"Italiques" diffusée en 1972, dans laquelle Françoise Hardy était invitée aux côtés de François Mitterrand et Alain Decaux.

  • il y a 3 mois
En 1972, l'émission "Italiques" réunissait des personnalités du monde littéraire et intellectuel pour partager leurs réflexions et débattre autour de sujets culturels. Lors d'un épisode cette année-là, la chanteuse Françoise Hardy faisait partie des invités, aux côtés de l'homme politique François Mitterrand et de l'académicien et historien Alain Decaux. Durant cette émission, Hardy, Mitterrand et Decaux ont probablement échangé sur leurs passions littéraires respectives et abordé divers thèmes liés aux arts et à la culture. La présence de Hardy, alors au sommet de sa gloire, dans un tel programme témoigne de sa stature d'artiste intellectuelle et de son intérêt pour les lettres, au-delà de sa carrière musicale.

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00:00:30Bonsoir c'est le deuxième italique de 1972 et avec nous ce soir François Zardy, Jacques
00:00:48Sadoul, Robert Aron, François Micran, Alain Decaux, Antoine Blondin et Paul Guimard qui
00:00:59vont discuter avec Jacques Lecay.
00:01:01Je ne sais pas si nous allons discuter mais en tout cas nous allons nous entretenir comme
00:01:06on disait dans le temps.
00:01:07D'abord je tiens à vous remercier tous les deux parce que je sais que vous n'êtes pas
00:01:10tellement souvent à Paris et c'est fort aimable à vous d'être venu et puis je vous remercie
00:01:14aussi d'avoir accepté avec autant de gentillesse de parler de tous ces livres.
00:01:19Le premier ce sera celui de M.
00:01:22Maurice Gennevoix de l'Académie Française, Bestiaire sans oubli, Paul.
00:01:26Mais ça c'est vraiment pas de la gentillesse, c'est vraiment par plaisir et je pense pour
00:01:30Antoine autant que pour moi parce qu'on aime bien Maurice Gennevoix.
00:01:33Nous nous serions battus pour parler de lui, la preuve c'est que nous sommes venus tous
00:01:36les deux en nous bousculant plus ou moins au portillon.
00:01:39Je crois qu'il y a une première chose qu'on peut dire à propos de Maurice Gennevoix parce
00:01:44qu'enfin il n'est pas tellement fréquent que l'Académie Française malgré la couleur
00:01:51de son uniforme apporte un surcroît de verdeur aux écrivains.
00:01:55On a même quelquefois l'impression que les fauteuils académiques sont des endroits
00:01:58où on peut se somnoler.
00:01:59Et bien vraiment Gennevoix c'est le contraire et moi la première chose qui m'a frappé
00:02:03dans ce livre là c'est que c'est vraiment un livre de jeune homme.
00:02:08D'un jeune homme bien sûr qui a pris le temps de réfléchir un petit peu longuement
00:02:12mais c'est un livre de jeunesse non ?
00:02:14Oui et vous dites verdeur mais c'est aussi un livre de verdure car dans cette époque
00:02:18d'antipollution, enfin on recherche l'antipollution, je crois qu'il appartenait au plus vert de
00:02:24nos académiciens non seulement par la verdure mais par le fait qu'étant secrétaire perpétuel
00:02:28on peut considérer que son uniforme est un peu plus vert que celui des autres de mettre
00:02:31de la chlorophylle dans la littérature.
00:02:34Peut-être sera plus tard un sujet de Pachaud, de Thèse, Maurice Gennevoix a mis de la chlorophylle
00:02:41dans la littérature.
00:02:42Je crois qu'il faut signaler que c'est son troisième bestiaire.
00:02:44C'est ça oui et d'ailleurs on se rend très bien compte quand on le lit qu'au fond Maurice
00:02:51Gennevoix poursuit une très, depuis très longtemps, une très longue méditation de
00:02:56plein air au fond et même quelquefois de grand vent.
00:02:59J'ai très souvent lu à son propos qu'on le rapprochait de montagne, le dernier en date
00:03:06d'ailleurs.
00:03:07Oui c'est une montagne qui sortait de la tour quand même.
00:03:09Voilà mais c'est une montagne dont le cabinet de travail était la forêt et la forêt,
00:03:14la plaine, la rivière oui c'est ça et ce que je trouve vraiment tout à fait exceptionnel
00:03:20et extraordinaire c'est la façon prodigieusement attentive avec laquelle il se penche sur ce
00:03:27monde là pour y trouver, enfin moi je l'ai ressenti comme ça, un peu plus de sagesse
00:03:34et un peu plus de bonheur.
00:03:36En fait cette espèce d'apaisement qu'il a quand il est dans son monde ça me paraît
00:03:39une assez belle image approchée du bonheur en fait.
00:03:43Oui moi j'ai l'impression qu'il ne se penche pas tellement à la manière d'un entomologiste
00:03:48mais au contraire qu'il le rencontre, il va à la rencontre et je crois que quand il
00:03:54est en face de ces enchantements de la nature qu'il s'est admirablement capté et décelé
00:04:01et dont il a dit je crois que leur approche était étroitement unie à notre destin et
00:04:06bien il a trouvé à travers les paysages et les animaux le moyen le plus sûr de se
00:04:11peindre soi-même.
00:04:12C'est une oeuvre aussi de moraliste et de romancier en même temps.
00:04:16Ça parle du livre enfin, on retrouve le moraliste et le romancier.
00:04:19C'est un univers entier et il y a une gymnastique assez extraordinaire chez Chanois et dont
00:04:23Bestiaire sans oublier le titre lui-même le dit est un merveilleux exemple.
00:04:27C'est celui d'un homme qui arrive à retrouver et à se faire à la fois le mémorialisme
00:04:35d'un présent toujours recommencé d'une société à travers laquelle il se ressuscite
00:04:40lui-même.
00:04:41Eh bien, on l'a rapproché de montagne, moi j'en ferais plutôt un Marcel Proust des
00:04:46eaux et forêts.
00:04:47C'est-à-dire que quand on a lu le Bestiaire sans oublier, eh bien, on a vu un homme à
00:04:53la recherche d'un temps perdu et miraculeusement retrouvé.
00:04:56Et quelle langue.
00:04:57Et quelle langue, bien sûr.
00:04:59Qu'est-ce que vous l'avez entendu à la radio parler des animaux ?
00:05:02Extraordinaire.
00:05:03C'est une série moi que j'écoutais toujours qui était merveilleuse parce qu'on sentait,
00:05:08n'est-ce pas, dans cette voix.
00:05:09Disons que c'est une vedette de la radio, Maurice Genevoie.
00:05:12Mais ce qui est extraordinaire, c'est que cette présence par la voix, on ne pourrait
00:05:17peut-être pas la retrouver dans le livre, mais on la retrouve, elle est totale.
00:05:21Oui, mais quand on a entendu à la radio qu'on lit son livre, on entend Maurice Genevoie.
00:05:25Mais c'est la langue douayante, compteur, avec ses ablatifs absolus, des incidences
00:05:32où l'adjectif est à la fin rejeté pour parler comme lui et tout cela lui confectionne
00:05:41un instrument prodigieux pour pénétrer l'intimité des choses.
00:05:46Or, dans la préface des Odes en 1822, je ne sais pas ce que c'était le sujet du concours
00:05:51général il y a quelques années, Victor Hugo disait, la poésie c'est ce qu'il y a d'intime
00:05:56dans tout.
00:05:57Eh bien, il a vraiment un instrument pour pénétrer l'intimité des choses qui est
00:06:03tout à fait remarquable.
00:06:04Absolument, et en train de parler de pollution de la nature, c'est vrai qu'on nous répète
00:06:08assez que nous sommes d'une civilisation qui a commencé le saccage de la nature.
00:06:13Voilà précisément un homme qui est un remarquable écrivain et qui propose dans ces livres-là
00:06:20une espèce de complicité avec la nature, une complicité tellement chaleureuse que
00:06:24je trouve qu'il faudrait être complètement sclérosé pour ne pas l'accepter.
00:06:28Moi, ce qui me frappe le plus, c'est quand même l'homme qui ressort en piligrane à
00:06:33travers la lecture de ce bestiaire et des deux précédents.
00:06:36Et on s'aperçoit, entre autres, que cet homme a été très profondément marqué par la
00:06:44guerre de 14-18.
00:06:45Je pensais à Mac Orland qui a dû être de très peu son aîné au lycée d'Orléans
00:06:52et avec qui j'avais l'occasion de m'entretenir très souvent et qui lui aussi avait été
00:06:56très, très profondément marqué par la guerre et c'est ce qui me frappe.
00:07:00Très bien.
00:07:01Je vous remercie.
00:07:02Je crois que pour passer au deuxième livre, Paul, la transition est facile.
00:07:07Il s'agit d'Une journée un peu chaude de Claude Bruer, publié chez Robert Morel.
00:07:12C'est exceptionnellement facile parce que ce livre qui s'appelle Une journée un peu
00:07:18chaude et que j'ai lu vraiment un peu par hasard parce qu'on ne connaît pas Claude
00:07:23Bruer, est un livre dont la singularité ne tient pas à l'histoire qui est d'ailleurs
00:07:28pleine de rebondissements.
00:07:29Excellent.
00:07:30C'est un roman romanesque, bien fait, mais qui se déroule dans une sorte de comptoir
00:07:36de forestiers dans le Grand Nord canadien.
00:07:38Vous savez, on connaît ça un peu par les reportages ou par le cinéma avec deux, trois
00:07:43baraques, une sorte d'embarcadère rustique.
00:07:46Et puis là, il y a des gens qui vivent, qui portent des noms pittoresques.
00:07:49Mais ce qui est exceptionnel, je trouve dans ce livre là, c'est à quel point le vrai
00:07:54premier personnage, c'est la forêt.
00:07:57Bien sûr, il y a tout le pittoresque.
00:07:58Bon, il y a les mots canadiens, il y a une langue qui est très savoureuse et qu'on aime
00:08:04bien.
00:08:05Mais il y a d'abord cette présence d'une nature qui peut être écrasante, qui peut être
00:08:11accueillante aussi.
00:08:12Mais de toute façon, les gens sont laminés et on sent très bien en lisant ce livre que
00:08:17les personnages sont inconcevables ailleurs que là.
00:08:20C'est une chose qu'on ne fait plus en littérature et c'est pour ça que je croyais qu'il était
00:08:24important de parler de ces livres là, parce que quand un écrivain pour son premier livre
00:08:29tourne le dos d'une manière aussi résolue et définitive au mode littéraire, ça vaut
00:08:34le coup.
00:08:35Alors vous voyez, moi, je crois que Jules Renard avait l'habitude de dire des gens qui
00:08:40n'aimaient pas, retenez bien ce nom, on n'en parlera plus.
00:08:44Eh bien, je crois qu'il ne serait pas très grave qu'on ne retienne pas ce soir le nom
00:08:50de Claude Breuer, parce que moi, personnellement, je suis persuadé qu'on en reparlera.
00:08:54Bien, troisième livre, il s'agit du Long Échappé de Pierre Chani, publié à Tavelerand.
00:09:00Eh bien, moi, je partage à peu près le sentiment de Paul sur les livres de Breuer, à cela près
00:09:07que j'estime que ce livre, malgré sa chaleur, malgré sa beauté, bénéficie quand même
00:09:12des hautes couleurs de l'exotisme.
00:09:14Et je me demande ce qui adviendrait de cette histoire, c'est notre vieille théorie, si
00:09:18elle se passait dans le puits de Dôme.
00:09:20Or, une Long Échappé se passe précisément dans le puits de Dôme, c'est aussi un premier
00:09:26roman et je trouve qu'il tourne aussi délibérément le dos à ce qui est habituellement un premier
00:09:32roman où des débutants viennent nous parler de leur personne, généralement assez mince,
00:09:37nous raconter comment ils ont connu d'assez près leur cousine sur une plage en été.
00:09:42Eh bien, pas du tout, ils nous présentent un personnage original dans une situation
00:09:49assez exceptionnelle, car enfin, il n'y a pas deux problèmes pour un romancier où
00:09:53on met un héros d'exception dans des conditions banales ou on met un héros de tous les jours
00:09:59à notre image dans une circonstance exceptionnelle.
00:10:01J'anime un héros d'exception dans une circonstance exceptionnelle, mais ce héros
00:10:06d'exception nous devient très rapidement prochain et ces circonstances exceptionnelles
00:10:11nous les avons vécues puisque c'est l'occupation et les années qui ont suivi la libération.
00:10:15Ce personnage, je le dis très vite, est un indifférent total, un indifférent comme
00:10:21le morceau de Camus, mais par son marché, c'est un voleur, un voleur comme le voleur
00:10:25de Darien, vous direz, eh bien non.
00:10:27Si tu permets, Antoine, je dirais que c'est quand même un voleur honnête parce qu'il
00:10:31n'a pas le sens de la propriété et pas celle d'autrui.
00:10:34Voilà, c'est-à-dire qu'il respecte autant, enfin, il respecte autrui, il exige d'être
00:10:40respecté par autrui et il y a là une sorte de concours de liberté postulée qui est tout
00:10:45à fait savoureuse.
00:10:46En fait, de ce voleur banal et artisanal qui opère à Clermont-Ferrand, il n'y aurait
00:10:54pas grand-chose à dire si un jour la Résistance ne met pas utiliser ses talents et à partir
00:10:58de ce moment-là, il se trouve embarqué dans un grand système et c'est là où il fait
00:11:03preuve vraiment d'une indifférence tout à fait remarquable et exceptionnelle.
00:11:07Comment ce voleur arrivera par finir, par voler sa propre mort, ça c'est la chute
00:11:16de l'histoire.
00:11:17Mais il reste quand même, c'est un livre qui pose les deux problèmes les plus importants
00:11:22qui finalement se posent à l'homme, celui de l'entrée dans la vie et celui de la sortie
00:11:26de la vie.
00:11:27Eh bien, les deux sont traités là et c'est pourquoi j'ai énormément aimé ce livre.
00:11:30Et aussi, c'est écrit avec une rare maîtrise pour un premier livre comme tu le disais tout
00:11:33à l'heure.
00:11:34Très très bien.
00:11:35Oui.
00:11:36Eh bien, je crois que maintenant il faut aussi, j'allais dire, passer aux choses sérieuses
00:11:39mais non.
00:11:40Nous venons d'être très sérieux mais après-demain, il y a le début du tournoi des cinq nations
00:11:44en rugby.
00:11:45Alors, nous avons choisi de vous proposer ce soir un certain nombre de livres.
00:11:49Nous avons commencé par Joie du rugby, Réalité, Achètes, c'est un très très bel album.
00:11:56Je ne peux pas citer tous les noms des gens qui ont collaboré à cet ouvrage collectif
00:12:01mais j'ai quand même remarqué qu'ils étaient quinze, ce qui est quand même un peu symptomatique.
00:12:05Oui, c'est assez beau.
00:12:06Je crois que tu as regardé cet album et tu as lu les textes, ça a eu beaucoup de plaisir,
00:12:10Paul.
00:12:11Ben oui, moi, en fait, le rugby, je suis un débutant, je ne peux pas dire un amateur.
00:12:18Ah, ce n'est pas un débutant.
00:12:19Je l'ai amené à Cardiff, il y a quelques années, je l'ai traîné au Pays de Galles.
00:12:24Je suis entré dans le rugby par la porte royale qui était la finale du tournoi des
00:12:28cinq nations à Cardiff, on ne peut parler mieux.
00:12:30Alors, évidemment, de tous ces livres, moi, j'ai fait comme les enfants, j'ai regardé
00:12:34celui qui avait le plus d'images et effectivement, dans cet album, moi, ce qui m'a plu, c'est
00:12:39que c'est une partie de rugby, d'ailleurs, c'est Antoine qui va en parler parce que c'est
00:12:43lui qui sait et pas moi.
00:12:45Je remarque simplement que c'est lui qui commence, donc il a dans ce livre un peu le rôle d'ennemi
00:12:53d'ouverture.
00:12:54Bravo, Paul, bravo.
00:12:55Non, non, non, non, non, bon, moi, je ne suis même pas arbitre, je passe le ballon, c'est
00:13:00tout, c'est à lui.
00:13:01Non, je n'ai pas du tout le rôle d'ennemi d'ouverture, j'ai le rôle d'un ouvreur,
00:13:04comme on dit sur les pistes de ski, c'est-à-dire qu'après moi, les choses sérieuses commencent,
00:13:09ce qui me permet de dire que ce livre, et j'en ai lu beaucoup de livres sur le rugby,
00:13:12en Angleterre, il y en a 3622 qui ont paru, je ne les ai pas tous lus, et j'estime qu'aucun,
00:13:19il y en a peut-être de plus sérieux, de plus techniques, mais aucun ne représente une
00:13:24telle somme, un tel monument, et les documents en sont admirables.
00:13:28Il y a dans ce livre des documents d'une rareté double, d'une part parce qu'il y a des photos
00:13:34jamais vues parce qu'elles devaient être enfouies dans le secret des archives au fond
00:13:37d'un baillu galois, je ne sais pas s'il y a des baillus galois ou des armoires gasconnes.
00:13:43Et des photos que l'on ne croyait jamais prises, tellement elles sont belles d'un point de vue
00:13:48plastique et esthétique.
00:13:50Moi, je pense qu'il faut dire aussi une chose, oui, pardon, pardon, s'il te plaît, non, non,
00:13:54vas-y.
00:13:55Et alors, il ressort de cet ensemble que ce livre est un atlas, et quand un atlas est
00:14:01bien fait, eh bien, il cerne un monde en extension et en profondeur, mais c'est exactement le
00:14:09cas de celui-ci, si bien que quand on l'a refermé, on s'aperçoit que le rugby est à
00:14:13la fois une civilisation, une planète, et ça, j'estime que c'est très important.
00:14:20On a dit souvent que le rugby était une manière d'être, on s'aperçoit qu'il est aussi un
00:14:25état d'esprit et qu'il est aussi un univers.
00:14:28Et un monde où on cultive le culte de l'impersonnalité, comme tu l'as écrit toi-même.
00:14:32Voilà, oui, on cultive le culte de l'impersonnalité.
00:14:35Or, il se trouve que ce monde, cette famille, cette planète, ce vase-clos, s'est brusquement
00:14:44élargi et que maintenant, par le truchement de la télévision précisément, il est ouvert
00:14:50à 5 millions de personnes, à peu près.
00:14:52Or, il faut bien dire, ces gens d'instinct ont été séduits par la beauté de la chose,
00:14:56mais n'en connaissent strictement pas les règles.
00:14:59Or, il se trouve...
00:15:01Alors, il se trouve que Georges Dutin a publié « Les clés du rugby », avec des dessins
00:15:07très bons de Roger Blachon, et qui expliquent les choses de la façon la plus claire qu'on
00:15:11puisse imaginer.
00:15:12Et non seulement la plus claire, mais par-dessus le marché, la plus drôle, la plus pittoresque.
00:15:18Car si les joies du rugby illustrent l'esprit du rugby, eh bien, cet esprit, si vous voulez,
00:15:26s'appuie sur un arsenal formidable de références littérales.
00:15:29Or, il se trouve que les lettres du rugby sont très spirituelles, elles aussi.
00:15:33Voici un livre charmant qui doit être l'un des livres de poche de toutes les précieuses,
00:15:40ridicules et charmantes, d'ailleurs, qui discernent les stades de tous les intellectuels qui s'y
00:15:46aventurent.
00:15:47Alors, nous avons encore quelques temps, nous jouons les prolongations, Marc Gilbert.
00:15:51Pour parler d'un livre tout à fait différent, à ce moment-là, c'est un « Rugby de Ducs
00:15:56», d'Amenet et d'Amenek, avec la collaboration de Paul Katz.
00:15:59C'est ça, parce qu'alors, ces joies du rugby, ces règles du rugby qui ont l'air d'enfermer
00:16:05étroitement les joies, précisément, dégagent cependant une notion essentielle, c'est que
00:16:11la solidarité est la règle maîtresse du rugby.
00:16:14Mais, il est enraciné dans un folklore tellement légendaire qu'il dégage des personnages
00:16:22pittoresques et d'un calibre supérieur.
00:16:25Et, peut-être que le plus fameux de tous est Amenet et d'Amenek, que j'ai eu l'occasion,
00:16:30l'honneur, le privilège savoureux, de côtoyer bien souvent.
00:16:33Surnommé « Le Duc », il faut le dire pour les gens.
00:16:36Il est surnommé « Le Duc », en raison de sa superbe et de sa faconde.
00:16:39Il a, sa vie, parce qu'il s'agit quand même de ses mémoires, illustre une trajectoire
00:16:45qui l'amène au fait des honneurs provinciaux, des appels qu'on est des hauts et des bas,
00:16:53mais il faut dire que sa verve même, sans perdre rien de sa superbe, connaissait elle
00:16:59aussi des hauts et des bas.
00:17:00Si j'ai le temps, je voudrais citer deux anecdotes, très rapidement, une qui se situe
00:17:05plutôt en bas.
00:17:06Un jour, Domenek, qui joue pilier, Domenek qui disait lui-même, pour trouver un coup
00:17:12plus gros que le mien, il faut chercher un goitreux, Domenek donc rentrait en mêlée
00:17:19contre un pilier borgne particulièrement redoutable.
00:17:22Et au bout de deux ou trois poussées, eh bien, il a expédié son poindre œil valide
00:17:29de son vis-à-vis en lui disant « Bonne nuit, Monsieur Pelzer ».
00:17:32J'espère que les enfants sont couchés, oui.
00:17:35Les enfants sont couchés.
00:17:36Mais alors, à côté de ça, il y a Domenek qui rejoint presque du sachaguitry, c'est
00:17:41aussi un mot de clinique, car il y a eu un temps, on pensait que sachaguitry, le pauvre,
00:17:45on est mort, enfin le grand, sachaguitry, on est mort d'aller en clinique pour y faire
00:17:49des maux.
00:17:50C'est à la fin d'une clinique que Sacha Domenek a eu un mot presque digne de « guitry
00:17:56».
00:17:57On venait de l'opérer à la suite d'une de ses rudes batailles et on lui avait greffé
00:18:01un petit tendon, un petit ligament et à son réveil, il dit « Mais ce ligament, où
00:18:07est-ce que vous l'avez trouvé ? »
00:18:08On lui a dit « Vous êtes robuste, à m'aider, vous avez beaucoup de courage, eh bien, on
00:18:12va vous le dire, on l'a prélevé sur un mort.
00:18:14»
00:18:15Et à ce moment-là, Amédée a dit « J'espère que vous ne l'avez pas tué pour moi ».
00:18:18Eh bien, je pense que c'est tout à fait digne de Sacha Domenek.
00:18:22Bon, il ne nous reste plus qu'à souhaiter à l'équipe de France de, comment dirais-je,
00:18:26de nous donner beaucoup de plaisir le samedi prochain à Murefil, en Écosse, et bien en
00:18:3130 secondes pour parler d'un livre qui vient de sortir, mais alors vraiment qui vient de
00:18:35sortir il y a quelques jours à peine, c'est le Guide Solar du Rugby.
00:18:39Je crois que pour le qualifier, le définir, on pourrait dire que c'est un passeport pour
00:18:44la planète du rugby, quelque chose comme ça.
00:18:46Exactement, il est très complet.
00:18:48Merci beaucoup.
00:18:49Eh bien, je crois que nous allons arriver avec Marc Ullmann à Robert Aron, qui vient
00:18:58parler de son livre « Le socialisme français face au marxisme ».
00:19:03Marc Ullmann.
00:19:04C'est ça, Marc Ullmann.
00:19:05Robert Aron est un historien, un historien de l'occupation, un historien des religions
00:19:11et un historien du socialisme.
00:19:13Son dernier livre, en effet, traite du socialisme.
00:19:16Son titre, comme vous l'avez dit, est « Le socialisme français face au marxisme ».
00:19:19Et il a été publié chez Grasset.
00:19:22Pour parler avec Robert Aron du socialisme, nous avons la chance ce soir d'avoir François
00:19:27Mitterrand, qui est orfèvre en la matière, puisqu'il est secrétaire général du Parti
00:19:31Socialiste.
00:19:32Et je voudrais néanmoins commencer par l'auteur en demandant à Robert Aron de nous retracer
00:19:39un petit peu les circonstances, qui sont un petit peu celles même du drame qu'il
00:19:43décrit dans son livre, puisque c'est un peu le divorce d'un socialisme à la française
00:19:47face à la pensée marxiste, quelles ont été les circonstances de la rupture entre Proudhon
00:19:52et Marx ?
00:19:53Oui, notez qu'il ne s'agit pas tellement d'un divorce.
00:19:55Il s'agit plutôt d'une sorte d'incompatibilité d'humeur qui dure, je crois, depuis un siècle
00:20:01et un quart, depuis 125 ans.
00:20:03Ça fait 125 ans que les deux branches du socialisme, enfin la branche d'inspiration
00:20:08française et la branche d'inspiration allemande, d'inspiration marxiste, peuvent avoir des
00:20:13moments de rencontres, peuvent avoir des moments d'accords, mais ne sont jamais longuement
00:20:20en sympathie l'une avec l'autre.
00:20:23C'est le moins à mon avis.
00:20:25Vous me contredirez peut-être tout à l'heure.
00:20:27Mais je crois en effet qu'il y a un moment qui est extrêmement important, c'est celui
00:20:32auquel vous faisiez allusion, c'est la rupture entre Proudhon, qui était le leader du socialisme
00:20:40français au 19e siècle, et Marx, qui représentait le leader de la pensée socialiste allemande.
00:20:47C'est une rupture qui n'a pas eu de grande apparence sur le moment.
00:20:54C'est un des faits de l'histoire qui valent plutôt par leurs conséquences que par leurs
00:20:58manifestations momentanées.
00:21:00Depuis plusieurs mois, peut-être même depuis un an ou deux ans, Marx, expulsé d'Allemagne
00:21:10pour ses idées, vivait en France, vivait à Paris.
00:21:13Et là, il avait fait la connaissance de Proudhon et les deux grands penseurs socialistes s'étaient
00:21:22très très bien entendus.
00:21:23Je ne dis pas qu'ils s'étaient d'accord sur tous les points, ce serait un peu excessif.
00:21:27Quand il parle des dialectiques, par exemple, ils n'étaient pas du même avis, mais enfin,
00:21:30on peut peut-être s'estimer sans être d'accord sur la dialectique, et Marx a dit à ce moment-là
00:21:36de Proudhon que c'était le penseur le plus hardi du socialisme français, et quand Proudhon
00:21:44rappelait ou lançait son fameux slogan, la propriété c'est le vol, il est certain que
00:21:49Marx était très content.
00:21:51Donc, ils ont rompu en quoi, en quelles circonstances ?
00:21:54Mais ils ont rompu à la suite d'un échange de lettres, c'est-à-dire qu'en mai 46, Marx
00:22:01avait été autorisé à y retourner en Allemagne, le décret de banishment qui l'avait envoyé
00:22:06en France arrivait à expiration.
00:22:09Alors, une fois revenu en Allemagne, il a voulu fonder ce qui dans son esprit devait
00:22:14aboutir à la Première Internationale, c'était une société d'éducation populaire, et il
00:22:21a demandé par lettres à Proudhon s'il voulait être son correspondant en France.
00:22:26Alors là, nous avons la réponse de Proudhon qui est extrêmement nette, je cite de mémoire,
00:22:30par conséquent les termes ne sont-ils pas les mêmes, enfin l'esprit j'en suis sûr,
00:22:35c'est-à-dire qu'il ne pouvait pas être son correspondant, parce qu'une société d'éducation
00:22:40populaire dans l'esprit de Marx, ça voulait dire une société qui apprenait aux prolétaires
00:22:46à penser comme Marx, à retrouver la pensée de Marx.
00:22:51C'est exactement le mot dont s'utilise Proudhon, un indoctrinement, et que Proudhon se refusant
00:22:56à tout indoctrinement, considérant que toutes les choses devaient être dites et pensées
00:23:04avec liberté, et disait-il même avec ironie, Proudhon se refusait à être le correspondant
00:23:12de Marx.
00:23:13Par conséquent la rupture n'a pas eu lieu sur une question de philosophie, sur une question
00:23:16même proprement politique, c'était sur une question d'attitude humaine, le problème
00:23:20de la liberté.
00:23:21Mais vous-même, il transparaît bien de votre livre, que vous préférez Proudhon à Marx.
00:23:25Est-ce que vous croyez que Proudhon aurait, si vous voulez, conduit un mouvement qui aurait
00:23:29eu autant de conséquences politiques qu'elle a été Marx ? Pourquoi est-ce que vous préférez
00:23:33Proudhon ?
00:23:34Je préfère Proudhon parce que, pour la même raison, si vous voulez, qu'il fait, pour
00:23:39employer un vocabulaire autre, c'est le vocabulaire pascalien, que je préfère l'esprit de finesse
00:23:45et l'esprit de géométrie.
00:23:46Parce que Proudhon était justement un homme qui ne se fermait dans aucun système.
00:23:50Proudhon était un homme qui avait par-dessus tout le respect de la liberté et aussi de
00:23:59la liberté non seulement pour les hommes mais pour les communautés humaines.
00:24:02C'était quelqu'un dont la conception de ce que nous appellerions maintenant politique
00:24:10étrangère, politique extérieure, était à l'opposé de tout ce qui était nationalisme.
00:24:16Et on peut dire qu'en 1860, au moment où s'est joué, en somme, l'avenir de l'Europe
00:24:22par la constitution en états nationaux des deux pays qui n'étaient pas encore formés
00:24:26de l'Allemagne et de l'Italie, Proudhon, contrairement à Marx d'ailleurs, a absolument
00:24:31compris ce qu'il allait se passer et il a dit, textuellement, si l'Italie se forme
00:24:36sous une forme nationaliste, sous une forme militaire, elle connaîtra un esclavage comme
00:24:43elle n'en a pas connu depuis le César.
00:24:44François Mitterrand, est-ce que vous partagez l'enthousiasme de Robert Aron sur Proudhon?
00:24:49Je voudrais dire d'abord que ce livre, c'est un livre anti-Marx.
00:24:54C'est un livre anti-Marx, tout ce qui concerne non seulement Proudhon mais tous les socialistes
00:25:00français est magnifié, d'ailleurs au bénéfice d'une analyse très précise, très sérieuse
00:25:08et tout ce qui touche Marx, en dehors d'une sorte de remords à la conclusion, vise à
00:25:14démontrer que non seulement il s'est trompé mais aussi qu'en se trompant il a fait beaucoup
00:25:18de mal.
00:25:19Le titre même du livre indique bien le socialisme français face à Marx.
00:25:24Je crois que si l'on veut dire l'histoire du socialisme français depuis Proudhon et
00:25:29Marx, il faudrait davantage écrire le socialisme français et Marx ou bien le socialisme français
00:25:36avec Marx.
00:25:37La dominante du socialisme français aujourd'hui c'est tout de même Marx.
00:25:40On peut dire que c'est fâcheux, c'est une autre affaire, nous n'avons pas le tendant
00:25:44à discuter.
00:25:45Mais en fait la dominante, l'influence principale est marxiste, le parti socialiste actuel n'est
00:25:49pas un parti marxiste, il n'y a pas de doctrine marxiste, aucune obligation d'être marxiste,
00:25:56la teneur principale l'est.
00:25:58Mais le courant proudhonien, le courant du socialisme sensible, l'esprit de finesse,
00:26:04le goût de la liberté, le refus d'accepter le mécanisme d'une histoire écrite à l'avance
00:26:13par le seul commandement des faits sur le comportement psychologique ou sur la valeur
00:26:17des hommes, représenté davantage évidemment par le socialisme français, n'est pas non
00:26:22plus oublié par le socialisme d'aujourd'hui.
00:26:24Et ce qui est très intéressant dans votre livre, si vous n'abordez pas la synthèse,
00:26:29si vous vous en tenez à la thèse ou bien à l'antithèse, et d'ailleurs là-dessus
00:26:33Proudhon aurait des choses à dire, ce qui est certain c'est que, en bref, vous vous
00:26:39consacrez le divorce et vous choisissez Proudhon comme représentant de la liberté, de l'esprit,
00:26:46tandis que Marx serait le représentant d'une tyrannie nouvelle.
00:26:48Alors ça je trouve cela excessif, surtout quand je me souviens que lorsque Hugo avec
00:26:54ses députés, en résistant, si j'ose dire, de 1851 au moment du coup d'état du 2 décembre,
00:27:02rencontre Proudhon sur un pont de Paris, il lui dit alors qu'est-ce qu'on fait ? Proudhon
00:27:06lui dit, grosso modo, je ne cite pas exactement, mais la citation est exacte, il dit, faites
00:27:11ce que vous voulez, moi je regarde passer, c'est-à-dire que votre Proudhon très libéral
00:27:17a parfaitement supporté le second empire.
00:27:18Puisque vous en êtes à un point d'histoire, il y a une chose qui m'a beaucoup frappé
00:27:23dans le livre de Renvé Raron, c'est l'analyse qu'il fait de la commune.
00:27:26Oui, notez que d'abord je voudrais dire une chose à François Mitterrand, c'est que je
00:27:31ne pense pas être aussi hostile à Marx qui le dit, simplement je distingue, ce que d'ailleurs
00:27:37je ne suis pas seul à faire, ce que des marxistes commencent à faire aussi maintenant, différents
00:27:41aspects de la pensée de Marx, ou différentes phases de la pensée de Marx.
00:27:44Il y a beaucoup de variations dans sa pensée.
00:27:45Il y a beaucoup de variations.
00:27:46Beaucoup de variations.
00:27:47Et alors là, vous semblez peut-être réenfourcher un peu mon dada, mais je crois qu'on peut
00:27:52dire que dans la pensée de Marx, il y a des phases proudhoniennes, justement.
00:27:56Sans aucun doute.
00:27:57Il y a des phases fédéralistes, il y a dans sa condamnation initiale de la commune, puis
00:28:05ensuite dans son ralliement, dans son explication, il est certain qu'il y a des accents proudhoniens.
00:28:11Et également dans ses œuvres de jeunesse, après tout l'idéalisme de Marx est à cette
00:28:19époque la marque également principale d'une œuvre qui va soudain virer, peut-être sous
00:28:24l'influence de Hegel.
00:28:25Enfin, c'est également trop long à expliquer, mais il est certain qu'il y a plusieurs ruptures
00:28:29de ton dans l'œuvre et dans la pensée de Marx.
00:28:31Vous allez néanmoins jusqu'à parler, pour en venir à la commune, de la falsification
00:28:35marxiste de la commune.
00:28:36Je pense.
00:28:37C'est bien ce que vous dites.
00:28:38Je pense, oui.
00:28:39Je pense.
00:28:40Et alors là, pour des raisons de fait, c'est que la commune de Paris est un mouvement où
00:28:48les marxistes pratiquement n'ont pas joué de rôle.
00:28:50Je crois qu'au comité central, il y avait en tout et pour tout trois marxistes qui n'étaient
00:28:53pas des types de premier ordre et que la position de Marx à ce moment-là, telle qu'on l'a
00:29:00trouvée dans sa correspondance et qui s'est manifestée au fond par son inactivité pour
00:29:06aider les communards, cette position était une position hostile.
00:29:09Ce que Marx a vu dans la commune, il a d'abord condamné.
00:29:13Il l'a condamné, mais il l'a condamné pour des raisons très graves, pour des raisons
00:29:15du système, justement, parce qu'en condamnant la commune, il condamnait la chance qu'avait
00:29:22le socialisme français de l'emporter sur le socialisme marxiste.
00:29:25Il l'a dit.
00:29:26Il l'a dit.
00:29:27Il l'a écrit dans une lettre qui ne destinait pas à la publication, mais qui quand même
00:29:31a été publiée.
00:29:32Absolument.
00:29:33Alors là, je trouve ça extrêmement grave et puis ça nous rappelle quand même beaucoup
00:29:36de choses.
00:29:37Beaucoup d'autres mouvements qui étaient des mouvements, disons, de liberté, de libéralisme,
00:29:44qui n'ont pas été soutenus toujours par les mouvements marxistes parce que c'était
00:29:47une concurrence.
00:29:48Il est vrai, n'est-ce pas, que ce qu'on pourrait appeler le message de la commune
00:29:52ne peut pas être la propriété du marxisme et par voie de conséquence, disons, du communisme
00:29:56international.
00:29:57Il est même pas du marxisme.
00:29:58Vous êtes d'accord là-dessus ?
00:29:59Mais il y a...
00:30:00Je voudrais terminer cette phrase simplement en disant, mais cette commune-là, dont les
00:30:05défauts sont évidents, dont les échecs politiques sont notoires, malgré tout, la
00:30:10tradition communarde a été... fait partie alors de l'héritage socialiste, proprement
00:30:15dit.
00:30:16Sur le plan de l'enseignement, par exemple, sur le plan d'une certaine notion de l'État.
00:30:20Il est certain que nous sommes, nous socialistes, davantage les héritiers de ce qu'il y a de
00:30:24meilleur dans la commune que ne peut l'être le communisme marxiste qui a aussi ses lettres
00:30:30de noblesse, mais qui sur ce plan-là était en effet tout à fait à côté.
00:30:33Oui.
00:30:34Et bien à un moment donné, c'est contre.
00:30:35Oui, à un moment donné, c'est contre.
00:30:36Alain Decaux, vous avez une opinion sur le point ?
00:30:38Je crois en effet qu'il n'y avait très peu de marxistes dans la commune, je ne suis pas
00:30:41tout à fait d'accord avec Robert Aron sur la qualité de ces marxistes, parce que tout
00:30:45de même un homme comme Varlin est un homme de très grande qualité, c'est un homme dont
00:30:48on ne peut pas taire la grande valeur.
00:30:51Et je crois qu'il est logique, malgré tout que les marxistes se disent des héritiers
00:30:56de la commune, quoique la commune n'ait pas été marxiste, parce que fatalement il y a
00:31:00un héritage révolutionnaire de la commune, et si on suit l'histoire, alors il ne s'agit
00:31:04plus là des théories, mais des faits, il se trouve que le socialisme français est
00:31:07devenu, dès la fin du 19e siècle, un socialiste marxiste.
00:31:11Or ces socialistes qui étaient jeunes sous la commune ont donc pris parti pour la commune,
00:31:16pour la plupart d'entre eux, et se sont trouvés par la suite dans le mouvement marxiste avec
00:31:19leurs souvenirs de la commune.
00:31:21C'est donc un déroulement très logique des faits.
00:31:24C'est pourquoi, à l'heure actuelle, la tentative du socialisme français consiste
00:31:29précisément à tenter de faire la jonction entre ces deux traditions.
00:31:32C'est vrai que c'est Marx qui représente l'apport essentiel, mais c'est vrai qu'il
00:31:37lui manque, surtout lorsqu'on a vu les derniers mouvements de 68, après une explication magistrale
00:31:44d'un mouvement historique et l'application d'une dialectique dont il faut dire qu'elle
00:31:48représente tout de même un monument de l'esprit et un monument de l'histoire, ce qui est certain
00:31:53c'est qu'il manque quelque chose, et ce quelque chose c'est qu'une fois qu'on a créé la
00:31:57société socialiste, si j'ose dire qu'est-ce qu'on en fait sur le plan même, la libération
00:32:02est atteinte, mais est-on aussi atteint les sources de l'homme, les véritables sources
00:32:06de l'homme.
00:32:07Et la tradition proudhonienne, et beaucoup d'autres encore, font partie de l'héritage
00:32:12socialiste que nous essayons de réconcilier avec le marxisme.
00:32:14Je vous demande pardon, Robert Haron, parce que François Mitran, l'ancien élu, m'a
00:32:19dit qu'il aimait...
00:32:20Je lui ai demandé quel livre vous avez lu ces temps-ci, en dehors du livre de Robert
00:32:23Haron, bien sûr.
00:32:24Il m'a dit qu'il avait lu le livre qui s'appelle René Lesse, de Victor Ségalen, et qui est
00:32:28une réédition, c'est juste un livre qui a été publié juste après la guerre de
00:32:311914, et qui a été réédité chez Gallimard.
00:32:35Et ce qui m'a frappé, c'est que ce livre donc, qui date maintenant de pas mal d'années,
00:32:40est un livre que les gens relisent actuellement, Max-Paul Fouchier en a même parlé ici il
00:32:44y a quelques semaines, brièvement, et je lui ai demandé à François Mitran ce qu'il
00:32:49trouve de moderne dans ce livre, pourquoi est-ce qu'il lui a plu.
00:32:52D'abord, vous m'avez posé la question.
00:32:54Quel livre ? Bon, c'est très arbitraire, comment faire ?
00:32:59Eh bien, j'ai choisi parmi mes dernières lectures, et celle-ci m'a beaucoup frappé.
00:33:02D'abord, parce que j'ai trouvé que Ségalen avait, écrivant un livre au moment de la
00:33:08guerre de 1914-1918, le publiant en 1922 avait un ton moderne, il écrit comme écriraient
00:33:15des auteurs modernes, et beaucoup mieux à mon avis que certains que l'on dit modernes
00:33:19ou d'avant-garde.
00:33:20Le ton, par exemple, le ton de Ségalen est infiniment plus moderne que celui de Malraux.
00:33:26Et, d'autre part, une certaine liberté, pas d'éloquence factice, il va directement
00:33:33à l'explication, sans oublier cependant ni la couleur, ni le style, ni l'image.
00:33:38Alors ça, c'est déjà très frappant.
00:33:40Après tout, être d'un demi-siècle en avance sur son temps, c'est pas mal quand on écrit.
00:33:43Deuxièmement, le décor, c'est la Chine, c'est la Chine de Pékin.
00:33:47La Chine est à la mode, à l'époque, certes, n'est pas oubliée, elle représente même
00:33:53dans l'œuvre de Ségalen une sorte de personnage mystérieux, c'est peut-être le personnage
00:33:56principal de Ségalen, c'est le personnage principal de son roman.
00:34:00Alors, c'est intéressant pour ceux qui vivent aujourd'hui de voir comment on pensait à
00:34:04la Chine au début de ce siècle.
00:34:06Et puis, ce qui est encore plus intéressant, c'est la façon dont procède Ségalen pour
00:34:10poser le personnage qui s'appelle René Leys, qui est un jeune homme belge, d'origine belge,
00:34:15qui lui apprend le chinois.
00:34:16C'est un jeune homme apparemment assez banal.
00:34:19Et Ségalen, tout d'un coup, en fait un personnage extraordinaire.
00:34:23Pourquoi ? Parce que Ségalen veut savoir ce qui se passe à l'intérieur du palais impérial.
00:34:26Alors, il questionne constamment ce jeune belge qui a, semble-t-il, ses entrées, on
00:34:32ne sait pas exactement comment, à l'intérieur du palais impérial.
00:34:34Alors, peu à peu, on apprend que ce jeune belge, professeur de chinois, fils d'un épicier
00:34:40belge à Pékin, non seulement peut entrer au palais impérial, mais encore appartient
00:34:47à la police de l'impératrice, mais encore est le chef de la police, évite deux ou trois
00:34:52attentats contre le régent, est l'amant de l'impératrice, bref, tous les secrets, il
00:34:59les connaît.
00:35:00Ça se déroule, et puis finalement, on aperçoit qu'il s'agit d'un cas de mythomanie et que
00:35:05René Leys, en réalité, n'est peut-être jamais entré au palais impérial.
00:35:07Alors, quelle est la réalité de ce livre ? C'est que c'est Ségalen qui a fabriqué
00:35:12le personnage du jeune belge et qui, passionné par les questions qu'il lui posait, a fabriqué
00:35:18l'histoire de René Leys.
00:35:19C'est l'auteur en quête de personnages.
00:35:20Alors, c'est l'auteur en quête de personnages, et c'est encore une démarche très moderne,
00:35:23même quelquefois exagérément moderne, puisque beaucoup de romanciers oublient de nous écrire
00:35:28une oeuvre pour essayer de s'interroger et de se raconter eux-mêmes, plutôt que leurs
00:35:33héros, pour leurs lecteurs, ce qui est souvent, d'ailleurs, moins intéressant.
00:35:36Le fait que Ségalen, à cette époque, ce médecin breton qui est mort jeune, c'est
00:35:42un des quelques voyages qui est resté ignoré, au fond, pendant très longtemps, du grand
00:35:45courant littéraire, ait pu, à la fois, avoir un style et un ton moderne, choisir
00:35:50un sujet moderne et, d'autre part, traiter les relations du personnage et de l'auteur
00:35:55d'une façon moderne, je pense que ça valait d'être retenu lorsque vous m'avez posé
00:35:59la question, quels livres choisissez-vous pour en parler ?
00:36:01Vous avez passé parfait l'examen de Leys, vous êtes très, très éloquent sur le sujet.
00:36:06Je ne sais pas si je suis, mais ça m'a beaucoup intéressé.
00:36:09Visiblement, ça vous a intéressé.
00:36:11Merci, François Mitterrand.
00:36:12Merci, Robert Aron aussi.
00:36:15Il est rare qu'Italique vous parle d'auteur de théâtre et pourtant, nous en avons envie.
00:36:20On prend une occasion, on saisit une occasion, qui est l'entrée de Roland Dubillard à
00:36:26la comédie française, en fait, par une petite porte, puisque dans quelques jours, la comédie
00:36:31française consacrera une soirée au théâtre de Roland Dubillard.
00:36:35Et mon Dieu, pour notre plaisir et je l'espère pour le vôtre, nous avons décidé de vous
00:36:40montrer un sketch écrit par Roland Dubillard et joué par Jacques Sellers.
00:36:55Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs.
00:37:05Le concert que nous vous proposons d'écouter ce soir et qui, rappelons le, vous sera directement
00:37:09transmis en direct depuis la salle du Purgatoire de Kammenberg, a été enregistré il y a un
00:37:14peu plus d'un mois lors du festival qui fut donné en cette ville à l'occasion du second
00:37:18centenaire de la première communion du grand compositeur autrichien Sigmund Freud.
00:37:24Le monde entier célèbre aujourd'hui solennellement le onzième cinquantème anniversaire de la
00:37:30naissance de son glorieux grand-père, le peintre et compositeur borgne Jean-Sébastien
00:37:35Lavergne, mort, on le sait tragiquement, il y a un peu plus de huit mois, entre les mains
00:37:40criminels d'un vieil artisan du Faubourg Saint-Antoine.
00:37:44Ce concert, entièrement consacré à des œuvres de celui que l'on a surnommé à juste titre,
00:37:49semble-t-il, L'Enfant Divin, commencera par une œuvre de Jean-Sébastien Lavergne.
00:37:55Semble-t-il, L'Enfant Divin commencera par une œuvre de celui-ci.
00:38:01Œuvre monumentale, oui, mais comme l'écrit pertinemment le critique auquel nous empruntons
00:38:06ces quelques lignes, le compositeur belge de renommée mondiale, Merselis Verlan, dont
00:38:13l'épouse est familière à tous ceux qui, de près ou de loin, se sont intéressés à elle.
00:38:20Œuvre monumentale, poursuit l'éminent musicologue, oui, sans doute, mais pas seulement monumentale.
00:38:25L'opus 54, classé 437 pistes dans le catalogue Köchel, occupe dans l'œuvre de Sigmund Freud
00:38:31une place de toute importance. Composée pour hautbois, clavecin, orchestre à cordes et
00:38:37quatuor à pétrole, elle marque comme d'un caillou, aux facettes exceptionnellement multicolores,
00:38:42le tournant qui, de la première manière, du génial musicien, nous mène directement
00:38:47à la huitième, en passant d'un seul bond par-dessus toutes les autres.
00:38:52En effet, on y trouve à la fois l'allure d'une sautière qui caractérisait déjà
00:38:56les créations de son adolescence bouillonnante, notamment la fameuse pizza napolitaine pour
00:39:02flûte à bec et instruments à hanches, dite concert aux anchois, dont la grâce souriante
00:39:07se retrouve presque mot pour mot dans les deux mesures initiales de cet opus 54 que
00:39:12vous allez entendre. Dans ces deux mesures, confié non plus au tambour à hanches, mais
00:39:18audace toute nouvelle, au marteau et au violon, l'un détruit en l'autre. Et en même temps,
00:39:23on y trouve l'annonce des grands chefs-d'oeuvre de la maturité. Tant au point de vue rythmique,
00:39:29en effet, qu'au point de vue mélodique, tant au point de vue orchestral, qu'au point
00:39:33de vue du confort des exécutants, l'opus 54 représente, pour ainsi dire, le germe
00:39:38avant-coureur du requiem pour archer seul le dernier soupir de cette grande âme. On
00:39:43remarquera à cet égard, et plus particulièrement, le fameux lamentabilé du troisième mouvement,
00:39:48l'ad libitum du quatrième, et dans ce même quatrième mouvement, la vingt-huitième
00:39:53double croche en partant de la droite, double croche dont Richard Wagner a dit « j'aurais
00:39:59aimé l'écrire », et qui annonce curieusement Mendelssohn. C'est en mi-1998, poursuit
00:40:06M. Mercelis-Verlant, que le jeune Sigmund composa cette symphonie opus 54 que Schell
00:40:11437 bis pour hautbois, clavecin bien trempé, orchestre à cordes, équateur à pétrole.
00:40:16Il était alors âgé de neuf mois et il résidait à la cour de l'archiduc d'eau froide dans
00:40:21ses jardins enchantés que Goethe, l'immense Goethe, traversera bien souvent, la plume
00:40:26à la main, le regard pensif au bras du sévère Eckermann, parmi les grondements d'une révolution
00:40:32française déjà lointaine. Car, entre autres grondements, revient dans cette symphonie
00:40:38comme un leitmotiv inlassablement répété par le quatuor à pétrole, le grondement
00:40:43pathétique d'une petite chienne, d'une levrette dont on ne sait pas très bien à
00:40:47qui elle appartenait, sinon à Marie-Antoinette, du moins à l'une de ses suivantes. Certains
00:40:52exégètes n'ont pas hésité à faire intervenir, dans cette histoire déjà bien lourde de
00:40:58levrettes, le nom et la mémoire d'André Chénier. La symphonie levrette de Sigmund
00:41:04Freud, qui vous sera donnée ce soir dans le cadre du festival de Bidibim, Bidibim,
00:41:08sera exécutée par l'orchestre psychanalytique de Butte en Blanc, sous la direction de Jacques
00:41:12Lacan, avec le concours du quatuor à pétrole des usines Renault et les solistes du Purgatoire
00:41:17National, Eugène Labelle, au bois, et Madame Armand Armins, de l'Armergle, au clavecin
00:41:21bien trempé. Alors, 41 mouvements, par ordre alphabétique, Ariette, Ballade, Ballet, Barcarolle,
00:41:29Verseuse, Bourrée, Branle, Canon, Cantate, Caprice, Cavatine, Chaconne, Comédie lyrique,
00:41:34Concerto, Courante, Élégie, Entrée, Fantango, Fanfare, Finale, Fugue, Gaillarde, Gavotte,
00:41:39Gigue, Marche, Mazurka, Messe, Morceau, Motet, Ouverture, Passacaille, Pavane, Polonaise,
00:41:44Polka, Prélude, Prestissimo, Manontropo, Rigaudon, Sarabande, Sonate, Tango et Variations.
00:41:52Va y dé, va y être, va y être.
00:42:01Der Gunzer, Bussner, Retrieppumus, Kukuner, Fils-Bubi, Kaepis, Miss Moulimos, Toubi et
00:42:07Arnir, Terriote, Direct, Bas, Salle, du Purgatoire de Camembert, Ron Gogo, Amon, Enregistrateur,
00:42:13Furiette, Innocas, Debeur, Santeriter, Meuchter, Magnus, Ostreken, Kompostrins, Sigmund Freud,
00:42:18Tuspis, Pointico, Antigromidou, Riemann, Insankantiritirumusch, Urioupitur, Olalane, Papa, Jean-Sébastien,
00:42:25Caverne...
00:42:33C'était Jacques Sellers, lisant, jouant Roland Dubillard.
00:42:39Nous allons passer maintenant à l'astrologie.
00:42:41Et nous avons invité une héroïne, Françoise Hardy.
00:42:47En effet, Françoise Hardy est un peu le point de départ d'un livre écrit par Jacques Sadoul,
00:42:53qui est avec nous ce soir, et qui est publié par De Noël, qui s'appelle L'énigme du Zodiac.
00:42:58Françoise, est-ce que vous pouvez nous dire comment vous vous êtes retrouvée dans cette affaire ?
00:43:04J'ai rencontré Jacques Sadoul à propos d'un ouvrage qu'il avait écrit sur l'alchimie.
00:43:09Et nous avons discuté un petit peu d'astrologie,
00:43:14parce que j'étais étonnée qu'il ne se soit jamais penché sur ce problème, sur ce sujet,
00:43:19étant donné que ça me paraît assez...
00:43:21Vous vous intéressez à l'astrologie ?
00:43:23À l'astrologie, oui. A l'alchimie, je m'y suis intéressée à l'époque, très peu.
00:43:28L'astrologie, c'est beaucoup plus... ça m'intéresse davantage.
00:43:32Oui, je crois que l'astrologie, maintenant, est une sorte de passion.
00:43:35Vous m'avez vous dit, en tout cas.
00:43:38Jacques Sadoul, l'énigme du Zodiac.
00:43:41On ouvre votre livre, on tombe sur une introduction,
00:43:46qui est la suivante.
00:43:48Je n'ai jamais cru à l'astrologie.
00:43:50Les horoscopes de presse ne m'indignaient même pas.
00:43:52Je me contentais de tourner la page sans les voir.
00:43:58L'astrologie, vous n'y croyez pas ?
00:44:01Il m'est difficile de répondre par oui ou par non.
00:44:04Finalement, la genèse de ce livre a été celle qu'a racontée Françoise,
00:44:08et à la suite de cette discussion avec elle,
00:44:11j'ai appris, par curiosité, les règles générales de l'astrologie,
00:44:15et j'ai monté son thème astral,
00:44:17c'est-à-dire la carte du ciel qui sert à faire l'horoscope.
00:44:20Puis j'ai demandé rendez-vous à une dizaine d'astrologues en renom,
00:44:24et je leur ai soumis ce thème, présenté de façon anonyme.
00:44:27Ils ont tous accepté de l'interpréter,
00:44:30j'ai enregistré au magnétophone leur déclaration,
00:44:33et, chaque fois, je suis allé les montrer à Françoise
00:44:36pour lui demander ce qu'elle en pensait.
00:44:38Alors, finalement, que penses-tu de ce test ?
00:44:41Moi, je pense qu'il est positif, entièrement.
00:44:44Tu t'es donc reconnue dans toutes les interprétations ?
00:44:47Oui, et puis, ce que je pense surtout qui est important,
00:44:50c'est que toutes les interprétations
00:44:52coïncidaient plus ou moins avec certaines différences.
00:44:55Oui, ça, c'est normal, parce qu'ils appliquaient tous les mêmes règles.
00:44:58Il est donc normal que les interprétations se correspondent.
00:45:01Ce qui l'était moins et moins prévisible,
00:45:03c'est qu'elles soient en presque totalité exactes.
00:45:06Oui.
00:45:07Or, tu estimes bien que cela te correspondait, cela te ressemblait.
00:45:10Ah oui, oui.
00:45:12Est-ce que Françoise Hardy est forcément la personne la mieux placée pour juger ?
00:45:17Je la connais quand même, j'ai appris à la connaître,
00:45:19et je peux y garantir que cela lui ressemblait énormément, d'autant plus...
00:45:22Non, mais, par exemple, je t'interromps,
00:45:24parce que, par exemple, c'est pas la question de se reconnaître ou pas,
00:45:26mais il y a des faits très concrets que tous ont retrouvés.
00:45:28Tout le monde a retrouvé, par exemple,
00:45:30j'aurais peut-être pas parlé de ces choses-là,
00:45:32un problème que j'ai eu dans ma toute petite enfance.
00:45:35Oui, c'est parfaitement exact.
00:45:37C'est un fait précis que tous les astrologues ont découvert.
00:45:40Dirons-nous que les plus forts ont indiqué exactement la réalité du fait.
00:45:44Les autres l'ont pressenti.
00:45:46À la suite de cela, je me suis intéressé à l'astrologie,
00:45:49j'ai étudié son histoire,
00:45:51et j'ai été amené à écrire ce livre,
00:45:53qu'initialement, je n'avais pas l'intention de faire.
00:45:55Au tout départ, j'avais tout au plus songé
00:45:57à faire cette expérience pour mon usage personnel,
00:46:00puis intéressé à faire un article pour une revue,
00:46:02et finalement, cela a donné un livre.
00:46:04Livre qui a finalement eu une importance pour toi aussi,
00:46:06puisque maintenant, tu prends des cours d'astrologie.
00:46:09Bon, avant de connaître Jacques, je m'intéressais,
00:46:12mais plutôt de loin, à l'astrologie.
00:46:14Il m'a appris à monter un thème,
00:46:16et puis, de fil en aiguille,
00:46:18j'ai lu d'autres livres qu'il m'a fait connaître,
00:46:20et puis, j'essaie de suivre quelques cours,
00:46:23parce que je trouve que c'est un sujet passionnant,
00:46:25qui permet d'aborder des tas d'autres sujets.
00:46:28C'est très, très vaste.
00:46:30Je trouve que c'est dommage
00:46:32qu'on vulgarise l'astrologie autant.
00:46:34Enfin, c'est bien, dans un sens,
00:46:36parce que ça permet de faire connaître,
00:46:38mais la vulgarisation fait connaître mal,
00:46:40et là, c'est ennuyeux.
00:46:42Je crois que même l'ordinateur, aujourd'hui,
00:46:44intervient dans les fabrications de l'astrophyse.
00:46:47Oui, il y a au moins deux organisations rivales,
00:46:49puisqu'il y en a une autre maintenant,
00:46:51il va y avoir un autre ordinaire.
00:46:52Ne citons pas le nom.
00:46:53Non, mais je ne le connais d'ailleurs même pas.
00:46:54Ce que je tenais à dire,
00:46:55c'est qu'il y a beaucoup de livres d'astrologie,
00:46:57et j'ai dans les dons lu 110,
00:46:59avant d'écrire le mien,
00:47:00très exactement 110,
00:47:02et j'ai constaté que tous étaient divisables
00:47:04en deux catégories,
00:47:05ceux qui étaient pour,
00:47:07écrits par des gens ayant la foi en l'astrologie,
00:47:09et ceux qui étaient contre,
00:47:11livres écrits soit par des scientifiques,
00:47:13soit par des membres de l'union rationaliste.
00:47:15Je n'en ai trouvé aucun
00:47:16qui essaye d'exposer objectivement et honnêtement
00:47:19les raisons en faveur de l'astrologie
00:47:21et les critiques qu'on pouvait y faire.
00:47:23Alors c'est précisément...
00:47:24Défense et illustration.
00:47:26C'est quand même écrit par un astronome professionnel.
00:47:28Un astronome professionnel ne peut pas être considéré comme objectif.
00:47:31En qualité de profane,
00:47:33moi j'ai envie de poser une question.
00:47:34Oui, posez-la.
00:47:35Moi j'ai envie de vous dire,
00:47:36il paraît énormément de livres sur l'astrologie,
00:47:40et votre livre, après tout,
00:47:42est-ce que c'est un livre de plus ?
00:47:44En quoi se distingue-t-il de...
00:47:47Un certain nombre de livres qui paraissent...
00:47:49Vous venez de le dire,
00:47:50mais je voudrais que vous aillez plus loin,
00:47:51parce qu'en fait,
00:47:52quand on lit votre livre,
00:47:54on ne sait pas,
00:47:55avec certitude,
00:47:57si vous y croyez vraiment,
00:47:58si vous n'y croyez pas.
00:47:59Je vais essayer de répondre à votre question.
00:48:00J'ai envie que vous soyez un peu plus précis.
00:48:02D'abord, je dirais que ce livre,
00:48:04en grande majorité,
00:48:05a suscité le mécontentement
00:48:07des astrologues professionnels
00:48:09et des astronomes.
00:48:11Étant donné que je les renvoie un peu dos à dos,
00:48:13il y a chez les astrologues
00:48:15un grand nombre de dogmes admis
00:48:17qui sont véritablement non fondés.
00:48:20Il y a chez les astronomes et scientifiques
00:48:23une condamnation a priori de l'astrologie
00:48:26qui n'est pas, elle non plus,
00:48:28extrêmement fondée.
00:48:30Il y a certes des raisons scientifiques
00:48:31de refuser l'astrologie,
00:48:33mais ces raisons sont
00:48:35des raisons négatives.
00:48:37C'est-à-dire, les scientifiques disent
00:48:39que ça ne peut pas marcher.
00:48:40Mais ils ne prouvent pas
00:48:41que l'astrologie ne marche pas,
00:48:42ne donne pas des résultats pratiques.
00:48:44L'astrologie avait été enseignée en France
00:48:46jusqu'à Colbert.
00:48:47C'est lui qui n'y croyait pas,
00:48:48qui, lorsqu'il a créé l'Académie des sciences,
00:48:50a interdit aux astronomes pratiquant l'astrologie.
00:48:53D'accord, Jacques Sadoul.
00:48:54Répondez-moi précisément, s'il vous plaît,
00:48:56si vous pouvez.
00:48:57Vous y croyez ou vous n'y croyez pas?
00:48:59Je peux. Je peux répondre.
00:49:01Je ne crois pas à une partie de l'astrologie,
00:49:04qui est le zodiaque
00:49:05et l'influence des signes du zodiaque.
00:49:07Je crois à l'influence planétaire
00:49:10sur les êtres humains.
00:49:12Est-ce que vous pensez
00:49:13que la popularisation de l'astrologie
00:49:16dans les journaux, dans les ordinateurs,
00:49:19est-ce que vous croyez que c'est une bonne chose?
00:49:21Non, je crois que c'est une très mauvaise chose,
00:49:23étant donné que le thème est une chose très compliquée,
00:49:26strictement personnelle,
00:49:27et que les horoscopes de journaux
00:49:29étant faits pour tout le monde
00:49:30sont forcément purement fallacieux.
00:49:32Françoise Hardy, c'est votre avis?
00:49:34Oui, aussi, et je pense...
00:49:36Enfin, quand on pose la question
00:49:37de croire ou de ne pas croire à l'astrologie,
00:49:40je trouve que c'est un peu absurde
00:49:42parce que l'astrologie, ça existe.
00:49:44Comme tu disais, il y a une influence planétaire
00:49:47qui est évidente.
00:49:48Simplement, on confond souvent l'astrologie
00:49:51avec les astrologues.
00:49:53Oui, ça, c'est vrai.
00:49:54Je crois que ça, ça pourrait être un mot de la fin.
00:49:56En tout cas, je vous remercie beaucoup.
00:49:57Et je me tourne maintenant vers Alain Decaux.
00:50:00Et Alain Decaux vient nous parler de Mandrin.
00:50:04Oui.
00:50:05N'est-ce pas, Alain Decaux?
00:50:08Et il se trouve qu'actuellement,
00:50:10sortent pratiquement simultanément
00:50:12trois livres sur Mandrin.
00:50:13Vous avez choisi l'un d'eux.
00:50:15Il s'agit du vrai Mandrin
00:50:17de Bernard Lesueur que publie...
00:50:20Éditions spéciales.
00:50:21Les éditions spéciales, c'est cela.
00:50:24Et oui, parce que Bernard Lesueur
00:50:26est un homme que je connais depuis longtemps,
00:50:28qui est journaliste,
00:50:30qui est chef des informations d'un quotidien
00:50:33et qui est passionné d'histoire depuis toujours
00:50:36et qui un beau jour a décidé,
00:50:38comme c'était logique,
00:50:40être journaliste numéro un
00:50:41et ensuite passionné d'histoire,
00:50:43franchir la barrière et écrire un livre d'histoire,
00:50:46c'était fatal.
00:50:47Et il a choisi d'écrire sur Mandrin
00:50:50parce qu'il avait découvert Mandrin
00:50:53sur les lieux, si je vous ai dit.
00:50:56Le hasard d'une enquête l'a amené
00:50:58dans le pays de Grenoble.
00:51:00Et là, il y a un village
00:51:02qui s'appelle Bourg,
00:51:03enfin qui s'appelle Saint-Etienne-de-Saint-Joy.
00:51:05Et vous savez, il y a une plaque
00:51:07à l'entrée de chaque village.
00:51:08Je suppose que c'est la loi qui veut ça.
00:51:10Mais celui-là a une particularité,
00:51:12c'est qu'en dessous de la plaque,
00:51:13on met Patrie de Mandrin.
00:51:15Je ne crois pas qu'il y ait
00:51:16beaucoup de localités en France
00:51:18qui officiellement se placent
00:51:19sous le patronage d'un bandit.
00:51:21Alors quand on avance dans ce village,
00:51:23on va sur la place,
00:51:24alors on s'attend que la place soit
00:51:27la place Sadi Carnot,
00:51:28la place Thiers, hélas,
00:51:30ou encore la place du général de Gaulle.
00:51:32Non, c'est la place Mandrin, n'est-ce pas?
00:51:34Et en dessous, on met bien
00:51:35capitaine général des contrebandiers de France.
00:51:37Alors évidemment,
00:51:38Le Sueur, en bon journaliste,
00:51:39a été très étonné.
00:51:40Il est allé voir les gens.
00:51:41Il est allé à l'épicerie
00:51:43où on lui a vendu des produits
00:51:44qui s'appellent Mandrin.
00:51:45On lui a donné une tarte de Mandrin.
00:51:47Enfin, tout est pour Mandrin.
00:51:49Et il s'est rendu compte
00:51:50que c'est vraiment le héros, le héros.
00:51:51Je pense que Mandrin est plus populaire
00:51:53encore dans ce pays
00:51:54que Jeanne d'Arc et non Rémy, n'est-ce pas?
00:51:56Alors il y a un problème,
00:51:57parce que comment est-ce qu'un bandit
00:51:59devient aussi populaire?
00:52:00Alors c'est le thème du livre de Le Sueur.
00:52:02Et Le Sueur a fait un travail d'historien
00:52:05dans ce sens qu'il est allé dans les archives
00:52:07et qu'il a trouvé
00:52:08beaucoup de documents inédits.
00:52:09Et son enquête est, à mon avis,
00:52:11à ce jour,
00:52:12l'ouvrage le plus sérieux
00:52:13qu'on puisse lire sur Mandrin.
00:52:15Bien.
00:52:16Comment se fait-il
00:52:17qu'on voit tout d'un coup,
00:52:19sur un personnage donné,
00:52:21sortir, comme par miracle,
00:52:22trois ouvrages sur ce personnage?
00:52:26Il y a une actualité, évidemment,
00:52:29qui va être un feuilleton
00:52:32qui va passer,
00:52:33je ne sais plus d'ailleurs, pardon,
00:52:35pour mes amis Sabag et Dordogne,
00:52:36je ne sais plus sur quelle chaîne.
00:52:37Enfin, ça passera fatalement
00:52:38sur l'une des deux chaînes
00:52:39puisqu'il n'y en a que deux.
00:52:41Et à moins qu'il soit reporté
00:52:42sur la troisième,
00:52:43mais je ne pense pas...
00:52:44Je crois qu'il est reporté
00:52:45sur tous ces néguillés.
00:52:46Ah bon?
00:52:47Oui.
00:52:48Comment ça se fait?
00:52:49Parce qu'on a vu des allusions
00:52:50trop évidentes à Gérard Nicot.
00:52:55Je ne le savais pas,
00:52:56c'est une nouvelle.
00:52:57Peut-être la primeur de...
00:52:58Ah oui?
00:52:59Notre ami Albert Vidali
00:53:00qui est mort maintenant.
00:53:01Oui, qui est mort.
00:53:02Et je crois que c'est
00:53:03tout à fait différé.
00:53:04Pour l'instant, du moins,
00:53:05ça m'a qualité rapporté.
00:53:07Écoutez, j'en suis désolé
00:53:09pour Vidali en particulier,
00:53:11pour s'en souvenir.
00:53:12Non, je pense que ça va revenir
00:53:14et ça va planir très, très vite.
00:53:16Alors, évidemment, quand...
00:53:17Vous savez, c'est évidemment,
00:53:18la question est évidemment
00:53:19très, très intéressante
00:53:20parce qu'elle concerne
00:53:22toute l'importance de la télévision
00:53:24qui est capable actuellement
00:53:26d'influencer, disons-le,
00:53:28le marché littéraire.
00:53:29Il est évident que quand
00:53:31Stéglio Lorenzi a fait
00:53:32J'accoue le croquant,
00:53:34vous savez que ce livre
00:53:35dont on devait vendre
00:53:36en cinq ou six exemplaires
00:53:37chez Calman-Lévis,
00:53:38encore ils étaient dans les caves,
00:53:39en disant on va aller voir.
00:53:41Mais tout à coup,
00:53:42tout à coup, on en a vendu
00:53:44je ne sais pas combien,
00:53:45de dizaines de milliers.
00:53:46Ça a dépassé plus de 100 000,
00:53:48peut-être bien plus.
00:53:49Alors, évidemment,
00:53:50les éditeurs,
00:53:51qui sont des gens malins
00:53:52ou qui devraient l'être,
00:53:54flairent ce genre d'occasion.
00:53:56Et fatalement,
00:53:57Sissi délivre ici pour Bernard Le Sueur.
00:53:59Le problème a été différent
00:54:00parce qu'il y a eu une rencontre.
00:54:01Il s'est trouvé que, en effet,
00:54:02il était passionné pour Mandra
00:54:03et que quand il a parlé Mandra
00:54:05à un éditeur,
00:54:06l'éditeur a dit
00:54:07Mandra, ah mais oui, n'est-ce pas?
00:54:09Il a bien fait l'éditeur.
00:54:10Alors là, la rencontre est bonne.
00:54:12Malheureusement, ça n'est pas le cas
00:54:13pour d'autres livres.
00:54:14Je ne parle pas des autres livres
00:54:15sur Mandra.
00:54:16Je connais celui de Bordelove
00:54:17qui est un essai très brillant.
00:54:18Je ne connais pas l'autre.
00:54:19Dont vous parlez.
00:54:20C'est une réédition.
00:54:21Oui, qui est une réédition.
00:54:22Et quelquefois, il faut bien dire
00:54:24que ce genre d'opération
00:54:25n'est pas particulièrement payante
00:54:27ni louable.
00:54:28On fait faire à une vitesse grand V
00:54:30un récit,
00:54:32c'est pas sur un sujet,
00:54:34le résultat n'est pas très bon.
00:54:35Ici, je pense qu'il faut absolument
00:54:37s'éloigner de cette idée.
00:54:39C'est vraiment un ouvrage d'histoire
00:54:41de valeur, de grande valeur.
00:54:43Et en même temps,
00:54:44un problème qui nous intéresse,
00:54:45je crois tous,
00:54:46parce que quand on cherche...
00:54:48Ce qu'a montré, voyez-vous,
00:54:49Bernard Le Sueur,
00:54:50c'est que Mandrin
00:54:51n'est pas vraiment
00:54:52l'homme de la légende.
00:54:53Mandrin, alors que Fonck-Brentano,
00:54:56qui au début du siècle
00:54:57avait écrit à Mandrin,
00:54:58qui reste un ouvrage
00:54:59très sérieux, très valable,
00:55:01mais Fonck-Brentano, mon Dieu,
00:55:03avait été séduit par Mandrin.
00:55:05C'est logique,
00:55:06mais justement, étant séduit,
00:55:07il avait passé sous silence
00:55:08des faits que Le Sueur cite
00:55:10avec beaucoup d'honnêteté
00:55:11qui ne sont pas très brillants
00:55:12pour Mandrin.
00:55:13Parce que, mon Dieu,
00:55:14on se souvient
00:55:15de Mandrin qui va sur la place
00:55:16avec ses bandits,
00:55:17avec ses contrebandiers,
00:55:18et il vend du tabac, n'est-ce pas?
00:55:20Il va vendre son tabac à la ferme,
00:55:22c'est-à-dire aux employés du fisc,
00:55:23qui sont obligés, contraints, forcés.
00:55:25Tout ça, ça nous amuse énormément
00:55:26parce que quand Guignol
00:55:27rosse le commissaire,
00:55:28on est ravi, n'est-ce pas?
00:55:29Puis quand il rosse le fisc,
00:55:30en plus, vous pensez bien
00:55:31qu'on crie bravo.
00:55:33Mais en l'occurrence,
00:55:34on ne cite pas les méfaits
00:55:36de la bande de Mandrin
00:55:38qui ont été vraiment
00:55:39quelquefois sinistres, sinistres.
00:55:41Par exemple, un malheureux paysan
00:55:42et sa femme qui passent,
00:55:43Mandrin leur demande de le guider.
00:55:45Le paysan, c'est pas.
00:55:46On les tue, n'est-ce pas?
00:55:47Ça, ça se passe souvent.
00:55:48Alors, il faut le dire aussi.
00:55:50Mais je pense que c'est le lot
00:55:53de tous ces personnages-là.
00:55:55Quand ils ont plu par un certain côté
00:55:58qui retient, évidemment,
00:56:00on rit, bien sûr.
00:56:02Ça fait rire, Mandrin.
00:56:03Quand l'employé, par exemple,
00:56:06l'employé de la ferme
00:56:08reçoit Mandrin
00:56:09et est obligé d'acheter le tabac
00:56:11et on lui compte,
00:56:12il doit compter la somme exacte
00:56:14au comptable.
00:56:15Il y a même 5 sous en plus
00:56:16des 24 000 livres.
00:56:17On trouve ça...
00:56:18On est amusé.
00:56:19Alors, les malheureux paysans
00:56:20qu'on a tués, on les oublie.
00:56:21Mais je crois que le mérite
00:56:22de Bernard Le Sueur,
00:56:23c'est d'avoir parlé du sourire
00:56:25et aussi du malheureux paysan.
00:56:26Est-ce qu'on connaît l'auteur
00:56:28de la fameuse complainte de Mandrin?
00:56:30Personnellement, non.
00:56:31Bernard Le Sueur, peut-être.
00:56:32Mais ces complaintes,
00:56:33vous savez, en général,
00:56:34c'est assez rare qu'on les connaisse.
00:56:36Ça naît un jour comme ça.
00:56:38C'est comme les musiques.
00:56:39Vous savez que pendant
00:56:40très longtemps,
00:56:41les musiques ont été
00:56:42les mêmes éternellement.
00:56:43On a chanté des centaines
00:56:44et même des milliers
00:56:45de complaintes sur les mêmes airs.
00:56:47Alain Decaux, j'ai envie...
00:56:48Je profite de votre présence
00:56:49parmi nous
00:56:50pour vous poser une question.
00:56:52En fait, l'histoire
00:56:53passionne les Français.
00:56:54Vous êtes bien placé
00:56:55pour le savoir.
00:56:57Et je voudrais que vous
00:56:58m'expliquiez un peu pourquoi.
00:57:01C'est évidemment
00:57:02une question très difficile.
00:57:05J'y ai pensé souvent
00:57:06parce que c'est évidemment...
00:57:08C'est certain que dans le domaine
00:57:09de l'édition, par exemple,
00:57:10l'histoire est un des éléments
00:57:12qui a connu le développement
00:57:14sur le plan, je veux dire,
00:57:15quantitatif.
00:57:16Oui, oui.
00:57:17Oui.
00:57:18C'est extraordinaire.
00:57:19Ah oui.
00:57:20Et puis, il suffit de voir
00:57:21par exemple les revues d'histoire.
00:57:22Il y a tout de même
00:57:23des tirages, vous comprenez.
00:57:24Si vous regardez l'Angleterre,
00:57:26il y a une revue historique
00:57:27qui est bien faite,
00:57:28Story Today,
00:57:29qui doit tirer quelque chose
00:57:30comme 30 000 ou 40 000 exemplaires
00:57:32par mois.
00:57:33En France, nous avons
00:57:344 revues d'histoire
00:57:35qui font 600 000 exemplaires.
00:57:37Il n'y a pas l'équivalent
00:57:38en Allemagne.
00:57:39Il n'y a pas l'équivalent
00:57:40en Italie, l'équivalent nulle part.
00:57:41En Amérique, 600 000.
00:57:42A L4...
00:57:43C'est un phénomène français,
00:57:44l'amour de l'histoire.
00:57:45Et pourquoi ?
00:57:46Et quelle histoire ?
00:57:47Je pense qu'il y a
00:57:50beaucoup de raisons.
00:57:51Il y a le fait, d'abord,
00:57:52que cet amour de l'histoire
00:57:53n'est pas actuel,
00:57:55qu'il a toujours existé en France.
00:57:57N'oubliez pas qu'au 19e siècle,
00:57:59Michelet a été un best-seller
00:58:01au même titre qu'Alexandre Dumas
00:58:03ou que Eugène Su,
00:58:05que même M. Thiers,
00:58:07j'en parle de lui,
00:58:08vous savez que je ne l'aime pas du tout,
00:58:09M. Thiers a tout de même
00:58:10l'accent de l'histoire du consulat
00:58:11et de l'Empire
00:58:12atteint des tirages prodigieux.
00:58:13Il y a donc, en France,
00:58:14un attachement pour l'histoire.
00:58:15Mais je crois,
00:58:16je ne veux pas être méchant
00:58:17pour les romanciers,
00:58:18d'autant plus que
00:58:19ceux qui sont ici,
00:58:20je les aime beaucoup.
00:58:21Mais...
00:58:22Je crois que Paul Guimard
00:58:23a envie de dire quelque chose
00:58:24au sujet.
00:58:25Mais je veux dire simplement
00:58:26un mot.
00:58:27Je crois que les gens,
00:58:28voyez-vous, les Français,
00:58:29aiment bien qu'on leur raconte
00:58:30des histoires.
00:58:31Ils aiment bien,
00:58:33qui a une aventure,
00:58:34à qui il arrive quelque chose.
00:58:35Malheureusement,
00:58:36il y a très peu de romans,
00:58:37maintenant,
00:58:38qui donnent cette satisfaction
00:58:39aux lecteurs.
00:58:40Alors,
00:58:41cette grande masse
00:58:42de lecteurs de romans,
00:58:43en puissance,
00:58:44et qui seraient ravis
00:58:45de retourner aux romans,
00:58:46eh bien,
00:58:47ces lecteurs se dirigent
00:58:48vers une biographie,
00:58:49par exemple,
00:58:50où ils sont sûrs
00:58:51qu'ils vont trouver
00:58:52le personnage au début,
00:58:53naissant dans sa chaumière,
00:58:54et il fera son aventure
00:58:55et mourra à la fin.
00:58:56C'est une explication
00:58:57peut-être simpliste,
00:58:58elle l'est,
00:58:59mais je crois
00:59:00qu'elle a sa valeur.
00:59:01En fait,
00:59:02ce que j'ai tenté de faire,
00:59:03c'est de reprendre
00:59:04votre question à l'inverse,
00:59:05c'est que je me demande
00:59:06pourquoi, en France,
00:59:07on n'a pas plus de goût
00:59:08et un goût plus irrésistible
00:59:10pour tout ce qui est historique.
00:59:12Parce qu'enfin,
00:59:13par exemple,
00:59:14à la télévision
00:59:15ou au cinéma,
00:59:16on sait bien
00:59:17que l'Amérique
00:59:18s'est fait connaître,
00:59:19et Dieu sait
00:59:20de quelle manière,
00:59:21avec une histoire
00:59:22qui est très étroite.
00:59:23C'est finalement
00:59:24des gardiens de vaches
00:59:26qui sont dans
00:59:27une solitude désolée,
00:59:30et ils ont fait
00:59:31des oeuvres extraordinaires.
00:59:33Et nous,
00:59:34on a un éventail
00:59:35fantastique,
00:59:36enfin,
00:59:37de gens,
00:59:38des ruffiants
00:59:39qui citaient Villon
00:59:40ou Louise Labbé
00:59:41ou Charles d'Orléans,
00:59:42et je trouve
00:59:43qu'au contraire,
00:59:44on est très en retrait
00:59:45et très en deçà
00:59:46de la passion
00:59:47qu'on devrait avoir
00:59:48pour cette histoire-là,
00:59:50qui est une histoire
00:59:52de cinéma.
00:59:53Et maintenant,
00:59:54moi, je me demande quand même
00:59:55si la passion
00:59:56de l'histoire de France
00:59:57ne vient pas du fait
00:59:58que l'histoire de France
00:59:59est riche.
01:00:00Oui, bien sûr.
01:00:01Je crois que l'horaire
01:00:02nous presse malheureusement
01:00:03et que nous avons largement
01:00:04débordé celui
01:00:05qui nous était imparti.
01:00:06Je veux donc rapidement
01:00:07vous remercier
01:00:08et remercier
01:00:09les téléspectateurs
01:00:10et leur dire
01:00:11à jeudi prochain
01:00:12pour Italique,
01:00:13merci.
01:00:14Excusez-moi.
01:00:28Sous-titrage Société Radio-Canada

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