• il y a 6 mois
« Le défi, c’était d’en faire un monstre innocent ».
Dans son dernier film « En attendant la nuit », la réalisatrice Céline Rouzet, a choisi de mettre en scène un vampire bienveillant, dans une banlieue pavillonnaire française.
Transcription
00:00 C'est plus les films de monstres que les films de vampires qui m'ont inspirée
00:02 et parce que les films de monstres c'est des films d'exclusion.
00:05 Céline Rousset a réalisé son premier film "En attendant la nuit",
00:07 un film de vampire très fort et personnel pour sa réalisatrice.
00:11 Elle nous raconte.
00:12 Donc en fait j'étais en train de développer mon film documentaire
00:14 qui a pris pas mal d'années.
00:15 À ce moment-là un drame a frappé ma famille, notamment mon frère.
00:18 C'est quelqu'un qui est né avec une différence,
00:21 qui a beaucoup subi le rejet des autres
00:23 et en fait sa disparition m'a remplie d'un grand sentiment d'injustice, de colère, d'impuissance.
00:29 J'avais besoin de raconter son histoire mais je ne savais pas comment.
00:32 Je ne savais pas comment la raconter parce que je me disais que la raconter de façon trop frontale,
00:36 ce serait trop dur.
00:37 Et en fait un matin l'idée m'a frappée au réveil, je me suis dit que c'était le vampire.
00:41 En fait quand mon frère était petit, il voyait des vampires
00:44 qui venaient dans sa chambre pour lui parler, il était terrifié par ces monstres.
00:47 Et en fait en grandissant, il s'est mis à se sentir très proche de ces créatures
00:51 forcées de rester dans l'ombre, ces monstres fragiles
00:54 dont la condition est invisible au premier regard comme peut l'être le handicap,
00:57 le mal-être adolescent, la dépression ou la différence de façon un peu plus large.
01:02 Le film de genre, ça permet de faire appel à la romance, au lyrisme,
01:06 d'exacerber les sensations, les sentiments, les émotions,
01:10 mais aussi paradoxalement d'édulcorer une réalité qui serait trop dure.
01:14 Et donc pour moi de me mettre à distance de cette histoire personnelle.
01:16 J'ai travaillé avec un co-scénariste William Martin et ensemble on a cherché cette histoire
01:21 et je l'ai vraiment trouvé cette histoire quand j'ai compris que ce serait une forme de village
01:26 ou de banlieue qui se refermerait sur le personnage à la fin.
01:28 Cette espèce de course-poursuite à la fin, c'est ça qui m'a donné vraiment l'histoire.
01:31 Et après ce qui a été le grand défi d'écriture pour William Martin et moi,
01:35 c'était d'en faire un monstre innocent.
01:37 Comment est-ce qu'on fait pour raconter l'histoire de quelqu'un qui a les symptômes du vampire,
01:41 qui arrive dans une banlieue pavillonnaire tranquille,
01:43 la perfection un peu flippante mais sans histoire ?
01:46 Et comment est-ce qu'on fait pour que petit à petit son secret,
01:49 qu'il a toujours caché, se révèle,
01:51 sans en faire un espèce de serial killer sanguinaire, en le gardant innocent ?
01:57 Donc c'est des espèces d'étapes, de paliers qu'il fallait passer.
01:59 Ça, c'était vraiment le grand travail de l'écriture.
02:02 C'est plus les films de monstres que les films de vampires qui m'ont inspiré
02:05 et parce que les films de monstres, c'est des films d'exclusion.
02:07 Et notamment mes références, c'était "Elephant Man", "Edward Zorman d'Argent" et "La Mouche".
02:10 C'est des films sur l'échec du vivre ensemble.
02:13 Ce qui m'a beaucoup inspiré quand j'écrivais avec William,
02:16 c'est Shirley Jackson, une romancière du fantastique,
02:18 et elle, elle parle de des conventions sociales qui dissimulent la sauvagerie ou la barbarie.
02:23 C'est vraiment ce que j'ai essayé de faire aussi avec cette histoire,
02:26 c'est où sont vraiment les monstres et parler de la violence de la norme.
02:29 Le danger, la menace, c'est l'extérieur, c'est le regard des autres.
02:32 Et voilà, ça, c'était vraiment tout le travail aussi d'écriture et de mise en scène dans le film.
02:36 Mes proches, ils ont vu le film et...
02:39 Hier, j'étais à Toulouse où il y a justement une partie de ma famille.
02:43 Oui, j'en retrouve quelques-uns en pleurs.
02:46 Mais en fait, je crois qu'ils sont très touchés et qu'ils retrouvent vraiment une justesse, une vérité.
02:50 On m'a dit aussi que c'était un bel hommage aussi.
02:54 Donc, en fait, je...
02:56 Et aussi, ils sont rassurés parce que, comme je le disais,
02:58 le genre, raconter cette histoire par ce biais-là du film de vampire,
03:02 c'était une manière aussi d'adoucir le réel.
03:04 Et la fin est beaucoup moins violente que dans la réalité.
03:09 Pour moi, c'était important que cette histoire, elle s'adresse à...
03:12 Y compris... En fait, je sais qu'il y a aussi beaucoup d'adolescents
03:15 qui ont vécu un peu une période ingrate et qui se sont sentis différents
03:20 ou qui avaient du mal à s'intégrer.
03:21 J'ai rencontré quelqu'un aussi qui me disait qu'il avait une fragilité cardiaque.
03:26 Et en fait, ça lui parlait.
03:27 En fait, c'est un film qui surtout parle de la différence
03:31 et si ça peut toucher le plus large public possible, c'est génial.
03:37 Et je sens qu'en fait, ce film, c'est une intensité des émotions.
03:40 Et je vois des gens qui sont bouleversés, mais aussi des gens qui pleurent.
03:44 Le film fait pleurer, ça, c'est sûr.
03:46 Mais aussi des gens qui sont exaltés, surpris.
03:50 Souvent, on me dit, on a été attrapés, y compris beaucoup de jeunes.
03:52 Je crois que c'est un film qui remue, ça touche.
03:54 Donc forcément, c'est hyper, hyper émouvant pour moi.
03:57 GOMINI !

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