Christian ARTHAUD, poète, commissaire d'exposition, direction de musée, transporteur d'oeuvres d'art, anarchisant, s'entretient avec Evelyne ARTAUD, critique d'art. "L'art n'est pas récupérable", "L'art est au delà du jugement", L'art, c'est ce qui advient".
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00:56 Alors d'abord j'ai créé un groupe en 17, en 18, tout ça, à Nice.
01:00 On se réunissait dans un café, le pub "Victoire" à l'époque, qui nous occupe.
01:07 Et donc j'arrivais en mobilette depuis Draguinan et toutes les semaines,
01:13 et on discutait, édition, lecture, écriture et tout.
01:17 Après moi je suis parti à l'armée, et pendant mon absence,
01:21 des amis ont repris cette idée-là de faire un groupe autour de la Musée Gorbela,
01:25 la revue "Poésie d'ici", avec Favine Villani et d'autres personnes qui ont participé à ce groupe.
01:31 Donc c'est devenu plutôt un organe qui permettait à des gens qui écrivent de la poésie,
01:39 dans ces années-là, dans la région, d'avoir une écoute, un lieu de publication,
01:45 de discussion, d'échange, d'édition parfois, etc.
01:48 Donc ça a marché pendant 3-4 ans à peu près.
01:51 Et surtout, moi comme j'étais très proche de Claude Fourney, des musées de Nice,
01:56 qui dirigeait les musées de Nice, il m'avait confié la galerie d'art contemporain,
01:59 avec Marc Sanchez, pour organiser des rencontres littéraires.
02:03 Donc j'avais fait plusieurs manifestations, j'ai invité comme ça Bernard Noël,
02:08 Alain Weinstein, Jean Daize, les vedettes de l'époque,
02:14 les fessiers en prigent, etc.
02:17 Donc Michel Putor aussi, avec qui j'avais bien sympathisé.
02:21 Donc c'était vraiment bien.
02:24 C'était une belle revue qui marchait bien, mais une revue faite avec les moyens du bord.
02:29 Et vous aviez des abonnés ?
02:31 Ah oui, beaucoup d'abonnés, ça marchait bien.
02:33 C'est comme ça qu'on fonctionnait.
02:35 Et je me rappelle que quand j'arrivais à l'ébrie Laune à Paris avec mon stock de revues,
02:41 ils me prenaient 20 exemplaires tout de suite en dépôt,
02:44 et dans le mois qui suivait, ils vendaient tout.
02:47 Aujourd'hui c'est impensable.
02:49 Oui, oui, une revue de poésie de toute façon.
02:51 Ça c'est les débuts, j'avais fait une grande enquête,
02:53 qu'est-ce qui vous autorise à écrire ?
02:55 J'avais envoyé un carton de fer par mortuaire,
02:58 donc entouré d'un bordon noir,
03:00 qu'est-ce qui vous autorise à écrire ?
03:02 Et j'avais publié comme ça dans la revue les réponses de Louis-Daniel Levinas,
03:07 de Robert Grillet, de Marcel Appellé,
03:11 qui m'a fait une grande réponse,
03:13 Le Clésiot,
03:15 donc ça participait aussi à la bonne vente de la revue,
03:17 d'avoir des noms pareils dans le sommaire.
03:19 Bien sûr, bien sûr.
03:21 Et puis on a arrêté,
03:23 et après chacun des membres du groupe a fait sa propre publication.
03:26 Et puis après moi, j'ai arrêté un petit peu l'activité purement littéraire,
03:32 sauf que j'ai participé avec des amis à un congrès sur Raymond Roussel en 1983,
03:37 avec une exposition, une pièce de théâtre,
03:39 on avait quand même joué la poussière de soleil au thètre de Nice,
03:42 on a fait des colloques,
03:44 c'était une belle aventure,
03:47 et ce qui m'a à l'époque permis de rencontrer des gens du univers surréaliste,
03:54 José Pierre, Alain Jouffroy.
03:58 Oui, donc ce n'est pas hasard aujourd'hui, cette exposition sur le surréalisme.
04:03 Mais les revues littéraires, après j'ai participé depuis 20 ans,
04:07 je participais au comité de rédaction d'une revue qui s'appelle "Faire part",
04:10 qui est en Ardèche.
04:11 Je me suis toujours considéré comme quelqu'un d'un petit peu en dehors des circuits,
04:15 donc mon premier job, j'étais secrétaire d'un écrivain,
04:19 donc je lui servais de chauffeur pour ses rôles, ses jaguars, etc.
04:25 C'était quel écrivain ? Dis-nous, avoue !
04:29 Totalement inconnu, mais très riche,
04:33 et il s'appelait Édouard Troin de son vrai nom, à Saint-Zachary,
04:36 et son nom de plume, c'était Louis Montalte.
04:39 Et il faisait imprimer, il faisait imprimer, par exemple,
04:43 le livre sur lequel j'ai travaillé, c'est celui-ci, avec lui.
04:46 Il avait un domaine à Saint-Zachary, et une imprimerie,
04:51 il faisait vivre les imprimeurs dans son domaine.
04:54 Et moi j'étais son secrétaire, on parlait littérature toute la journée.
04:57 Donc il a fait ce bouquin parce qu'il a raconté,
05:01 dans "Fallait-il bâtir le Mont-Saint-Michel", donc cet ouvrage,
05:04 son aventure, parce qu'en 1748, il a voulu créer une basilique souterraine
05:09 à la Sainte-Baume, je ne sais pas si tu connais l'endroit.
05:12 Il avait une grotte qui a été ressacrée à Marie-Madeleine,
05:15 et donc il avait demandé au Corbusier de faire un plan d'une basilique souterraine.
05:18 Et il avait demandé à Matisse et à tous les artistes
05:23 qui avaient bien voulu participer à l'aventure de la ressacrée
05:26 avec le père Couturier, je ne sais pas si tu as parlé.
05:29 Donc ils avaient tous dit "ok, c'était la grande période,
05:33 après-guerre, de ce retour en grâce, de la religion à travers l'art,
05:38 mais bon, donc Fernand Léger, etc.
05:42 Et donc l'évêché, au dernier moment, a refusé ce projet,
05:48 parce que lui, donc Édouard Troin à l'époque,
05:51 avait quand même le souci de rentabiliser la chose.
05:54 Il avait fait imaginer tout un projet immobilier autour,
05:59 pour accueillir les pèlerins, les touristes, les visiteurs, etc.
06:03 Mais il n'a pas pu à l'évêché, parce qu'il y avait un aspect un peu "commercial".
06:08 - Commercial, oui.
06:10 - Même si ce n'était pas vraiment commercial, c'était surtout pour permettre aux pèlerins
06:13 de dormir sur place, voilà.
06:16 Il ne cherchait pas à faire des bénéfices par rapport à ça, mais bon, voilà.
06:20 Et ce livre raconte cette histoire.
06:23 Et donc mon premier job, ça a été de mettre en page ce livre avec lui,
06:27 et ensuite nous mettions quelques cartons de livres dans sa Jaguar,
06:32 on allait aux Ritz, où on avait une suite,
06:38 et tous les jours j'allais voir qui, je ne sais pas,
06:42 Bernard Pivot, Jean-Denis Maisson, qui m'a reçu avec son majordome,
06:46 Anne Agui, Robert Sabatier, etc.
06:51 - Tu as fait la promo ?
06:54 - J'ai fait la promo de ce monsieur, qui était un poète plutôt traditionaliste,
06:57 et il m'a fait rencontrer comme ça des tas de gens qui étaient opposés,
07:00 parce qu'à l'époque j'étais plutôt, disons, anarchisant, pour rester vague.
07:05 - Tu ne l'es plus ?
07:07 - Si, mais bon, c'est autre chose.
07:10 Et il m'a fait rencontrer des tas de gens qui étaient d'extrême droite.
07:13 Donc Pierre Boutan, des tas de gens dont je n'ai plus les noms en tête,
07:19 mais lui c'était son univers intellectuel.
07:22 Il était très réputé pour un recueil qu'il avait réalisé,
07:27 "Poèmes pour les prostituées", parce qu'il fréquentait les bordels de Marseille.
07:33 Et il l'avait rencontré quand il était garçon, très jeune, vraiment très jeune.
07:37 Il a rencontré Antonin Artaud, qui devait avoir 17-18 ans,
07:41 qui était venu voir son père pour des histoires d'affaires
07:44 entre le père d'Antonin Artaud et son père à Marseille.
07:49 Et ça c'était mon premier travail.
07:52 Et ça m'a permis aussi d'encontrer des tas d'écrivains.
07:56 Très vite, après le "Colloquiae sur Amont-aux-Sels" et mes soirées littéraires,
08:01 j'ai eu une proposition pour organiser une exposition
08:05 sur les livres illustrés de Matisse au Musée Matisse, en 1986.
08:08 - D'accord.
08:10 - Donc... - 1986, tu as quel âge alors ?
08:13 - 30 ans. - 30 ans.
08:15 - Et puis, j'ai rencontré des gens, Xavier Girard et Claude Fournet me disent
08:19 "On n'aura jamais le temps de monter une exposition en quelques mois,
08:22 en trois mois il faut la monter."
08:24 - Viens nous aider.
08:26 - Et donc j'ai monté l'exposition, ça m'a passionné.
08:29 J'ai rencontré toute la famille Matisse, les collectionneurs,
08:33 les grands bibliothécaires à Paris qui avaient des œuvres illustrées de Matisse, etc.
08:39 Et j'ai écrit le catalogue, j'ai conçu l'exposition,
08:43 ça a bien marché. Et puis après ça, on m'a dit
08:46 "On manque de personnel pour le Musée Matisse,
08:49 il faut quelqu'un pour aider Xavier Girard."
08:51 Donc je suis resté au musée pendant 12 ans.
08:54 - D'accord.
08:55 - Donc pendant 12 années, j'ai conçu des expositions avec lui.
08:58 Et donc voilà, Xavier, on a quand même fait de ce musée
09:02 qui était un petit musée de province, un musée incontournable.
09:06 - Un grand musée, oui.
09:08 - Et j'ai donné beaucoup de conférences, j'ai écrit des articles sur Matisse,
09:12 j'ai fait des notices d'œuvres, j'ai fait des inventaires avec Xavier, etc.
09:17 Et donc voilà, on a fait vraiment des beaux projets,
09:21 on a fait des expositions Matisse à Rome, à la ville à Vénice,
09:27 à Venise au Palais Corrères, au Palais des Auréales à Milan,
09:31 c'était assez excitant de travailler dans ces conditions aussi.
09:35 Le musée c'était Xavier et moi, d'une certaine manière, pour résumer.
09:38 Et c'est vrai qu'on se donnait à fond pour ce musée.
09:43 Après, il y avait une équipe, la mairie était beaucoup plus consciente
09:47 de l'importance de Matisse pour son image.
09:50 - Donc les élus l'aimaient beaucoup plus que présent.
09:52 - C'était un peu différent.
09:54 Et voilà, donc je suis souhaité quitter.
09:57 Alors on m'a proposé de m'occuper d'une librairie
10:02 qui viendra livrer ma scénar avec Jean-Paul Baudol et Marie Cardona
10:06 qui défendent la direction de cette librairie.
10:09 Ils l'ont fait pendant deux ans.
10:11 Et moi, je vais m'occuper du rayon littérature, poésie, art.
10:15 Et ça m'a enrée passionné.
10:17 Mais entre-temps, je reçois un coup de fil
10:20 de la directrice du service des expositions, André Chenu,
10:24 transporteur d'œuvres d'art.
10:26 Et puis voilà, donc j'ai changé de fuser des problèmes en me disant
10:30 que le livre, ça me passionne, mais le transport d'œuvres d'art,
10:33 finalement, je ne connaissais pas en fait, pas vraiment,
10:37 sauf en tant que client, parce que j'avais aussi client de Chenu,
10:40 de Duret, de LPR et compagnie.
10:42 Mais voilà, ça m'intéressait d'en connaître un peu plus
10:47 sur cette entreprise et d'en avoir les rênes pour le sud de la France.
10:52 Donc j'ai dit OK, finalement.
10:55 Et je suis resté logisticien de l'art, comme on dit,
10:58 pendant 21 ans tout de même.
11:00 Et là, tu as continué à rencontrer beaucoup d'artistes,
11:04 beaucoup de collectionneurs, beaucoup de…
11:06 Oui, de fait, je devenais prestataire de service pour des artistes,
11:11 des musées, des collections privées, etc.
11:13 C'est un métier qui demande beaucoup de discrétion,
11:15 beaucoup de…
11:16 Bien sûr.
11:17 On ne peut rien dire.
11:19 On ne peut rien dire.
11:20 Alors le transport d'œuvres d'art, c'est très…
11:23 c'est passionnant, surtout qu'on me donnait une entière liberté
11:26 pour gérer l'entreprise comme il me semblait qu'il fallait le faire.
11:31 Donc c'était vraiment très bien.
11:34 Au bout de 21 ans, je me suis posé la question,
11:36 c'était il y a trois ans, je me suis dit,
11:38 finalement, moi ce qui m'intéresse, c'est quand même de monter des expositions.
11:42 C'est ça que j'aime faire.
11:44 Oui, que ce soit dans un musée ou ailleurs.
11:46 N'importe où, peu importe.
11:47 Ce qui me plaît, c'est ça.
11:48 C'est de contacter des artistes, avec des œuvres,
11:50 concevoir une exposition, la mettre en valeur, la chercher.
11:56 Et quel lien avec ton travail d'écriture alors ?
11:58 Moi, j'ai toujours eu beaucoup de relations avec des artistes en tant que poète.
12:02 Donc j'ai fait des livres avec Gérard Serré,
12:05 avec des artistes qui vivent ici dans la région lissouaise,
12:08 avec Bruno Médnonçal, avec qui j'étais très proche.
12:11 Voilà, c'était…
12:14 Oui, tout ça est un ensemble.
12:17 Et donc, je suis revenu à mes premières amours en organisant des expositions.
12:22 En freelance ?
12:23 En freelance, librement.
12:26 Je fais une proposition, elle accepte et refuse.
12:29 Alors l'exposition autour de Picasso en 2018 avance,
12:33 c'était un peu l'opportunité de parler d'une part des petits objets en trois dimensions que Picasso faisait,
12:41 que moi j'ai toujours beaucoup aimé.
12:43 Ce qui me plaît dans ces objets, c'est qu'ils sont modestes, en carton, en papier, en bout de fer.
12:49 Il y a un côté bricolé.
12:52 Et voilà, Picasso c'est d'abord et avant tout un bricoleur de génie.
12:56 Donc c'était sympa de mettre en relation des artistes contemporains
13:00 par rapport à cette évidence intéressante.
13:05 Monter une exposition, ce qui est bien aussi, c'est pour ça,
13:08 c'est la contrainte d'un lieu.
13:11 Parce que ça, on n'est pas toujours...
13:14 Là par exemple pour Aix-en-Provence, c'est quand même assez modeste,
13:18 de petites surfaces, pas beaucoup de mètres linéaires finalement,
13:22 pas de possibilité pour des très grands formats.
13:25 C'était une gageure là.
13:26 Voilà, c'était pas simple.
13:28 Et puis les choses sont articulées naturellement, dans mon cerveau en tout cas.
13:32 Oui, mais dans celui du visiteur pour le coup aussi.
13:36 Voilà, ça s'est imposé comme ça.
13:38 Oui, puis on chemine.
13:40 Voilà, c'est ça.
13:41 Avec une variété d'artistes, de techniques, de...
13:45 Voilà, à chaque fois c'est ça qui est passionnant dans l'exposition.
13:48 C'est une mise en page.
13:50 C'est même une écriture là.
13:52 C'est une écriture.
13:53 Ça m'a fait plaisir d'exposer à Aix-en-Provence l'ode à Charles Fourier,
13:57 par exemple, de Breton.
13:59 Parce qu'en fait, Fourier, ce qui est intéressant chez lui,
14:01 après son délire, c'est cette idée que chaque individu a des passions,
14:07 des penchants, une propension à être ce qu'il est.
14:12 Et c'est très bien ainsi, même s'il s'oppose à son voisin ou à d'autres personnes.
14:17 Et en fait, c'est en faisant en sorte que dans une société,
14:20 on permette à toutes les passions individuelles de s'exprimer,
14:23 qu'on arriverait à une harmonie, entre guillemets.
14:26 Donc, ça veut dire que rien n'est imposé à quiconque.
14:30 Et c'était ça l'idée qu'il nous réunissait avec quelques amis.
14:34 Donc pour nous, c'était une utopie accessible.
14:37 C'était notre génération.
14:39 Notre maître mot, c'était quand même l'individu.
14:41 Il n'y a pas de raison qu'une société prive l'individu de ses prérogatives pour exister.
14:48 Donc aujourd'hui, c'est un peu le contraire qui se passe quand même.
14:52 Et sinon, j'écris dans des revues de temps en temps.
14:57 Des revues de poésie ?
14:58 Oui, des revues de poésie de temps en temps.
15:00 Mais on me sollicite plus pour des textes critiques ou pour des choses comme ça.
15:03 Bien sûr.
15:04 J'ai fait aussi un petit texte pour une exposition qui était vraiment formidable,
15:07 que Sylvie Leca fait au Palais d'Ascaris il y a trois ans.
15:10 C'était vraiment bien.
15:11 Ça s'appelait "Bouillon de culture", je crois.
15:14 Et c'était une exposition qui traitait du vieux Nice en tant que foyer artistique et littéraire.
15:30 Artistique et intellectuel, oui.
15:31 Voilà, dans les années 60, 70, 80.
15:33 Eh bien oui, bien sûr.
15:34 Donc, on s'est rémémoré nos années de jeunesse au milieu de cette faune.
15:41 Et voilà, donc moi j'ai fait un petit texte.
15:44 Et je suis pas sauvage.
15:45 Et au Palais d'Ascaris, c'était vraiment très sympathique de faire une exposition là,
15:51 puisque c'était un lieu qui, à l'époque, était franchement abandonné, un peu désuet.
15:58 Tu sais, dans le vieux Nice, le Palais d'Ascaris, je sais pas si tu connais un peu.
16:01 Non, non.
16:02 Et d'ailleurs, Jean-Luc Monnory, qui est un poète niçois, avait fait un texte sur le Palais d'Ascaris
16:09 comme lieu où des clochards se retrouvaient, où il se passait beaucoup de choses.
16:14 Oui, puis de la musique, enfin, pas simplement...
16:19 Ah oui, non, mais c'est vrai que le vieux Nice, à l'époque, c'était un lieu où on pouvait trouver
16:26 des hébergements pas chers, des studios pas chers, tout était délabré.
16:30 Mais donc ça, du coup, ça attirait beaucoup d'artistes et de poètes en dessous de ce que nous étions.
16:37 Et voilà, donc, du coup, ça a généré pas mal de choses intéressantes.
16:42 Peu importe les raisons pour lesquelles l'artiste a fait ceci ou cela,
16:45 a utilisé tel matériau, ça je m'en fous, moi.
16:47 Ou j'ai un choc, ou j'éprouve quelque chose, ou pas.
16:51 Mais on est pareil.
16:53 Oui, bien sûr, évidemment.
16:56 Quand tu regardes ce qui se passe dans les écoles d'art, tout ça, il y a énormément...
17:02 C'est caractéristique naturelle.
17:04 Caractéristique naturelle, absolument.
17:06 Le discours prend la place de l'art, l'intention prend la place de l'œuvre.
17:11 Et maintenant, on juge les œuvres par l'intention plus que par ce qui est produit.
17:16 Bien sûr, ce qu'ils appellent le concept, qui n'a rien à voir avec un concept.
17:19 En fait, oui, voilà. Non, ça n'a rien à voir.
17:21 Théosophiquement, ça n'a rien à voir.
17:23 Oui, il y a une distorsion des choses comme ça.
17:27 Ah oui, je voulais parler de l'exposition sur le surréalisme que j'ai montée à Exembrance.
17:33 Elle me permet aussi de relancer des questionnements sur l'art, sur le XXe siècle.
17:39 Bien sûr.
17:40 Voilà, sur les méthodes artistiques créatives des surréalistes,
17:44 et puis ce que ces méthodes sont devenues.
17:46 Parce que finalement, les surréalistes, en utilisant qui ?
17:49 La sculpture, le dessin ou l'écriture automatique, les associations d'idées, l'inconscient, l'imprévu, le rêve, etc.
17:58 Finalement, depuis lors, on n'a rien réinventé.
18:03 On n'a rien réinventé.
18:04 On s'aperçoit qu'ils ont été vraiment essentiels.
18:06 Sans les surréalistes, les choses ont été autres.
18:10 Bien sûr.
18:11 Et puis, une pensée à la fois littéraire et plastique, et même philosophique, qui se sont rencontrées et tissées.
18:22 Absolument.
18:23 Bien sûr, c'était intéressant, c'est les discussions entre...
18:28 J'aurais bien aimé être là ce jour-là, ou ces jours-là, c'est les discussions en 1933 entre Matisse et Masson.
18:34 Ah oui.
18:35 Ils se sont rencontrés et ils ont beaucoup discuté, chacun avec sa technique, sa manière de voir les choses.
18:42 Comment l'idée vient, comment elle se développe, est-ce que la volonté y est pour quelque chose ou pas, etc.
18:50 Bien sûr, ils se sont opposés, en fait, très vite.
18:53 Mais ils ont tenu à discuter, à se revoir, et ils avaient beaucoup de considérations l'un pour l'autre.
19:00 Sur le processus.
19:01 Oui, sur le processus.
19:02 Qui a changé, effectivement, complètement.
19:05 Et d'ailleurs, les expositions qui m'intéressent sont celles où on voit le processus à l'œuvre.
19:13 C'est vrai que c'est ce qui m'intéresse, en fait.
19:15 Il y a des murs, et il faut accrocher.
19:17 Pour moi, ça, c'est le grand bonheur.
19:19 C'est là que tu écris ton exposition.
19:21 Et voilà, c'est là que c'est fabuleux.
19:23 Ça, franchement, là, on se sent quelqu'un de… En fait, il y a quelque chose de très important qui se joue.
19:32 Parce que c'est là où on met en relation telle et telle œuvre.
19:35 Et puis, tu t'adresses à ceux qui vont voir, qui vont regarder.
19:39 Bien sûr, on pense aux visiteurs.
19:41 Au partage. Au partage de ton plaisir.
19:43 Pourquoi je serais heureux tout seul ?
19:45 Ça serait dommage.
19:47 Donc, en fait, on est vraiment dans le partage à ce moment-là.
19:51 Ça marche. C'est tout.
19:53 Je vous reviens. Les premiers jours de l'exposition Aix, j'étais dans les salles pour regarder un peu ce qui se passait.
19:58 Aix-en-Provence, c'est particulier parce qu'il y a beaucoup de jeunes, beaucoup d'étudiants.
20:02 Donc, il y avait effectivement beaucoup de jeunes.
20:04 Parce que moi, ce qui m'a surpris, quand j'ai montré cette exposition, je me suis dit, je vais montrer des livres.
20:09 Et je me suis dit, les gens ne vont pas s'intéresser aux livres, à ce qui est en vitrine, parce que personne ne lit, etc.
20:14 C'était mon idée a priori.
20:16 Mais c'est complètement faux.
20:18 Les gens étaient scotchés par les vitrines.
20:20 Ils lisaient et regardaient dans le détail.
20:22 Ils se penchaient et restaient avec pas mal de temps.
20:26 Et je dirais même plus que devant les œuvres qui se donnent directement.
20:31 Et ça, c'est une bonne surprise de cette exposition.
20:35 Entre l'art et la culture, c'est simple.
20:37 La culture, ça intéresse les gens qui sont à son passé.
20:40 Et l'art, c'est l'avenir.
20:42 Pour moi, l'art, c'est ce qui advient et qu'on ne connaît pas.
20:46 C'est ce qui n'est pas encore là.
20:48 C'est ce qui était jusqu'à aujourd'hui, qu'on connaît, qu'on a balisé, etc.
20:53 Et qui est utilisé à des fins toujours un peu grotesques, à mon avis.
20:58 Pour résumer.
21:00 Alors que l'art, pour moi, n'est pas récupérable par quiconque.
21:05 Donc, il faut le montrer tel qu'il est, tel qu'il se déroule et tel qu'il va se créer demain.
21:11 Voilà.
21:12 [SILENCE]