• il y a 7 mois
89% des Français ont déjà eu recours à une thérapie alternative pour se soigner. D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe plus de 400 pratiques de soins non conventionnelles. Mais ces médecines réputées plus douces sont-elles vraiment sans danger ? Elles sont souvent utiles pour améliorer le bien-être des patients mais elles peuvent être néfastes, voire mortelles, lorsqu'elles se substituent à un traitement.
Alors, comment éviter les dérives thérapeutiques ? Comment mettre fin notamment aux dérives sectaires qui inquiètent de plus en plus la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ? En 2021, 70% des signalements qu'elle a enregistrés dans le domaine de la santé concernaient des pratiques de soins non conventionnelles. Faut-il davantage sanctionner les gourous et les charlatans ? Ou mieux encadrer les thérapies alternatives ? Nous poserons ces questions à nos invités Pascale Duval, directrice de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi), Brigitte Liso, députée Renaissance du Nord, Dr. Pierre de Bremond d'Ars, président du Collectif No Fakemed et Jérôme Poiraud, président de l'Organisation de la Médecine Naturelle et de l'Éducation Sanitaire (OMNES).

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Transcription
00:00 Générique
00:02 ...
00:26 -Bonjour et bienvenue
00:28 à cette émission spéciale "État de santé"
00:30 consacrée aux médecines alternatives,
00:32 qu'on appelle aussi médecine 12, complémentaire,
00:35 non conventionnelle, soins de support.
00:37 La liste est longue comme le bras
00:39 pour des médecines qui font recettes.
00:42 Quatre Français sur dix y ont recours régulièrement.
00:45 Pourquoi ? Et surtout, il y a des intrus
00:48 dans ces pratiques.
00:50 Comment les reconnaître ?
00:51 Comment empêcher les dérives
00:54 et bloquer ces charlatans qui pululent
00:56 et proposent des soins parfois dangereux
00:58 et même parfois mortels ?
01:00 Ce sont, évidemment, les enjeux des questions capitales
01:03 sur lesquels on va s'arrêter avec nos invités.
01:06 Bonjour, Jérôme Poirot.
01:07 On est heureux de vous recevoir,
01:09 parce que vous êtes naturopathe à Frangeville, près de Lyon.
01:13 Vous êtes également président de l'OMNES,
01:16 l'Organisation de la médecine naturelle
01:18 et l'éducation sanitaire,
01:19 principale organisation professionnelle
01:22 de naturopathes en France.
01:23 Or, il y a des naturopathes,
01:25 comme vous l'avez dit, qui se sont fait connaître
01:28 à la rubrique judiciaire pour des faits particulièrement
01:31 dangereux et inquiétants.
01:33 Bonjour à vous, madame Lizeau.
01:35 Vous êtes députée Renaissance du Nord.
01:37 En tant que rapporteur, vous avez travaillé
01:39 sur le projet de loi qui vise à renforcer la lutte
01:42 contre les dérives sectaires,
01:44 qui a été adoptée à l'Assemblée nationale,
01:47 et dont vous allez nous dire comment,
01:49 ce qui va changer dans la lutte contre ces dérives sectaires.
01:53 Vous êtes directrice et porte-parole de l'UNADFI.
01:56 Bonjour à vous. -Bonjour.
01:57 -C'est l'Union nationale des associations
02:00 de défense des familles et de l'individu victime de sectes.
02:03 Vous suivez de près l'augmentation des dérives sectaires
02:06 en métier de santé.
02:07 Et enfin, le docteur Pierre de Bremond-Ars.
02:10 Bonjour à vous.
02:11 Docteur, médecin généraliste en région parisienne,
02:14 président du collectif NoFacMed.
02:16 Comment je peux le dire ? -NoFacMed.
02:18 -Voilà. Qu'est-ce que c'est ?
02:20 -C'est un collectif de soignants et de patients
02:23 qui luttent contre la désinformation en santé
02:25 et qui se concentrent sur les dérives thérapeutiques
02:28 et sectaires, donc l'arrêt des soins,
02:31 plutôt que... Les gens qui vont plutôt arrêter des soins
02:34 et remplacer la médecine par d'autres choses, on va dire,
02:38 et les dérives thérapeutiques, voire sectaires,
02:41 donc l'entrée dans des sectes, dans des mécanismes d'emprise,
02:44 où Mme Duval... -On va parler de tout ça.
02:46 D'abord, une question de sémantique.
02:49 C'est un maquis absolu. Quand on commence
02:51 à s'intéresser aux médecines alternatives,
02:53 il y a des centaines et des centaines de propositions.
02:56 Il y a, d'un côté, la médecine conventionnelle,
02:59 que vous pratiquez... -Ce qui est amoureux,
03:02 c'est que "conventionnelle", on dirait que c'est conventionnel,
03:05 que c'est un peu plan-plan, or elle progresse énormément,
03:08 elle s'intéresse à beaucoup de choses.
03:10 -C'est la sémantique. Il y a la médecine conventionnelle,
03:14 appelons-la "conventionnelle", mais je vous assure
03:17 que c'est pas réducteur dans la façon dont je le dis.
03:20 Et puis, il y a toutes les médecines alternatives.
03:22 Faut-il toutes les mettre dans le même sac ?
03:25 -Vous parlez de médecines alternatives.
03:27 "Alternatives", c'est déjà, on prend à la place d'eux,
03:30 mais elles vont se dire complémentaires, douces,
03:33 naturelles, elles vont se dire intégratives.
03:36 En gros, c'est du maquillage, c'est du marketing.
03:38 On va parler plutôt, je pense, de pratiques de bien-être
03:42 qui peuvent, dans certaines situations,
03:44 être de la santé, et donc rentrer, grâce à des données scientifiques,
03:48 à des études scientifiques, dans le champ de la médecine,
03:51 celle que je pratique aujourd'hui,
03:53 basée sur les données de la science.
03:55 -Brigitte Liseau ? -Je voudrais dire
03:57 un mot de sémantique. D'un côté, il y a la médecine,
04:00 telle qu'on la connaît, et c'est peut-être pas la peine
04:03 d'aller plus loin. Après, on peut parler
04:06 de pratiques non conventionnelles ou complémentaires,
04:09 mais il faut pas mettre à coller le terme "médecine"
04:12 dans la langue de la médecine. -Vous éradiquez
04:14 le mot "médecine" ? -Comme ce n'est pas
04:17 de la médecine. -C'est la médecine
04:19 ou pas ? -La médecine se base
04:20 sur des preuves scientifiques. -Vous êtes d'accord ?
04:23 -Bien évidemment, en France, il y a la médecine,
04:26 la médecine conventionnelle dont on parlait tout à l'heure,
04:29 il y a cette médecine-là. Mais c'est important,
04:32 d'un point de vue sémantique, de revenir
04:34 sur les définitions. On peut regarder, en France,
04:37 le ministère de la Santé parle de pratiques de soins
04:40 et la Haute Autorité de Santé parle d'intervention
04:43 non médicamenteuse. Si on regarde ce que fait l'OMS,
04:46 l'Organisation mondiale de la Santé,
04:48 elle parle de médecine traditionnelle
04:50 et complémentaire. Le terme "alternatif"
04:53 ou "alternative", c'est un très mauvais terme,
04:55 car en France, il n'y a pas d'alternative.
04:58 On doit être dans la complémentarité
05:00 pour éviter les sorties de soins, les ruptures de parcours de soins.
05:03 C'est important de revenir sur ces fondamentaux
05:06 et de se rappeler que 80 % du soin primaire
05:09 dans le monde, ce sont les médecines traditionnelles
05:12 et complémentaires. C'est très important.
05:15 -C'est compliqué, car la médecine traditionnelle chinoise,
05:18 par exemple, l'acupuncture, ce sont des médecines traditionnelles.
05:23 On a du mal à enlever le mot "médecine"
05:25 devant ces pratiques-là,
05:26 parce qu'elles ne posent pas un problème considérable
05:29 et elles s'inscrivent dans une histoire de la médecine.
05:32 La civilisation chinoise, ça vient de loin.
05:35 Et puis, il y a...
05:37 Mais il y a acupuncture, il y a aussi
05:39 radiesthésiste, orie, culothérapie,
05:43 méditation, tout ça, ça fait un mélange invraisemblable.
05:47 -Il y a un besoin fondamental pour la compréhension
05:51 et pour, justement, on commence un peu là
05:53 à parler de prévention des dérives sectaires,
05:56 de faire la différence,
05:58 parce que la confusion est parfois sciemment entretenue.
06:01 Je suis d'accord avec ce que vient de dire Mme Lizot
06:04 et avec Pierre de Ploemondars,
06:06 à savoir qu'il y a de la médecine conventionnelle, d'un côté,
06:10 et des pratiques de soins non conventionnels.
06:12 Voilà, c'est deux univers différents
06:15 qui peuvent effectivement se rencontrer,
06:17 mais ce sont deux univers différents.
06:20 -Où est-ce que vous situez l'homéopathie ?
06:22 -Je la situe dans une pratique de soins non conventionnels,
06:25 puisqu'elle n'a pas été reconnue scientifiquement.
06:28 -Vous voyez, l'homéopathie, j'ai regardé précisément
06:31 les moépéties, par exemple,
06:33 l'homéopathie, eh bien, elle requiert,
06:35 pour être exercée, une formation.
06:37 C'est normalement réservé aux professionnels de santé,
06:41 que ce soit un vétérinaire, un pharmacien,
06:43 un infirmier, un médecin,
06:45 qui ont fait une formation complémentaire.
06:47 Ce n'est pas quelqu'un, monsieur ou madame,
06:50 qui s'auto-proclame homéopathe.
06:52 Là, vous voyez, la gamme de nuances...
06:54 -Si je ne me trompe, si je ne m'abuse,
06:56 l'homéopathie, l'ostéopathie et l'acupuncture
06:59 sont des pratiques, des orientations,
07:02 et bénéficient d'une loi dérogatoire.
07:04 -Voilà. C'est pour ça qu'il ne faut pas
07:06 tout mettre dans le même sac. -Voilà.
07:09 Je les mets dans les pratiques de soins non conventionnels.
07:12 -Avant d'en parler plus, regardez le témoignage
07:15 de cette patiente, qui, justement, a recours à l'homéopathie
07:18 et qui explique pourquoi elle a besoin
07:21 d'avoir ce soin complémentaire.
07:24 -Depuis son adolescence,
07:30 Florence souffre d'allergies alimentaires.
07:33 -Bonjour. Vous allez bien ? -Ca va bien, merci.
07:36 -Pendant des années, elle a dû faire très attention
07:39 à ce qu'elle mangeait.
07:40 -Pour aller au restaurant, c'est toujours une aventure ?
07:43 -C'est plus simple. J'ai beaucoup moins peur.
07:46 -Pour elle, c'est l'homéopathie qui l'a libérée.
07:49 -C'est très personnel, ce genre de traitement,
07:52 mais j'ai eu une sensation de bien-être.
07:54 Le calme intérieur que je cherchais, je l'ai trouvé avec ça.
07:57 -Logiquement, la réaction positive,
07:59 c'est une papule et un érythème autour.
08:02 Première raison pour choisir l'homéopathie,
08:04 les médecins traditionnels ne lui proposaient pas
08:07 la prise en charge qu'elles souhaitaient.
08:09 -Il m'a dit qu'il fallait que je prenne des antihistaminiques
08:13 tous les jours de ma vie et que si je faisais une réaction,
08:16 il fallait que je me pique à l'adrénaline
08:19 et que je prenne tant de milligrammes de cortisone
08:23 et puis des antihistaminiques.
08:25 -Deuxième raison de ce choix par Florence,
08:28 si l'homéopathie ne marche pas,
08:30 elle a toujours sur elle des médicaments en cas d'urgence.
08:33 -Ce sont les seringues d'adrénaline.
08:35 -S'il y a un accident. -S'il y a un accident, voilà.
08:38 J'ai des antihistaminiques et de la cortisone.
08:41 -Et enfin, pour beaucoup de patients,
08:43 faire le choix de l'homéopathie,
08:45 c'est avoir accès à des consultations plus longues,
08:48 de minimum une heure.
08:49 -Dans une consultation homéopathique,
08:51 on prend le temps de comprendre le patient,
08:54 ce qui n'est pas forcément le cas
08:55 dans cette vision un peu matérialiste de l'homéopathie.
08:59 -Il se passe des choses sur le plan psychologique,
09:03 mais ce n'est pas quelque chose
09:05 qu'il faut essayer d'éluder.
09:09 L'être humain a besoin de cette écoute,
09:11 des compréhensions de ce qui lui arrive,
09:13 et si ça se passe en cas de consultation,
09:16 c'est tant mieux.
09:17 -Docteur Debré-Mondarce,
09:23 quelle leçon vous tirez du témoignage de cette patiente ?
09:27 -La leçon est excellente,
09:29 car il n'y a pas d'arrêt des médicaments.
09:31 La patiente a les médicaments de voile,
09:33 et l'essentiel est pointe et doigt.
09:35 L'efficacité de l'homéopathie n'est jamais allégée,
09:38 c'est la consultation qui donne une sensation de bien-être,
09:41 un apaisement.
09:43 C'est le temps de consultation qui est important.
09:45 C'est ce temps-là que la grande majorité des médecins
09:48 ou des soignants, généralistes, infirmiers, pharmaciens,
09:52 n'ont plus face à leur patient.
09:53 C'est aussi, malheureusement, cet appel d'air
09:56 qui manque à la médecine, cette liberté qu'on a plus
09:59 de passer du temps avec nos patients,
10:01 car on n'est pas assez nombreux, les pathologies sont plus complexes.
10:05 Il y a malheureusement cette jachère.
10:07 -Avant, il y avait une espèce de querelle de chapelle,
10:10 une bataille de religion entre l'homéopathie et l'allopathie,
10:13 c'est-à-dire la médecine conventionnelle.
10:16 C'est un peu fini, ça.
10:17 Maintenant, il y a une cohabitation...
10:19 -L'homéopathie est déremboursée.
10:21 -Elle est déremboursée depuis 2021.
10:23 -Il n'y a pas de preuve
10:25 d'efficacité. -Elle a été remboursée.
10:27 -Elle a été remboursée en attendant que les études aient lieu.
10:30 Les études ont dit qu'il n'y avait pas d'intérêt
10:33 à rembourser l'homéopathie.
10:35 Le collectif Naufekmed a été instrumental dans cette décision.
10:38 Il n'y a pas de preuve d'efficacité.
10:40 Boiron et les laboratoires changent de mentation.
10:43 -Est-ce qu'il y a eu des dérives sectaires
10:45 qui ont été pointées du doigt avec l'homéopathie ?
10:49 -Alors, je voudrais rebondir sur ce qu'a dit Pierre de Bréauvain-Dars,
10:53 parce que c'est important.
10:54 Là encore, il s'agit d'une confusion.
10:56 C'est-à-dire que c'est pas la médecine conventionnelle
10:59 qui est remise en compte,
11:01 c'est le temps passé avec les personnes.
11:04 C'est ce temps...
11:05 En fait, c'est plus le système de santé
11:08 qui pose problème que la médecine en elle-même.
11:11 Et en fait, à cela, les charlatans,
11:14 puisqu'on va en parler tout à l'heure,
11:16 vont brandir l'argument d'une médecine
11:19 qui ne fonctionne pas contre une pratique
11:21 qui fonctionnerait, alors que c'est le système
11:24 qui est défaillant et pas les traitements
11:26 ou pas le médecin, en fait, comme ça vient d'être fait.
11:29 Pour répondre à votre question,
11:31 maintenant, oui, alors oui,
11:33 je suis désolée de le dire,
11:35 que souvent, quand un médecin
11:38 est mis en cause
11:40 dans une dérive sectaire,
11:42 ou même dans un groupe sectaire,
11:44 je pense à plusieurs groupes sectaires,
11:46 c'est souvent des homéopathes.
11:48 Je pense que 100 % des homéopathes ne sont pas sectaires,
11:51 surtout que personne ne comprenne ce que je ne veux pas dire,
11:55 mais par contre, ce que je peux vous dire,
11:57 c'est que 99 % des médecins impliqués
11:59 dans des affaires sectaires sont des homéopathes.
12:02 J'en suis désolée, c'est une observation.
12:05 -C'est intéressant. -C'est pas...
12:07 -Ce sont des chiffres récents.
12:08 -C'est les chiffres que je... Ca fait 17 ans que je suis
12:11 à l'Unité, je vois ces chiffres-là.
12:13 -Et pourtant, je disais, ça requiert une qualification.
12:17 -Mais pour autant... -Minimum.
12:19 -Ca requiert une qualification, mais ça requiert un état d'esprit.
12:22 -Et que vous définissez comment ?
12:24 -Qu'on définit par quelque chose qui ne suffirait pas
12:27 aux médecins après la fin de ses études,
12:30 peut-être quelque chose qui le compenserait,
12:32 j'ai pas fait d'études là-dessus,
12:34 mais est-ce qu'il compenserait par le méopathie
12:37 qui est plus attentive aux patients,
12:39 qui laisse du temps avec des consultations plus longues,
12:42 et du coup, il y trouve un peu de réconfort.
12:45 Mais il faut quand même avoir un attrait
12:47 pour la croyance un peu ésotérique et pour quelque chose
12:50 qui ne fonctionne pas. -Une certaine forme de magie.
12:53 -Oui. -On a un système de santé
12:55 qui brouille. -On va avancer,
12:56 car il faut qu'on arrive au coeur nucléaire de l'émission,
13:00 les dérives, les charlatans dont vous parliez.
13:02 Pardon, monsieur Poirot, on va commencer par la naturopathie.
13:06 Il y a des énergumènes dans votre spécialité
13:09 qui ont fait beaucoup de dégâts.
13:12 Qu'est-ce que c'est, d'abord, qu'un naturopathe ?
13:15 -Ce qui est important de comprendre,
13:17 c'est que la naturopathie n'est pas réglementée en France.
13:20 C'est pour ça que le terme peut être utilisé par n'importe qui.
13:23 Donc, en fait, les fameuses personnes...
13:26 -Qu'est-ce qu'un naturopathe ?
13:28 -C'est une personne qui va accompagner
13:30 l'amélioration de l'hygiène de vie de la personne
13:32 qui vient dans son cabinet pour pouvoir être accompagnée.
13:36 C'est mieux manger,
13:37 c'est mieux bouger son corps,
13:40 c'est mieux gérer son stress au quotidien,
13:42 c'est mieux dormir,
13:44 et pour ça, les naturopathes vont utiliser
13:46 un certain nombre de techniques et de démarches
13:48 toutes naturelles.
13:50 "Naturelles" ne veut pas dire "sans contre-indication",
13:53 "sans effet secondaire",
13:54 mais les naturopathes sont formés en France
13:56 pour prendre ça en compte.
13:58 On améliore l'hygiène de vie de la personne.
14:00 -D'accord. Un naturopathe,
14:02 c'est quelqu'un qui peut, un jour, faire faire une plaque,
14:05 et la poser sur son immeuble, il y a marqué "naturopathe",
14:08 il n'y a aucune qualification requise.
14:11 -On est un naturopathe comme on est, j'allais dire, boulanger.
14:15 Non, il faut un CAP.
14:16 Il n'y a pas de CAP de naturopathe.
14:18 -Non, ce sont des diplômes privés, d'école privée,
14:21 parce que l'Etat,
14:22 comme pour beaucoup de pratiques de soins non conventionnelles,
14:26 n'a jamais réglementé, malgré le fait qu'en Europe,
14:28 on a eu une résolution du Parlement européen en 97
14:31 pour inciter les Etats membres à faire plus de recherches
14:34 et à réglementer. En 2012, le Conseil d'analyse stratégique
14:37 a remis un rapport au Premier ministre en disant
14:40 que c'était un engouement.
14:42 C'est pour ça que nous, à l'OMNES,
14:44 depuis plus de 40 ans que l'on existe,
14:46 on pousse les pouvoirs publics à réglementer, justement,
14:49 pour la sécurité des personnes qui vont consulter les naturopathes.
14:53 -On se demande pourquoi ça n'a pas été fait avant,
14:56 quand on constate les délires, pardon pour le mot,
15:00 les délires auxquels se livrent certains naturopathes
15:03 autoproclamés.
15:04 Il y en a un qui s'est fait remarquer,
15:06 en particulier devant la justice,
15:09 mais surtout auprès des familles concernées.
15:12 Il s'appelle Thierry Casasnovas.
15:14 C'est un garçon, c'est un chanteur du crudivorisme.
15:18 Vous me direz tout à l'heure ce que c'est.
15:21 Il fait l'objet de centaines de signalements
15:24 auprès de la Milivud.
15:26 Il a été mis en examen en 2023, au mois de mars.
15:30 Il est poursuivi par la justice pour huit chefs d'accusation,
15:33 dont exercice illégal de la pharmacie
15:36 et abus de faiblesse.
15:38 Je voudrais qu'on l'écoute,
15:40 parce que malgré tout ce que je viens de dire,
15:43 il y a certaines de ses vidéos qu'on peut toujours trouver
15:46 sur Internet.
15:47 Et sur ces vidéos, il y a un certain nombre
15:51 de préconisations que je vous laisse découvrir.
15:54 -Cette tumeur n'est pas ce qui te met en danger,
16:01 mais plutôt ce qui te maintient en vie.
16:05 -La tumeur, c'est un symptôme
16:07 d'une énorme accumulation de déchets dans le corps.
16:09 Mal bouffe, stress, etc. On connaît tout ça.
16:12 -Ce n'est pas du conspiratif,
16:14 pour dire que le virus du sida n'existe pas.
16:16 -C'est par le jeûne et la réforme de l'hygiène de vie,
16:19 par un nettoyage intestinal,
16:21 que l'on peut réellement sortir définitivement,
16:24 et en plus par le haut,
16:25 c'est-à-dire en améliorant son état de santé,
16:28 des états psychiatriques perturbés.
16:30 Le meilleur remède à une infection urinaire,
16:33 c'est de jeûner.
16:35 Musique douce
16:37 -Petit Floréla, je ne sais pas à peine
16:39 d'en mettre davantage,
16:40 parce qu'on lui fait trop de pubs et que ça suffit en soi-même.
16:44 Encore une fois, ça se trouve sur Internet.
16:48 Il ne gagne plus d'argent par ses vidéos,
16:51 mais on les trouve encore.
16:52 C'est vrai que les bras nous en tombent,
16:55 madame Liseau.
16:56 -C'est exactement le constat que nous avons fait.
17:00 C'est aussi pour ça et contre ces personnes
17:03 que cette loi a été votée.
17:05 Je pense qu'on n'est pas encore allé assez loin.
17:08 Il y avait un article qui parlait
17:11 du bannissement numérique des personnes,
17:14 et dans ce cadre-là, et pour cette personne-là en particulier,
17:17 elle n'aurait plus pu exercer de façon numérique.
17:21 Il a d'autres cordes à son arc,
17:24 mais il y a aussi le délit de suggestion
17:26 qui a été créé. On peut remplacer ça en prise
17:29 pour que ce soit plus facilement compréhensible.
17:32 Mais c'est des personnes...
17:34 Et vous voyez, il amalgame tout.
17:36 Il parle du sida, il parle...
17:39 -C'est-à-dire que la maladie n'existe pas.
17:41 C'est plus facile à soigner.
17:43 -Il y aura toujours quelqu'un qui trouvera un mot
17:46 auquel s'accrocher et à se reconnaître.
17:48 -C'est ça, le ressort ? -Bien sûr.
17:50 Les personnes qui écoutent ce type de gourou, de charlatan,
17:55 ont, à un moment ou à un autre de leur vie,
17:58 une difficulté.
17:59 Elle peut être médicale, affective,
18:02 professionnelle, et puis il y a un mot qui résonne.
18:04 À partir de ce moment-là,
18:06 les choses deviennent plus faciles, malheureusement.
18:09 -Il y a d'autres naturopathes dont vous connaissez les cas.
18:12 Il y a Éric Gandon, qui a été mis en examen en mai 2023
18:16 pour homicide involontaire,
18:18 abus de faiblesse, mise en danger de la vie d'autrui,
18:21 exercice illégal de la médecine et de la pharmacie.
18:24 Il organisait des stages de jeûne hydrique
18:27 pendant lesquels les participants ne consomment rien de solide.
18:31 Pendant plusieurs jours, sans surveillance médicale,
18:34 une femme de 44 ans a trouvé la mort.
18:36 Il y a également...
18:37 Il en court une peine de trois ans de prison.
18:40 Il y en a un autre qui s'appelle Miguel Barthéléry.
18:43 Alors, lui, il a été condamné en appel en juin 2023
18:47 à deux ans de prison avec sursis après le décès
18:50 de deux de ses patients atteints du cancer.
18:52 Il s'auto-proclamait, encore une fois,
18:56 naturopathe.
18:57 Est-ce que ce sont un peu tous les mêmes ?
18:59 Faut-il les mettre dans le même sac ?
19:01 -Oui, parce qu'ils ont...
19:03 Et c'est là où les...
19:04 Je pense qu'on manque encore d'informations là-dessus.
19:08 Je voudrais insister, si vous voulez,
19:10 sur le fait qu'ils ont en commun un faisceau de croyances
19:14 qui sont exactement les mêmes.
19:17 C'est-à-dire qu'on retrouve chez beaucoup d'entre eux
19:20 exactement les mêmes fonds doctrinaux.
19:24 Et ces fonds doctrinaux, on les retrouve...
19:27 Je vais vous donner un exemple.
19:29 En 1994, Guylaine Langteau,
19:31 une Canadienne, médecin qui s'est reconvertie
19:34 en non-médecin ou en naturopathe ou je sais plus quoi,
19:38 et qui...
19:39 Guylaine Langteau, pour elle,
19:41 dit exactement la même chose.
19:43 La maladie n'existe pas, le sida n'existe pas,
19:46 il faut pas se faire vacciner, etc.
19:48 Donc cette femme est un peu la mère de plusieurs d'entre eux,
19:52 mais il faut savoir que depuis des années...
19:55 -Elle a servi de modèle ? -Pardon ?
19:57 -Elle a servi de modèle ?
19:58 -Il n'y a pas qu'elle, d'autres, mais ils sont vraiment tous...
20:02 Ce que je veux dire et qui est important,
20:04 c'est qu'ils ont l'air éparpillés dans la nature,
20:07 mais qu'ils sont tous saints autour des mêmes bases doctrinales.
20:10 C'est important.
20:12 -C'est pas le sujet, mais j'ai quand même une curiosité.
20:15 Est-ce qu'ils croient ce qu'ils disent,
20:17 ou ce sont des cyniques
20:20 qui gagnent de l'argent
20:22 en escroquant des patients désemparés ?
20:25 -Il y a probablement les deux.
20:27 -Il y a des... Ils sont désilluminés, complets ?
20:30 -Il y a un souci qui va venir, c'est la reconversion.
20:33 Aujourd'hui, la naturopathie, à sa base,
20:35 repose sur l'idée qu'un élan vital peut tout guérir.
20:38 -C'est quoi, Roser ? -Non, pas du tout.
20:40 -C'est ce qu'il y a dans votre site.
20:42 Le problème, c'est qu'on a ce métier attractif
20:45 qui peut prendre du temps avec les patients,
20:47 qui emprunte au métier de diététicien
20:50 en proposant un rééquilibrage alimentaire,
20:52 en passant presque dans l'exercice illégal de la diététique,
20:56 mais on attire dans ces métiers, par des formations coûteuses,
20:59 des personnes qui n'ont plus de sens dans leur métier.
21:02 On a des gens qui sont très... -Vous avez des confrères médecins ?
21:05 -On a des confrères médecins qui vont...
21:07 Au bout de 10 ans de médecine, on a du mal à lâcher.
21:10 Beaucoup d'infirmières, d'aides-soignantes,
21:13 de personnes soignantes, dont on a besoin,
21:15 se reconvertissent, parce qu'entre une consultation,
21:18 une tournée d'infirmières, qui commence à 6h du matin,
21:21 qui finit à 22h, être payée au lance-pierre
21:24 contre 75 euros l'heure, dans un cabinet, chauffer,
21:27 et recevoir des gens qui viennent pas de leur problème.
21:30 -Ce sont des personnes qui font ça pour gagner de l'argent.
21:33 -Pas parce qu'elles ont... -Pour changer de vie.
21:35 Mais qui sont peut-être mal formées,
21:37 qui sont peut-être, après,
21:39 en quelques semaines, mal formées, mal informées,
21:42 et qui vont mettre leurs patients en risque.
21:44 Elles vont être victimes. -La parole à M. Poirot.
21:47 -Et mettre en danger des personnes, et se retrouver condamnées.
21:50 -Comme vous le rappeliez tout à l'heure,
21:53 et c'est pour ça que je vous ai parlé,
21:55 souvent, ce sont des personnes qui s'autoproclament naturopathes.
21:59 Comme c'est pas réglementé, ils peuvent utiliser le terme.
22:02 On ne sait pas comment elles ont été formées,
22:04 elles adhèrent à aucune organisation professionnelle,
22:07 et très souvent, derrière, il y a des montages de sociétés
22:11 à but mercantile.
22:12 Mis à part ça, je pense pas que ce soit uniquement
22:15 des personnes en reconversion, en mal-être,
22:17 qui vont aller chercher à se former
22:19 à ces pratiques de soins non conventionnels.
22:22 Après, 85 % des médecins, dans leurs pratiques,
22:24 conseillent au moins une fois par semaine
22:27 un outil non conventionnel, une pratique complémentaire.
22:30 -C'était pas un médecin ?
22:31 -Non, c'était pour répondre à ce que vous disiez.
22:34 -Il faut pas même recommander une pratique non médicamenteuse,
22:38 l'activité physique, et recommander une pratique de soins
22:41 non conventionnels, type naturopathie, homéopathie,
22:44 ou d'autres charlatanismes.
22:46 -Pour vous, la naturopathie, dont vous avez là un représentant,
22:50 qui a une organisation qui veut faire un peu le ménage,
22:53 dans la pratique, pour vous, c'est un charlatan ?
22:56 -Pour moi, aujourd'hui, à moins de faire un ménage important,
22:59 la naturopathie, aujourd'hui, peut être le terreau
23:02 de nombreuses dérives.
23:03 Vous parlez d'encadrer la profession,
23:05 mais les écoles, validées par vos études,
23:08 validées par vos élabelles,
23:09 forment à l'iridologie, une pseudoscience,
23:12 à des choses vibratoires,
23:14 et vos 10 principes fondamentaux sont farfelus.
23:16 -Vous répondez à ça ?
23:18 -On cherche depuis plus de 40 ans à réglementer la naturopathie,
23:21 à avoir des formations qui sont encore plus sérieuses
23:24 qu'elles ne le sont aujourd'hui.
23:26 C'est pour ça qu'avec un collectif qui s'appelle
23:29 le Collectif Naturopathie, on a mis sur pied une norme
23:33 que l'on a rédigée avec l'AFNOR,
23:35 qui devrait sortir cette année,
23:37 pour pouvoir encore mieux sécuriser et encadrer
23:39 la formation initiale, la déontologie
23:42 et la pratique professionnelle.
23:44 -Avant de vous entendre, pour essayer de comprendre
23:47 ce que vous en faites pour éviter les dérives sectaires,
23:51 j'aimerais qu'on écoute un autre témoignage.
23:54 Il y a des proches qui sont des proches de familles de victimes,
23:57 des proches de victimes qui, évidemment,
24:00 payent les pots cassés de ces erments.
24:02 Par exemple, Stéphane Dévigne.
24:04 Il a constaté un changement de comportement chez sa femme
24:07 lorsqu'elle a commencé à consulter un maître reiki.
24:10 Vous pouvez nous dire ce que c'est ?
24:12 -C'est beaucoup trop nébuleux.
24:14 -C'est toujours en lien avec des énergies...
24:19 Il faut y croire ou pas.
24:23 Pour moi, la base de la pratique de soins non conventionnels,
24:26 c'est "j'y crois".
24:27 -Elle croyait à son maître reiki. -C'est une question d'énergie.
24:31 -Il a raconté... Il a fini par divorcer,
24:34 après une dizaine de mois de ses consultations,
24:38 de la part de sa femme, et il raconte la suite.
24:41 Regardez.
24:43 Musique douce
24:45 ...
24:47 -Juste après le divorce,
24:48 quand il y a eu le début de la garde alternée,
24:51 c'est là que cette femme a commencé
24:56 à tourner autour de mon ex-femme.
24:58 Cette femme se présentait comme une mentaliste
25:02 qui vide le conscient pour le remplir avec l'inconscient.
25:06 Quelqu'un qui dit qu'elle a compris le fonctionnement du cerveau.
25:11 Et la première action de cette femme
25:14 a été de séparer mon ex-femme de sa famille,
25:18 donc son père, sa mère, mon oncle, tante.
25:21 Je sentais qu'il y avait quelque chose
25:23 qui n'allait pas avec mes enfants,
25:25 puisqu'ils y allaient un week-end sur deux.
25:28 Mes enfants étaient fermés,
25:30 aucune discussion de ce qui se passait là-bas,
25:33 aucun dialogue possible.
25:34 C'était toujours "oui, ça va".
25:36 J'ai reçu un appel de ma fille en pleurs,
25:39 un samedi soir, au mois de juillet,
25:41 en vacances chez sa mère,
25:43 qui m'a dit qu'elle voulait me lire une lettre qu'elle m'avait écrite,
25:47 parce qu'elle avait des choses à me dire et que c'était compliqué.
25:51 Dans cette lettre, elle m'a appris, en me la lisant, en pleurs,
25:55 que ça faisait un an et demi
25:56 qu'avec cette dame, ils soignaient la schizophrénie de leur mère.
26:00 Schizophrénie qui avait été diagnostiquée par cette mentaliste,
26:03 et là, à eux trois, ils essayaient de soigner leur mère.
26:07 Mes enfants, à la maison, ne me parlaient pas.
26:10 On a essayé, avec ma famille et moi, de discuter avec eux.
26:14 Et pour chaque personne, à partir du moment
26:17 où on n'était pas d'accord avec eux,
26:19 qu'on disait qu'il y avait quelque chose
26:21 qui était louche autour de cette mentaliste,
26:24 mes enfants arrêtaient de dialoguer avec eux.
26:26 Ils se mettaient aussi à perdre le dialogue
26:29 avec la famille paternelle.
26:30 Mon fils, qui a été placé en famille d'accueil
26:34 pendant trois mois et demi
26:36 avant qu'il accepte de reparler avec moi
26:38 et qu'il revienne à la maison, finalement, à mon grand bonheur.
26:41 J'ai mon ex-femme,
26:43 qui a été totalement séparée de sa famille
26:46 et qui a passé, elle, huit mois en hôpital psychiatrique.
26:50 Aujourd'hui, pour terminer le bilan,
26:52 je me bats pour ma fille,
26:54 qui n'accepte aucun contact avec moi.
26:58 Musique douce
27:00 ...
27:02 -C'est très intéressant, parce qu'avec ce témoignage,
27:05 après, le maître Reiki, c'est donc une mentaliste
27:08 qui a harponné cette femme,
27:11 et on voit bien, là, que le processus sectaire
27:14 est totalement... On parle de dérive sectaire
27:17 depuis tout à l'heure, on pourrait se demander
27:19 le rapport entre un naturopathe et la secte,
27:22 mais là, on voit bien, c'est l'emprise.
27:24 -C'est l'emprise, c'est l'isolement de la personne,
27:27 c'est-à-dire que personne ne te comprend à part moi.
27:30 Moi, je vais t'aider,
27:32 je te fais la promesse d'une vie meilleure,
27:35 tu seras comprise,
27:36 ton mari ne peut pas te comprendre,
27:38 pour tout un tas de raisons,
27:40 tes enfants, il faut qu'ils t'aident,
27:43 on les garde avec nous, et c'est exactement,
27:46 les familles anéanties,
27:48 la victime qui ne s'identifie absolument pas
27:51 comme victime, et c'est là aussi,
27:53 c'est tout à fait délicat, il y a que l'entourage
27:55 qui peut, et les associations le savent bien mieux que moi,
27:59 c'est les familles qui portent les alertes,
28:01 qui font les signalements, la personne ne se rend pas compte.
28:05 Elle est sous emprise, elle est dans sa bulle,
28:07 avec un espoir démultiplié d'un monde meilleur.
28:11 -C'est intéressant, parce que souvent,
28:13 quand on pense secte, on pense un gourou
28:15 avec une tripotée de disciples qui, malheureusement, les suivent.
28:19 Là, il suffit d'un patient et du processus d'emprise
28:22 pour définir une dérive sectaire.
28:24 -L'isolement, c'est la triple rupture,
28:26 c'est-à-dire la rupture de la personne avec elle-même,
28:29 c'est-à-dire avec ce qu'elle était avant son adhésion
28:32 à la médecine, sa compréhension, sa compréhension de la vie,
28:36 sa compréhension de ses expériences.
28:38 La rupture de la personne, comme vient de l'expliquer
28:41 l'amnésiocent avec son environnement,
28:43 parce que l'environnement représente un danger
28:46 pour le gourou, puisque l'environnement,
28:48 c'est les personnes proches, celles qui aiment,
28:51 l'adepte, qui vont la mettre en garde,
28:53 donc il y a tout intérêt à la faire rompre.
28:56 Et la troisième rupture, qui, dans le milieu de la santé,
28:59 c'est la rupture avec la médecine conventionnelle
29:02 et les soins, tout ce qu'on peut avoir
29:04 comme signe antisocial.
29:06 -Ce qui est intéressant, c'est... Pardon.
29:09 Juste un chiffre, monsieur Poirot.
29:11 Il y a eu, entre 2015 et 2021,
29:14 une hausse de 86 % de signalements,
29:17 de signalements, devant la MIVILUDE,
29:20 la mission interministérielle de vigilance et lutte
29:23 contre les dérives sectaires.
29:24 Mais à l'intérieur de cette hausse,
29:28 il y a un chiffre qui nous a frappés,
29:31 c'est qu'en 2021,
29:32 une saisine sur quatre
29:35 traitée pour dérives sectaires
29:37 concerne la santé.
29:38 Ca veut dire que le domaine de la santé...
29:40 -Ca reste encore. -Pardon.
29:42 ...est vraiment pris, je dirais,
29:44 en chasse par tous ces escrocs.
29:48 -Oui. En un peu plus de dix ans,
29:50 on est passé à l'Unatchi,
29:51 d'une vingtaine de pourcents de cas en lien avec la santé
29:54 à aujourd'hui 55 %.
29:56 -55 % de quoi ?
29:57 -De l'ensemble des signalements.
29:59 -Vous avez des signalements qui vous arrivent.
30:02 -La pandémie est passée par là.
30:04 -Il n'y a pas que la pandémie.
30:06 La courbe est croissante depuis plus longtemps que ça.
30:09 Moi, je vois plutôt un lien avec la période où les...
30:13 Je suis désolée. La presse féminine,
30:15 c'est un petit peu...
30:17 Elle fait le... Comment dire ?
30:19 Elle a fait la promotion de toutes ces pratiques-là.
30:23 Plus les gens vont vers les pratiques,
30:26 plus on a de saisines.
30:27 -Vous voulez dire la presse qui vantait le bien-être à tout prix ?
30:32 -Oui, je me souviens de discussions
30:34 avec des journalistes de cette presse féminine.
30:37 -Les journalistes sont toujours torts.
30:39 -Non, pas du tout. C'est pas dans ce sens-là...
30:42 -Il faut porter aussi notre...
30:43 -C'est pas dans ce sens-là que je le dis.
30:46 Il y a eu un engouement du public
30:48 qui a fait qu'il y a eu un engouement de la presse.
30:50 C'est surtout ça. Ca correspond à cette époque.
30:53 -Il y a un avant et un après Covid ?
30:55 -Je pense, oui, parce que le fait
30:57 qu'une bonne partie de la population a été confinée,
31:00 qu'il y a eu un certain nombre d'activités professionnelles
31:04 qui se sont arrêtées, que des personnes ont dit
31:06 qu'elles allaient changer de travail et faire des choses sur Internet
31:10 et quelles promouvaient des accompagnements
31:13 dans le domaine de la santé, il y a eu un boom.
31:15 Néanmoins, votre reportage le montre clairement,
31:18 il faut le garder en tête,
31:20 les phénomènes de dérive thérapeutique
31:22 ou de dérive sectaire
31:23 touchent en premier des personnes.
31:25 C'est les personnes qui vont être à risque de dérive
31:28 et pas des métiers ou des professions.
31:31 On l'a bien vu, d'ailleurs, avec la pandémie,
31:35 où les professionnels de santé ont été touchés également
31:38 par ce phénomène-là.
31:39 -Ce qui est intéressant avec le Covid,
31:41 c'est qu'il y avait le virus au centre.
31:44 -Ca a fait une focalisation sur un certain nombre de charlatans.
31:47 -Il y a eu le débat sur les vaccins,
31:49 puis l'angoisse sur sa propre santé.
31:52 -C'est ça, bien sûr, madame Lizeau.
31:54 -Je pense que ça a été un accélérateur,
31:56 même si les chiffres étaient en progression constante,
31:59 mais le fait d'avoir du temps,
32:01 beaucoup de personnes étaient chez elles,
32:03 quelques fois isolées,
32:05 parce qu'à un instant T, elles n'étaient plus entourées.
32:08 Ca a permis une certaine réflexion sur soi,
32:11 sur la finalité à donner à sa vie,
32:14 et ça, ça a vraiment été le terreau
32:16 des dérives sectaires.
32:17 -Il y a eu une prise de conscience.
32:19 -Je voulais aussi ajouter juste un point.
32:22 Vous parliez des formes
32:23 des dérives sectaires ou de sectes.
32:25 Elles sont protéiformes,
32:27 ça peut être une seule personne,
32:29 ça peut être une organisation internationale,
32:32 ça peut être un groupe de cinq ou six.
32:34 Derrière, il y a toujours, toujours l'argent.
32:37 -Toujours.
32:38 -Ca, c'est immuable. -Le gain.
32:40 -Il n'y a pas de gain.
32:41 -Il y a aussi une différence,
32:43 si on a un système de santé parfait,
32:45 où les médecins pouvaient prendre le temps,
32:48 d'absorber tous les patients,
32:49 les dérives seraient vite absorbées.
32:52 Aujourd'hui, on a un système de santé en crise.
32:54 -Vous l'avez dit,
32:55 pendant le Covid, le système médical
32:58 était totalement mobilisé par la lutte contre le virus.
33:01 -Sur le Covid. -C'est encore vrai.
33:03 -Le problème, c'est que la science ne se fait pas
33:06 en un claquement de doigts,
33:07 et qu'on a vécu une période d'incertitude.
33:10 La création de la science,
33:11 qui prend du temps, a été vécue au grand air,
33:14 et les gens se sont rendus compte
33:16 que ça paraissait monolithique,
33:18 la pensée médicale, la médecine...
33:20 La médecine, ça évolue, c'est compliqué,
33:22 et il y a des débats entre les médecins et les professions.
33:25 Les gens ont vu la médecine se dégrader
33:28 dans la pratique, dans l'accès aux soins,
33:30 mais aussi une vision de la science
33:32 qui montre que c'est évolué, imparfait,
33:34 et il faut avoir une humanité scientifique.
33:37 -La remise en cause des vérités scientifiques,
33:40 on les a vues à l'oeuvre,
33:41 au moment des débats sur les vaccins,
33:43 ça a explosé.
33:45 -Oui, j'ai eu l'impression que c'était plus
33:47 une mise à jour de quelque chose d'existant.
33:50 -Ah. -Parce que, oui,
33:51 plus de gens angoissés,
33:53 donc plus, forcément, de questionnements,
33:56 et donc plus de tentations à aller vers d'autres moyens
34:00 que la médecine conventionnelle.
34:02 Parce que la médecine conventionnelle
34:04 n'a pas répondu, au début, ce qui est normal,
34:07 elle n'avait pas les moyens, tout bêtement,
34:09 de répondre à ce virus
34:12 et à ce danger imminent.
34:14 -Vous n'en avez pas encore parlé,
34:16 mais pourtant, c'est quand même une des raisons
34:18 pour lesquelles tout cela prospère,
34:21 ce sont les réseaux sociaux.
34:22 Les réseaux sociaux sont aussi un facteur d'accélération
34:26 de ce type de croyances.
34:28 Regardez ce reportage de Marianne Cazot.
34:31 Musique douce
34:34 ...
34:36 -De nombreux signalements pour dérive sectaire
34:40 et l'art de s'afficher sur les réseaux sociaux.
34:43 Voici ce que ces chantres du bien-être ont en commun.
34:46 Ce type de profil est bien connu
34:48 des associations d'aide aux victimes d'empris sectaire,
34:51 comme ici, à Lille.
34:53 De nombreuses affaires commencent comme cela.
34:55 Une vidéo ou des publications
34:57 qui mènent vers un site web bien construit.
35:00 Une vitrine séduisante.
35:02 Les gourous y déploient un vocabulaire pseudo-scientifique
35:05 et proposent des méthodes miracles.
35:07 -La radiasthésie est une capacité surnaturelle
35:10 qui permet de capter les radiations,
35:12 les ondes électromagnétiques et géobiologiques,
35:15 ce qui lui permet de réaliser un diagnostic de son état de santé.
35:19 -Et il y en a pour tous les goûts.
35:22 ...
35:24 -Alors, guidance, analyse des blocages émotionnels,
35:27 magnétisme, la hauchère, équilibrage, accès au port,
35:30 massage aux pierres semi-précieuses,
35:32 si ça donne pas envie, ça.
35:34 -Tu peux aller faire un soin, puis après, c'est fini.
35:37 Tandis que là, ils vont te proposer autre chose.
35:40 Il va te proposer une formation, puis autre chose.
35:43 Et c'est comme ça que l'engrenage commence et l'emprise.
35:47 -D'autant plus que les réseaux sociaux
35:49 sont très utiles pour enfermer des personnes
35:52 dans des croyances et des contre-vérités.
35:55 A l'université Paris-Cité, c'est ce qu'observe ce chercheur.
35:58 Démonstration sur YouTube avec ce médecin anti-vaccin.
36:03 -Je vais tomber sur une première vidéo de Louis Fouché.
36:07 Sur la droite, je vais avoir un certain nombre de vidéos
36:11 qui sont liées sémantiquement à cette première vidéo.
36:15 Cet algorithme a la particularité, effectivement,
36:18 de nous enfermer dans des informations concordantes.
36:21 Et à partir du moment où toutes les informations sont concordantes,
36:25 vous arrêtez de douter.
36:26 -Pour comprendre comment notre cerveau se fait avoir,
36:30 direction ce laboratoire.
36:31 L'expérience est en deux temps.
36:34 D'abord, la cobaye voit plusieurs informations.
36:37 Elle ignore que certaines sont fausses.
36:39 Puis elle les voit à nouveau un peu plus tard,
36:42 accompagnées de nouvelles informations.
36:44 Elle doit alors évaluer leur véracité.
36:47 -Alors, ça a été ? -Oui, ça s'est bien passé.
36:49 -Résultat, les participants ont plutôt tendance à croire
36:53 les informations qu'ils voient souvent,
36:55 y compris quand elles sont fausses.
36:57 -C'est un effet qui peut être assez dangereux.
37:00 Dans nos fils d'actualité, plusieurs personnes
37:03 peuvent avoir partagé la même information.
37:06 Ils croient à tort à cause de cet effet-là.
37:10 -C'est ainsi qu'un internaute peut croire
37:12 aux promesses de thérapie miraculeuse
37:14 et s'éloigner de la médecine conventionnelle.
37:17 Les réseaux sociaux facilitent le travail des gourous.
37:20 Et dans ce service spécialisé de la police judiciaire,
37:24 il aurait aussi simplifié la tâche des enquêteurs.
37:27 Mais ici, ce ne sont pas les croyances qui importent.
37:30 Ce sont les faits pénalement répréhensibles.
37:33 Et ces derniers se trouvent rarement sur les réseaux sociaux.
37:36 -Internet, ça va être souvent un moment
37:39 où on va accrocher les adeptes,
37:41 on va accrocher le public de manière générale
37:44 et on va amener certains d'entre eux
37:46 à rentrer plus avant dans le mouvement.
37:48 C'est un des premiers mécanismes de l'emprise,
37:51 mais ce n'est pas une emprise avérée au stade Internet.
37:54 -Pour accéder à la face cachée de la manipulation,
37:57 les huit enquêteurs du service doivent mener des investigations
38:01 et surtout écouter de nombreux témoignages.
38:04 Les réseaux sociaux ne sont pas devenus le temple des gourous,
38:09 mais ils leur donnent une vitrine de choix
38:12 et un moyen rapide de diffuser leurs croyances.
38:15 Musique douce
38:17 ...
38:19 -Ce ne sont pas le temple des gourous, les réseaux sociaux ?
38:23 -Ah oui, ça a tout changé.
38:26 Il est vrai qu'aujourd'hui...
38:28 Et d'ailleurs, là, durant le Covid,
38:30 on a eu beaucoup de témoignages de personnes qui disaient
38:33 "je trouvais que mon conjoint ou ma conjointe
38:36 "l'avaient changé ces derniers temps
38:38 "et depuis qu'on est enfermés à la maison,
38:41 "je la vois sur Internet et je comprends pourquoi elle a changé
38:44 "parce qu'elle fréquente des sites soit anti-vax, soit..."
38:49 -C'est une caisse de résonance.
38:51 -C'est une caisse de résonance.
38:53 Face aux pratiques dangereuses, il y a deux outils,
38:56 il y a punir et il y a prévenir.
38:58 -Quand on se concerne "la punition",
39:00 votre projet de loi donne des outils supplémentaires
39:03 avec des créations de nouveaux délits.
39:06 Ces dérives sectaires dont on a parlé,
39:08 elles auraient pu être arrêtées avant,
39:10 si le projet de loi avait existé ?
39:12 -En tout cas, les sanctions auraient été plus importantes,
39:16 sans aucun doute, avec un délit de sujétion en prise ajoutée.
39:20 Donc, on aurait pu...
39:21 Peut-être, ça aurait pu concerner plus de monde
39:24 avec des sanctions plus importantes.
39:27 En termes de prévention, je crois que nous sommes tous concernés.
39:30 Je parle des médias, désolée,
39:32 mais je parle aussi de l'Etat, des associations,
39:35 de l'éducation.
39:36 A chaque moment, il faudrait mettre en garde...
39:38 Tout à l'heure, monsieur, vous disiez
39:41 qu'il y avait des types de personnes susceptibles
39:43 d'être sous emprise.
39:45 Je pense que tout un chacun peut, à un moment de sa vie,
39:48 être pris dans cet étoté, dans ce filet,
39:50 et en plus, beaucoup plus maintenant,
39:53 avec les réseaux sociaux,
39:54 qui permet vraiment de ratisser très large.
39:57 J'ai en tête, par exemple, une jeune influenceuse.
40:00 Les jeunes filles qui la suivent se daigneraient pour elle.
40:04 -Oui, c'est une forme d'emprise absolue, c'est vrai,
40:08 le fanatisme.
40:09 -Elle a une forme de...
40:12 Comment ?
40:13 D'intrusion dans la vie, au quotidien,
40:15 de ces jeunes filles.
40:16 Quelquefois, elle ne leur répond pas.
40:18 -C'est dans le domaine de la santé ou de la mode ?
40:21 Parce que ça n'a pas les mêmes implications.
40:24 -Ca n'a pas les mêmes implications,
40:26 mais elle pourrait aller très loin.
40:28 C'est ça, le danger.
40:29 -On l'a vu dans le domaine de la santé,
40:31 avec les médicaments pour perdre du poids,
40:34 qui ont été vantés par des influenceuses
40:36 et qui font des dégâts.
40:38 Dans la loi, il y a un volet prévention aussi.
40:40 Il ne faut pas l'oublier, les deux sont importants.
40:43 Par contre, je pense qu'il ne faut pas se leurrer,
40:46 le risque zéro n'existe pas.
40:48 C'est toujours bien de se doter d'arsenals juridiques
40:51 qui sont encore plus performants,
40:53 avec beaucoup plus de contraintes,
40:55 mais on l'a vu avec les personnes que vous avez citées,
40:58 il y en a certaines qui ont été jugées,
41:00 mais qui partent à l'étranger et continuent leur activité.
41:03 Donc, finalement, le risque zéro, on ne pourra jamais l'atteindre.
41:07 -Alors, pardon. -Pardon, sur la loi,
41:10 sur les différents volets de la loi,
41:12 c'est celui sur la santé où il y a eu plus de lobbies,
41:15 il faut le dire.
41:16 Il y a toujours beaucoup... -Quel lobby ?
41:19 -Le lobby pro-pratique de soins non conventionnels.
41:21 Bien sûr que oui.
41:23 Il y a eu un lobby très, très fort, beaucoup plus fort.
41:26 Et je dois dire aussi, parce qu'on parle de lobby,
41:29 que Lunatchi s'est constituée partie civile
41:31 dans l'affaire Casasnovas et qu'à ce titre,
41:34 uniquement à ce titre, elle a été victime de menaces de mort
41:37 par mail. Donc, il y a...
41:39 -Alors, ça, ce sont des disciples ?
41:41 -Il y a un lobby,
41:42 il y a une force de vouloir convaincre
41:45 chez ces personnes que l'on ne soupçonne pas
41:49 si on ne le vit pas.
41:50 -Alors, comment éviter que ça ne se développe,
41:53 évidemment, trop ? On va en parler, vous vouliez dire.
41:56 -Comme le deuxième épisode, c'est un milieu
41:58 qui brasse énormément d'argent.
42:00 C'est plusieurs millions de milliards de dollars par an,
42:03 bien être tout confondu.
42:05 Il y a un marché énorme sur les huiles essentielles,
42:08 les compléments alimentaires, les formations, les stages,
42:11 et chacun essaie de gratter sa part du gâteau.
42:14 -C'est intéressant, ce que vous dites.
42:16 Par exemple, le lobby des huiles essentielles,
42:19 je prends celui-là, je ne voudrais pas le stigmatiser,
42:22 il a été très...
42:24 Comment dirais-je ? Vif,
42:25 dans l'opposition à votre projet de loi ou non ?
42:28 -Les huiles essentielles, en particulier, non.
42:31 -Non, d'accord. -Il n'y a pas 100 têtes.
42:33 Mais on a senti vraiment un mur face à nous,
42:36 et je dois dire qu'il y a même certains médecins
42:39 qui poussaient dans ce sens.
42:41 -Des collègues du docteur ? -Oui, bien sûr,
42:43 qui sont sanctionnés par leurs ordres professionnels.
42:46 -A quel titre ils étaient ?
42:48 -Parce qu'ils offrent d'autres thérapeutiques.
42:50 Eux, ils utilisent le mot "thérapeutique",
42:53 mais c'est d'autres pratiques.
42:55 Ils ont, sous la main,
42:56 certains patients qui sont ouverts à des nouveautés.
43:00 Je pèse mes mots.
43:02 -Je voudrais savoir ce que vous pensez
43:05 du décision qui a été prise par la célèbre plateforme Doctolib.
43:08 Cette plateforme de prise de rendez-vous
43:12 chez les médecins a décidé de bannir
43:15 6 000 praticiens controversés
43:19 de son site,
43:21 sous la pression, sans doute, de certains patients.
43:25 Est-ce que ça, par exemple, c'est, je veux dire, salutaire ?
43:29 -Aujourd'hui, Doctolib, préfixe "docto",
43:32 qui est censé rassembler des professeurs de santé,
43:35 a accueilli des professeurs du bien-être,
43:37 à tort, et a bien fait de se rassembler,
43:40 mais accueille encore des professionnels du bien-être,
43:43 et profite d'un statut dérogatoire...
43:45 -Les ostéopathes, vous les mettez dans le même...
43:48 Pour vous, c'est du bien-être ? -Ce sont des professeurs
43:51 de la santé qui, dans leur décret d'application,
43:54 ne peuvent prendre en charge que des troubles fonctionnels.
43:58 En effet, les ostéopathes sont là.
44:00 Il y a des ostéopathes qui sont à la fois médecins...
44:03 -Quand on a mal au dos, on dit qu'on a un super ostéopathe.
44:06 -Il y a une force marketing très forte.
44:08 -Il faut pas y aller. -Je vous dis qu'aujourd'hui,
44:11 si jamais vous devez vous adresser et que vous avez un problème de santé,
44:15 la personne qui peut prendre en charge votre dos,
44:18 c'est votre kinésithérapeute.
44:20 Si vous avez un problème avec votre alimentation,
44:23 c'est votre diététicien ou diététicienne.
44:25 -Vous dites "bien pour docto-libre",
44:27 mais "peu mieux faire". Vous, vous êtes un puriste.
44:30 -Non, il a raison.
44:32 C'est la confusion dont je parlais tout à l'heure.
44:35 C'est-à-dire qu'on n'a rien contre ceux ni contre d'autres praticiens
44:40 qui n'ont pas exercé d'emprise sur les personnes.
44:44 Le problème n'est pas là,
44:46 c'est d'éviter la confusion entre deux sphères.
44:49 Quand je vais chez Boulanger,
44:51 je lui demande pas de me faire une coupe au carré.
44:54 C'est la même chose.
44:56 C'est-à-dire qu'on est dans deux mondes un peu différents.
44:59 Et il faut savoir respecter ces deux mondes-là
45:02 et les reconnaître pour ce qu'ils sont.
45:05 Si vous voulez faire de la prévention,
45:07 il faut reconnaître ces deux sphères pour ce qu'elles sont,
45:10 c'est-à-dire les prendre les unes et les autres,
45:13 mais ne pas les confondre.
45:16 -Certains vous diraient qu'il y a des abus
45:18 dans toutes les professions et qu'il y a des mauvais médecins.
45:22 Des médecins ont fait des dégâts considérables.
45:25 C'était un peu pour la partie défense.
45:27 -C'est d'éviter les amalgames, les raccourcis et les caricatures.
45:31 L'exemple de la boulangerie est une caricature.
45:34 -Je pense que les Françaises et les Français ne sont pas stupides.
45:37 Il faut rappeler un peu ce qu'est l'histoire de la médecine
45:40 et ce qu'est l'histoire des pratiques de soins non conventionnels
45:44 comme la naturopathie.
45:45 C'est un continuum.
45:47 D'ailleurs, on a des racines qui sont les mêmes,
45:50 avec Hippocrate et Galien.
45:52 -Est-ce que vous êtes désolé de ce qu'a fait Doctolib ?
45:55 -Alors, je pense qu'il y avait sûrement des pratiques
45:59 sur Doctolib qu'il fallait remettre au carré et nettoyer.
46:03 On les a rencontrés, en 2022,
46:04 on a rencontré la direction de Doctolib
46:06 parce qu'ils ont fait une concertation globale.
46:09 On leur a proposé des échanges à chaque fois
46:12 qu'il y avait des professionnels de soins non conventionnels
46:15 pour vérifier leur parcours, leur formation.
46:18 Néanmoins, et Doctolib a été très clair,
46:20 c'est pas à eux de décider en France et de légiférer,
46:23 c'est à l'Etat. L'Etat, ne l'ayant pas fait
46:26 depuis des dizaines d'années, Doctolib n'allait pas
46:29 se substituer à l'Etat.
46:30 C'est un plan qui aurait été poussé par les pouvoirs publics,
46:34 mais qui ne réagit pas. -Vous voulez que l'Etat
46:36 intervienne davantage ? -Oui.
46:38 -Comment ? -Alors, déjà, en réglementant
46:40 à la fois la formation et la pratique professionnelle.
46:43 Et en pouvant dire clairement... -En créant des diplômes,
46:47 par exemple ? -Par exemple, une première étape.
46:49 -Ou en donnant des autorisations, pas de mise sur le marché,
46:53 mais d'ouvrir... -Exactement.
46:55 J'ai pas la même position du tout sur l'ostéopathie
46:57 que ce qui a été dit précédemment,
47:00 mais les ostéopathes disposent d'un titre professionnel,
47:03 ils font partie des professionnels de la santé.
47:05 On a une formation... -On n'est pas d'accord.
47:08 -Ils font partie des professionnels de la santé.
47:10 -C'est la statue de la santé, pas celle de la santé.
47:13 -De la santé, c'est ce que j'ai dit.
47:15 -Encore la confusion. -De la santé.
47:17 Ils ont un titre professionnel, ils sont inscrits au registre RPPS,
47:21 dans lequel on retrouve tous les professionnels de santé.
47:25 Et ces professionnels-là ont une formation
47:29 qui est réglementée par l'Etat.
47:30 On pourrait avoir la même chose en naturopathie.
47:33 On pourrait avoir, après, peut-être une loi,
47:36 comme l'ont les ostéopathes, qui légifère la profession,
47:39 et peut-être, après, un statut
47:41 pour ces professionnels de soins non conventionnels
47:44 pour avoir une vraie approche intégrative de la santé.
47:48 -Madame Leu, alors, est-ce que vous êtes prête
47:51 à entamer ce travail, après votre projet de loi ?
47:54 -Alors, moi, je crois qu'effectivement,
47:57 il y aura un moment statut, mais ce ne sera pas aussi simple.
48:00 Moi, j'encourage les professions
48:03 de pratiques non conventionnelles
48:06 à se fédérer, à se syndiquer, à faire des propositions,
48:09 mais il est évident qu'on ne fera pas non plus,
48:12 d'un côté, la médecine, organisée, étatisée,
48:15 avec un diplôme d'Etat, et puis, aussi, en parallèle,
48:18 on ne va pas se remettre dans ce même schéma
48:21 pour d'autres pratiques.
48:22 Ca me paraît un peu difficile.
48:24 -On peut regarder ce qu'il se passe au niveau européen ?
48:27 -Oui, juste très vite.
48:28 -Je voulais dire que vous parliez de l'Etat
48:31 et que cette loi, c'est la première, à ma connaissance,
48:34 en Europe, qui existe contre les dérives sectaires.
48:37 Il y a d'autres choses qui existent ailleurs,
48:39 mais jamais dans ces conditions-là.
48:41 La myvilude est un exemple quasi unique aussi en France.
48:44 Il y a quelque chose en Belgique
48:46 qui n'est pas tout à fait du même registre,
48:49 mais c'est déjà un progrès.
48:50 Et puis, il y a aussi d'autres Etats
48:53 qui, eux, se cantonnent plus aux croyances idéologiques
48:56 qu'à la médecine.
48:57 -En Allemagne, il y a un statut officiel
48:59 de praticien de santé délivré aux naturopathes
49:02 et aux psychanalystes, qui réussissent l'examen
49:04 organisé par le ministère de la Santé.
49:07 C'est ça que vous voudriez ?
49:08 -C'est un diplôme d'Etat, ils sont nommés "practiqueurs".
49:12 -Ca vous satisferait ?
49:13 -C'est un peu, encore une fois, contradictoire.
49:16 Tout à l'heure, on a dit, je crois que c'est vous qui l'avez dit,
49:19 que c'est pas tellement la pratique, c'est le praticien.
49:22 Qu'il soit diplômé ou pas diplômé,
49:25 la pratique est un outil d'emprise,
49:29 et en fait, c'est le praticien qui pose problème,
49:33 c'est pas la pratique en soi.
49:34 Après, je voudrais répondre aussi,
49:37 c'est pas du tout caricatural, ce que j'ai dit sur le boulanger
49:40 et la coiffeuse.
49:41 Quand une personne a un cancer
49:46 et que le naturopathe lui promet qu'il le guérira de son cancer,
49:50 on est bien dans... -C'est que ce n'est pas
49:52 un naturopathe.
49:54 -Il s'est présenté comme ça, cette dame.
49:56 -Comment séparer le bon grain de l'ivraie ?
49:58 Ca va vous intéresser, docteur,
50:01 parce que Marianne Cazou est allée à Montpellier
50:04 pour comprendre comment faire le tri, en effet,
50:07 grâce à un médecin qui tente d'élaborer
50:10 une méthode rigoureuse.
50:12 On regarde et on en parle juste après.
50:15 Reportage.
50:16 -Se passer de médicaments et se soigner autrement,
50:23 ce n'est pas toujours facile.
50:25 Comment trouver un remède efficace et sûr ?
50:28 Grégory Nineau pense avoir trouvé une partie de la réponse.
50:32 Connaissez-vous le Vidal ?
50:34 C'est en quelque sorte la bible des médecins.
50:37 Tous les médicaments, leur composition,
50:39 leur indication, leur contre-indication,
50:42 ainsi que les effets indésirables y sont répertoriés.
50:45 Mais pour ce qui est de l'hypnose ou de l'activité physique adaptée,
50:49 c'est tout de suite plus compliqué.
50:51 -Il n'y a aucune réponse, puisque l'enjeu,
50:53 c'est effectivement d'avoir strictement
50:56 des informations sur les médicaments.
50:58 C'est comme si on cherchait dans une bibliothèque
51:01 non pas des livres, mais des films.
51:03 Si on veut regarder ou trouver des films,
51:06 il faut aller dans une médiathèque.
51:08 -Et cette médiathèque, Grégory Nineau a décidé de la créer.
51:12 C'est ici, à Montpellier, que son idée a commencé à germer.
51:15 Dans son laboratoire d'épidémiologie
51:18 et de santé publique,
51:20 il étudie depuis plusieurs années le recours
51:22 aux thérapies complémentaires.
51:24 Avec son équipe, il a répertorié plus de 14 000 pratiques
51:28 et 229 catégories de thérapeutes.
51:31 -Fleury-thérapeute,
51:33 Gémo-thérapeute,
51:35 Géoméologue,
51:36 Gérontopraticien,
51:38 Guérisseur,
51:39 Homéopathe,
51:41 Orthithérapeute,
51:42 Hydropraticien,
51:44 Iridologue,
51:46 Kinésiologue...
51:48 -Il a rapidement été clair
51:49 qu'une simple compilation des données existantes
51:52 ne suffirait pas.
51:54 -Voilà un espèce de fouillis, pour l'instant,
51:56 du complément alimentaire d'un côté
51:59 jusqu'à une psychothérapie
52:00 ou jusqu'à un système de pensée complet.
52:03 La médecine chinoise est un système de pensée complet.
52:06 Il faut un peu d'assiduité et beaucoup de temps
52:08 pour arriver à qualifier ces pratiques.
52:11 -Et lorsque des chercheurs se penchent sur une pratique bénéfique
52:15 et sûre, comme l'activité physique à adapter,
52:18 c'est impossible de comparer les études entre elles.
52:20 Certaines ne montrent aucun effet
52:22 contre la fatigue des patients traités pour un cancer,
52:26 d'autres indiquent des bénéfices.
52:28 -Les méthodologies d'évaluation ne sont pas les mêmes.
52:31 Les interventions en activité physique
52:33 ne sont pas non plus les mêmes.
52:35 Vous pouvez avoir des activités d'endurance,
52:37 des activités de renforcement musculaire,
52:40 vous avez des activités, selon cette étude,
52:42 où elles sont supervisées et d'autres non.
52:45 -Pas question pour autant de baisser les bras,
52:48 car Grégory Ninho est persuadé
52:49 que certaines pratiques complémentaires
52:52 peuvent être efficaces dans certains contextes.
52:55 Il a donc décidé de créer une société savante
52:57 des interventions non médicamenteuses
53:00 et de mettre au point, grâce à l'aide de nombreux chercheurs,
53:03 le premier modèle d'évaluation scientifique standardisé
53:06 de ces pratiques, avec plusieurs étapes de recherche
53:10 et de développement qui sont rarement respectées
53:12 dans les études actuelles.
53:14 Grégory Ninho est le seul moyen d'avoir des preuves scientifiques
53:18 de l'efficacité et des risques de chaque pratique.
53:21 -Il y a 60 ans, dans le médicament,
53:23 la construction d'un modèle d'évaluation commun
53:26 et de validation a permis, finalement,
53:28 d'améliorer la qualité et la sécurité, évidemment,
53:31 des interventions.
53:33 De la même façon, aujourd'hui, en fait, 60 ans plus tard,
53:36 on est exactement au même point sur lequel
53:39 chaque praticien a envie d'inventer sa méthode.
53:43 -Et cela va maintenant changer, ils l'espèrent.
53:46 Voici la première version de la médiathèque
53:49 des interventions non médicamenteuses,
53:51 lancée en octobre 2024.
53:53 -Docteur Debrémont, Docteur Debrenon,
54:01 il viendrait à pic, non, ce Vidal des médecines ?
54:06 -Le Vidal, c'est le codex des médicaments.
54:08 La pratique médicale, c'est le médicament,
54:11 le temps qu'on peut passer avec le patient,
54:13 qui nous manque.
54:14 Si je dois parler de la prévention de ces dérives,
54:17 c'est, pour mes collègues soignants,
54:19 d'avoir la même attitude vis-à-vis des dérives sectaires
54:23 que celle qu'on a vis-à-vis de l'alcool,
54:25 des drogues, des violences.
54:27 C'est d'écouter nos patients, d'en parler avec eux
54:30 et de leur donner des drapeaux rouges
54:32 pour éviter les dérives.
54:34 C'est de vérifier combien ça coûte à un patient
54:37 d'avoir un recours à ces pratiques,
54:39 et surtout, si on lui propose d'arrêter des médicaments
54:42 ou de voir son médecin, de venir en parler
54:45 à n'importe quel soignant pour être pris en charge
54:48 et d'éviter les dérives catastrophiques
54:50 qui sont l'arrêt des médicaments,
54:52 l'arrêt des médicaments et le décès de ses patients.
54:55 -C'est très intéressant et très important,
54:58 ce que vous nous dites, parce que c'est extrêmement pratique,
55:02 ça va aider, parce que, qu'on ait un annuaire ou pas,
55:05 qui essaye de lever les controverses
55:08 sur ce qui est bon scientifiquement ou pas,
55:10 ça existera toujours.
55:12 Donc, il faut donner, effectivement, des moyens
55:15 aux individus d'éviter le pire.
55:17 Vous êtes d'accord ? Et ça, ça peut en être un.
55:21 -Complètement, et je dirais que j'ai envie de terminer
55:24 comme j'ai fait tout le long,
55:25 c'est-à-dire parler de la confusion.
55:28 Moi, je crois que la prévention, elle passe par ça,
55:31 elle passe par une meilleure explication,
55:33 par de la pédagogie, par ne pas confondre,
55:36 et puis avec, aussi, savoir à quel moment
55:39 on est confronté à une personne
55:43 qui tente de vous mettre sous emprise
55:46 et à parler de triple rupture, à... Voilà.
55:51 -M. Poirot, le mot de la fin.
55:53 -C'est une très bonne démarche que fait Grégory Nénot
55:56 avec ses équipes, et il faut que ça soit complété
55:58 avec une ouverture d'esprit pour regarder
56:01 la littérature scientifique et les recherches.
56:04 Nous, à l'OMNES, en tant que vice-président
56:06 de la Fédération mondiale de naturopathie,
56:08 on a fait un recueil pour l'OMS,
56:10 avec plus de 2 000 études scientifiques
56:13 et plus de 300 études cliniques
56:15 qui soutiennent notre pratique.
56:17 Ouvrons vers l'Europe.
56:18 -Organisation de la médecine naturelle
56:20 et de l'éducation sanitaire, on trouve ça sur Internet.
56:24 -Merci. Je voudrais m'adresser
56:25 aux victimes, à leur entourage, leur dire
56:28 qu'il y a une loi qui a été validée
56:30 par le Conseil constitutionnel,
56:32 qu'il y a des associations,
56:33 qu'il y a des médecins qui peuvent être à l'écoute,
56:36 qu'ils peuvent faire un signalement à la Myvilude.
56:39 On y arrivera, mais on est là auprès d'eux.
56:42 -Merci infiniment d'avoir participé
56:44 à cette émission sur les dérives sectaires
56:47 en matière de santé de plus en plus importante.
56:50 Merci à tous et à très vite
56:52 pour un prochain numéro d'État de santé.
56:55 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
56:58 ...

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