Les grands débats - Fin de vie : les auditions de la commission spéciale

  • il y a 4 mois
Prélude au débat en séance publique, une commission spéciale de l'Assemblée nationale a été constituée pour examiner le projet de loi sur la fin de vie.
Fin avril, elle a mené une trentaine d'auditions (médecins, associations, représentants des cultes etc.) pour entendre les positions de chacun, et confronter les points de vue sur ce sujet hautement sensible, au carrefour de l'intime et de l'éthique.
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, qui porte le texte, a été la première à être entendue.
LCP vous propose de voir ou revoir les temps forts de ces auditions, au coeur de la commission spéciale sur la fin de vie.

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00:00C'est un projet de solidarité envers les personnes les plus vulnérables.
00:13C'est un texte d'équilibre.
00:15J'insiste sur cette recherche d'équilibre qui est indispensable pour légiférer sur
00:20de tels sujets.
00:21Bonjour et bienvenue dans ce numéro des Grands débats, l'émission qui vous fait vivre
00:25ou revivre les moments forts à l'Assemblée nationale.
00:29Dans ce numéro, on va parler d'un sujet hautement sensible, celui de la fin de vie.
00:34Une commission spéciale a été constituée pour examiner ce texte qui soulève des questions
00:39éthiques fondamentales.
00:40Elle a commencé ses travaux dans cette salle Lamartine par une série d'auditions, première
00:46à être entendue, Catherine Vautrin, qui porte le texte.
00:49La ministre de la Santé et des Solidarités a défini le cadre de ce projet de loi qui
00:55instaure notamment une aide à mourir sous de strictes conditions.
00:58Comme le souhaite une majorité de Français éclairée par les travaux de la Convention
01:04citoyenne sur la fin de vie, comme s'y est engagé le Président de la République, j'ai
01:10l'honneur de présenter le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin
01:15de vie auquel vous avez, Madame la Présidente, plus que largement contribué.
01:22J'aimerais partager lors de cette introduction, mesdames et messieurs les députés, quatre
01:27éléments avec vous.
01:28D'abord, rappelez le cadre de ce débat.
01:31Les personnes concernées par ce texte ne le sont pas par leur âge ou par leur handicap,
01:37mais bien en raison d'une pathologie.
01:39C'est une question médicale.
01:42Nous parlons par exemple de personnes atteintes de cancer, de maladies neurodégénératives,
01:47par exemple de SLA, qui seraient en fin de vie.
01:50Deuxième élément, l'objet du texte est de répondre aux souffrances insupportables
01:54de quelques personnes auxquelles la loi en vigueur n'apporte pas de réponse suffisante.
02:00Troisième élément, ce texte s'inscrit dans la continuité de précédentes lois, notamment
02:05la loi Claes-Leonetti.
02:07Après l'interdiction de l'acharnement thérapeutique 2002, loi Kouchner, après la sédation profonde
02:12et continue jusqu'au décès, c'est bien un nouveau chapitre que nous allons discuter
02:18maintenant.
02:19Quatrième remarque, ce texte repose avant tout sur l'expression de la volonté libre
02:24et éclairée du patient.
02:27C'est lui qui formule la demande, lui seul qui peut effectuer un recours face à cette
02:34décision médicale.
02:36Notre pays n'est pas au niveau en ce qui concerne les soins palliatifs.
02:40La France n'est pas au rendez-vous de l'enjeu d'accès universel aux soins palliatifs.
02:46Elle occupe aujourd'hui la 15e place parmi les 38 pays de l'OCDE en termes de densité
02:54de l'offre de services spécialisés en soins palliatifs.
02:57Seul un adulte sur deux, 30% des enfants qui le nécessitent, sont pris en charge.
03:03Ce qui signifie que nous prenons en charge 190 000 personnes sur 380 000 qui auraient
03:09besoin de soins palliatifs adultes.
03:12Nous devons impérativement progresser et c'est d'autant plus que d'après le rapport
03:17de la Cour des comptes, en 2034, nous devrons être en mesure de prendre en charge près
03:22de 440 000 demandes par an.
03:25Il est donc indispensable que nous renforcions les dispositifs de prise en charge hospitalière
03:30tout en développant une offre complémentaire, en particulier à domicile et en établissement
03:37médico-social.
03:39C'est là toute l'ambition de la stratégie décennale qui repose sur trois piliers.
03:44L'augmentation du nombre de places, la reconnaissance du travail des bénévoles, l'organisation
03:52d'une filière universitaire et je voudrais devant vous remercier ma collègue Sylvie
03:57Retailleau pour cet élément d'organisation d'une filière universitaire.
04:01Nous devons nous inscrire dans une logique de prise en charge anticipée, renforcée,
04:07continue de la douleur.
04:08Cette stratégie porte l'ambition de bâtir un modèle français des soins d'accompagnement,
04:15un terme défini dans l'article 1er du projet de loi qui marque une véritable rupture dans
04:20la prise en charge des maladies chroniques.
04:22Sur ce sujet aussi difficile et complexe de la fin de vie, Catherine Vautrin a défendu
04:29un projet de loi équilibré.
04:30La ministre de la Santé et des Solidarités a souhaité que le débat dans l'hémicycle
04:34soit apaisé et respectueux des différentes opinions.
04:38Ce nouveau chapitre, c'est l'ouverture d'un chemin possible.
04:41Une réponse éthique que nous apportons à des besoins d'accompagnement, une réponse
04:45à des souffrances inapaisables, à des situations de désespérance qu'il serait inhumain d'ignorer.
04:51Cas où persisterait des souffrances réfractaires avec pronostics vitals engagés à moyen terme.
04:57Mettre fin à des situations insupportables où certains se sont conduits à se rendre
05:02à l'étranger pour mettre fin à leur jour.
05:05C'est en effet le rapport de la commission des affaires sociales s'appuyant sur l'avis
05:11du CCNE qui affirmait, je cite, le cadre législatif actuel n'apporte pas de réponse à toutes
05:18les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n'est pas engagé
05:23à court terme.
05:24C'est pour répondre à ces situations que cette loi ouvre un accès à une aide à mourir.
05:29C'est un projet de solidarité envers les personnes les plus vulnérables.
05:32C'est un texte d'équilibre.
05:34J'insiste sur cette recherche d'équilibre qui est indispensable pour légiférer sur
05:39de tels sujets.
05:40L'équilibre entre la solidarité que nous devons apporter aux personnes les plus vulnérables
05:46par le développement des soins d'accompagnement et le respect de l'autonomie individuelle
05:50en ouvrant l'accès à une aide à mourir.
05:53Équilibre aussi entre l'ouverture d'une aide à mourir et des conditions strictes
05:58d'accès que nous avons définies.
06:00Cette recherche d'équilibre est une condition de l'application éthique de la fin de vie.
06:07Le rapporteur du texte, le député Olivier Falorni, est un ardent défenseur de l'aide
06:12à mourir.
06:13Sous la précédente législature, il avait déposé une proposition de loi pour une fin
06:17de vie libre et choisie, un texte non abouti en raison de l'obstruction parlementaire
06:22d'une partie de l'hémicycle à l'époque.
06:25En tant que rapporteur général, mais aussi en tant que député de la Charente-Maritime,
06:29j'ai envie de commencer nos travaux en faisant une métaphore marine.
06:35Le projet de loi que nous allons étudier, il arrive à quai, à bon port.
06:41Il est solidement arrimé à ces deux piliers qui en font l'équilibre, à savoir les soins
06:47palliatifs d'une part, l'aide à mourir d'autre part.
06:51Et ce texte va désormais engager sa grande traversée parlementaire, une grande traversée
06:56qui prendra tout le temps nécessaire, mais dont je souhaite aussi qu'elle ne prenne
07:00pas tout son temps de façon inconsidérée, car beaucoup de Français attendent cette
07:05loi et en premier lieu, beaucoup de malades ne l'oublions jamais durant nos travaux.
07:10Alors, mes chers collègues, un bon marin doit toujours avoir un cap clair et une bonne
07:16boussole.
07:18Notre boussole, dans un sujet qui est éminemment républicain, elle doit prendre en compte
07:24les quatre points cardinaux que sont la liberté de choix, l'égalité dans l'accès aux
07:29soins et à l'aide à mourir, la fraternité dans l'accompagnement de la fin de vie et
07:34la laïcité dans laquelle la foi ne fait pas la loi.
07:37Et le cap, il est très clairement de renforcer les droits des malades et d'améliorer l'accompagnement
07:45de la fin de vie dans notre pays.
07:47Tracer un cap, c'est savoir où l'on veut aller, mais c'est aussi savoir d'où l'on
07:51vient.
07:52Et ce cap, cette cause, ce combat, diront certains, il vient de loin.
07:56Vous l'avez dit, Madame la ministre, durant le premier quart de siècle, quatre lois ont
08:03permis d'obtenir pas à pas des droits essentiels, deux droits essentiels qui nous semblent pourtant
08:09aujourd'hui des évidences.
08:11Le premier de ces droits, c'est le droit de ne pas souffrir.
08:14Oui, le droit de ne pas souffrir.
08:17Et le législateur a voulu affirmer que la souffrance n'était pas inévitable et qu'elle
08:24était encore moins nécessaire.
08:27Et puis aussi le droit de ne pas subir, c'est à dire le droit de dire non à tout acharnement
08:31thérapeutique, à toute obstination déraisonnable.
08:35Alors aujourd'hui, notre devoir, il est de faire de ces droits une réalité.
08:39Cela exige, à mon sens, le renforcement, le développement massif des soins palliatifs.
08:44C'est la partie 1 de ce texte qui est adossée à une ambitieuse stratégie décennale.
08:51Mais comme toute médecine humaine, les soins palliatifs sont parfois impuissants face à
08:56certaines souffrances.
08:58Et c'est pour cela que je défends depuis longtemps le droit à un ultime recours, celui
09:04d'une aide à mourir pour des malades condamnés par la maladie, mais qui ne veulent pas être
09:09condamnés à l'agonie.
09:12Alors, mes chers collègues, aujourd'hui, alors que nos travaux commencent, nous devons
09:19ne pas oublier qu'il y a, et c'est en tout cas ce que j'estime, qu'il n'y a pas
09:26d'opposition entre soins palliatifs et aide à mourir.
09:31En tout cas, je suis de ceux qui considèrent qu'ils sont tous les deux nécessaires, qu'ils
09:35ne s'opposent pas et même qu'ils sont complémentaires.
09:39Les soins palliatifs sont une réponse primordiale.
09:43L'aide à mourir est un recours.
09:45Le débat qui s'ouvre nécessitera, selon moi, trois choses.
09:49Humilité, gravité et respect de toutes les convictions.
09:54Et j'exercerai, Madame la Présidente, ma fonction de rapporteur général avec le
09:58souci de la responsabilité et de la dignité de nos échanges au sein de cette Assemblée.
10:05C'est aussi, à mes yeux, une exigence républicaine pour être à la hauteur de ce
10:09grand et beau débat parlementaire.
10:12Je vous remercie.
10:14Avant la présentation du projet de loi, il y a eu beaucoup de consultations sur ce
10:18sujet au carrefour de l'éthique et de l'intime.
10:21Une convention citoyenne a remis ses conclusions au président de la République.
10:25Le Conseil national d'éthique, présidé par Jean-François Delfraissy, a lui aussi
10:29été consulté. Dans un avis qu'il a rendu en 2022, il avait ouvert la voie à une aide
10:35à mourir, mais sous de strictes conditions.
10:40Comme vous l'avez évoqué, le CCNE a sorti son avis 139 après un an de construction
10:49porté par les deux rapporteurs qui m'accompagnent ce soir, entre juillet 2021 et
10:55septembre 2022.
10:58Cet avis comportait, et comporte toujours d'ailleurs, quatre parties.
11:04Une première partie qui faisait le constat que la loi Claes-Leonetti n'était pas
11:09suffisamment connue ni appliquée, à la fois par le monde médical et par nos
11:15concitoyens. Une deuxième partie qui insistait sur l'importance majeure des
11:23soins palliatifs, qui a connu d'énormes améliorations en France, par exemple le
11:31vieux médecin que je suis a connu quand même une période où on était en
11:35l'absence de soins palliatifs et on a vu se construire progressivement des
11:41unités de soins palliatifs.
11:42Mais il y a encore des lacunes et en particulier sur les soins palliatifs en
11:49externe. La troisième partie et les deux rapporteurs y viendront évoquer un
11:55certain nombre de situations complexes, en partie construites par la médecine,
12:01où on peut imaginer qu'une décision politique ou la mise en place d'une loi
12:10fasse évoluer la loi sur l'adhérentive à mourir et on demandait dans ces
12:16conditions, on réclamait qu'il y ait un certain nombre de considérations
12:20éthiques sur lesquelles on va revenir. Et enfin la dernière partie, très
12:25importante à nos yeux, était aussi qu'on prenne le temps de réfléchir sur un
12:30sujet aussi difficile, et vous en êtes je sais tous conscients, aussi intime,
12:36aussi humain, qui touche tous nos concitoyens,
12:40quelles que soient les visions politiques qu'on peut avoir. Et donc le
12:46CCNE demandait qu'il y ait, entre guillemets, une construction citoyenne, une
12:52réflexion citoyenne, avant qu'elle passe entre les mains de l'Assemblée
12:57nationale et du Sénat. Alors au décours de l'avis 139 du CCNE, le président de la
13:05République a mis en place en effet cette consultation citoyenne avec deux
13:10aspects. La convention citoyenne que vous connaissez, vous réentendrez,
13:15organisée par le CSE, vous réentendrez probablement à la fois ceux qui l'ont
13:19organisée, le CCNE était dedans, et puis des conventionnels. Je peux seulement dire
13:26que ça s'est déroulé dans d'excellentes conditions, vraiment très
13:29intéressantes. Et puis le CCNE, organisé parce que c'est son rôle dans la
13:34nouvelle loi de biotique que vous avez votée il y a maintenant trois ans,
13:39un grand débat en France. On a organisé plus de 600 débats dans toutes les
13:44régions françaises, en s'appuyant sur les espaces éthiques régionaux. Et ce qui
13:50nous a frappé, ce qui m'a frappé en particulier, c'est le climat de,
13:54finalement, d'une certaine forme de sérénité. Lors des états généraux de la
13:58biotique, il y a cinq ans, avant la crise Covid, on avait eu des débats
14:04autour de la procréation, des nouveaux enjeux de procréation, qui s'étaient
14:08déroulés parfois dans des conditions difficiles. Là, ça n'a pas été du tout
14:11le cas. Nos concitoyens se rendent bien compte que sur ce sujet, c'est un sujet,
14:16une fois de plus, qui est très humain, où personne n'a tort, personne n'a raison,
14:21où on touche à quelque chose d'assez fondamental, et où on touche à la vie de
14:27chacun de nos concitoyens. Et vous entendrez probablement, dit avec
14:31d'autres mots, mais cette notion qu'on est profondément dans l'humain à
14:37l'occasion de la discussion de ce projet de loi.
14:41Ce projet de loi est attendu par de nombreux patients et associations qui
14:45soulignent l'insuffisance de la législation actuelle sur la fin de vie,
14:48qui ne permet pas de répondre à toutes les situations.
14:51La loi de 2016 autorise la sédation profonde et continue, mais seulement dans
14:56les dernières heures de vie du patient. Elle a été portée par Jean Leonetti et
15:00par Alain Klesse, qui a été auditionné par la commission spéciale.
15:06Sur la loi de 2016, je vais vous parler très clairement.
15:12La loi de 2016 n'est pas suffisamment appliquée.
15:21Directive anticipée, 12% de nos concitoyens ont rédigé leur directive
15:27anticipée. La sédation profonde est continue jusqu'au décès.
15:37Je vous le dis là aussi, elle n'est pas suffisamment appliquée dans les unités
15:45de soins palliatifs. Et pour que le débat soit parfaitement clair entre nous,
15:53en 2016, avec Jean Leonetti, on a eu ce débat avec celles et ceux qui
16:01représentaient les soins palliatifs. Il y a un mot qui a fait débat à l'époque,
16:07c'était le mot « continue ». Et aujourd'hui, quand on interroge les
16:13services de soins palliatifs, qui font un travail formidable,
16:15je ne vais pas revenir sur ce que disait Jean-François, c'est vrai que cette
16:21proposition, qui est dans la loi maintenant, cette partie de la loi,
16:25n'est pas suffisamment appliquée dans les soins palliatifs.
16:30Alors, le seul débat qu'on a eu avec Jean, s'il était là,
16:33il vous le confirmerait, comment qualifier la sédation profonde
16:39et continue jusqu'au décès ?
16:41J'avais la faiblesse de dire « c'est une aide à mourir ».
16:46Et Jean me reprenait à chaque fois en me disant « non Alain,
16:49ce n'est pas une aide à mourir, c'est la conséquence d'un traitement
16:53qui conduit à la mort ». Je ferme ce débat, mais le sujet était
16:59déjà dans l'air.
17:02Et l'autre question, laquelle je veux, alors là, je réponds en tant
17:06qu'ancien législateur, mais je vous dois cette réponse.
17:11Est-ce que la loi de 2016, même bien appliquée, répond à toutes
17:18les situations ?
17:20Ma réponse est non.
17:24Elle répond à un grand nombre de situations lorsque le pronostic vital
17:29est engagé à court terme, c'est-à-dire quelques semaines.
17:34Et je rappelle que nous avons répondu à la question qui nous
17:38était posée par le Premier ministre de l'époque.
17:42La lettre, je la relisais hier, c'était « lorsque le pronostic vital
17:45est engagé ». Mais je dois vous le dire aujourd'hui, car quand je
17:48fais des réunions, il ne faut pas toucher à cette loi, elle est
17:50parfaite. Non, elle n'est pas suffisamment appliquée.
17:53Puis d'autre part, elle ne répond pas à toutes les situations.
17:58Les députés ont entendu des médecins, soignants, représentants
18:02d'associations et autres personnes directement concernées par cette
18:05question de la fin de vie.
18:07Parmi elles, le docteur Claire Fourcade, médecin et présidente
18:10de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs,
18:13qui s'est prononcée contre l'euthanasie.
18:16Les soins palliatifs sont un progrès inouï du troisième millénaire.
18:20Vivre dignement jusqu'à la mort.
18:24Ils ne sont pas une évolution du soin, ils sont une révolution.
18:29Et la nécessité de les développer fait consensus.
18:32Malgré tout, aujourd'hui encore, 500 personnes meurent chaque jour
18:36en France sans y avoir eu accès.
18:39Pourtant, ils sont possibles partout.
18:42Depuis le 1er janvier 2000, à Narbonne, dans l'Aude,
18:45un département pauvre, en équipe, nous mettons en commun
18:49les compétences de huit métiers différents pour tenir la promesse
18:53du non-abandon.
18:55Jamais nous ne pouvons promettre la guérison, ni même l'espoir
18:59de la guérison.
19:00Nous pouvons seulement promettre d'accompagner la vie avec une
19:03maladie grave et d'être là jusqu'au bout pour soulager quoi
19:07qu'il en coûte, même si cela doit raccourcir la vie.
19:11Et croyez-moi, cette promesse n'est pas toujours facile à tenir.
19:16La confrontation à la maladie, la douleur, la souffrance,
19:21la peur et la mort est parfois déchirante.
19:25La tentation de la fuite rôde parfois le jour et plus souvent
19:29encore la nuit.
19:3125 ans de soins palliatifs, ce sont plus de 13 000 personnes
19:36accompagnées jusqu'à la mort, plus de 700 chaque année.
19:40Ce sont des milliers de familles, d'enfants, de parents ou d'amis
19:44soutenus eux aussi.
19:47Pour chacun d'eux, nous essayons que les soins palliatifs soient
19:51la paix des survivants.
19:54C'est Jean-Michel, atteint d'un cancer du poumon avec des
19:57métastases cérébrales à qui on avait donné 15 jours à vivre
20:00il y a 7 ans.
20:01En ce moment, il est à Tahiti et il nous a envoyé une photo avec
20:04le T-shirt sur lequel il a fait imprimer « Les soins palliatifs,
20:07ça m'a sauvé la vie ».
20:09C'est Clothilde, demandant en même temps l'euthanasie de façon
20:12répétée et son vaccin contre le Covid parce que « je suis si
20:16fragile que si j'attrapais le Covid, je pourrais en mourir ».
20:2113 000 histoires en 25 ans et seulement 3 demandes d'euthanasie
20:24qui ont persisté.
20:27Alors tout ça est une expérience personnelle, me direz-vous,
20:29avec raison, mais je ne suis pas seule devant vous.
20:32Voyez autour de moi tous ceux qui, au nom de toute la société,
20:36font face à la mort tous les jours avec courage et humilité.
20:40Ils construisent au quotidien la fraternité avec les plus fragiles
20:43d'entre nous.
20:46Voyez autour de moi tous ceux qui se tiennent assis au bord du lit
20:49de ceux qui meurent pour leur dire qu'ils comptent pour nous tous
20:54et qu'ils vont manquer à notre communauté humaine.
20:58Voyez autour de moi les bâtisseurs d'un projet progressiste,
21:02lutter contre le mal mourir, déconstruire le pouvoir médical
21:06et le mandarinat, raison pour laquelle il n'y a toujours pas
21:08de professeur de soins palliatifs.
21:11Construire l'apparente utopie d'une médecine qui accepte
21:14son impuissance à vaincre la mort, mais qui jamais ne renonce
21:17à soulager et accompagner.
21:21Voyez autour de moi tous ceux qui, pas à pas, luttent pour redonner
21:26aux patients le pouvoir enlevé aux médecins.
21:29Vous envisagez maintenant de leur donner le pouvoir de décider
21:32qui doit vivre et qui peut mourir.
21:35Le pouvoir de dire l'incurabilité, le pouvoir de dire le temps
21:40qu'il reste à vivre, le pouvoir d'évaluer le discernement
21:44et la capacité à consentir, le pouvoir de prescrire, préparer,
21:50assister et même injecter la mort.
21:53Voyez autour de moi tous ceux qui refusent d'avoir le pouvoir
21:56de faire mourir quand ils n'ont pas celui de guérir.
22:00Tous ceux qui veulent soulager jusqu'à la mort plutôt que donner
22:02la mort, même si on le leur demande.
22:06Est-ce un hasard si presque tous ceux qui côtoient au quotidien
22:10ces confins de la vie se rejoignent sur cette position du refus
22:14de la toute puissance ?
22:17Voyez et entendez autour de moi tous ceux qui vous disent qu'ils
22:21ne veulent ni de ce pouvoir ni de cette puissance.
22:26Aucune loi ne peut ni ne doit répondre au pourquoi de la mort.
22:30Elle peut en revanche garantir à chacun les meilleures conditions
22:33pour traverser cette épreuve constitutive de notre commune
22:36humanité.
22:38La demande de mort est un cri de souffrance ou de peur qui doit
22:41toujours être écouté.
22:43C'est notre métier.
22:45Ne laissez pas le médecin engagé dans une relation de soins
22:48d'humain à humain décider et décider seul de la vie ou de la mort
22:54d'un patient.
22:55Ne nous donnez pas cette toute puissance qui pourrait,
22:59car nous sommes humains, nous mettre en danger ou nous
23:02conduire à des pratiques non éthiques.
23:06Troisièmement, ne légalisez pas l'euthanasie,
23:08même exceptionnelle.
23:11Le choix du suicide assisté, toujours possible grâce à des
23:14aides techniques si besoin, répond à la demande de pouvoir
23:17décider du moment de sa mort.
23:21L'euthanasie implique de façon directe un tiers qui,
23:24jusqu'à ce jour, est toujours un soignant.
23:27Car je n'imagine même pas l'idée que d'impliquer un proche puisse
23:31être légalisé.
23:34L'euthanasie remet fortement en cause la relation de soins qui
23:37est un des fondements de la vie en société.
23:40Cette relation est déjà rendue fragile par un système de santé
23:43à bout de souffle.
23:45Les soignants sont épuisés et peinent parfois à trouver du sens
23:48à leur mission.
23:50Écoutez-les, préservez-les, respectez-les et ils pourront
23:55continuer à prendre soin.
23:57Et enfin, protégez les soignants.
24:01Si la présence soignante était la seule qui vous semble pouvoir
24:03répondre à notre angoisse de mort collective, alors réservez
24:08cette mission à ceux qui seraient volontaires, formés et accompagnés.
24:13Il serait alors mieux à même de ne pas abuser du pouvoir immense
24:16qui leur serait confié par la société.
24:20Car cette loi en l'Etat est celle de la toute puissance médicale.
24:24L'Etat doit-il donner aux médecins le pouvoir de dire
24:27parce que vous voulez mourir, je vais vous tuer.
24:31Je vous remercie.
24:34L'élément principal et majeur qui guide le médecin, c'est
24:38d'essayer de faire vivre son malade par les soins qu'il
24:41lui apporte et que le code de déontologie et le serment
24:47d'Hippocrate disent bien que le médecin ne doit pas donner
24:51délibérément la mort.
24:53Nous avons bien intégré cette raison d'être du médecin auprès
25:02de son patient et cependant.
25:07Il nous est apparu dans nos réflexions.
25:11Que le médecin, devant un patient qui souhaite pour des
25:15raisons qui ont été largement expliquées, que nous partageons.
25:19C'est cette vivre que le médecin devait être présent jusqu'au
25:23terme du procédé, parce que c'est aussi le rôle du médecin,
25:26même s'il n'est pas là pour donner délibérément la mort.
25:30Le rôle du médecin et sa place, c'est de rester présent auprès
25:34du patient jusqu'au terme de la procédure qu'a décidé le
25:37patron, le patient.
25:38C'est le patient qui décide de mettre fin à ses jours.
25:43Et donc, la place et le rôle du médecin, c'est quelque chose
25:46d'assez particulier parce qu'il doit être présent jusqu'au bout.
25:52Il doit accompagner son patient, mais spontanément, il ne doit
25:57pas s'orienter vers une aide à mourir automatique.
26:04C'est l'éligibilité dont vous parlez, M.
26:07Et donc, il doit d'abord commencer par dire mais comment est
26:10ce que je peux moi ramener ce patient dans le soin que nous
26:15qui est organisé?
26:18Je pense bien sûr aux soins palliatifs et que le premier
26:21réflexe du médecin et des soignants, c'est de tenter de
26:24ramener grâce aux soins palliatifs.
26:28Je vous épargne le couplet sur l'insuffisance des soins
26:31palliatiques, palliatifs.
26:33Je pense que c'est présent à l'esprit de tout le monde et que
26:36le nécessaire, je l'espère, sera fait dans la décennie qui
26:41vient. En tout cas, c'est ce qui est annoncé et donc d'abord
26:44commencer par amener le patient à avoir un espoir de poursuivre
26:49si c'est possible, si c'est possible.
26:51Mais quand vous discutez avec des équipes de soins palliatifs,
26:55celles que j'ai rencontré récemment, me disaient que sur
26:571200 patients qu'ils avaient eus dans leur service, il y avait
27:02cinq patients pour lesquels ils avaient considéré que la
27:08thérapeutique n'était pas suffisante pour les soulager.
27:12Ça donne quand même un ordre de grandeur.
27:15Et là, dans ce service de soins palliatifs, il y avait une
27:17équipe avec plusieurs médecins qui connaissaient le patient
27:22puisque c'est la rotation du fonctionnement du service,
27:25des infirmiers, des aides soignants.
27:27Il ne faut pas oublier dans ce jeu, dans les soignants, les
27:31aides soignants jouent un rôle majeur.
27:34Et finalement, c'est cette équipe qui discutait de
27:38l'éligibilité.
27:39De ce qu'on pouvait apporter à ce patient qui était au delà
27:42des ressources thérapeutiques pour la souffrance physique
27:45ou psychologique.
27:47Donc, l'éligibilité de voir écrit dans la loi que le médecin
27:52décide en fonction de l'état du patient.
27:55Si il donne suite à la demande du patient, ça me paraît
28:01insuffisant.
28:03J'allais dire pas réaliste, mais ce n'est pas facile d'écrire
28:06des lois comme ça.
28:07Je comprends très bien qu'on balbutie un petit peu et qu'on
28:09n'ait pas écrit d'emblée la solution idéale.
28:13Mais je pense qu'il faut travailler énormément cette
28:15partie de l'éligibilité et de la décision d'éligibilité qui
28:18ne peut être vraiment que collégiale.
28:22Alors, la procédure sur la procédure, je n'ai pas vu de
28:29blocage important.
28:32Certainement que la rédaction des décrets n'a pas été
28:36la rédaction des décrets devra apporter des réponses à des
28:39questions qui ne sont pas écrites dans la loi.
28:41Mais ça, on va essayer d'éviter de ne pas aller trop dans les
28:44détails.
28:45En tout cas, je suis convaincu et mes collègues de l'Ordre
28:51sommes convaincus que l'équipe, là encore, centrée sur le
28:56médecin qui va collégialement avec des confrères, évaluer
29:01l'état de santé du patient et essayer de le faire rentrer
29:05dans une approche palliative et éventuellement, mettre en
29:11route une procédure s'il n'y a pas d'autres solutions.
29:15À tout moment, je le redis, je ne l'ai pas dit dans mes propos
29:18introductifs parce que je ne voulais pas commencer par cela.
29:21C'est à dire que si on commence à dire par où on va sortir tout
29:24de suite du problème, je trouve que ce n'est pas positif.
29:27Donc, bien évidemment, nous attachons beaucoup d'importance
29:30à la solidité de la clause de conscience spécifique, c'est à
29:33dire qu'un médecin qui s'occupe d'un patient ne pourra pas faire
29:38jouer sa clause de conscience sans apporter une autre
29:41solution au patient.
29:43Ça, c'est clair que nous défendons cet aspect éthique et
29:47déontologique de la clause de conscience, mais elle doit
29:49exister de façon solide pour le médecin.
29:54Le corps médical, je ne vais pas être trop long, mais le corps
29:56médical est assez partagé, en fait, avec une majorité pour
30:02refuser l'aide à mourir, mais le pourcentage est de 66, 66 contre
30:0823 pour et 11 qui s'abstiennent.
30:10Donc, voyez que le curseur est quand même, certes, majoritairement
30:14en opposition, mais n'est pas aussi important.
30:18Ce curseur n'est pas aussi loin qu'il aurait pu l'être
30:20il y a quelques années.
30:22La commission spéciale a aussi auditionné les représentants
30:25des cultes des responsables religieux qui estiment que
30:28cette réforme est dangereuse et qui font front commun
30:31contre le projet de loi.
30:34Dans le bouddhisme, nous considérons la vie comme
30:37précieuse et sacrée et nous valorisons la compassion envers
30:41tous les êtres vivants, y compris nous-mêmes.
30:44C'est pourquoi nous sommes à tout le moins réticents à soutenir
30:47toute l'égalisation de l'euthanasie et ou du suicide assisté.
30:51Notre tradition ancienne que chaque moment de la vie est une
30:54opportunité d'apprentissage et de croissance spirituelle, même
30:58dans les moments de souffrance et de difficultés.
31:01La perspective bouddhiste encourage à trouver la paix et le sens
31:05dans toutes les expériences, y compris la fin de vie, plutôt
31:08que d'opter pour une mort médicalisée prématurée.
31:12Vouloir remédier à la souffrance est compréhensible.
31:15C'est même là tout le sens de l'enseignement du Bouddha.
31:18Mais selon nous, vouloir remédier à la souffrance en mettant
31:21fin à la vie revient à se tromper de combat et à semer
31:24de nouvelles causes de souffrance.
31:26Plutôt que de contribuer à regarder la mort en face, à
31:29l'apprivoiser, cette démarche nous fait nous détourner de
31:33l'essentiel, intégrer pleinement la mort dans la vie.
31:38Aux yeux des bouddhistes de France, la loi du 2 février 2016
31:42est tout ce qu'il y a de satisfaisant et bien adapté.
31:45Les soins palliatifs, l'accompagnement des personnes en
31:47fin de vie, le soulagement de la douleur et en particulier le
31:50non acharnement thérapeutique ou l'obstination déraisonnable,
31:55comme on préfère dire aujourd'hui, conviennent parfaitement
31:58à l'éthique bouddhiste.
31:59Encore faudrait-il que cette loi soit vraiment connue et
32:02appliquée partout.
32:04Le travail de la Convention citoyenne a largement démontré
32:07l'ignorance ou la méconnaissance de cette loi.
32:10Pour moi, suffit d'assister et euthanasie se rejoignent au
32:13plan moral dans la décision de faire mourir la personne.
32:16Parce que même si le malade le demande, la relation médicale
32:19soignée-soignant est par essence asymétrique.
32:23D'autant plus que l'approche de la fin de vie accroît la
32:25vulnérabilité.
32:27Décider de faire mourir une personne, même exceptionnellement
32:30pour quelques-uns, réaliserait un risque de réelle profanation
32:34de l'acte de soin au sein de la société.
32:37Au plan religieux, l'interdit fondateur du meurtre est
32:40clairement énoncé et la Sorate 5, verset 32 explique
32:44« Voilà pourquoi nous avons prescrit au Fils d'Israël,
32:47celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tué ou qui
32:50n'a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme
32:52s'il avait tué tous les hommes et celui qui sauve un homme est
32:55considéré comme s'il avait sauvé tous les hommes. »
32:57Il y a donc une continuité de l'injonction depuis la Torah
33:01jusqu'aux Évangiles.
33:02Et de même, les dix commandements sont également cités dans
33:05le Coran, la Sorate 6, où la condamnation du meurtre y est formelle.
33:11Également, l'humanisme de l'islam se lit dans un verset qui
33:13dit « Et ne vous tuez pas vous-mêmes, Dieu en vérité est
33:17miséricordieux envers vous. »
33:19Cette notion de miséricorde est essentielle.
33:21Dieu nous recommande de jouir de la vie et de soulager toutes
33:25les souffrances.
33:27Il faut donc apaiser les souffrances du mieux possible et
33:30ajouter espoir et espérance, puisque le désespoir peut être
33:34associé à une non-croyance.
33:35Croire, c'est espérer que la vie prenne le dessus.
33:39Parce que quand la fin de la vie se médicalise, il faut humaniser
33:44la fin de la vie et transformer la formation des soignants pour
33:47qu'ils apprennent à moins intervenir et à plus accompagner.
33:51C'est reconnaître l'importance de l'établissement d'une culture
33:54palliative, enseignée dans tous les champs de la médecine et pas
33:57simplement dans une discipline donnée.
33:59La Fédération protestante de France a contribué au débat sur
34:04l'aide à mourir ou la fin de vie à de multiples reprises par une
34:07publication en 2019 et encore plus récemment, j'ai demandé à la
34:11Commission éthique et société de travailler sur la question qui
34:14a été posée à la Convention citoyenne et donc elle a produit
34:17un texte que j'ai eu l'occasion et même l'honneur de vous remettre
34:20personnellement le 4 avril dernier.
34:23Ce texte est à votre disposition.
34:25Il énonce bien l'approche fondamentale du sujet.
34:30L'approche fondamentale, en fait, où ce texte comporte en
34:33gros quatre recommandations.
34:35Une première recommandation qui fait unanimité.
34:39Je dirais un plaidoyer pour les soins palliatifs.
34:42Une deuxième affirmation est une affirmation relativement forte
34:46puisque nous avons utilisé cette expression humaniser la fin de
34:49vie, humaniser la fin de vie, c'est prendre soin de la présence
34:52humaine en fin de vie.
34:55Donc, on affirme ça très fortement, on pourrait lire dans
34:58plus de détails.
34:59Le troisième point, et c'est important de le souligner,
35:02nous considérons qu'au regard actuellement de l'insuffisante,
35:07de l'offre de soins palliatifs, de la méconnaissance et donc de
35:12la faible application de la loi Claes-Lenotti de 2016,
35:16qu'il est inopportun de changer le cadre législatif actuel avant
35:21que, finalement, cette législation existante ait pu donner sa
35:25pleine mesure et ait été, en disposant des moyens
35:28nécessaires, et ait donc été aussi pleinement évaluée.
35:32Nous sommes bien conscients du fait que ce sujet est très
35:35complexe et qu'il faut l'aborder avec modestie.
35:39Il nous concerne tous car nous aurons tous à affronter la
35:42fin de notre vie et nous avons tous, je pense, et nous l'avons
35:45déjà fait, à accompagner des personnes en fin de vie autour de nous.
35:50Nous mesurons bien aussi les difficultés dans la mise en
35:52oeuvre de l'actuelle loi Claes-Lenotti, par exemple,
35:56concernant l'obstination déraisonnable et son évaluation.
35:59Mais nous regrettons que cette loi ne soit pas encore vraiment
36:02connue, qu'elle ne soit pas encore vraiment pleinement mise
36:04en oeuvre et que l'on veuille déjà de nouvelles dispositions légales.
36:09Nous sommes sensibles aux soucis de vouloir promouvoir un modèle
36:13français de la fin de vie, où le soin et l'accompagnement soient
36:16au centre, mais il ne nous semble pas que le projet de loi
36:19présenté aille dans ce sens.
36:22Pourquoi ?
36:23Parce que, sans avoir suffisamment d'ailleurs de données sur les
36:26besoins réels, il nous fait basculer vers un modèle qui ronde
36:29une digue essentielle, un principe structurant de notre
36:33société, voire de notre civilisation, celui de l'interdit
36:37de tuer, qui a déjà été évoqué, qui se trouve, d'ailleurs,
36:40cela a été dit au cœur du serment d'Hippocrate.
36:43Cette loi introduit donc un déséquilibre.
36:47Pour repérer ce basculement et cette rupture, nous observons
36:49avant tout que ce texte de loi ne dit pas toujours clairement
36:53ce qui l'ouvre comme possibilité.
36:55Avec des soignants, des juristes, mais aussi de nombreux
36:58philosophes qui se sont exprimés, c'est aussi une observation
37:02du Conseil d'État, comme vous le savez.
37:04Nous regrettons que ne soit pas clairement évoqué ce que
37:06prévoit de fait le projet de loi, à savoir l'euthanasie
37:10et le suicide assisté.
37:11Nous sommes également surpris de l'usage qui est proposé
37:15de la notion de fraternité, aujourd'hui principe
37:17constitutionnel, qui assure en principe la solidarité dans
37:21les droits économiques et sociaux et qui, justement,
37:23devrait, avant toute chose, assurer une vraie égalité
37:27d'accès aux soins palliatifs après quatre lois depuis 1999,
37:32ce qui n'est pas le cas, un Français sur deux en étant
37:35exclu à ce jour.
37:37Ce n'est pas un front de religion qui se présente ici.
37:41On a tous nos considérations anthropologiques,
37:43philosophiques, éthiques, mais on arrive tous, je pense,
37:47à un constat que nos sociétés vivent aujourd'hui une forme
37:51de rupture de civilisation, une forme de rupture,
37:55et c'est là-dessus que je vais axer mon propos,
37:58une sorte de désaxage quelque part, une sorte un peu
38:03de dérapage éthique qui fait développer une éthique
38:06sans transcendance.
38:09Et donc, on est un peu au cœur du sujet dans cette proposition
38:13de loi qui, elle-même n'étant pas très claire et ambiguë
38:17sur les principes et sur les objectifs, bien sûr,
38:20dans son dispositif, elle l'est moins parce que,
38:22comme vous savez, je suis avocat, la construction
38:25d'une norme juridique, si elle n'a pas des objectifs
38:28qui sont très clairs, le dispositif ne peut que exposer
38:31à des dérapages et à des applications qui sont
38:34très difficiles, dont d'ailleurs M. Leonetti,
38:36en fait, en fait la voie en alertant beaucoup
38:40sur la difficulté de mise en application.
38:42Les évêques orthodoxes de France n'ont eu de cesse de alerter
38:45sur les préoccupations et les inquiétudes.
38:48Depuis novembre 2022, lorsque le sujet a commencé
38:52à devenir sérieux, je dirais, dans les tuyaux,
38:55leurs inquiétudes et préoccupations quant à la perspective
38:58d'introduction en droit français d'un dispositif permettant
39:01de donner la mort, considérant comme une régression
39:04le changement de paradigme qui ferait légaliser
39:07le suicide assisté et l'euthanasie en France,
39:09et la bascule de l'accompagnement de la fin de vie
39:12de la loi Clest-Leonetti vers un nouveau dispositif
39:15où il sera légal de donner la mort.
39:18Ce projet de loi divise aussi les associations.
39:20Lors de leur audition, elles ont exprimé des points de vue
39:23diamétralement opposés, les unes dénonçant un permis
39:26de tuer, les autres plaidant au contraire pour le respect
39:30de la liberté et de la dignité des malades en fin de vie.
39:34Il y a pour nous quatre éléments de flou qui nous paraissent
39:39difficilement acceptables.
39:41Le premier, c'est ce que je reprends à la formule
39:43de Régis Aubry, l'euphémisation de cette formule aide à mourir
39:47qui nous semble extrêmement piégée et qui dissimule
39:50la réalité reconnue par le Conseil d'État du suicide assisté
39:54et de l'euthanasie qui sont présents dans ce texte.
39:57Pour nous, ce n'est pas digne, au fond, pardon de vous le dire,
40:01d'une démocratie, de légaliser des réalités aussi sensibles
40:06sans utiliser les mots correspondants.
40:08Deuxièmement, il y a dans les critères d'éligibilité
40:14à ce sujet, je pourrais peut-être même être d'accord sur ce point
40:17avec des personnes très favorables au suicide assisté
40:20ou à l'euthanasie, des éléments de flou qui également
40:25augurent une forme de boîte de pandore.
40:29Lorsqu'on parle de pronostic vital engagé à moyen terme,
40:34vous le savez et le docteur Traydon le précisera,
40:38nous sommes dans un flou qui laisse aux médecins une évaluation
40:42absolument subjective.
40:43C'est indéfinissable.
40:45Même chose pour cette réalité d'une souffrance psychologique
40:50insupportable.
40:50Nous faisons beaucoup d'écoutes de personnes en souffrance à
40:53l'excellence vita quand quelqu'un nous dit qu'il éprouve une
40:55souffrance insupportable au point psychologique,
40:58nous accueillons ce qu'elle dit.
40:59Nous ne l'évaluons pas.
41:00C'est inévaluable et c'est manquer de respect à une personne
41:04que de prétendre réévaluer quelque chose qu'elle nous dit.
41:07Et donc, comment faire ensuite pour accueillir ou pas cette demande ?
41:12Troisième élément préoccupant, c'est ce jeu de chat et la souris
41:17entre le soin palliatif et cette prétendue, pardon de l'expression,
41:22aide à mourir.
41:24On entend déployer les soins palliatifs,
41:26mais il ne fait de mystère pour personne que les plans,
41:30aussi ambitieux soient-ils, aussi convaincus soient-ils de
41:33développer des soins palliatifs, n'aboutiraient à les rendre
41:38éligibles à tous les Français qui en ont le droit depuis une loi
41:40de 99 que bien longtemps après la mise en place de cette aide à mourir.
41:45Et donc, la promesse de soins palliatifs accessibles à tous
41:49devient comme un alibi à un excipient d'un projet de loi
41:54qui, essentiellement, bien sûr, a pour but de faire,
41:58c'est mon troisième, c'est mon quatrième point de flou,
42:01faire sauter le verrou.
42:02Personne ne peut ignorer que c'est interdit de tuer,
42:05qui forge la déontologie médicale depuis le serment d'Hippocrate
42:09et peut-être avant en raison de la toute puissance possible
42:12de médecins sur leurs patients.
42:13On risque de le faire sauter et les formules garanties,
42:19strictes, etc. ne garantissent rien et ne sont pas strictes.
42:22Je crois que le professeur Delfraissy vous a dit lui-même
42:25que c'était une loi d'étape pour débattre de l'éligibilité
42:30ou pas de cette loi aux enfants.
42:34C'est un sujet qui touche aux convictions de chacune et de chacun.
42:37C'est un sujet qui touche parfois aux certitudes,
42:41mais bien souvent aux incertitudes.
42:44Ce sujet, les Français y ont répondu depuis très longtemps,
42:48peu importe qui pose la question,
42:50peu importe comment est posée la question.
42:53À plus de 80 %, les Français demandent une évolution de la loi,
42:57une loi qui réponde dans le cadre d'un seul et même texte,
43:03alliance de la solidarité et de l'autonomie,
43:05pour reprendre les mots du rapport 139 du Comité consultatif
43:09national d'éthique, avec comme réponse des soins
43:13d'accompagnement et des soins palliatifs partout et pour tous,
43:17et comme recours possible, l'aide active à mourir.
43:20Je vais m'inscrire, comme M. Derville,
43:23dans le cadre républicain, parce que je le pense,
43:26c'est une loi de liberté.
43:29Et dans cette loi de liberté, il convient de respecter
43:31la conscience des soignants, mais également la conscience des soignés.
43:35Et quand je parle de la conscience des soignés,
43:38pour toutes celles et tous ceux qui pourraient être amenés à
43:40demander une aide active à mourir, parce que pour eux, pour elles,
43:44la vie n'est devenue que de la survie,
43:46il est nécessaire qu'ils aient le choix,
43:47et j'assume les mots, entre le suicide assisté et l'euthanasie.
43:51Car pour certaines personnes qui auraient des convictions
43:54philosophiques, religieuses ou même qui auraient peur de faire le geste,
43:57nous ne pouvons pas les exclure du fait d'être accompagnés dans le
44:01cadre de cette aide active à mourir et leur donner donc la possibilité
44:05qu'un médecin, qu'un infirmier, qu'une infirmière puissent
44:09également les accompagner et donc ne pas légiférer sur une seule
44:14exception d'euthanasie pour les personnes qui seraient incapables
44:17physiquement de faire le geste.
44:19Mais je vous parlais de la conscience des soignants.
44:21Oui, je le pense, il faut respecter cette liberté
44:24de conscience des soignants et bien rappeler qu'aucun soignant
44:28ne sera obligé d'accompagner dans le cadre d'une aide active
44:31à mourir, que ce soit pour ses convictions éthiques,
44:33philosophiques, religieuses, peu importe.
44:36Il convient de respecter sa conscience.
44:38Je rappellerai par contre que jusqu'alors,
44:40les mûrs n'ont pas de conscience et que je parle bien d'une
44:43conscience personnelle des soignants et non d'une conscience
44:46pour les établissements.
44:47Dans notre devise républicaine, nous avons aussi l'égalité.
44:50Quand on parle de la fin de vie, hélas, nous faisons face
44:53à de nombreuses inégalités.
44:55La première, et je pense que c'est un sujet qui nous rassemble,
44:57c'est l'accès aux soins palliatifs, l'accès aux soins d'accompagnement.
45:00Il est inadmissible qu'encore après tous ces plans nationaux,
45:03vous ayez 21 départements qui soient orphelins d'unités de soins
45:07palliatifs pour accompagner les plus complexes.
45:09Je salue le plan décennal qui a été annoncé avec plus d'un milliard
45:12d'euros mis sur la table avec un engagement que l'ensemble de ces
45:15départements soient dotés d'unités de soins palliatifs d'ici la fin
45:17de l'année 2025.
45:19Mais j'appelle vraiment à un sursaut sur la formation.
45:22J'appelle à un sursaut sur la compréhension de ces soins
45:24d'accompagnement pour que nous ne fassions pas différent de
45:26nos amis étrangers.
45:28Quand vous allez en Belgique, du médecin généraliste jusqu'aux
45:31spécialistes, tout le monde est capable de vous parler
45:34des soins d'accompagnement.
45:35Tout le monde est capable de vous parler des soins palliatifs.
45:37Il faudra donc absolument former, former et former encore
45:41à cet accompagnement.
45:43Mais une loi d'égalité, c'est aussi une loi qui regarde
45:45en face la première inégalité territoriale que nous avons
45:48dans notre pays et qui concerne les zones d'organisation
45:50d'accès aux soins transfrontaliers.
45:53Peut-être que je vous l'apprendrai aujourd'hui,
45:54mais des milliers de Français ont déjà légalement accès à l'aide
45:58active à mourir quand ils se situent dans ces zones.
46:00Ils peuvent donc être suivis en Belgique,
46:03remboursés de leurs soins par la Sécurité sociale française
46:06et donc entrer dans le cadre légal de la loi belge dépénalisant
46:09l'euthanasie depuis plus de 20 ans.
46:10Et donc être accompagnés dans le cadre d'une aide active
46:13à mourir dont la Sécurité sociale française remboursera
46:15l'ensemble des soins préparatoires alors que nous l'interdisons
46:18toujours sur notre territoire.
46:20Je suis chargée de plaidoyer vulnérabilité handicap
46:23à la Fondation Jérôme Lejeune.
46:25Je suis aussi mère de deux enfants handicapés et fille
46:28d'un père tétraplégique mort trop précocement
46:30d'une sclérose en plaques.
46:32Je vis avec la grande maladie depuis ma plus tendre enfance
46:36et je sais parce que je les vis, les pressions sociales
46:39et collectives qui pèsent sur les personnes gravement
46:41malades et sur leur entourage.
46:43Et c'est à ce titre-là que je m'adresse à vous aujourd'hui.
46:46Mon père a perdu l'usage de ses jambes lorsque j'étais
46:49petit enfant.
46:50Il a ensuite vécu 23 années tétraplégiques avant de mourir
46:54après 40 années d'un long combat contre la maladie.
46:58Une vie bien peu enviable semble-t-il.
47:01Et pourtant mon père était pleinement en vie,
47:03qu'en bien même il souffrait, qu'en bien même il était
47:06totalement et définitivement dépendant et invalide et qu'en
47:10bien même il savait l'issue de la maladie certaine.
47:13Il était accroché à la vie parce qu'il était considéré,
47:16parce qu'il était accompagné et parce qu'il était encouragé
47:20par nous ses proches, par le corps médical et par
47:23les personnels soignants qui d'ailleurs je pense ont très
47:27largement contribué à nourrir son appétit de vivre.
47:31Et je tiens aujourd'hui à les en remercier publiquement.
47:35Et puis il se savait protégé par la société et il lui en
47:38savait gris.
47:40En fait, il aspirait tout simplement à vivre cette vie
47:42singulière jusqu'au bout.
47:44Et d'ailleurs, sa mort a été vécue très intensément comme
47:48un moment, comme une expérience profonde de fraternité humaine.
47:52Alors oui, bien sûr, le quotidien était très lourd et très
47:55singulier et je garde un souvenir vif,
47:58un souvenir aussi parfois douloureux de sa souffrance,
48:01de son épuisement et de sa lassitude.
48:04Mais j'ai surtout le souvenir d'un homme pleinement vivant,
48:06d'un homme insoumis, d'un homme résistant, d'un homme libre,
48:10prisonnier, c'est vrai, de son immobilité physique,
48:13entravé, souffrant, mais non pas empêché d'aimer,
48:17de comprendre et de vivre.
48:20J'ai compris d'expérience que le meilleur moyen de faire vivre
48:23rapidement un grand malade est de le laisser seul à l'hôpital.
48:28J'ai compris cela et j'ai aussi compris que finalement,
48:31il ne fallait pas grand chose pour accompagner un grand malade,
48:33il fallait surtout de la relation.
48:36La mise à l'écart des personnes gravement malades et des personnes
48:38mourantes est une réalité dramatique de notre société.
48:42Les personnes qui meurent seules à l'hôpital,
48:45en institution, sont des personnes qui souffrent.
48:48La solitude exacerbe leur désespoir et nourrit la
48:51tentation de vouloir en finir avec la vie.
48:54Et l'euthanasie ne soignera jamais ni cette solitude,
48:58ni cette souffrance, ni ce désespoir.
49:01Au contraire, si elle venait à être légalisée,
49:03elle deviendra une oppression pour les malades et les personnes en fin de vie
49:07à qui l'on désignera la porte de sortie, sans retenue et à peu de frais.
49:12Quel est pour nous l'essentiel ?
49:15Pour nous, l'essentiel, c'est que le malade soit au centre de sa décision.
49:19C'est sa dernière liberté.
49:20Il faut la respecter.
49:21C'est vrai qu'il peut changer d'avis, mais il peut changer d'avis
49:23dans un sens comme dans l'autre.
49:25Il ne faut pas seulement écouter dans un sens quand ça vous arrange.
49:28Donc, le malade est dans une situation terminale ou proche terminale.
49:34Et c'est lui qui doit être maître de sa décision.
49:38Et le médecin, le médecin, il doit être là pour l'accompagner.
49:42C'est son rôle.
49:43Un médecin doit être là de la naissance à la mort.
49:45Il ne doit pas, au dernier moment, dire non, ce n'est plus mon problème.
49:49Il doit être à son service.
49:50Et à partir du moment où il n'y a plus de traitement curatif,
49:54il doit changer de mentalité et être au service du patient
49:57pour réaliser le désir du patient.
50:00Et alors, je m'oppose totalement à l'idée de tuer.
50:04Il faut regarder le dictionnaire.
50:06Tuer veut dire retirer l'avis de l'autre avec violence.
50:09C'est vrai, on tue beaucoup sur Terre actuellement,
50:11mais les victimes, on ne leur demande pas leur avis.
50:14Là, nous sommes dans le domaine de la compassion,
50:16de la réponse à une demande.
50:18On n'est pas là pour tuer.
50:20Il faut arrêter de tirer des mots qui ne sont pas acceptables.
50:23Je n'ai jamais tué un malade.
50:24J'ai accompagné des malades jusqu'à la fin
50:26et j'ai essayé de répondre au mieux à leurs demandes.
50:29Ce qui est important aussi pour les médecins,
50:31c'est la dépénalisation.
50:33On ne peut pas travailler avec deux épées de Damoclès sur la tête.
50:36La première, la justice républicaine,
50:39et la deuxième, le Conseil de l'ordre des médecins,
50:41qui peut, du jour au lendemain, vous suspendre.
50:44Je suis certain que le jour où ça sera l'acte,
50:47l'aide active à mourir, sera dépénalisé.
50:50Vous aurez 20 % la première année, puis 40 % deuxième année,
50:54et 50 %, 60 % au bout de cinq ans, de médecins qui diront
50:58que ça s'est totalement intégré dans notre pratique,
51:00comme cela est en Belgique et dans les autres pays.
51:04Les médecins belges ne sont pas moins soignants
51:07en accompagnant leurs malades jusqu'au bout
51:09que les médecins français qui refusent de le faire.
51:13En ce qui concerne les critères importants qu'on m'a demandé,
51:18je crois qu'en effet, il ne faut pas multiplier les critères,
51:20sinon on finit par aboutir à une loi inapplicable.
51:24Autre personnalité entendue, Marina Carrère d'Ancausse.
51:28Elle a exhorté les députés à penser à tous ceux qui ne rentrent pas
51:31dans le cadre du projet de loi du gouvernement,
51:34notamment les patients atteints de la maladie de Charcot
51:36et contraints de se rendre en Belgique ou en Suisse
51:39pour requérir une aide à mourir.
51:42En préambule, je voudrais vous dire pourquoi je suis là,
51:44puisque je ne suis ni juriste, ni philosophe, ni héticien.
51:47Je ne fais pas de politique, mais je suis médecin, journaliste,
51:51femme, citoyenne, mère de famille et fille de mes parents,
51:54même s'ils sont tous deux partis très récemment
51:55et peut-être aussi à cause de cela.
51:58Ce sujet, je le défends.
51:59Ce combat, je le porte pour les malades que j'ai connus
52:01en tant que médecin, journaliste et ancienne compagne.
52:04Des années que je traite de ce sujet,
52:06que je vais à la rencontre de patients, de soignants en France
52:09comme à l'étranger, j'ai suivi le vote des lois
52:11Léonetti et Claisse-Léonetti, mesuré l'importance de ces lois,
52:15mais aussi la nécessité de les faire évoluer.
52:18Des soins d'accompagnement de qualité et suffisant en quantité
52:22répondront à la grande majorité des cas de malades en souffrance.
52:26Les soins, mais aussi l'accès à la sédation profonde et continue.
52:30Et cette sédation doit être mieux connue des malades
52:33et bien appliquée par les médecins.
52:35D'expérience, j'ai appris qu'il existe des réticences
52:38de la part de certains soignants à accepter l'existence de ce geste
52:41pour des raisons humaines, morales, éthiques, religieuses,
52:44et donc à l'appliquer.
52:45Et ça n'est pas acceptable.
52:47Je ne sais pas au nom de quoi un médecin peut considérer
52:49qu'un malade en fin de vie, à qui il reste au mieux
52:52quelques jours à vivre et qui demande cette sédation,
52:54doit encore tenir un peu.
52:56C'est ce que j'ai entendu.
52:57Il n'est ni dans la tête, ni dans le corps du malade.
53:00Il ne souffre pas à sa place.
53:02Il doit l'écouter et l'entendre.
53:04Et s'il ne l'accepte pas, en référer à ses confrères.
53:06Ça n'est pas toujours le cas et c'est insupportable
53:08pour celui qui souffre et pour ses proches.
53:10Et cela m'inquiète concernant l'aide à mourir.
53:12J'y reviens tout de suite.
53:14Mais je le redis, si ces soins sont suffisants
53:16et si cette sédation est bien utilisée,
53:18cela devrait résoudre le cas de plus de 95% des patients en fin de vie.
53:23Et les patients qui ne rentrent pas dans le cadre de la loi Claes Leonetti ?
53:27Les patients dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme,
53:31même s'ils sont atteints d'une maladie gravée incurable,
53:34qu'ils présentent des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires
53:37et qu'ils sont en capacité de manifester leur volonté
53:40de façon libre et éclairée.
53:42Ainsi, en est-il de patients atteints de maladies neurodégénératives
53:45comme l'ASLA que l'on cite toujours, mais il y en a d'autres ?
53:48Également des patients ayant été agressés,
53:51ayant eu un accident vasculaire cérébral ou un accident de la voie publique,
53:54les laissant très lourdement handicapés, sans espoir d'amélioration,
53:58avec de grandes souffrances.
54:00Des patients dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme.
54:04Deux exemples qui ont été médiatisés et qui illustrent bien cette spécificité.
54:08Vincent Imbert avait 21 ans quand il fut victime d'un accident de la voie publique,
54:13le laissant tétraplégique, muet et aveugle.
54:16Il ne pouvait communiquer qu'avec son pouce droit,
54:18mais était parfaitement conscient et lucide.
54:21Il avait demandé à Jacques Chirac, alors président, le droit de mourir,
54:25lequel s'était beaucoup ému, mais n'avait pu accéder à sa demande.
54:29Imbert souffrait, elle, d'une maladie de Charcot.
54:31Quand elle est devenue dépendante, ses membres supérieurs étant totalement
54:34paralysés et connaissant l'avenir qui l'attendait,
54:37elle est partie à l'étranger pour mourir.
54:40C'est pour ces patients que le terme de court ou moyen terme
54:43qui figure dans l'article 7 doit être modifié.
54:46Car comment le définir ?
54:48Quelques mois, six mois, un an ?
54:50Déjà, quel médecin est capable de savoir que son patient mourra
54:52dans moins d'un an ou plus d'un an ?
54:54Quel médecin peut dire il vous reste huit mois ou dix mois ou treize à vivre ?
54:58Aucun.
54:59Et comment juger que vivre de manière indigne est acceptable ?
55:02Six mois, mais pas douze ?
55:03Je ne sais pas.
55:04Chaque malade est unique et chaque maladie est unique pour chaque malade.
55:09Un patient atteint d'une maladie de Charcot a une espérance de vie,
55:11on le sait, de trois ans au moment du diagnostic.
55:13C'est une moyenne.
55:14Certains meurent en moins d'un an, d'autres vivent cinq ans.
55:17Nul n'est capable à ce moment de savoir comment la maladie évoluera
55:21avec précision, si ce n'est que l'on connaît son caractère inéluctable.
55:24De même, personne n'aurait pu dire quelle espérance de vie
55:27attendait Vincent Imbert, cinq ans, dix ans, en tout cas,
55:30sûrement plus de six mois, surtout avec les progrès de la médecine.
55:34Alors, si l'on fixe malgré tout six mois ou un an,
55:36on exclura de ce fait de nombreux patients pour lesquels cette loi évolue.
55:40Il faut donc trouver une façon de résoudre cette question du court ou moyen terme.
55:44Et puis les soignants, deux points sur les soignants.
55:47L'article 8 précise la personne qui souhaite accéder à l'aide à mourir
55:51en fait la demande à un médecin qui recueille l'avis d'un médecin
55:54qui ne connaît pas la personne, spécialiste de la pathologie de celle-ci
55:57si lui-même ne l'est pas, ainsi que l'avis d'un professionnel de santé.
56:01Avant de m'inquiéter, je voudrais dire l'importance que dans ce texte,
56:04le professionnel de santé, infirmière, soignant, psychologue, soit impliqué,
56:08tout comme les infirmiers dans l'accompagnement de l'aide à mourir.
56:12Les soignants non médecins, outre qu'ils accompagnent au quotidien
56:15et remarquablement les patients, les connaissent souvent autant,
56:18si ce n'est mieux que les médecins.
56:20Et leur présence en différents points de ce texte est une grande avancée.
56:25Voilà donc pour ces morceaux choisis au cœur des auditions
56:28devant la commission spéciale sur la fin de vie
56:30qui ont précédé l'examen du projet de loi dans l'hémicycle.
56:34On se retrouve très vite sur LCP. A très bientôt.
56:41Sous-titrage Société Radio-Canada

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