by Arte (2003)
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00:00— Loin de la propagande servie en cette année de l'Algérie, Jean-Michel a enquêté.
00:05— Dans un pays sous surveillance permanente, j'ai réussi à rencontrer ceux qui refusent de se laisser endormir, accros de Death Metal et de Decibel.
00:13— Surveillé par la police, notre envoyé spécial a interviewé ceux que le pouvoir ne veut pas entendre.
00:18— Il y a beaucoup de gens qui sont frustrés, parce qu'on peut pas vivre à fond nos rêves.
00:36Et c'est pour ça que dans les concerts de metal, il y a beaucoup de gens qui viennent et qui se défoulent et qui lâchent leurs nerfs.
00:42Cela, mais faut... On peut pas en parler. Faut le vivre. Faut le vivre.
00:46« It's a way to get back in the game, but you're watching me... »
00:56— 800 métalleux ont pris d'assaut les fauteuils de la salle Inkaldum, la plus célèbre salle de concert d'Alger,
01:01pour une après-midi de dark metal et de headbanging. Aux commandes, Litam, pionnier du gros son.
01:07— On est en armes, on est en armes, on est en armes !
01:27L'Algérie, aujourd'hui, c'est 60% de jeunes de moins de 25 ans, dont 80% sont au chômage.
01:33Une génération sacrifiée dans une guerre civile commencée en 1991 qui laisse derrière elle 200 000 morts,
01:39une économie exsangue et une corruption généralisée.
01:43— Notre société nous empêche de vivre vraiment notre vie pleinement, librement, en tant que jeunes.
01:49Vous savez, la majorité des Algériens, c'est des jeunes de moins de 30 ans. Et c'est incroyable.
01:55Ils sont tous un petit peu frustrés. « Y en a marre, que ça s'arrête. Laisse-nous parler, nous exprimer. Ça va exploser. »
02:03— Le metal recrute chez les étudiants. Ce soir, on reprend The Wall, des Pink Floyd, devant les profs de l'Institut national du commerce.
02:22— C'est une manière de nous faire entendre, de dire « Regardez, on veut que ça s'arrête ».
02:29Certes, on parle de choses morbides, mais on voudrait que ça cesse, parce qu'on souffre.
02:33— Formé en 1999 par 5 étudiants en architecture, Worth tire son nom d'un jeu de mots entre l'anglais « worth », « mérité » et l'arabe « el worth », « l'héritage ».
03:00Après un premier concert à l'école des Beaux-Arts d'Alger, le groupe est classé premier dans les charts indépendants pendant plusieurs semaines.
03:06Leur local de répétition, c'est la chambre du batteur, Rachid, qui vit encore dans l'appartement de ses parents.
03:13— Ça, c'est ma basse. Elle pèse 2 tonnes. Mais bon, exceptionnel. Même pas, il la donne. C'est plus un outil de musculation qu'autre chose. Non, sérieux, tu sais, elle pèse.
03:26Celui-là, il touchait 80 euros par mois. Bon, l'équivalent. Et moins, exactement. Bon, nous, la bourse d'étudiants, c'est combien ? C'est 9 euros le mois.
03:37— L'équivalent de 9 euros. — Ça, ça coûte 200 euros. — Ça, ça coûte la peau des fesses.
03:43Utopia, Worth, Dark Wishes, Storm ou Azarias, tous les groupes les plus importants du métal algérien, se donnent rendez-vous dans cet appartement du centre d'Alger.
03:56Chacun a déjà joué ou joue encore dans plusieurs formations. À Alger, le métal est une affaire de famille.
04:07On voit, là, ça va chier pendant 2 ou 3 jours sans eau. Pas d'eau, tu te laves pas, tu touches pas.
04:14Après, tu remplis. Après, tu remplis. Après, il y a les suspensiles, les moyens d'enjeu, les crates qu'on utilise pour nettoyer, pour se laver.
04:23C'est chiant, mais il y a pas d'eau chez nous, et ça nous emmerde vraiment.
04:26— Ça, c'est le Waken 2002. C'est le rêve de tous les groupes de jouer un jour. — C'est le festival Waken.
04:30— C'est le festival de métal. Notre rêve, putain, c'est d'y être. Waken.
04:38...
04:56— Nous avons grandi en écoutant Jimi Hendrix et Rick Lapton. Donc pour nous, l'enchaînement était tout à fait naturel de jouer du rock.
05:04Notre héritage musical, on l'a depuis, on va dire, par exemple, les années 60.
05:08...
05:23— Ceux par qui le métal est arrivé en Algérie, c'est Atakor. Très influencé par le blues, le jazz et les musiques traditionnelles algériennes,
05:31ce groupe s'est formé en 1996 sous l'impulsion de son chanteur, Salem. C'était au plus fort des massacres.
05:37...
05:41— On avait arrêté pendant une année et demie à peu près, c'est ça ? Un an et demie à peu près,
05:46par rapport à la situation sous-sol, qui était un petit peu... Bon, il y avait des problèmes à cette époque-là,
05:51donc on pouvait pas répéter. C'était difficile, aussi, parce que le pays était en proie à la violence.
05:57Et puis c'était pas aussi joyeux. On pouvait pas s'amuser à faire de la musique.
06:01Entre-temps, il y avait beaucoup de morts, etc.
06:03— Nous, à travers nos textes, on revendique aussi une chose, c'est que toutes ces années qu'on a passées très dures s'arrêtent
06:11et que les choses reprennent leur cours.
06:13...
06:16— Pour les fans comme Imen, le métal est une raison de croire en l'avenir.
06:19...
06:41— On est dans un pays qui est très difficile déjà de vivre.
06:45On survit presque tout le temps. Eh bien, à part la musique, il n'y a que le cyber et les amis, c'est tout.
06:50Il n'y a rien de plus, rien de moins. Déjà, s'il n'y avait pas les thèmes, on se retrouverait pas, déjà, je pense.
06:56Le fait déjà de voir ces gens qui nous ressemblent déjà en concert et tout, ça nous donne confiance en soi.
07:00...
07:10— C'est l'enfer. Et donc, seul Dieu sait ce qu'il y a dans notre cœur, ce que personne ne peut nous comprendre.
07:20...
07:23— Inès anime Caravan Rock, la seule émission rock pure et dure de la FM algérienne.
07:27Aujourd'hui, elle reçoit Salem et Redouane, chanteurs et bassistes d'Atacor et de l'Itam.
07:34En l'absence de structure, de label ou de presse spécialisée, son self-made hit-parade rock est devenu en 3 ans une véritable institution.
07:41...
07:52— Souvent, les groupes n'ont pas d'enregistrement. Ils n'ont peut-être même pas de maquette.
07:57Donc c'est en enregistrant ces concerts que j'arrive à les intégrer dans le classement « made in henna ».
08:01« Made in henna » qui veut dire « made in chez nous ».
08:03...
08:13— À 25 ans de moyenne d'âge, l'Itam, avec son record de 2350 cassettes et 600 CD vendus, est la star du dark metal algérien dans un pays où règne le piratage.
08:24...
08:32— Je fais des beaux-arts. Je suis peintre aussi de formation. Donc mes penchants artistiques, mes peintres préférés, mes musiciens classiques préférés, je pense que ça allait vers le metal, quoi.
08:43Jean-Sébastien Bach, pour moi, c'est complètement metal.
08:46...
08:49— Le chef de l'Itam, c'est El Mouradia, le quartier des artistes et des musiciens. C'est là qu'habite Redouane, 26 ans, le leader du groupe.
08:56Surnommé en hommage à sa barbe « Oussama » par ses fans, c'est un grand amateur de shabby, cette poésie populaire algérienne chantée.
09:04...
09:11— Mon grand-frère qui écoutait du hard rock, Scorpions, Motörhead. Moi, j'étais influencé par mon grand-frère qui aimait ça.
09:22— Les Origines, on écoute ça depuis longtemps. Mes oncles, déjà, à l'époque, avaient déjà leur groupe de rock.
09:30Et il y avait déjà une scène rock à l'époque, déjà, les années 70 et tout. Il y a eu même des groupes de hard rock et tout en Algérie.
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09:45— Aujourd'hui, c'est le grand rendez-vous dans la plus ancienne salle de spectacle de la capitale algérienne, une institution comparable à l'Olympia de Paris.
09:53La foule se presse 3 heures avant l'ouverture des portes pour le concert de l'Itam.
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10:29Farid, 25 ans, est autodidacte. En 5 ans, il a organisé 30 concerts de métal à Alger.
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