• l’année dernière
Le jeune juriste Nodar Chachanidze s'occupe d'habitants dont les villages ont été détruits à cause de l'exploitation du manganèse. Avec des jeunes de la région, il a créé un club écologique. Nané Paskevichyan milite pour sauver un imposant monument dédié aux victimes de la terreur stalinienne, largement tombé dans l’oubli.

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Personnes
Transcription
00:00 Je me bats pour l'avenir de ma ville natale, Tchatoura.
00:08 Pour un environnement préservé et un cadre de vie qui ne soit pas nocif pour la santé de ses habitants.
00:15 Quand les gens connaissent l'histoire, ils peuvent en tirer les leçons.
00:20 L'histoire aide à mieux comprendre le monde, à le percevoir dans sa globalité,
00:26 et cela nous permet d'évoluer.
00:31 L'histoire est une expérience.
00:35 L'histoire est une expérience.
00:39 L'histoire est une expérience.
00:42 L'histoire est une expérience.
00:45 ...
01:08 J'ai essayé d'ouvrir cette porte, mais je n'y suis pas arrivée. Vous voulez bien essayer, s'il vous plaît ?
01:15 Non, ça ne marchera pas avec le pied, il faut pousser.
01:23 Ça y est, c'est ouvert. Merci.
01:34 La première fois que je suis entrée dans ce monument, j'ai eu l'impression qu'il était consacré au temps qui passe.
01:43 C'était comme si toutes les histoires que j'avais entendues, tous les témoignages qu'on m'avait rapportés, se matérialisaient sous mes yeux.
01:52 Vous parlez...
01:58 Russe.
01:59 Ah, russe.
02:00 Vous vous promenez ? Vous êtes entrée ici par hasard ?
02:04 Oui.
02:05 Vous savez ce que c'est, cet endroit ?
02:08 Non, mais on aimerait bien le savoir.
02:11 En principe, ce monument est fermé au public.
02:15 Avec quelques amis, on est en train de se battre pour qu'il puisse être ouvert en permanence.
02:22 Du temps où l'Arménie était soviétique, environ 12 000 familles ont été déportées en Sibérie.
02:33 Beaucoup d'entre elles ne sont jamais revenues.
02:37 Ce monument leur est dédié.
02:49 À l'âge de 19 ans, Nanné aidait son père, réalisateur, à traduire une série de documentaires.
02:55 De nombreuses personnes racontaient ce qu'elles avaient vécu dans les années 1930 et 1940 sous la terreur stalinienne.
03:02 À cette époque, un grand nombre d'Arméniens avaient été déportés vers les camps de travail en Sibérie,
03:07 soit pour raisons politiques, soit plus arbitrairement, à la suite de dénonciations.
03:12 Plus tard, Nanné réalise elle-même certaines interviews.
03:15 Un jour, elle interroge Heysel, une dame âgée. Dans les années 40, elle était enfant et a vu son père partir en déportation.
03:22 Aujourd'hui encore, elle cherche à comprendre pourquoi il a été arraché à sa famille.
03:27 Bouleversée par ce récit, Nanné réalise qu'il existe une autre histoire que celle que racontent les manuels scolaires,
03:32 une histoire qu'elle va tenter de découvrir.
03:35 À la Bibliothèque nationale arménienne, elle compulse en vain les journaux soviétiques de l'époque.
03:40 Mais aux archives nationales, elle tombe finalement sur une piste.
03:44 Elle découvre que le 14 juin 1949, le père de Heysel avait été déporté par la police secrète soviétique, avec 12 000 autres personnes.
03:53 Un voisin l'avait dénoncé en prétendant qu'il était traître à la patrie.
03:57 Nanné est profondément marqué par cette histoire.
04:00 Les gisements de manganèse de Tchatoura font partie des réserves de manganèse les plus importantes au monde.
04:12 Le manganèse est utilisé dans de nombreux domaines différents, notamment pour l'industrie militaire.
04:18 C'est un minerai très précieux.
04:21 Dans mon enfance, l'air et la rivière n'étaient pas aussi pollués qu'aujourd'hui.
04:26 Les eaux de la rivière Kouérila étaient propres.
04:30 Je me souviens bien des endroits qui nous servaient d'espaces de jeux ou de terrains de football.
04:35 Aujourd'hui, il n'y a plus que d'immenses fosses. Il n'y a plus rien.
04:40 Après ses études de droite, Bill ici, Nodar revient vivre à Tchatoura, sa ville natale.
04:46 Il travaille en tant qu'adjoint en mer.
04:49 Entre-temps, la mine de manganèse a été rachetée.
04:53 Les nouveaux propriétaires veulent faire des bénéfices et ne se préoccupent pas de l'environnement.
04:58 Leur usine lave le minerai directement dans la rivière, faisant fi des conséquences pour l'environnement.
05:03 Les eaux de la rivière deviennent noires, plusieurs personnes tombent malades.
05:07 Les habitants de Tchatoura sont démunis.
05:11 Malgré sa position à la mairie, Nodar se sent lui aussi impuissant.
05:15 À Tchatoura, c'est la Georgian Manganese Holding, la société exploitante de la mine, qui fait la loi.
05:21 Elle a l'appui du gouvernement géorgien, qui compte sur elle pour renflouer les caisses de l'État.
05:26 Nodar se rend compte que beaucoup d'argent sale vient de Tchatoura.
05:30 La mairie de la ville n'a pas suffisamment de pouvoir pour protéger l'environnement et la santé de ses habitants.
05:35 Seules les organisations indépendantes peuvent parler librement,
05:39 mais très vite, elles se retrouvent dans le collimateur du gouvernement.
05:43 Nodar comprend qu'il n'arrivera à rien en tant qu'adjoint au maire,
05:47 et décide de commencer à militer à titre personnel.
05:51 Son objectif ? Améliorer l'environnement de Tchatoura,
05:55 et obtenir que l'argent n'aille pas uniquement à l'entreprise de Manganese,
05:59 mais qu'il profite aussi aux habitants.
06:04 Le club écologie est une plateforme destinée aux jeunes pour leur permettre de s'informer sur l'environnement.
06:10 Chaque jeune qui s'investit dans la protection de la nature est très important.
06:15 Moi, par exemple, j'ai perdu mon village natal, là où ma famille a toujours vécu.
06:19 C'était la terre de mes origines et ça a disparu.
06:22 C'est très dur de ne plus avoir mon chez-moi là-bas.
06:25 Levez la main si vous avez des problèmes environnementaux dans votre village, comme moi.
06:29 Vous voyez ? Nous sommes nombreux, nous sommes vraiment nombreux.
06:33 Est-ce que vous voulez bien dire quelques mots pour expliquer pourquoi vous avez eu envie de rejoindre le club écologie ?
06:38 Quelqu'un veut parler ? Oui, lisez.
06:41 Tout le monde sait parfaitement ce qui se passe dans nos villages.
06:45 Ce n'est pas normal, ce n'est pas correct.
06:48 J'ai rejoint le club écologie pour aider à faire en sorte que les générations suivantes
06:52 n'aient pas à vivre dans les conditions comme celles dans lesquelles nous vivons.
06:56 Les routes d'accès à nos villages ont été obstruées.
06:59 Les maisons s'effondrent et dans celles qui tiennent encore debout,
07:02 les gens ont peur qu'elles s'écroulent pendant qu'ils dorment.
07:05 Dans beaucoup d'endroits, l'eau est contaminée, l'air et le sol sont pollués.
07:10 La terre, l'eau et l'air, donc ce que Dieu nous a donné, on nous l'a volé à Tshatoura.
07:16 Mon père avait un cancer, comme d'autres.
07:19 Il est mort il y a deux ans d'un cancer du poumon.
07:22 Je ne veux pas que les gens perdent des membres de leur famille
07:25 juste parce que certaines personnes ne pensent qu'à s'enrichir.
07:29 Je suis en train de me réchauffer.
07:48 Je suis bien à la mairie de Yerevan ?
07:55 J'aimerais savoir si à la mairie de Yerevan, il existe un service,
08:00 une commission ou un bureau compétent en matière de préservation du patrimoine.
08:04 Mais ne me renvoyez pas vers le comité de protection des monuments, je les ai déjà appelés.
08:10 Et ils m'ont dit que celui-ci n'était pas répertorié.
08:13 Donc je ne sais plus trop à qui m'adresser.
08:16 Ça fait plusieurs années que j'essaie de faire avancer les choses.
08:19 J'envoie des courriers, je passe des coups de fil,
08:22 je remue ciel et terre pour obtenir que ce monument soit nettoyé par les services municipaux.
08:27 Mes amis et moi, on a même commencé à le nettoyer par nos propres moyens.
08:32 Mais par endroits, il y a tant de crasse accumulée depuis tant d'années
08:36 que ça ne s'enlève pas comme ça.
08:39 Je peux très bien comprendre que personne ne veuille s'occuper de ce monument.
08:43 Il n'intéresse plus personne.
08:46 Combien de maisons se sont effondrées ici en tout ?
08:57 Actuellement, 16 familles sont impactées.
09:01 La mine a fait creuser des galeries dans le sous-sol du village de Choukrouti.
09:04 Le problème, c'est qu'il est question de les prolonger jusqu'ici.
09:07 Ils veulent creuser une galerie sous le village d'Itrouissi.
09:10 Ils ont prévu d'en creuser 14.
09:12 Il va y en avoir partout autour du village.
09:14 Itrouissi est l'un des plus grands villages.
09:16 Il y a des milliers de personnes qui vivent ici.
09:19 Bref, la situation est grave.
09:22 Par là.
09:27 C'est un peu plus loin que la ville de Choukrouti.
09:31 C'est un peu plus loin que la ville de Choukrouti.
09:34 C'est un peu plus loin que la ville de Choukrouti.
09:37 C'est un peu plus loin que la ville de Choukrouti.
09:40 C'est un peu plus loin que la ville de Choukrouti.
09:43 C'est un peu plus loin que la ville de Choukrouti.
09:46 Par là.
09:49 Cet escalier, c'est tout ce qui reste de la maison qui se trouvait ici ?
09:53 Oui.
09:54 Il montait jusqu'à l'étage, non ?
09:55 Oui, c'était une maison sur deux niveaux.
09:57 Elle était assez grande.
09:58 Elle s'est effondrée à la suite d'un glissement de terrain.
10:01 C'est ce qu'on vous a dit ?
10:03 Oui, la maison se serait effondrée à cause d'un glissement de terrain.
10:06 Non, le glissement de terrain, c'est la version officielle du gouvernement.
10:09 En réalité, c'est la société et les mines qui sont responsables de ces effondrements.
10:13 Oui, bien sûr, ça vient de la mine.
10:14 Tout le monde le sait, non ?
10:15 Moi-même, je travaille à la Georgian Manganese Holding.
10:17 Je sais, je sais.
10:18 Je connais tous les endroits où la mine extrait le manganèse.
10:21 Je sais très bien ce qui se passe là-bas.
10:24 Malgré tout, il y a des gens qui refusent de partir.
10:29 Moi, je pourrais aller habiter en ville, mais j'ai du bétail,
10:32 et ça m'obligerait à revenir tous les jours, donc autant rester vivre ici.
10:36 Là-bas, il y a la maison de M. Inver.
10:39 Il dort encore ici.
10:41 Je comprends, je comprends.
10:42 M. Inver ?
10:44 Apparemment, il n'est pas là.
10:45 Oui, sinon il nous aurait salué.
10:47 Oui, il aurait répondu.
10:48 Il vit ici ?
10:49 Oui, il dort ici.
10:51 Il ne supporte pas la ville, mais qu'est-ce qu'il peut y faire ?
11:04 J'imagine ce qu'il a dû ressentir quand le tracteur a tout rasé.
11:07 Il est devenu complètement fou.
11:09 Il a pleuré.
11:11 Il était fou de chagrin.
11:13 Avec les autres voisins, on essaie de l'aider, mais...
11:16 Il a été dédommagé, au moins.
11:17 Non.
11:18 Eux non plus ?
11:19 Non.
11:21 Regardez, il n'y a même pas d'escalier.
11:24 Vous dormez ici, monsieur ?
11:25 Comment vous allez faire en hiver ?
11:28 Il dormira ici, même en hiver.
11:31 On ne vous a rien proposé ?
11:34 Ni aide, ni dédommagement, ni argent ?
11:36 Non, ils ne m'ont rien donné.
11:37 Ils ne vous ont rien donné ?
11:38 Rien du tout.
11:41 Il a toujours aidé tout le monde.
11:44 Et regardez à quoi il en est réduit.
11:47 Il a des enfants et des petits-enfants, mais...
11:50 Ils ne m'ont rien donné.
11:52 Je fais ce que je peux, mais parfois, je ne sais vraiment plus quoi faire.
11:56 Il y a beaucoup d'amertume.
11:58 Une situation comme celle-ci, c'est vraiment dur.
12:01 Je ne sais plus quoi dire à ces gens pour leur donner de l'espoir.
12:04 Les dirigeants de la mine refusent de prendre leurs responsabilités.
12:07 Même pour les maisons qui ont été intégralement détruites,
12:10 ils ne veulent pas verser le moindre centime.
12:13 Actuellement, pour le gouvernement,
12:33 les problèmes de ce genre ne sont pas très nombreux.
12:36 Les problèmes de ce genre ne sont pas à l'ordre du jour.
12:39 La préservation du passé n'est pas considérée comme une priorité par le gouvernement.
12:43 Pourtant, ce qui s'est passé hier est en lien direct avec ce qui se passe aujourd'hui.
12:49 Mon plus grand rêve est la paix.
12:57 Je suis née dans un pays en guerre,
13:00 j'ai grandi dans un pays en guerre
13:03 et je vis toujours dans un pays en guerre.
13:06 En haut des marches du monument,
13:13 se trouve un mémorial consacré aux déportations qui ont eu lieu sous Staline.
13:17 En 2023, Naneh observe les nombreux touristes qui visitent le site, au centre de Yerevan.
13:23 Pour la population arménienne,
13:28 l'imposant monument en escalier est avant tout associé au génocide
13:31 perpétré par les Turcs pendant la Première Guerre mondiale.
13:34 Peu de gens semblent savoir que le mémorial à son sommet
13:37 est un hommage aux victimes des déportations de Staline.
13:40 Naneh en prend conscience en regardant les visiteurs arpenter le site.
13:44 Quand elle essaie d'entrer dans le monument,
13:48 elle s'aperçoit que les portes sont verrouillées.
13:50 Même les autorités publiques se désintéressent du bâtiment.
13:53 Sur place, Naneh tente de se renseigner
13:56 et l'un des gardiens lui conseille de forcer la porte.
13:59 Il l'aide même à le faire.
14:01 L'intérieur du monument est jonché de déchets.
14:04 Naneh entreprend alors de le nettoyer elle-même.
14:07 Elle est convaincue que la compréhension du passé
14:10 est une condition essentielle pour un avenir libre et pacifique.
14:14 Vardan Harutyunyan est un journaliste très célèbre en Arménie.
14:21 Il a été dissident et prisonnier politique du temps de l'Union soviétique.
14:27 C'est un sujet sur lequel on se heurte sans cesse à des obstacles.
14:31 Récemment, j'ai essayé de savoir quel organisme public
14:35 était responsable du monument dédié aux victimes de la répression soviétique.
14:39 J'espérais tomber sur un service de l'État
14:42 qui aurait pu imposer à la mairie d'effectuer des travaux de nettoyage.
14:46 Je voulais savoir qui exactement il fallait que je contacte pour ça.
14:51 Mais je n'ai pas réussi à trouver d'interlocuteur.
14:56 C'est parce que depuis les années 90,
15:03 l'Arménie a vécu sous l'influence de la Russie.
15:07 La Géorgie et d'autres pays ont également été dans la zone d'influence russe.
15:12 Mais ils sont parvenus peu à peu à s'en libérer
15:15 et ont commencé à réexaminer leur histoire.
15:18 Dans les années 1960, l'Arménie a été marquée par de fortes dissensions
15:22 et par la lutte pour l'indépendance.
15:25 Le parti National Unis a été créé en 1966
15:28 à l'initiative du peintre Aykaz Kachatrian,
15:31 qui n'est malheureusement plus en vie.
15:34 En 1980, j'ai été arrêté à cause de mes activités.
15:38 J'ai été condamné à 8 ans de prison, en exil.
15:42 J'ai fait un séjour dans un camp d'internement, dans l'Ural.
15:46 Ensuite, on m'a envoyé à Magadan, dans l'Extrême-Orient russe.
15:51 Je suis sans cesse à la recherche de nouveaux moyens
15:55 pour sensibiliser l'opinion sur cette question,
15:59 pour qu'on en parle davantage
16:02 et pour attirer l'attention des pouvoirs publics.
16:06 C'est un sujet qui ne demande qu'à être abordé, en effet.
16:10 Actuellement, je suis en train de faire un travail
16:13 sur la question de la révolution.
16:16 Hier aussi, elles étaient réunies, et avant-hier également.
16:20 En fait, la société civile a la possibilité
16:23 d'aborder cette question depuis les années 90.
16:26 Mais elle n'a jamais saisi cette opportunité.
16:29 Passer par la presse me semble effectivement être une bonne idée.
16:33 Si la presse en parle, l'Etat ou au moins
16:36 certains responsables politiques s'y intéresseront,
16:39 sans doute pour se faire valoir,
16:41 que c'est un sujet important.
16:43 - Vous allez bien ? - Toi, je t'aime beaucoup.
16:50 - Merci. - Ton grand-père et ton père,
16:53 je vous aime beaucoup.
16:55 - Merci, mon ami.
16:57 Ma famille a toujours été très attachée à la ville de Tchatoura.
17:01 En fait, ce que je fais ici,
17:03 c'est perpétuer notre tradition familiale.
17:06 - Je vais vous laisser. - Merci.
17:09 - Je vais vous laisser. - Merci.
17:13 Les premiers souvenirs de Nodar sont associés à la guerre.
17:17 Durant les premières années d'indépendance,
17:20 entre 1991 et 1993,
17:22 la Géorgie est confrontée à trois conflits.
17:25 Deux guerres contre la Russie
17:27 et une guerre civile dans la capitale.
17:30 Le père de Nodar est mobilisé pour aller combattre,
17:33 alors que son fils vient tout juste de naître.
17:36 Les affrontements provoquent l'effondrement de l'économie
17:39 dans tout le pays, notamment à Tchatoura.
17:41 Le pays prend au chaos, à la criminalité et au désespoir.
17:44 Les mines de Manganèse ferment
17:46 et les mineurs se retrouvent sans emploi.
17:49 Durant ces années, beaucoup de gens quittent Tchatoura.
17:52 Entre les années 1990 et aujourd'hui,
17:55 le nombre d'habitants est divisé par deux.
17:58 Lorsque le père de Nodar rentre de la guerre,
18:01 il porte l'uniforme militaire et une kalachnikov.
18:04 Nodar a trois ans.
18:06 La famille est soulagée que le père de Nodar revienne vivant.
18:09 Ce retour est l'un des premiers souvenirs de Nodar.
18:12 Il repense pourtant avec plaisir à son enfance à Tchatoura.
18:16 - Comment ça va ? Tout va bien ?
18:31 - C'est affreux de lire tous ces commentaires.
18:36 Ils sont écrits par des robots ou par des trolls.
18:39 Des gens payés pour écrire des horreurs,
18:42 pour insulter les gens et les traîner dans la boue.
18:45 Je te conseille de ne pas les lire, surtout ceux qui me concernent.
18:48 Sinon, tu vas te faire trop de soucis.
18:51 - Le 8 mars de l'année dernière, quand tu as participé aux manifestations,
18:55 j'étais tellement stressée que mon taux de glycémie s'est mis à grimper.
18:59 En plus, c'était juste après la mort de ma mère.
19:02 Je pleurais devant la télévision.
19:05 - Heureusement que tu as décroché quand je t'ai téléphoné.
19:08 - À un moment, ils nous ont dispersés par la force.
19:11 - Oui, tu étais tellement enroué que tu n'avais presque plus de voix.
19:14 Après, tu t'es réfugié dans l'Institut du théâtre et je n'arrivais plus à te joindre.
19:17 - Oui, ils ont commencé à envoyer des gaz lacrymogènes.
19:20 Et c'est là qu'on s'est cachés dans les locaux de l'Institut du théâtre.
19:23 C'était un combat. Je ne pouvais pas fuir.
19:26 Il fallait que je reste. Dans cette lutte, il y a besoin de gens comme moi.
19:29 - Tu veux continuer à te battre seul ?
19:32 - Pas du tout. Je voyage beaucoup en Géorgie.
19:35 Et je rencontre plein de gens intéressants qui font exactement la même chose que ce que j'ai fait à Tchatoura.
19:40 C'est ce genre de personnes que je recherche.
19:43 Des gens qui ont envie de changer les choses, qui aiment leur ville,
19:46 qui veulent pouvoir y retourner pour y créer de meilleures conditions de vie.
19:49 Il y avait une dizaine de véhicules de police, de fourgons et de voitures banalisées qui allaient et venaient.
19:59 Akaki, le poète Akaki Tsereteli a dit...
20:05 Il a dit...
20:07 "Il est préférable de mourir en se battant pour la liberté
20:11 que de vivre enchaînée à une fonction officielle, si haute soit-elle."
20:15 Le gouvernement actuel nous propose exactement le contraire.
20:19 Il voudrait qu'on abandonne tout pour un soi-disant avantage qui...
20:28 Combien de patrouilles ils ont envoyées, c'est pas possible.
20:31 Bonjour, vous avez une minute ?
20:36 On est en train de tourner une émission sur Sachkéré.
20:38 Elle s'appelle "La voie de la région".
20:40 Toutes les semaines, on visite une nouvelle ville.
20:42 L'émission a été conçue pour rendre compte de ce qui se passe dans les villes et les régions.
20:49 Le but, c'est d'apporter le plus grand soutien possible aux organisations militantes locales.
20:56 Mon père est mon ami le plus proche.
20:58 On se retrouve plusieurs fois par semaine pour discuter de différents sujets.
21:02 Quand il me donne son avis, ça m'aide beaucoup.
21:05 À terme, je pense que ce monument finira par être oublié.
21:11 Et il restera fermé.
21:13 Comme tu l'as dit, les gens qui essaient de l'entretenir sont tous très âgés.
21:17 Eux aussi, même si ils sont très jeunes, ils sont très prêts à s'en sortir.
21:21 Comme tu l'as dit, les gens qui essaient de l'entretenir sont tous très âgés.
21:25 Eux aussi, malheureusement, ils vont finir par disparaître.
21:28 Et on les oubliera aussi.
21:30 Pourtant, c'est une page importante de notre histoire récente.
21:35 C'est bien que tu t'occupes de ça.
21:38 Et je t'encourage à continuer.
21:41 Oui, mais parfois, je me demande si c'est vraiment utile.
21:44 Certains jours, je me dis que c'est bien et que grâce à nous, des gens entendent parler du monument.
21:49 Mais au fond, ça change quoi ?
21:51 Le souvenir, c'est important.
21:54 Si les gens cultivent ce souvenir, ça peut changer leur façon de penser.
22:01 Mais de manière générale, je ne sais pas.
22:05 Peut-être qu'il faudrait en parler encore davantage.
22:09 C'est bien.
22:11 Essaie de faire bouger les choses.
22:12 Mais toi, au travail, c'est très bien ce que tu fais.
22:15 On te soutiendra du mieux qu'on pourra.
22:18 Merci.
22:19 Bonjour.
22:38 Vous parlez anglais ?
22:44 Anglais ?
22:45 Un peu.
22:47 Vous savez à quoi ce monument rend hommage ?
22:50 Vous vous êtes informée ou vous êtes simplement entrée parce que vous avez vu qu'il était ouvert ?
22:54 Je peux répondre en russe ?
22:56 Oui.
22:58 Sur le plan, j'ai vu qu'il y avait un monument ici.
23:01 Je pensais qu'il était fermé.
23:03 Mais quand je vous ai vu entrer, j'ai décidé de venir jeter un coup d'œil.
23:07 Votre plan indique quoi exactement ?
23:09 Il mentionne un mémorial pour le génocide, mais c'est autre chose.
23:14 Ici, c'est pour les victimes de la répression politique.
23:17 Ça fait longtemps que je m'intéresse à ce monument.
23:21 Je n'avais jamais vu personne s'y intéresser.
23:25 C'est pour ça que je vous ai abordée.
23:28 Pour vous demander si vous saviez quelque chose sur ce monument.
23:32 Je n'arrive pas à lire les inscriptions.
23:40 L'inscription indique que ce monument est dédié à toutes les personnes
23:45 qui ont été victimes de répression politique à l'époque soviétique.
23:49 Ce monument a été érigé à la mémoire de tous ces gens.
23:59 Je t'aime.
24:09 Mes deux grands amours, ce sont Nini, ma femme, et Tshatura, ma ville.
24:13 Je suis très heureux que Nini ait accepté de vivre ici avec moi, dans ma ville natale.
24:18 Nini est écologiste.
24:21 Elle en a fait son métier et elle est très calée sur le sujet.
24:24 Elle me donne souvent des conseils très précieux.
24:26 Ce rocher s'appelle Sache Vardno, le rocher où nichent les faucons.
24:32 Il surplombe toute la ville.
24:36 Là où tu vois le drapeau qui flotte, c'est l'endroit où mon grand-père a écrit le poème le plus connu sur Tshatura.
24:42 C'est grâce à ce poème que je suis tombée amoureuse de toi.
24:46 Au début, je pensais même que c'était toi qui l'avais écrit.
24:49 Le soir tombe lentement sur Sache Vardno.
24:53 Je regarde la ville où vivent tant d'histoires.
24:56 Repose paisiblement aux villes tourmentées par le jour.
25:00 Que Dieu bénisse ton nom.
25:03 La rivière Kuirila s'écoule avec vigueur.
25:05 Les flots se brisent sur le rivage.
25:07 Je tuerai tous les misérables qui oseront te calomnier.
25:11 En pensée, j'ai voyagé de par le monde.
25:14 J'ai arpenté la terre dans tous les sens.
25:16 Mais je ne peux jurer que par ton nom.
25:19 Toi, Tshatura, étoile de l'Himeriti,
25:22 Cher comme le cœur d'une mer,
25:24 Élu de notre cœur.
25:26 Quel beau poème.
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