• l’année dernière
Transcription
00:00Éveillée en sursaut par le hurlement de l'eau, de nouveau je ressens les brûlures de mon corps
00:07sous la caresse ardente des yeux vides de la mort qui ravivent les cauchemars de l'océan émeraude.
00:14Le son des pleurs étouffées et des râles de douleur de nouveau s'élèvent à l'instar du soleil
00:20et les corps anonymes qui tout près s'amoncèlent dressent le sinistre décor de ma vie de laveur.
00:26Accablée par le poids de ma peau de charbon, sous la morsure du fouet qui déchire mon dos,
00:33lacérant mon esprit, ma chair et mes os, je récolte briser le ténébreux coton.
00:40Quand j'étais tout petit, papa et maman sont partis. Premier temps d'achever cette vie si
00:46cruelle, mais je ne les ai pas revues depuis. Jusqu'à dix jours et nuits pour récondre à la paix.
00:52Il y a cinq ans, j'ai quitté mon enfant, espérant lui offrir un avenir vaillant.
00:58Affamée, enfermée sous des combles saillants, mon corps teinté de bleu se soumet au tyran.
01:05Il y a cinq ans, je laissais ma femme et mon enfant, leur promettant argent, confort,
01:12futur brillant, me voilà condamné à cueillir le raisin pour espérer goûter un maigre bout de pain.
01:19Rompu par les fers, à l'instar de mes frères, écrasé et dompé par le poids de mes chaînes,
01:37anéanti, asservi par ces siècles de peine, je sens monter en moi une vague de colère.
01:44Les jours se succèdent inexorablement, les cotons croissent, fleurissent et flétrissent,
01:53et nos vies réprimées dans la mort s'épanouissent. Enivré par un goût de proche liberté,
01:59à mon tour je me dresse, le poing levé, ni les coups, ni la peur,
02:03ne pourront m'empêcher de redresser la tête et de me révolter.
02:08Pourquoi devrais-je travailler autant ? Après tout, je ne suis qu'un enfant,
02:16je rêve du jour où bien loin des tapis, je pourrais simplement jouer avec les amis.
02:21Au lieu de satisfaire les envies d'une famille, mon vœu le plus cher est de retrouver la mienne,
02:26que je connaisse pour seule blessure, sur le genou de mon fils négratineux.
02:31Dans ces champs verdoyants où je dois cueillir, mon unique souhait serait de courir,
02:36fatigué de vrai à enrichir le bourreau qui me donne pour logis un coin de carreau.
02:41Nobresse de colère, se muant une flamme à l'image de la rage,
02:46et du cri de nos âmes, toute la terre tremble, le ciel est ébranlé, les cotons foulés,
02:51sains des goûts de sang, il y m'a effrayé, fouette plus rudement,
02:55mais rien ne nous empêchera de nous révolter. Entraîné par l'espoir et la voix de mes frères,
03:01je continue à la sable, à mener cette guerre, mais mon corps transpercé me libère
03:06de mes fers et un sourire aux lèvres, je redeviens poussière.
03:09C'est décidé, je ne peux plus rester, la voisine m'a vu, il m'a proposé de m'aider,
03:15sans un bruit, je m'enfuirai cette nuit, je retrouverai mon fils, celui pour qui j'aurai.
03:21Soudain, une illusion me prend et je crois voir ma femme,
03:24la forme s'approche, ce détail ce n'est pas un mirage,
03:27échappée, nos âmes libérées de leur cage, courons retrouver notre enfant avant qu'il ne fane.
03:32Hier, papa et maman sont rentrés, ils se sont battus pour me retrouver,
03:37de les revoir, je suis si content, je vais enfin pouvoir être un enfant.
03:42Et c'est pour que l'histoire soit gravée sur la pierre de mon amour,
03:46que je jette ces rumeurs dans le vent, pour qu'ils traversent les esprits pénétrants,
03:51l'ignorance et les fruits du silence, rappelons-nous que de nous il n'y a qu'offense.

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