en Europe.
46:57 Je dois dire qu'à l'heure actuelle, on ne peut pas dire qu'il y ait...
47:01 Donc, pourquoi l'Italie est passée un peu plus à droite ?
47:04 Je ne pense pas que Mme Mélenny soit vraiment extrême droite,
47:07 mais elle est quand même assez à droite,
47:10 parce qu'on les a totalement abandonnées
47:12 et qu'ils voyaient des masses d'immigrés
47:15 qui arrivaient chaque jour sans pouvoir les maîtriser.
47:18 C'est la même chose en Grèce, avec Aube Doré,
47:21 qui est quand même un parti néo-nazi.
47:23 Donc, il y a vraiment un problème de gouvernance de l'Europe,
47:27 mais je ne serais pas très favorable
47:29 à ce qu'on se rétrécisse sur nos différents pays,
47:33 mais je pense que là où je suis très inquiète
47:37 de certaines jurisprudences du Conseil d'Etat
47:40 ou de la Cour de justice de l'Union européenne,
47:43 c'est qu'on avait quand même donné la possibilité aux Etats
47:46 de suspendre Schengen provisoirement,
47:49 et que le juge a dit non, c'est contraire au traité.
47:52 Moi, je suis plus inquiète du rôle que jouent les juridictions
47:55 pour remettre en cause très systématiquement
47:59 les votes législatifs
48:01 que de l'existence de l'Europe
48:02 et de la communautarisation d'un certain nombre de politiques.
48:06 -Philippe Brun, qu'est-ce que vous pensez de ça ?
48:09 Notamment sur la question migratoire,
48:11 on laisse ça à l'Europe ou c'est décidé en souveraineté ?
48:15 -Evidemment, toute la critique qu'on fait de la scénaropique
48:19 et de nos institutions, c'est l'irresponsabilité.
48:21 Il faut parler du cadre européen et du cadre juridictionnel.
48:25 Il est vrai qu'aujourd'hui,
48:26 à la fois les juridictions européennes et nationales,
48:30 les membres ici sur le plateau du Conseil d'Etat,
48:32 vous l'avez été,
48:34 qui, finalement, disent le droit
48:37 presque autant que le législateur.
48:39 Comment on essaie de résoudre ce problème ?
48:42 Je crois que le Parlement français, le Parlement national,
48:45 devrait être plus associé aux législations européennes.
48:48 Par exemple, aujourd'hui,
48:50 je ne sais pas quand l'émission sera diffusée,
48:52 on a adopté le 11 avril une réforme
48:54 du marché européen de l'électricité.
48:57 Adopter cette réforme est relativement contradictoire
49:00 avec ce qu'on fait en France.
49:01 On n'a pas eu une heure de débat à l'Assemblée nationale
49:05 sur ce sujet.
49:06 Il n'y a pas eu une délégation de parlementaires français
49:09 qui a pu être entendue par la Commission.
49:11 On a un système un peu balbutiant, que la ministre connaît bien,
49:15 donc on a un système de carton,
49:17 la Commission des Affaires européennes
49:19 de l'Assemblée nationale,
49:21 pour s'exprimer des avis sur les projets de règlement
49:24 et de directives, mais c'est lacunaire.
49:26 -Ca renforce la démocratie européenne.
49:28 C'est pas seulement le Parlement européen,
49:31 c'est aussi les parlements nationaux.
49:33 Ensuite, sur la question migratoire,
49:35 doit-elle être nationale ou européenne ?
49:37 Les deux, c'est-à-dire nationale.
49:39 -Obligatoirement. -C'est obligatoirement national.
49:42 -Il faut évidemment que nous gardions notre souveraineté
49:45 et le contrôle de nos frontières.
49:47 C'est essentiel de souveraineté nationale.
49:50 Il faut une coordination européenne de l'accueil, de l'asile.
49:53 -Jarlène Bézina, une question simple.
49:56 -OK.
49:57 -Qui concerne l'ambition économique et industrielle du pays.
50:02 La filière nucléaire française était brillante
50:06 il y a trois ou quatre décennies.
50:08 Il est très difficile de la relancer aujourd'hui,
50:11 nonobstant l'enthousiasme qu'on observe
50:15 au niveau le plus élevé de l'exécutif.
50:18 L'agriculture, on s'aperçoit qu'elle a été sacrifiée
50:21 au niveau des petites exploitations.
50:24 Est-ce qu'il n'y a pas un moyen
50:27 de pérenniser les joyaux économiques de la couronne
50:32 et ne pas laisser le politique faire des actions aléatoires
50:37 qui affaiblissent, j'allais dire, la force du pays ?
50:41 Notamment au niveau des services publics.
50:44 -Notre Constitution n'est pas très bavarde
50:47 en matière de services publics ni d'économie.
50:49 Ca ne me laissera pas beaucoup de temps de parole.
50:52 La Constitution, si on veut la mobiliser
50:55 dans le préambule de la Constitution de 1946,
50:57 comprend un alinéa neuf
50:58 qui est relatif aux services publics nationaux
51:01 qui, eux, méritent cette nationalisation
51:04 ou une consécration aux services publics constitutionnels.
51:07 La jurisprudence administrative en parle également.
51:10 On est ici sur un impensé.
51:12 Les juges administratifs constitutionnels
51:15 ont eu du mal à qualifier, à part par négation,
51:17 ces services publics.
51:19 On pourrait imaginer qu'un âge d'or,
51:21 en tout cas, soit consacré par notre Constitution
51:24 à travers ce biais, on va dire.
51:27 Néanmoins, je ne suis pas sûre que ce soit le rôle
51:30 de la Constitution d'être protectionniste
51:32 de certains de nos trésors.
51:34 Vous avez raison, parce que le Parlement est souverain.
51:36 On pourrait le faire dans le cadre de la loi.
51:39 Je ne pense pas que l'Union européenne
51:41 soit complètement à l'encontre
51:43 de cette consécration des exceptions françaises.
51:45 Il faut le rappeler, sur la migration et l'économie,
51:48 ce sont des compétences partagées.
51:50 Cette compétence nationale continue à exister.
51:53 Souhaitons que nos parlements préservent, justement,
51:56 ces joyaux et qu'il y ait une forme de responsabilité politique
52:00 au moment de travailler sur ces questions.
52:02 -Il me reste à vous présenter brièvement
52:05 une bibliographie.
52:07 Je rappelle, Olivier Paslec,
52:10 que vous avez dirigé
52:12 des mélanges en l'honneur de Didier Moss,
52:15 "La Ve République".
52:17 -Donc, nous sommes bien en Ve République.
52:19 Dites-nous, en deux mots,
52:21 pourquoi Didier Moss et quelle est l'idée centrale du livre ?
52:25 -En quelques mots, je vais en parler devant mes collègues
52:29 et devant madame la ministre.
52:30 Des mélanges, ce sont des articles
52:33 que des confrères, des collègues offrent
52:36 à un des leurs
52:37 lorsqu'il est en fin de carrière
52:40 ou en apogée de carrière.
52:42 Ca s'appelle des mélanges,
52:44 parce que ce sont 10, 15, 20, 30 articles
52:46 que nous offrons à une personnalité.
52:48 -Quelle est l'idée dominante de l'action de Didier Moss ?
52:51 -Didier Moss, c'est quand même un constitutionnaliste
52:54 que nous connaissons bien,
52:56 qui a présidé l'Association française
52:58 de droits constitutionnels, que nous connaissons tous ici.
53:02 -Il a travaillé sur les travaux préparatoires.
53:04 -Avec moi, nous avons beaucoup travaillé
53:07 et publié sur les travaux préparatoires.
53:09 Je rappelais le rôle de Michel Lebrun en 58.
53:12 -Merci.
53:13 Alors, Dominique Rousseau,
53:15 vous avez publié "Les contestations",
53:17 c'est-à-dire que vous souhaitez
53:20 que la contestation reste une arme de la démocratie.
53:24 Je rappelle que c'est publié chez Bélaupoly.
53:28 Votre livre s'affiche à l'écran.
53:30 -Très bien. Oui, je pense que la contestation
53:33 reste un élément, comment dire, fondateur,
53:37 essentiel, substantiel, consubstantiel
53:39 à la démocratie, puisque quand vous dites non,
53:42 ça veut dire que vous engagez le dialogue.
53:44 Si tout le monde est d'accord,
53:46 si personne ne conteste, il n'y a pas de débat.
53:49 S'il n'y a pas de débat, il n'y a pas de démocratie.
53:52 Contester, c'est ouvrir un espace de dialogue.
53:54 Je pense que la démocratie se définit
53:56 par la délibération suite à la contestation.
53:59 -Merci. Anne-Charlène Bézina,
54:02 vous avez publié chez Dallas
54:04 "Les questions et les moyens soulevés d'office
54:07 "par le Conseil constitutionnel".
54:09 C'est si clair que ça ?
54:11 -Ca m'a coûté cinq ans de ma vie universitaire,
54:14 puisque c'est la publication d'un travail de thèse
54:16 sous la direction du professeur Michel Verpoil,
54:19 université de Paris 1, où nous regardons
54:21 le pouvoir des juges, du juge constitutionnel,
54:24 le soulevé d'office, c'est-à-dire de se saisir parfois seul
54:27 de certaines dispositions de la loi.
54:30 Je suis en faveur de ce maintien.
54:32 -Monsieur le juge administratif, si je peux vous appeler comme ça,
54:35 vous ne l'êtes plus, vous êtes maintenant député.
54:38 Vous avez un livre à conseiller,
54:41 vous avez publié un livre.
54:43 -Je n'ai pas encore publié de livre, je suis désolé,
54:46 je n'ai pas réussi ma vie comme les précédents orateurs.
54:49 Non, moi, je pense que tous ceux qui nous ont écoutés
54:52 devraient lire et commander
54:54 "La République moderne" de Pierre Mendès France, 1962,
54:57 qui est un livre extrêmement intéressant
55:00 sur l'état d'élabrement des institutions,
55:03 puisqu'il l'avait prévu, et avec des idées très intéressantes
55:06 sur comment réformer la Ve République
55:09 et comment garantir la responsabilité
55:11 des gouvernants devant le peuple.
55:14 -Merci d'avoir rappelé la mémoire de Pierre Mendès France.
55:19 Alors, Noëlle Lenoir,
55:20 le droit comme facteur d'attractivité
55:23 chez Larcier, vous restez là-dessus ?
55:26 Ce droit est toujours attractif ?
55:29 -Non.
55:30 Le droit est un moyen,
55:32 et pas une fin,
55:33 et c'est un angle un peu particulier.
55:36 J'ai réuni des profs de droit,
55:38 des magistrats et des avocats,
55:40 pour essayer de promouvoir en France
55:44 une meilleure relation entre l'utilisation du droit
55:47 et la puissance économique ou l'influence économique.
55:50 Par exemple, on voit bien qu'avec les sanctions contre la Russie,
55:54 c'est de la diplomatie par le droit,
55:56 puisque ce sont des décisions à l'unanimité
55:59 du Conseil européen,
56:02 sur la base de l'article 29 du traité sur la politique étrangère,
56:06 sur des sanctions économiques,
56:08 mais c'est de la diplomatie par le droit.
56:10 C'est cette problématique que les Français connaissent
56:14 moins bien que les Américains,
56:16 qui nous paraissait intéressante.
56:18 -On va terminer par une citation d'un auteur
56:21 qui est plein d'humour et qui est résolument français,
56:25 mais universel.
56:26 "Nous n'écoutons d'instinct que ceux qui sont les nôtres
56:30 "et ne croyons le mal que quand il est venu..."
56:33 Vous savez qui c'est ?
56:35 La Fontaine.
56:36 -Ah !
56:37 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
56:41 Générique
56:43 ...
56:44 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]