Jean-Pierre Bourdiot , président et Jean-Marie Blois du Groupe d'histoire locale intercoJean-Pierre Bourdiot mmunale Ingré/Saint-Jean de la Ruelle (GHILIIS)
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00:00Et alors, je vous réexplique tout, maintenant, on se pose une question avec vous ce matin,
00:06que reste-t-il de 44 dans la mémoire collective en France ? Il y a 80 ans, jour pour jour,
00:12plus de 150 000 soldats alliés débarquaient sur les plages normandes. A cette occasion,
00:17on s'intéresse à 44 chez nous, dans le Loiret. Est-ce que vous avez des histoires
00:21de famille liées à la seconde guerre mondiale ? On attend vos appels. Dès maintenant, nous
00:25sommes aussi avec deux membres du groupe d'histoire locale intercommunale d'Ingrès
00:30et de Saint-Jean-de-la-Ruelle. Bonjour Jean-Pierre Bourdieu, bonjour Jean-Marie Blois. Vous avez
00:35écrit un livre sur Ingrès, Orme et Saint-Jean-de-la-Ruelle pendant la guerre. Comment c'était en 1944
00:42dans ces communes, à cette époque ? Dans ces communes, les bombardements alliés commençaient
00:49déjà depuis fin 1943 et ont continué au tout début de l'année 1944. Les gens souffraient
00:58de plus en plus de l'occupation. En même temps, avec ces bombardements qui étaient
01:03sur des endroits bien ciblés, à savoir la base de Brissy et notamment la gare des Aubray,
01:10on se doutait bien que les choses avançaient et qu'un débarquement était espéré. On
01:17a pu entendre les archives de l'annonce du débarquement. Ces trois villas sur lesquels
01:23vous êtes concentrés ne sont libérés que deux mois après quasiment. Mais comment
01:26est-ce que le débarquement, le D-Day comme on l'appelle, est-ce qu'on sait comment
01:30il a été vécu ici ? C'est ce que je disais, il a été vraiment espéré. Les gens écoutaient
01:37Radio Londres et bien entendu, avant de couper la radio, on se remettait immédiatement sur
01:44Radio Paris. Parce que si jamais on avait un contrôle de la Gestapo ou de la milice
01:49chez soi, la première chose qu'ils faisaient, c'était de tourner la radio pour voir ce
01:53que les gens écoutaient. Donc le débarquement, ils l'ont appris par la radio, par Radio
01:58Londres, et c'était vraiment une grande lueur d'espoir.
02:02Des lueurs d'espoir parce qu'on savait que ça allait arriver jusqu'ici. Dans votre
02:07livre, vous vous concentrez sur les six années de guerre. Ces trois communes-là du Loiret,
02:13il y a eu pas mal d'étapes différentes à Saint-Jean-la-Ruelle, Ingrès et Orme.
02:18Oui, sur la totalité des années de guerre, nous l'avons volontairement, je dirais, ciblée
02:23sur trois thèmes. Tout d'abord l'Exode, puisque c'était ce qui s'est passé après
02:27les événements de 40, tout au départ. Puis ensuite, je dirais, l'Occupation par elle-même,
02:32et après l'Occupation, l'arrivée des Américains. Les trois tranches sont celles-là.
02:36Ce qui vous a beaucoup intéressé, ce sur quoi vous êtes concentré, c'est le quotidien
02:39des gens qui étaient en zone occupée.
02:41On a essayé de retrouver éventuellement, oui, tout ce que les gens avaient pu vivre.
02:45Ce n'est pas toujours très facile, parce que les gens qui ont vécu ou qui ont été
02:49acteurs étaient souvent des grands taiseux, un petit peu. Et même les propres enfants
02:55ont découvert très tardivement ce qu'avaient pu faire les membres de leur famille.
02:58Avec les commémorations des 80 ans du débarquement, on a envie de vous entendre. C'est l'occasion
03:04de vous exprimer ce matin. Est-ce que vous avez des souvenirs de 44 ? Est-ce que vous
03:07avez des histoires de famille liées à la guerre, à la libération ? On vous attendait
03:11maintenant pour participer à l'émission. 02.38.53.25.25. C'est vrai que moi, par exemple,
03:16je me souviens de dîners de famille où ma grand-mère racontait qu'elle était à la
03:19cave avec son fils qui avait un an, pendant que mon grand-père, lui, était au combat.
03:24Je me souviens de ça. D'ailleurs, elle leur parlait beaucoup à table. Certains autour
03:28disaient « on ne va pas encore en reparler ». Et elle leur sortait directement « si
03:31t'avais vécu ça, mon petit gars, crois-moi que t'en reparleras encore ».
03:34Mais vous, vous avez eu la chance d'être dans une famille où on n'en parlait. C'est
03:37ce que vous disiez Jean-Pierre Bourdieu. Tout le monde n'en parlait pas. Comment vous avez
03:40fait pour travailler avec ce livre ? Vous avez fouillé les archives ? Vous avez lancé
03:44des appels à témoignages ? Expliquez-nous un petit peu.
03:46Je dirais que le fait d'avoir lancé des appels à témoignages n'a pas toujours été
03:50fructueux. Par contre, on a retrouvé les archives. Dans certaines communes, elles
03:54sont mieux conservées que dans d'autres. On a même retrouvé des éléments sur les
03:57trois communes où nous nous sommes penchés. Il y a des éléments qui figurent dans les
04:00communes, mais qui ne figurent pas dans l'autre. Vous évoquiez cette possibilité, bien sûr,
04:05lors des bombardements, de descendre dans les caves, etc. Mais il y avait eu aussi des lettres
04:09du préfet précédemment qui avaient proposé aux gens de faire des tranchées dans leur
04:14jardin parce que le problème de la cave était que des gens s'étaient trouvés emmurés
04:19et enfermés dans leur lieu de retranchement. Parfois, le choix de la tranchée dans le jardin
04:24avait été préféré au fait de descendre dans une cave.
04:28Ces trois communes étaient en zone occupée. Il y avait de la résistance aussi, qui était
04:33moins connue que la résistance du gâtiné ?
04:36Effectivement, on est en zone urbaine. Donc, on n'a pas de bois. Pour se cacher, c'est
04:43difficile. Mais en revanche, il y avait beaucoup de résistance, je dirais, passive, et puis
04:49aussi du renseignement. Beaucoup de renseignement. Et malgré cela, il y a des gens qui avaient
04:57une autorisation de circuler. Je pense à quelqu'un de Saint-Jean-de-la-Ruelle qui
05:01allait ravitailler le maquis de La Ferté-Saint-Aubin. Et cette personne qui était d'origine juive
05:07a été dénoncée par un Français. Et donc, la famille a pu s'échapper et heureusement
05:14a survécu à la guerre.
05:15Et ça, par exemple, ce genre d'histoire très précise, vous l'avez su comment ?
05:20Alors, tout simplement, c'est grâce, je dirais, au premier livre qu'on avait fait
05:25il y a 8 ans, un passeur de mémoire. Et puis, un jour, un petit-fils, j'ai retrouvé la
05:31trace d'un petit-fils. J'ai appelé ce monsieur, j'ai laissé un message. Une heure après,
05:35il me rappelait. Le lendemain, j'avais 180 pages sur l'histoire de sa famille. Et puis,
05:40en début d'année, à l'échange des vœux, il m'a envoyé 32 lettres de son grand-père
05:47qui témoignent de tout ce qu'il a vécu, des personnes qu'il a rencontrées et des
05:50personnes qu'il a sauvées aussi, je dirais, d'un mauvais procès à l'issue de la guerre.
05:54Parce que, bien entendu, certains qui n'étaient pas très clairs ont dénoncé des gens qui
06:00étaient parfaitement clairs et qui étaient des résistants, mais des résistants de l'ombre.
06:04Voilà.
06:05Ça veut dire qu'il y a...
06:07On s'est vraiment appuyé, je dirais, le plus possible sur l'humain, sur le vécu.
06:13Oui, c'est ça, votre livre, il se concentre vraiment... c'est la, entre guillemets, la
06:17petite histoire dans la grande, en fait.
06:19C'est ça. C'est important.
06:22A côté de ces dénonciations dont parlait Jean-Marie, cette même famille a eu une chance.
06:28Des gens ont été acteurs, je dirais, à côté de ces personnes qui ravitaillaient,
06:33par exemple, le Maki, en Sologne.
06:35Ils ont été acteurs pour la bonne raison, c'est que lorsqu'ils ont été dénoncés
06:38qu'il a fallu qu'ils partent, ils l'ont su le soir, il fallait qu'ils ne soient plus
06:42là le lendemain.
06:43Et bien, pendant toute la nuit, tous les voisins ont déménagé la totalité de leur maison.
06:46Les uns ont pris des meubles, les autres ont pris une famille un petit peu aisée, les
06:51valeurs, etc.
06:52Ils les ont emmenés à la gare, ils ont réussi à passer à travers le filet pendant toute
06:55la guerre.
06:56Et lors de la fin de la guerre, en 1945, toutes les familles ont restitué tout ce qu'ils
07:01avaient gardé à cette famille.
07:02Donc, quelque part, je dirais, une solidarité, une humanité sympathique.
07:06En plus de votre livre, vous avez installé des panneaux, une exposition qui va passer
07:12dans les trois communes.
07:13Vous organisez des conférences aussi, c'est important encore, 80 ans après, d'en parler,
07:20de permettre aux gens de se souvenir.
07:21Je vois qu'on a une auditrice qui est avec nous pour réagir sur les commémorations
07:27des 80 ans du débarquement.
07:28C'est Jacqueline qui est avec nous à l'habitat Villereau.
07:31Bonjour Jacqueline.
07:32Bonjour Marc.
07:33Alors, bienvenue, on vous écoute, vous, qu'est-ce que ça vous évoque, ces 80 ans du débarquement ?
07:39Écoutez, j'avais 5 mois et demi et pour moi, c'était la certitude que la guerre allait
07:45bientôt terminer.
07:47Alors, il faudrait couper votre radio, Jacqueline, si vous le pouvez.
07:50C'est ça l'idée, c'est ce qu'expliquaient M. Bourdieu et M. Blois, c'est que la libération
07:55n'est arrivée que deux mois après, mais c'était un espoir incroyable.
08:00Oui, j'ai fait la radio, j'ai fait la radio.
08:05Parce que là, on fait du talkie-walkie ensemble, du coup, Jacqueline.
08:08Donc, pour vous, c'était un espoir incroyable, c'est ce que disait Marie, Jacqueline.
08:13Écoutez, pour moi, c'était une évidence pour tout le monde, c'était la certitude
08:20que la guerre allait se terminer.
08:23Ça fait partie des événements, même s'il n'y a pas eu de conséquences immédiates
08:29ici, sur ces trois communes-là, dans le Loiret en général, ça fait partie des événements
08:34qui marquent encore, évidemment, tout le monde, toutes les personnes qui l'ont vécu.
08:38Merci beaucoup Jean-Marie Blois, merci beaucoup Jean-Pierre Bourdieu d'avoir été avec nous.
08:43Votre livre, qui vient de sortir, on peut le retrouver dans les médiathèques de Saint-Jean-de-la-Ruelle,
08:48Hormes et Ingrès, à l'achat, et puis vos conférences qui sont jusqu'au mois d'octobre.
08:52On peut avoir toutes les informations sur les sites internet des médiathèques.
08:54Merci beaucoup à vous deux.
08:55Et bien au revoir, merci.
08:56Bonne journée.
08:57Merci à vous tous.