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L’Étincelle de Christopher Laquieze, écrivain et philosophe ATOPOS.

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Transcription
00:00 Rien n'est plus difficile que de réussir à accepter la mort.
00:03 La littérature peut en quelque sorte nous aider face à la mort.
00:06 Cette année j'ai perdu mon meilleur ami, j'ai perdu aussi mon père très récemment,
00:10 et lorsque je me plonge dans des livres,
00:13 ça m'aide considérablement à vivre cette expérience,
00:16 à apprendre à vivre avec la mort.
00:18 Lorsque je vais me plonger dans une histoire,
00:20 je vais soit essayer de revenir dans le réel de ce que je vis,
00:23 soit essayer de complètement m'y échapper.
00:25 Et donc dans ce sens, je peux vivre d'autres vies par procuration,
00:28 donc par la vue, la vision d'un autre auteur qui va me faire vivre une expérience
00:32 qui va me sortir de l'idée de la mort.
00:33 La littérature a un pouvoir de consolation,
00:36 a un pouvoir de trouver une solitude dans l'autre.
00:39 Et ça je trouve que c'est assez paradoxal,
00:42 parce que si la solitude c'est ce retour sur soi-même,
00:45 peut-être que la lecture c'est un retour sur soi-même à travers les yeux d'un autre.
00:48 Et ça, ça peut nous aider à pouvoir mieux appréhender les événements de la vie
00:52 et notre façon d'être en rapport avec la mort.
00:55 Et le 30 avril, à la suite du décès de mon père,
00:58 j'ai un ami à moi qui m'appelle et qui me dit "écoute,
01:00 voilà peut-être que ça peut t'aider, mais j'ai un livre à te proposer,
01:02 j'ai un livre à te partager, c'est "L'invention de la solitude" de Paul Auster.
01:07 Et tu vas adorer, il parle de la mort de son papa
01:10 et ça va peut-être te permettre de pouvoir aller mieux,
01:12 ou en tout cas de comprendre cette situation.
01:14 Et très paradoxalement et très bizarrement,
01:16 Paul Auster décède le lendemain, donc le 1er.
01:19 Ça m'a fait comme un appel vraiment, peut-être un peu symbolique,
01:22 où ça m'a demandé de me plonger dans ce livre-là.
01:25 Et lorsque je suis tombé sur la première page du livre de Paul Auster
01:28 sur "L'invention de la solitude",
01:29 ça m'a directement touché en plein cœur.
01:32 Et à travers cette souffrance que je vivais,
01:33 j'ai aussi vu la souffrance d'un autre
01:36 qui m'a permis de pouvoir accepter, de vivre cette situation-là aussi.
01:40 Dans cette première phrase, il dit
01:42 "Nous nous trouvons si près de l'invisible frontière entre la vie et la mort
01:46 que nous ne savons plus de quel côté nous nous situons."
01:49 En fait, c'est vraiment ça.
01:50 C'est que je suis tellement impacté par la mort
01:52 que je ne sais plus où est-ce que je me situe.
01:54 Est-ce que je suis un mort qui essaie d'être vivant ?
01:57 Est-ce que je suis un vivant qui essaie de jouer au rôle de la mort ?
02:00 Où est-ce que je me situe là-dedans ?
02:02 Et la littérature, elle permet cette introspection, cette réflexion,
02:05 et de vivre à travers la consolation d'un autre,
02:08 l'expérience d'un autre,
02:09 et bien, cet accompagnement dans cette épreuve extrêmement difficile.
02:13 La pensée de la mort est quelque chose qui nous permet de mieux
02:16 trouver la beauté de la vie.
02:18 En tout cas, c'est ce qui est amené depuis toujours,
02:20 qui a été contredit par Spinoza par la suite.
02:22 Mais voilà, lorsque Pascal dit
02:23 "Les hommes n'ayant pu vaincre la mort, l'ignorance et la misère,
02:27 ils se sont avisés pour se rendre heureux de n'y point penser."
02:30 En fait, pour être heureux, on ne pense pas à la mort.
02:32 Montaigne qui va nous dire "Philosophie, c'est apprendre à mourir."
02:35 Cocteau qui va nous dire que
02:36 "Le vrai tombeau des morts, c'est le cœur des vivants."
02:39 Et puis, Tesson, une phrase que j'adore,
02:41 qui dit que
02:42 "Il y a une vie après la mort, de point le pissant lit."
02:45 Voilà, ça va être aussi vu différemment,
02:48 une forme d'ironie, on peut rire de la mort.
02:50 En tout cas, la mort est ce qui nous met sur un piédestal.
02:53 Plus on acquiert de la connaissance,
02:55 des expériences, qu'on va se plonger dans des livres,
02:57 qu'on va se plonger dans des réflexions autour de ce que nous vivons,
03:00 ça nous permet de mieux appréhender la vie,
03:02 ça nous permet de mieux comprendre, en réalité, notre rapport à l'expérience.
03:06 Je pense sincèrement que la connaissance est une forme de liberté,
03:10 mais non pas une liberté à travers quelque chose d'élitiste,
03:12 mais c'est plutôt connaître à travers un intérêt dans la connaissance.

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