• il y a 4 mois

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Musique
Transcription
00:00 Bonjour Nicolas Aznavour.
00:01 Bonjour.
00:02 Comme votre nom de famille l'indique, vous êtes le dernier enfant du chanteur Charles
00:05 Aznavour et du La Torcelle, sa troisième et dernière épouse depuis 1967.
00:10 Aujourd'hui, et avec votre épouse, vous gérez la fondation Aznavour que vous avez
00:13 créée d'ailleurs avec votre père dans le but de poursuivre le développement et
00:18 la mise en œuvre des projets éducatifs, culturels et sociaux initiés par lui.
00:22 L'autre axe est évidemment de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel et
00:25 humanitaire de votre père.
00:27 Vous publiez aujourd'hui chez Albert Michel l'ouvrage Aznavour, la vie selon Charles.
00:30 C'est un portrait très intime avec à l'intérieur des photos rares et inédites.
00:35 Je précise que tous les droits de l'ouvrage sont reversés justement à cette fondation.
00:38 Nicolas, ce livre, est-ce qu'il n'est pas avant tout une sorte de déclaration d'amour
00:45 d'un fils à son père ?
00:46 Oui, bien sûr.
00:48 Mais depuis que mon père est parti, bien sûr, on entend toujours sa voix à travers
00:55 la musique et je voulais un petit peu que les gens, également, ils aient accès un
01:00 peu à sa pensée, à ses pensées intimes et un peu les sujets qu'il préoccupait,
01:06 sa philosophie, ses valeurs.
01:07 Et je pense que c'était important de mettre ça en avant.
01:10 Vous racontez donc effectivement cette histoire qui n'est pas forcément très connue en
01:14 le faisant parler lui.
01:15 Donc avec le jeu, son premier pays a été le quartier latin avec des restaurants qui
01:19 étaient tenus tour à tour par son grand-père et son père.
01:22 L'un d'eux, celui de son père, est devenu d'ailleurs le théâtre de la Huchette.
01:26 Je vous propose d'écouter votre père, Nicolas, qui parle justement de Paris.
01:31 Paris, c'est le pays de ma naissance.
01:33 Paris, c'est mon accent.
01:35 Paris, c'est mon parler.
01:36 Je suis un enfant de la rue.
01:38 Moi, je suis devenu ce que je suis devenu parce que je suis un homme curieux et que
01:42 je voulais absolument non pas m'éduquer d'une manière littéraire extraordinaire,
01:48 mais en tout cas en sortir de ma position de fils d'immigrant.
01:51 Il vous a transmis ça ?
01:53 Il nous a transmis la curiosité, le goût d'apprendre, de se cultiver.
02:01 Et je pense que c'est ça aussi qui lui a permis de progresser.
02:07 Si on voit l'évolution un peu, il s'est essayé à tous les styles musicaux.
02:13 Il lisait beaucoup.
02:14 Il a fait beaucoup de films.
02:17 Il était plein de projets tout le temps.
02:21 Il avait un amour immodéré pour son métier, pour son public et pour la vie.
02:26 Ses parents étaient effectivement Arméniens, artistes arméniens.
02:30 Et quand ils sont arrivés en France, c'était un vrai choix.
02:33 Ils ont eu la barrière de la langue, ce qui les a obligés à se tourner vers des restaurants.
02:39 Ça aussi, on a le sentiment que ça l'a beaucoup forgé dans son caractère.
02:43 Bien sûr.
02:45 Il a grandi dans ce milieu artistique.
02:48 Arménien.
02:51 Vous connaissez un peu l'histoire avec les Manouchians aussi.
02:54 C'est une histoire incroyable.
02:57 D'ailleurs, ma soeur et son mari préparent le film qui va sortir à la rentrée, qui
03:04 va raconter un peu toute cette histoire et sa vie.
03:09 Aujourd'hui, on a du mal à imaginer un petit peu toutes les périodes et tous les événements
03:18 qu'il a pu traverser au cours de sa vie.
03:20 C'est assez colossal, en fait, tout ce qu'il a vécu.
03:24 Il disait que son père était un enfant, que ses parents étaient des enfants et qu'il
03:29 était finalement l'adulte de la famille.
03:31 Je me suis posé la question à Nicolas de savoir s'il n'avait pas grandi trop vite,
03:34 finalement.
03:35 Il l'a dit, je pense, également dans le livre qu'on a publié.
03:40 Il est devenu adulte, très jeune, par nécessité, parce qu'il devait travailler pour aider
03:49 la famille, mais également avec la Deuxième Guerre mondiale, qui s'est invitée dans
03:56 sa vie, avec mes grands-parents qui ont participé à la résistance et de facto mon père et
04:03 ma tante également qui ont participé.
04:05 On parle de l'Arménie parce que ça a été aussi l'un de ses plus gros combats.
04:08 C'était son histoire d'amour, justement, incroyable avec ce pays.
04:14 À un moment donné, on lui a même demandé de devenir peut-être le président arménien.
04:18 Il a posé la question à votre mère qui lui a répondu que si jamais vous êtes celle
04:20 divorcée, il a préféré rester avec votre mère.
04:24 Que représentait l'Arménie pour lui ?
04:28 C'est la culture dans laquelle il a été élevé, la culture de ses parents, les racines.
04:37 Mais en même temps, il était très français.
04:41 Il le disait régulièrement, je suis 100% arménien, 100% français.
04:46 C'est comme le café au lait, il disait.
04:50 Une fois qu'on les a mélangés, on ne peut pas les séparer.
04:52 En fait, il s'est surtout impliqué pour l'Arménie après le trouble de Monterre,
05:00 parce qu'avant ça, l'Arménie n'existait pas.
05:02 Ça faisait partie de l'Union soviétique.
05:04 Mais dès que le pays a été créé, il a fait tout ce qu'il a pu pour essayer d'aider
05:10 un peu tous les gens qui souffrent là-bas encore aujourd'hui.
05:16 Justement, toute la famille de sa mère a été décimée par le biais du génocide.
05:25 Il a dit "il faudra un jour pour qu'on oublie d'abord avoir été reconnu".
05:34 On en est où de ça aujourd'hui, Nicolas, vous qui habitez en Arménie, justement ?
05:38 De la reconnaissance, vous voulez dire ?
05:41 Elle a été actée, mais comment se sent le peuple arménien aujourd'hui ?
05:46 Il y a beaucoup de pays qui ont reconnu le génocide, dont la France.
05:54 Le problème, c'est qu'il faudrait également que la Turquie se penche sur son histoire.
06:00 Mais je voudrais ajouter quand même que mon père n'a jamais eu de haine envers le peuple turc.
06:05 Il nous répétait tout le temps que le peuple était bon et que c'était des questions politiques.
06:15 En Arménie, la mémoire du génocide est très présente.
06:21 Peut-être moins que pour les Arméniens de la diaspora, parce qu'en Arménie, ils ont d'autres soucis actuels également.
06:28 C'est leur survie actuelle, en fait.
06:33 Et c'est encore très présent, mais ils essaient de se concentrer sur une paix.
06:40 Au départ, on lui a dit "avec cette voie-là, tu ne pourras jamais réussir".
06:45 Après, on lui a dit "si tu n'avais pas cette voie-là, tu n'aurais pas réussi".
06:48 Son souhait, c'était justement pour l'avenir d'y être toujours présent, d'être toujours en haut de l'affiche.
06:54 Est-ce qu'il a réussi ?
06:55 Alors, selon vous, pour terminer, Nicolas ?
06:58 Écoutez, jusque deux semaines avant son départ, j'étais avec lui.
07:03 Il a donné son dernier concert à Osaka, au Japon, dans une salle bondée.
07:10 Il a fait 90 minutes sur scène sans boire un verre d'eau, en donnant toute son énergie,
07:16 en dansant un petit peu comme il le faisait.
07:19 Et oui, donc je...
07:24 Il n'y a aucun doute là-dessus, en tout cas.