• il y a 7 mois
Maya Lauqué reçoit Adrien Taquet, ancien secrétaire d'Etat chargé de l'enfance et des familles, il a co-signé un rapport très attendu sur le secteur de la pédiatrie qui est en crise et co-préside les assises de la pédiatrie qui ont lieu ce vendredi 24 mai. Ce rapport propose près de 400 mesures pour refondre entièrement le système de prise en charge de la santé de nos enfants. C'est une feuille de route d'une vingtaine de points qui sera présentée ce jour par Frédéric Valletoux.

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Transcription
00:00 Bonjour Adrien Taquet. Bonjour. Merci d'être avec nous ce matin avant de co-présider ces assises de la pédiatrie à partir de 9h.
00:07 Assises qui ont lieu avec plus d'un an de retard, c'était pas une priorité du gouvernement la pédiatrie ?
00:13 Écoutez j'ose espérer que la santé de l'enfant reste une priorité
00:17 du gouvernement. Effectivement ces assises ont été lancées en novembre 2022.
00:21 Depuis il y a eu beaucoup de travail de notre part et puis il ne nous a pas échappé qu'il y a eu quelques aléas
00:26 politiques. Ce pays a connu
00:29 nombreux ministres de la santé ces derniers temps et donc c'est ce qui explique qu'il a pu prendre quelques retards. Mais nous y sommes enfin.
00:36 Ce rapport a été rendu. Près de 400 mesures pour refondre entièrement le système de prise en charge de la santé de nos enfants.
00:42 Qui montre l'ampleur du travail.
00:44 Ce sont une vingtaine de mesures qui seront une feuille de route sur une vingtaine de points qui seront
00:49 présentés et précisés par le ministre de la santé Frédéric Walthou tout à l'heure. Très attendus ces annonces par les professionnels.
00:56 Le secteur est en crise. Parmi les chiffres que j'ai retenus en préparant cette interview il y a celui-ci.
01:00 700 décès d'enfants de moins d'un mois pourraient être évités chaque année en France. Est-ce que ça veut dire que dans notre pays
01:06 aujourd'hui des enfants meurent faute de soins ou de bonne organisation des soins ?
01:11 Indéniablement. Et ce qui est encore plus
01:14 inquiétant, incompréhensible, inaudible, c'est que pour les enfants dont vous parlez on a assez peu de connaissances des raisons pour lesquelles
01:23 ces enfants meurent. Sur la question de la mortalité infantile dont on a vu effectivement récemment qu'elle avait tendance à remonter
01:29 depuis le milieu des années
01:31 2010 et qui nous place dans une mauvaise
01:33 position européenne, nous manquons de données, de chiffres, de suivis en temps réel. C'est d'ailleurs une des mesures
01:40 du rapport que nous avons remis qui est de créer un registre des naissances et des décès pour justement
01:45 en temps réel comme le fait la Grande-Bretagne par exemple nous puissions suivre les raisons et donc les analyser
01:52 de ces décès et donc de prendre les mesures nécessaires pour les éviter.
01:56 Aujourd'hui il faut en moyenne trois semaines pour avoir un rendez-vous chez le pédiatre contre deux jours pour un généraliste. Il n'y en a pas assez
02:02 aujourd'hui des pédiatres ?
02:03 Bon écoutez je crois que tous les français qu'ils soient adultes ou que ce soit pour leurs propres enfants sont depuis de nombreuses années
02:08 confrontés à ce qu'on appelle la désertification médicale qui ne touche pas que les campagnes. Ça se passe aussi en ville. Il y a un
02:15 gros problème de pénurie des professionnels de santé dans ce pays qu'il s'agit des généralistes ou des spécialistes. On en connaît
02:21 la cause essentielle qui est ce fameux numerus clausus qui a été bloqué pendant un certain nombre d'années. Alors Agnès Buzyn dès 2018 a
02:28 relevé ce numerus clausus.
02:29 Il faut sept à dix ans pour former un médecin donc les effets vont se faire sentir très prochainement.
02:34 Sur les pédiatres le gouvernement envisagerait de passer de 377 à 600 interne d'ici 2030 est-ce que c'est suffisant ?
02:40 Absolument l'idée c'est de ce qu'on en a entendu, retenu, on verra la confirmation tout à l'heure c'est effectivement un doublement
02:46 du nombre de pédiatres d'ici 2030 mais vous savez le médecin
02:50 référent de premier recours
02:52 de l'enfant c'est pas tant le pédiatre c'est le médecin généraliste en réalité. Le pédiatre c'est vraiment quand l'enfant va mal mais quand votre
02:58 enfant va bien ou a des petits bobos c'est chez le généraliste que vous allez. Donc il faut aussi
03:02 augmenter le nombre de généralistes c'est ce qui est en train d'être fait. Il faut surtout s'assurer, ça c'est une de nos préconisations
03:07 fortes, que les généralistes soient bien formés à la santé de l'enfant et puis globalement il faut que tous les professionnels de santé soient bien
03:13 formés à la santé de l'enfant. Aujourd'hui les infirmiers par exemple dans leur cursus ont très peu
03:19 de formation à la santé de l'enfant. - Donc vous voulez dire des stages obligatoires ?
03:23 - Il faut remettre de la pédiatrie, il faut remettre des stages, vous avez raison, et puis il faut favoriser aussi quelque chose
03:29 qui se développe ces derniers temps. Il faut le faire aussi pour la santé de l'enfant, c'est ce qu'on appelle la pratique avancée.
03:34 Les infirmiers qui aujourd'hui ne peuvent pas réaliser un certain nombre d'actes
03:39 à destination des enfants et avec ces pratiques avancées demain ils pourront le faire. Donc c'est davantage de temps médical
03:45 disponible pour les français et leurs enfants et un temps médical qui doit être de qualité évidemment.
03:50 - Il y a toute une crise autour de l'hôpital, on en a beaucoup parlé, c'est d'ailleurs ce qui a déclenché cette décision
03:55 d'organiser ces assises de la pédiatrie.
03:58 Il faut plus de lits, il faut plus de médecins, il faut une meilleure régulation.
04:01 Je voulais aussi qu'on s'arrête sur un gros trou dans la raquette aujourd'hui, un immense désert qui est la santé à l'école.
04:07 Seulement 800 médecins scolaires alors que c'est un lieu
04:10 qui est idéal pour repérer, pour détecter, pour soigner les enfants.
04:15 - Vous avez totalement raison, on a découvert ce chiffre. Il n'y a plus que 800 médecins scolaires dans notre pays. 12 millions d'élèves,
04:20 800 médecins scolaires dont 200 sont dans les académies, ils travaillent évidemment mais donc que 600 sur le
04:26 terrain. Donc il faut refondre totalement la santé scolaire.
04:30 À un moment il faut arrêter de se bercer d'illusion. La médecine scolaire telle que nous la connaissons n'existe plus, il faut la repenser, la refondre.
04:36 Il faut ouvrir, je pense, les portes de l'école à l'ensemble des professionnels de santé qui sont
04:40 présents sur le territoire. Ça peut être les hospitaliers, ça peut être les médecins de PMI, qui sont des protections maternelles et infantiles, qui sont déjà
04:47 beaucoup dans les écoles. Ça peut être les libéraux, évidemment, qui viennent repérer et suivre la santé de nos enfants. Puis je pense qu'il y a quelque chose
04:54 de plus fondamental
04:55 encore quasi philosophique. Quand vous regardez le code de l'éducation et que vous regardez quelles sont les missions
05:00 de la santé scolaire dans notre pays, et bien c'est pas la santé de l'enfant.
05:05 C'est la réussite scolaire. La première mission de la santé scolaire dans notre pays, c'est la réussite des élèves.
05:10 Peut-être qu'on pourrait changer ça en disant que c'est le bien-être des élèves. C'est symbolique,
05:15 me direz-vous, mais quand on connaît l'état de santé mentale notamment des enfants dans notre pays, peut-être un petit
05:21 virage à opérer. - Et on va en parler justement de la santé mentale des petits, des ados aussi. Elle est préoccupante. Une dernière étude nous a
05:28 appris que les automutilations, tentatives de suicide, dépressions, augmentent de façon inédite et brutale chez les jeunes filles.
05:35 Est-ce qu'il faut plus de consultations, plus de pédopsie, plus de psychologues ?
05:40 J'imagine que vous allez me dire que oui. - Je vais vous dire que oui. Je vais vous dire que la situation était déjà très inquiétante
05:45 avant le Covid. On avait des chiffres inquiétants, alarmants.
05:48 Le Covid est passé par là. Ça n'a fait qu'accentuer
05:51 la situation. Vous avez évoqué ces chiffres. Ce qui nous remonte des urgences pédopsychiatriques
05:56 sont également alarmants sur effectivement les tentatives de suicide avec ce phénomène effectivement qui touche davantage les filles que les garçons et puis avec
06:03 un autre phénomène qui est qu'on a des enfants de plus en plus jeunes. On voit des enfants de 9-10 ans qui arrivent, ce qui n'était
06:08 pas le cas avant. Alors il faut faire beaucoup de prévention, bien sûr, évidemment, de repérage le plus tôt possible.
06:16 Donc ça veut dire former les enfants eux-mêmes à ces sujets-là, ce qu'on appelle les compétences
06:19 psychosociales, les parents, les professeurs, pour pouvoir mieux repérer. Il y a des dispositifs de suivi qui ont été mis en place.
06:27 Ça s'appelle Montforfet Psy. Ça date d'il y a 2-3 ans. C'est en train d'être amplifié, c'est-à-dire
06:31 pouvoir bénéficier de consultations auprès de psychologues,
06:33 cliniciens
06:35 remboursés par la sécurité sociale. Et puis il y a un problème sur la pédopsychiatrie.
06:39 Clairement, moi quand j'étais ministre, j'ai dû faire 300 déplacements, il n'y a pas un déplacement où on m'a pas dit qu'il y avait
06:45 plus de pédopsychiatres dans les territoires. Donc il faut revaloriser
06:48 la pédopsychiatrie. Il faut,
06:51 financièrement, tout simplement. Il faut revaloriser aussi la discipline, parce qu'aujourd'hui
06:56 c'est uniquement une option en troisième année d'études. Tout ça est en train d'être changé.
07:02 - Et ça va coûter beaucoup d'argent ?
07:04 - Ça va coûter beaucoup d'argent, mais c'est de l'avenir,
07:06 c'est de la santé de nos enfants dont on parle, et puis c'est de l'avenir de notre pays dont on parle, quand on parle de nos enfants.
07:11 - De santé des enfants. Vous avez quitté le gouvernement en 2022, vous vous sentez plus utile aujourd'hui dans le rôle que vous avez ?
07:17 - J'espère que j'ai été très utile quand j'étais ministre.
07:20 Voilà, j'ai pas le moindre regret de ce que j'ai fait, et pas le moindre regret en tout cas pour l'instant de ce que je fais depuis.
07:25 - 400 mesures proposées et un gouvernement qui va donc donner sa feuille de roue tout à l'heure pour sortir de cette crise de la pédiatrie.
07:31 Merci Adrien Taquet, on vous laisse rejoindre ses assises de la pédiatrie.

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