Les autistes sont parmi nous, il y en aurait plus de 500 000 en France, leur prise en charge est notoirement insuffisante en France malgré le plan Macron de novembre 2023 concernant un dépistage plus précoce des troubles du neurodéveloppement et des moyens importants pour une meilleure inclusion dans la société. Le terme d'autisme est apparu en 1907, on le doit au psychiatre suisse Eugen Bleuler, observant chez des enfants un repli sur soi pouvant aller jusqu'au mutisme. Décrit alors comme une maladie organique avec perturbation des circuits neuronaux au cours de la vie foetale, cette affection fera l'objet d'une interprétation évolutive au cours du temps. On peut signaler la contribution importante de Bruno Bettelheim décrivant un état d'enfermement concentrationnaire, sa classification anglo-saxonne et neurobiologique comme trouble infantile grave et une approche psychothérapeutique initiée entre autres par Françoise Dolto, Jenny Aubry et Maud Mannoni pour sortir les autistes d'un destin asilaire.Émile Malet reçoit :David Cohen, pédopsychiatre, professeur à l'hôpital de la SalpêtrièrePierre Delion, pédopsychiatre, professeur au CHU de Lille. Raphaël Gaillard, normalien et psychiatre, directeur du pôle hospitalo-universitaire de l'hôpital Sainte Anne. Elisabeth Roudinesco, universitaire, historienne et psychanalyste. Alain Vanier, universitaire, psychiatre et psychanalyste.Présenté par Emile MALETL'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5Et retrouvez aussi tous nos replays sur notre site : https://www.lcp.fr/Suivez-nous sur les réseaux !Twitter : https://twitter.com/lcpFacebook : https://fr-fr.facebook.com/LCPInstagram : https://www.instagram.com/lcp_an/TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_anNewsletter : https://lcp.fr/newsletter#LCP
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NewsTranscription
00:00Générique
00:02...
00:24Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:27l'autisme, accompagnement et soins.
00:30Les autistes sont parmi nous.
00:33Il y en aurait plus de 500 000 en France.
00:36Leur prise en charge est notoirement insuffisante en France,
00:40malgré le plan Macron de novembre 2023
00:44concernant un dépistage plus précoce
00:46des troubles du neurodéveloppement
00:48et des moyens importants
00:50pour une meilleure inclusion dans la société.
00:54Le terme d'autisme est apparu en 1907.
00:57On le doit au psychiatre suisse Eugen Bleuler,
01:01observant chez des enfants un repli sur soi
01:04pouvant aller jusqu'au mutisme.
01:07Décrit alors comme une maladie organique
01:10avec perturbation des circuits neuronaux
01:12au cours de la vie fétale,
01:14cette affection fera l'objet d'une interprétation évolutive
01:18au cours des temps.
01:19On peut signaler la contribution importante
01:22de Bruno Bettelheim,
01:24décrivant un état d'enfermement concentrationnaire.
01:27Sa classification anglo-saxonne et neurobiologique
01:32comme trouble infantile grave
01:34est une approche psychothérapeutique
01:36initiée, entre autres, par Françoise Dolto,
01:40Génie Aubry et Maude Manoni
01:43pour sortir les autistes d'un destin asilaire.
01:46Bref, il y a une approche multiple des autismes
01:51dans leur narratif comme dans la thérapeutique
01:54et que nous allons chercher à explorer
01:56en compagnie de mes invités.
01:59Raphaël Gaillard, vous êtes psychiatre,
02:02directeur du pôle hospitalo-universitaire
02:05de l'hôpital Saint-Anne.
02:07Je rappellerai que vous êtes récemment élu
02:09à l'Académie française
02:11au fauteuil de Valéry Giscard d'Estaing.
02:14Félicitations, cher Raphaël.
02:16David Cohen, vous êtes pédopsychiatre,
02:20professeur à l'hôpital de la Salle Pétrière
02:23et chef de service.
02:25Élisabeth Roudinesco,
02:27vous êtes universitaire, historienne et psychanalyste.
02:31Alain Vannier, vous êtes également universitaire,
02:34psychiatre et psychanalyste.
02:36Pierre Delion, vous êtes pédopsychiatre
02:39et professeur au CHU de Lille.
02:42Musique rythmée
02:45...
02:49Alors, nous avons beaucoup de praticiens hospitaliers.
02:53Donc, la première question qui se pose,
02:56l'autisme est un des curseurs majeurs
02:58de la santé mentale en France.
03:01Que pensez-vous de sa prise en charge,
03:03à la fois en moyens et en contenu ?
03:06David Cohen, allez-y.
03:09...
03:11Sur la question de la prise en charge.
03:14Sur la question de la prise en charge,
03:17qui est une question extrêmement globale,
03:19je voudrais revenir sur votre introduction historique, Emile,
03:23parce qu'en fait, aujourd'hui, ce qu'il faut comprendre
03:27pour avoir une idée de ce qu'est le trouble
03:30du spectre de l'autisme au plan contemporain,
03:33c'est bien d'avoir en tête
03:34qu'il y a eu des modifications, des classifications.
03:38Si vous voulez, à l'époque, on va dire,
03:40historique de Cannaire et d'Asperger,
03:42on était centrés, finalement,
03:44sur des difficultés d'interaction sévères au plan social,
03:49qui restent le coeur de l'autisme,
03:51et également des difficultés de compréhension
03:54de l'environnement sur le plan sensoriel
03:57et des comportements stéréotypés.
03:59Et puis, avec le temps, on s'est rendu compte
04:02qu'il y avait aussi des patients probablement moins sévères
04:06qui avaient aussi une symptomatologie de même nature,
04:09et du coup, dans le DSM-5,
04:11qui est la dernière classification que nous utilisons,
04:14mais également dans la classification française,
04:16les choses ont évolué vers, finalement,
04:19un trouble du spectre de l'autisme
04:21avec des enfants où il y a une certaine hétérogénéité,
04:24et sur cette hétérogénéité, ce qu'on essaie de faire,
04:27c'est de définir quel est le niveau de développement cognitif
04:31des enfants, indépendamment de la présence de l'autisme,
04:34le niveau de développement du langage,
04:36et s'ils ont des pathologies organiques associées,
04:38car il y en a qui sont plus fréquentes
04:41chez les enfants autistes.
04:42Si je me permets de reprendre cette introduction,
04:45c'est qu'on ne peut pas décrire à quel enfant on a affaire
04:48pour parler de la prise en charge.
04:50Parce que la prise en charge, aujourd'hui,
04:53il y a plusieurs axes qui sont des axes un petit peu incontournables,
04:57quel que soit le programme qui soit proposé.
05:00Premier axe, c'est l'individualisation des soins.
05:03C'est pour ça qu'il faut bien décrire les enfants
05:06et leurs difficultés et leurs potentialités.
05:08Deuxième axe, c'est l'intensité des interventions.
05:11La plupart des programmes marchent mieux
05:14s'il y a un certain niveau d'intensité.
05:16Et donc, les programmes intensifs, c'est plusieurs heures par semaine
05:21pour pouvoir aider un enfant à sortir, encore une fois,
05:24de ses difficultés, et accompagner, bien sûr, la famille.
05:27Troisième grande ligne, c'est l'idée
05:30qu'il faut intégrer les parents dans la prise en charge.
05:33C'est loin de la position Bethelheim,
05:35que vous avez rappelée, parce que les parents
05:39sont non seulement des partenaires de la prise en charge,
05:42mais c'est aussi extrêmement important,
05:44d'un point de vue de l'économie familiale
05:47et de l'économie générale de santé,
05:49que les parents aient les bons réflexes
05:52pour que l'enfant, finalement, prolonge les prises en charge
05:56grâce, encore une fois, à des parents
05:58qui sont suffisamment adaptés avec leur enfant en difficulté.
06:02Quand on est parent d'un enfant avec autisme,
06:04on est un parent forcément en difficulté,
06:06car on n'a pas les mêmes stimulations
06:09et les mêmes interactions qu'avec d'autres enfants.
06:12Autre élément déterminant, c'est une vision développementale.
06:15Qu'est-ce que ça veut dire ?
06:17Quand on travaille un objectif avec un enfant,
06:19il faut connaître le développement ordinaire de l'enfant
06:23et essayer de trouver des objectifs
06:25qui soient proches du développement naturel
06:27et qu'on ne demande pas un saut qualitatif trop important à l'enfant,
06:31parce que sinon, il n'arrive pas.
06:33C'est un principe qui avait été décrit dans les années 30
06:36par un psychologue russe, Lévi-Doxy,
06:38mais qui reste très pertinent aujourd'hui.
06:41Il faut régulièrement... Ah, pardon.
06:43Je vous laisse, alors.
06:45Je suis un peu long, mais la prise en charge,
06:47c'est une grande question.
06:49Oui, alors, Pierre Delion,
06:50vous acquiescez à cette prise en charge
06:54qui est à la carte et selon le...
06:56Je suis d'accord avec mon collègue et ami David Cohen.
07:00Je présente les choses de façon complémentaire
07:03à ce qu'il a apporté, en disant qu'il faut de l'éducatif,
07:06du pédagogique si possible et du thérapeutique si nécessaire.
07:10Éducatif, toujours, comme il l'a dit,
07:12les parents sont dans le coup avec l'enfant
07:14et vont utiliser des méthodes spécifiques
07:16pour aider l'enfant à parfaire son éducation
07:19en fonction de son développement.
07:21Pédagogique, si possible.
07:22Alors, évidemment, on est dans une ère
07:25qui est celle de l'inclusion pour tous les enfants à l'école,
07:28et par expérience, après 50 ans de pédopsychiatrie,
07:31on voit bien qu'il y a des enfants
07:33qui ne peuvent pas être inclus à l'école
07:35sans des conditions tout à fait particulières
07:38pour les y inclure.
07:39Et à ce moment-là, c'est très important
07:41de mettre les moyens pour ce faire.
07:43Vous avez posé la question de est-ce que c'est satisfaisant
07:46ce qui se passe aujourd'hui ?
07:48A ce titre-là, ça ne l'est pas tellement.
07:50Pourquoi ? Qu'est-ce qui manque ?
07:52Il y a des enfants qui ne peuvent pas être inclus à l'école
07:55et qui ont besoin de faire un travail d'acheminement vers l'école,
07:59c'est l'étymologie de pédagogie, accompagner l'enfant à l'école.
08:02Là, c'est tout à fait le cas,
08:04et il faut des moyens pour pouvoir le faire,
08:06rendre la pédagogie possible.
08:08Sinon, l'enfant va souffrir beaucoup lui-même
08:11et faire souffrir tous les gens de sa classe.
08:13Et puis, troisième terme, c'est le thérapeutique,
08:16c'est-à-dire si l'enfant continue à présenter
08:18des angoisses très importantes dans sa famille et dans son école,
08:22alors il y a besoin d'une thérapeutique
08:24qui permet de travailler sur ces angoisses,
08:26d'apporter des moyens de traitement
08:28qui sont très divers et variés
08:31et qui peuvent utiliser beaucoup de domaines des connaissances
08:34qu'il suffit d'articuler en ce moment
08:36et pas d'opposer,
08:37comme la plupart des praticiens, actuellement,
08:40passent leur temps à faire des guerres
08:42entre les différentes idéologies,
08:44c'est une perte d'énergie considérable,
08:46alors que si on articulait nos interventions,
08:49ça serait plus intéressant pour l'enfant.
08:51On dit... Vous venez d'entendre ce qui vient d'être dit.
08:55Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui,
08:58les psychanalystes ont fini,
09:02j'allais dire, d'incriminer une psychologie de bazar
09:07qui vise à écarter les parents et notamment les mères ?
09:12Oh là là !
09:13Je ne suis pas une psychiatre et je ne m'occupe pas d'autisme,
09:16ma mère, oui, s'occupe,
09:18mais disons que ça a été un des thèmes les plus...
09:25Une véritable guerre entre les psychanalystes
09:27et les autres formes d'approche.
09:30Et j'étais très sensible à ça
09:33parce qu'il y a, évidemment,
09:37une vague anti-psychanalytique.
09:39Je n'ai pas du tout pris position pour les psychanalystes,
09:42qui se sont conduits, la plupart du temps,
09:45de façon épouvantable,
09:46avec toutes sortes de théories.
09:49Ce n'est pas du tout le cas de mon ami Pierre de Lyon,
09:51ce n'est pas le cas, évidemment, d'Alain Vannier,
09:54mais il y a eu des polémiques où, en effet,
09:57il y a eu une hyper-théorisation, notamment lacanienne,
10:02de la mauvaise mère, que l'autisme était lié à la...
10:05Et alors, ça a déclenché,
10:06notamment, c'est là-dessus que j'ai beaucoup écrit,
10:09les années 2010,
10:11ça a déclenché une bataille effroyable en France
10:14et qui a nuit à tout le monde, finalement.
10:17Qui a nuit à tout le monde, notamment aux parents, aux enfants,
10:20parce qu'ils étaient incapables de se retrouver là-dedans.
10:23Autrement dit, l'application systématique d'un dogme
10:26sur des maladies mentales
10:29et sur des états de cet ordre,
10:32c'est toujours catastrophique.
10:34Et ceux qui se sont opposés à la psychanalyse,
10:37en fait, il fallait s'opposer aux psychanalystes
10:40qui avaient des théories complètement délirantes,
10:43mais pas à la discipline.
10:45C'est pas parce qu'on a un mauvais médecin
10:47qu'on va s'en prendre à toute la médecine.
10:49Aujourd'hui, j'ai le sentiment,
10:51il a été question par un ministre, en tout cas, monsieur Pascal,
10:55qui voulait carrément interdire l'approche psychanalytique.
10:58Je suis assez d'accord avec mon ami De Lyon,
11:01je pense que toutes les approches sont possibles
11:03et que surtout, il y a une énigme de l'autisme.
11:06C'est qu'on sait pas du tout, finalement,
11:08on connaît pas bien l'origine.
11:11L'idée d'abandonner une approche psychothérapeutique
11:15ou psychanalytique sous prétexte
11:17que ce serait neurodéveloppemental,
11:19ça n'a pas de sens.
11:20On a besoin de toutes les approches.
11:22Dernier point, vous savez sans doute
11:26que depuis la publication du livre de Edith Schaeffer,
11:29qui a fait toute l'histoire de l'autisme
11:31et notamment du fameux syndrome d'Asperger,
11:35il y a une autre bataille qui est en jeu,
11:37ce fameux Hans Asperger,
11:39qui, à Vienne...
11:41-...qui a une mauvaise réputation.
11:43-...le fameux syndrome d'Asperger,
11:44c'est-à-dire dix autismes de haut niveau.
11:47En réalité, c'était un nazi responsable personnellement
11:50de l'assassinat de 44 enfants au Spielbund, à Vienne.
11:54On le savait.
11:55Là, maintenant, on a un livre qui l'établit,
11:58ce qui fait que vous avez environ, d'après les chiffres que j'ai vus,
12:0230 millions d'autistes qui s'appellent Asperger
12:05et qui réclament aujourd'hui, surtout...
12:07-...merci d'avoir rappelé... -...qu'on ne s'appelle plus Asperger,
12:11c'est-à-dire du nom d'un nazi.
12:13J'aimerais bien quand même...
12:14Ca, c'est pas un problème clinique, hein ?
12:18Enfin, tout de même,
12:19haut niveau, bas niveau,
12:21ça permettait à monsieur Asperger
12:24d'envoyer à la Chambre à gaz ceux qui étaient de bas niveau.
12:27-...vous l'avez rappelé.
12:29Je rappelle que vous avez travaillé
12:31auprès de Maude Manoni à Bonneuil.
12:35Est-ce que vous pouvez nous dire comment, cliniquement,
12:38ça se passe entre l'aliénation,
12:43dont on a rappelé, psychopathologique,
12:46et l'environnement socio-familial ?
12:50Comment on fait en sorte que ça fonctionne ?
12:54Alors...
12:55Parce que...
12:56Oui, oui. Il faut reprendre d'abord...
12:58A propos de Bonneuil, le moment de la fondation,
13:01c'est en 69.
13:02Ca vient dans la vague d'une ouverture de la psychiatrie
13:07dans l'après-guerre,
13:08avec la création du secteur, la psychothérapie institutionnelle,
13:12c'est-à-dire l'idée quand même de sortir
13:15de la situation asilaire,
13:17qui était la norme, autrefois.
13:23Manoni a créé Bonneuil.
13:27Alors, elle, elle a fait un pas de plus,
13:29mais en réalité, ça n'est pas une rupture.
13:32Comme un lieu dit d'antipsychiatrie,
13:35parce qu'elle avait,
13:37sur l'invitation de son contrôleur à l'époque, Winnicott,
13:40rencontré l'équipe de Kingsley Hall,
13:43c'était un groupe d'antipsychiatres à Londres
13:45qui, au fond, accueillait des patients psychotiques adultes
13:51dont on pensait qu'en les laissant aller jusqu'au bout
13:55de leur délire,
13:56ils trouveraient des solutions thérapeutiques.
13:59Il y a eu des résultats assez étonnants.
14:02Bonneuil était un lieu très particulier.
14:05Ça s'est créé pas du tout...
14:08Alors, bien sûr, la référence était analytique
14:11pour lire un peu ce qui s'y passait,
14:13mais l'idée de Manoni,
14:16c'était un lieu de ce qu'elle appelait thérapie négative.
14:20C'est-à-dire, c'était une maison,
14:23les enfants étaient là avec les adultes
14:25et il fallait assurer la vie de la maison.
14:28Et de plus, c'était une maison sans aucune fermeture.
14:32Les portes étaient ouvertes sur la rue,
14:35on allait faire les courses avec les enfants.
14:37Bref, c'était un lieu très particulier
14:41dans lequel j'ai pu observer
14:44des résultats thérapeutiques assez spectaculaires.
14:49Alors, la question des parents.
14:51C'est sûr que le discours des psychanalystes à l'époque,
14:53qui a été importé des Etats-Unis en particulier,
14:57était de... Et pas seulement à partir de Bethlehem,
15:02était un discours qui mettait en cause les parents.
15:06C'est la fameuse mère réfrigérateur de Bethlehem, etc.
15:10Il faut noter que si on lit La forteresse vide,
15:14il dit aussi le contraire.
15:16Dans le texte, il dit que, véritablement,
15:18on ne peut pas mettre les parents en cause.
15:22Donc, on attrape une chose.
15:24Je pense que le biais, ça a été
15:28les études pas tellement analytiques, mais psychologiques,
15:31d'observation mère-bébé.
15:33D'observation mère-enfant.
15:36Or, comme l'a très bien dit David Cohen
15:39et comme l'a dit Pierre Delion,
15:42imparablement, si vous avez un enfant
15:45qui ne réagit pas avec...
15:48Qui ne réagit pas de la façon habituelle
15:50ou qui ne répond pas aux simulations maternelles, etc.,
15:55vous allez avoir une relation dysfonctionnelle.
15:58Mais ça ne veut pas dire que la mère est la cause
16:01des troubles de l'enfant. Bien au contraire.
16:04Surtout qu'aujourd'hui, avec l'avancée de la génétique,
16:07la causalité génétique est loin d'être négligeable
16:12dans ce domaine.
16:13Donc, ce qui s'est développé à Bonaï et Manoni elles-mêmes
16:17est revenu sur ces premières hypothèses,
16:19qui étaient les hypothèses importées
16:21de ces observations, en disant, d'ailleurs,
16:24dans un livre ultérieur, que la causalité maternelle
16:27n'était pas du tout tenable.
16:30Je crois que David Cohen veut intervenir.
16:33Oui, je vous laisse. David ?
16:36Merci beaucoup, Emile.
16:39Oui, je voulais prolonger ce que disait Vanier
16:43à propos des interactions mère-bébé,
16:45puisque j'ai eu l'occasion de beaucoup travailler
16:48qui avait une base de données tout à fait considérable
16:52de films familiaux de bébés
16:55qui ont plus tard été diagnostiqués
16:57enfants autistes.
16:58Ca nous a permis, avant le diagnostic,
17:01d'étudier comment les interactions étaient
17:04avec ces bébés et les mamans.
17:05Nous avons montré de manière très claire,
17:08avec des méthodologies assez poussées,
17:11étudiant, encore une fois, la prosodie,
17:13la manière de bouger, la manière de parler,
17:16de faire des tours de parole, etc.,
17:18qu'en fait, dès la première année de vie,
17:21il y a des petites choses qui sont moins dans l'intersubjectivité
17:25chez les bébés qui vont devenir autistes,
17:27alors qu'à ce moment-là, aucun expert n'est capable
17:29de faire le diagnostic.
17:31On a montré les vidéos en aveugle à plein de monde.
17:33Mais ce qui est tout à fait remarquable,
17:36c'est que quand les parents vont chercher leur enfant,
17:39à ce moment-là, on voit des différences.
17:41Par contre, quand les parents répondent à leur enfant,
17:44parce que quand vous regardez les interactions,
17:47il y a un sens, à ce moment-là, il n'y a pas de différence
17:50avec les bébés contrôle, ce qui veut dire que les parents,
17:53dans leur parentalité propre, n'ont aucun dysfonctionnement.
17:57C'est vraiment la nature de l'interaction
17:59qui crée cette, encore une fois, difficulté dans l'interaction,
18:03et ça vient du bébé, parce que le bébé est moins intersubjectif,
18:06même quand le diagnostic n'est pas complètement évident.
18:10C'est vraiment quelque chose qui nous a permis de comprendre
18:13l'horreur initiale de certains psychologues,
18:16psychanalystes ou psychiatres d'enfants,
18:18qui ont mal interprété, finalement,
18:21ce qu'ils constataient, en fait,
18:23après des années d'évolution d'interactions difficiles.
18:26En règle générale, quand vous faites un diagnostic d'autisme,
18:29c'est souvent lorsque l'enfant a déjà deux ans et demi, trois ans.
18:33C'est pas tout petit, parce qu'à ce stage-là,
18:36le développement naturel du bébé ne permet pas d'exprimer
18:39l'ensemble de la symptomatologie autistique.
18:41Raphaël Gaillard, je vais vous laisser réagir
18:44à ce qui vient d'être dit, mais de prolonger le débat,
18:47et de le prolonger à deux niveaux,
18:49parce que vous avez rappelé
18:51que vous étiez plutôt psychiatre d'adulte,
18:53donc, à votre avis, comment vous situez l'autisme
18:57à côté de maladies comme la schizophrénie,
19:01les psychoses maniaco-dépressives, etc. ?
19:05Est-ce qu'il y a des correspondances ?
19:07Et, vous connaissez très bien la neurobiologie,
19:12est-ce que, de ce point de vue-là,
19:15et d'un point de vue génétique,
19:17on arrive à objectiver un retard du développement ?
19:21Merci pour votre question.
19:23Je vais revenir sur certains points qui ont été abordés,
19:27peut-être sur la trajectoire de cette émission,
19:29c'est important, je pense.
19:31Je crois que vous l'avez souligné les uns et les autres.
19:35Il y a eu un moment, une forme d'impérialisme,
19:39ou en tout cas d'hégémonie de la psychanalyse,
19:42ou d'une certaine psychanalyse,
19:44voire d'une mauvaise lecture de la psychanalyse.
19:46En tout cas, la résultante, c'était que la psychiatrie,
19:51les psychologues pouvaient anonner une doctrine
19:57qui a été extrêmement stigmatisante pour des familles,
20:01et dont on voit encore les effets secondaires.
20:04C'est-à-dire que c'est encore, et il faut le dire,
20:07pour les familles, c'est encore terrible.
20:09C'est-à-dire que pour bon nombre de familles,
20:12le seul mot autisme,
20:13quelle que soit la façon de modifier,
20:16un trouble du spectre autistique,
20:18on a l'impression presque, en les tendant,
20:20d'essayer l'euphémisme,
20:23c'est stigmatisant,
20:26parce que plane toujours cette idée
20:29que les parents seraient, à l'origine,
20:33par leur comportement, de la maladie.
20:36Et c'est terrible.
20:37Ca veut dire que, dans l'exercice quotidien,
20:40moi, psychiatre d'adulte, je me suis vu, parfois,
20:43à devoir évoquer ce diagnostic
20:47pour des enfants devenus adultes,
20:50et voir la résistance du patient en question
20:54et de sa famille,
20:56parce que c'était signé
21:00la culpabilité de l'environnement familial.
21:03Je crois qu'on ne le dira jamais assez.
21:05Ca a été catastrophique, absolument catastrophique,
21:09que cette doctrine, je ne peux pas le qualifier autrement,
21:12qui a culpabilisé de façon scandaleuse,
21:16notamment les mères,
21:17et de façon, d'ailleurs, très bête,
21:22on peut le dire intellectuellement, très bête,
21:24et en pratique très coupable,
21:27dans cette propension inculpabilisée.
21:30Ca, c'est la première chose.
21:31C'est très important que David Cohen pointe
21:35que, quand on regarde les choses précisément,
21:37avec ces analyses très fines,
21:39qui portent sur l'intersubjectivité,
21:42c'est-à-dire la relation mère-bébé,
21:44eh bien, on montre bien
21:46que ce n'est pas du tout comme ça que les choses se passent,
21:50qu'il y a des choses très fines, c'est très intéressant de le suivre,
21:54mais elles ne sont pas du tout dans la parentalité
21:57de ces bébés qui deviendront, par la suite, autistes.
22:01Je crois que c'est très important,
22:03et je pense que, dans une émission sur l'autisme,
22:06ne pas commencer par battre sa culpe,
22:09et moi, je le fais au titre de la discipline, la psychiatrie,
22:13en disant que ce discours de la pédopsychiatrie,
22:17de la psychiatrie, de la psychanalyse,
22:20a été scandaleux,
22:21ça n'est pas possible.
22:23Je voudrais le faire de la façon la plus explicite,
22:25pour les familles...
22:27-...ce qui ne vous empêche pas, dans votre oeuvre,
22:30de faire référence à Freud et à la psychanalyse.
22:33Je vais y venir.
22:34Freud ne s'est jamais occupé d'autisme.
22:36Le mot n'est pas précis.
22:37Bien sûr, mais il n'en demeure pas moins,
22:40on ne peut pas disculper, non plus, la psychanalyse,
22:43de l'usage qui en a été fait, c'est comme ça.
22:45C'est important de savoir quel est l'usage fait d'une pensée,
22:49et cette pensée a eu des effets catastrophiques,
22:51et je le dis encore une fois, d'ailleurs,
22:54quand je dis que je bats ma culpe,
22:56je m'assimile au titre de la discipline.
22:58-...ce qu'il s'est dit, on a passé ce cap.
23:00Je ne suis pas sûr qu'on l'ait dit assez.
23:03Il faut prendre le temps de le dire.
23:05Alors, ensuite...
23:06Comment vous classez l'autisme ?
23:08Attendez, je vais vous répondre.
23:10Ensuite, évidemment que notre discipline a évolué,
23:14évidemment qu'elle est beaucoup plus neuroscientifique,
23:18vous l'avez évoqué, neurobiologique, notamment,
23:21et évidemment que dans cette démarche de la neurobiologie
23:25sont identifiées notamment des anomalies génétiques,
23:28vous l'avez évoqué, Alain Vanier,
23:30des anomalies neurodéveloppementales,
23:32y compris des anomalies de certains circuits cérébraux,
23:36ou en tout cas des modifications de certains circuits cérébraux.
23:40De toute façon, moi, je ne suis pas dualiste,
23:43donc ce qui peut s'observer dans le fonctionnement psychique,
23:46évidemment, correspond à des éléments
23:50que l'on peut aller rechercher dans cet organe qu'est le cerveau.
23:54Donc, nous avons beaucoup progressé,
23:56il y a encore beaucoup de progrès à faire,
23:58et dans cette démarche,
24:00il faut aussi se garder d'une forme d'impérialisme,
24:03il faut aussi une certaine prudence,
24:05parce que, par exemple, à l'heure actuelle,
24:07pour ce qui est des anomalies génétiques,
24:09un certain nombre de patients souffrants
24:14ou avec troubles du spectre de l'autisme...
24:19bénéficient d'un diagnostic génétique,
24:22c'est-à-dire qu'il est possible d'identifier une anomalie génétique,
24:26mais ça n'est pas le cas,
24:27donc on n'a pas encore toutes les explications,
24:29il faut le reconnaître,
24:31il y a énormément de travail à faire encore.
24:33Alors, ce qui, et c'est pour ça que c'est important,
24:36avant que je vous réponde,
24:37ce qui me paraît important pour cette émission,
24:40c'est que, constatant le fiasco d'une certaine psychanalyse
24:44et les travers terribles pour les patients et leurs familles,
24:48puis un mouvement de balancier vers les neurosciences,
24:53je ne voudrais pas que nous arrivions à l'idée,
24:57qui a été esquissée en début d'émission,
24:59qu'un simple cuménisme suffirait à répondre à la réponse.
25:04C'est-à-dire que nous pourrions faire feu de tout bois,
25:07une sorte de shopping around, excusez-moi pour l'anglicisme,
25:12qui consiste à faire un petit peu de ceci, un petit peu de cela,
25:16parce que je crois qu'en médecine,
25:19on peut hiérarchiser les approches,
25:22et qu'en médecine,
25:24notamment, certaines approches
25:27bénéficient, je vais le dire dans ces termes,
25:30d'un niveau de preuves plus élevé que d'autres.
25:33Et quand une approche bénéficie d'un niveau de preuves,
25:36c'est quoi un niveau de preuves ?
25:38Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il a été montré,
25:41objectivement, que ça marche mieux,
25:44que ça aide plus les patients que d'autres démarches.
25:47Quand on peut bénéficier de ce type de hiérarchisation,
25:52on ne peut plus dire, après, tout est possible,
25:55et je vais faire un petit peu de ça, un petit peu de ça,
25:57parce que vous m'avez posé cette question initialement,
25:59qu'est-ce qu'il en est de l'offre de soins aujourd'hui
26:02pour les patients avec troubles du spectre de l'autisme ?
26:06En fait, elle est catastrophique.
26:07Je vous réponds, elle est catastrophique.
26:09Elle est catastrophique chez l'enfant.
26:12Je pense que David Cohen pourra en dire davantage.
26:15Il veut d'ailleurs intervenir.
26:16Et elle est catastrophique, et plus encore chez l'adulte,
26:20parce que ces enfants deviennent adultes,
26:22elle est absolument catastrophique.
26:23C'est-à-dire que les structures de soins n'existent pas,
26:27et quand elles existent,
26:29les patients et leurs familles sont confrontés à des équipes
26:33qui fonctionnent avec des logiciels
26:37qui datent de quelques décennies,
26:39mais vraiment quelques décennies,
26:41et dans d'autres disciplines médicales,
26:44on parlerait de perte de chance.
26:46Dans d'autres disciplines,
26:48vous souffririez d'un infarctus du myocarde,
26:51et on vous dirait, on peut faire ça ou on peut faire ça,
26:54ou je vais l'interpréter comme ça,
26:56et bien on dirait que vous n'avez pas bénéficié
27:00du traitement de référence, c'est une perte de chance.
27:03Moi, je crois qu'il faut le dire aujourd'hui,
27:05les familles et les patients souffrent en France
27:08d'une perte de chance.
27:09Alors, David Cohen, vous voulez réagir ?
27:15Alors, je voudrais réagir
27:17et être assez complémentaire de ce que dit Raphaël à l'instant.
27:21Vous pouvez être en dissonance, ce n'est pas interdit.
27:24Non, mais il se trouve que...
27:27Je vais essayer de compléter ce qu'il vient de dire,
27:30et que j'avais esquissé dans mon intervention.
27:32Aujourd'hui, il y a pas mal de programmes thérapeutiques
27:36qui ont été évalués et sur lesquels on a des résultats.
27:39C'est pas l'objet d'une émission comme celle-ci.
27:43Néanmoins, ça me paraît important de reprendre
27:46qu'il existe des méthodes qui ont fait preuve
27:49d'une certaine efficacité.
27:51Je dis ça parce que les tailles d'effet,
27:54comme on dit en médecine,
27:56c'est-à-dire les progrès faits par les enfants dans ces programmes,
27:59sont des progrès en général modestes.
28:02Ce qui veut dire que même si on a progressé dans les soins
28:05aux personnes autives et aux enfants en particulier,
28:08ce sont des progrès qui sont un peu besogneux,
28:10et c'est toujours comme ça que les enfants progressent
28:13dans ces domaines-là.
28:15Ce sont des petits progrès, mais qui sont néanmoins signifiants.
28:19Techniquement parlant, qu'est-ce qu'on utilise ?
28:21On utilise des méthodes développementales,
28:24des méthodes aussi comportementales,
28:27mais il faut savoir les utiliser correctement.
28:30On utilise aussi des méthodes par le jeu.
28:34D'ailleurs, je rappelle que les premiers à avoir utilisé le jeu
28:37en séance de traitement, ce sont les psychanalyses d'enfants,
28:40et le jeu et le dessin faisaient partie,
28:42encore une fois, de la technique elle-même.
28:45Le jeu n'est pas utilisé de la même manière,
28:47il est utilisé pour favoriser la communication,
28:50pour favoriser le positionnement cognitif de l'enfant
28:53au cours des interactions sensuales.
28:55Et puis, vous avez toutes les interventions
28:57qui concernent le corps, la sensorialité et le langage,
29:01dont on sait qu'ils ont aussi une efficacité.
29:04C'est pour ça que je vous disais en introduction
29:07que c'est important de décrire correctement les enfants
29:10et d'individualiser les propositions de soins,
29:12mais ces propositions de soins doivent être prises
29:15dans un répertoire de méthodes et de techniques
29:18qui ont fait preuve de leur efficacité.
29:20J'ajouterais que, contrairement à ce qui est dit en France,
29:23dans les pays anglo-saxons, on s'intéresse aussi
29:26à des alternatives qui ont donné l'occasion de papiers
29:30dans des revues importantes de médecine,
29:32comme la musicothérapie.
29:33On n'en parle jamais, mais il y a des techniques
29:36de musicothérapie pour travailler la synchronie
29:39dans les interactions mère-bébé et thérapeute-enfant
29:42avec l'autisme, qui ont montré des résultats
29:45tout à fait intéressants,
29:47avec un étude dans le JAMA, il y a quelques années.
29:49Vous avez l'équithérapie,
29:51qui a été utilisée par le groupe de Gary Mezibov,
29:54qui avait créé le programme Teach à l'époque,
29:56qui était un des premiers programmes
29:59organisés dans le champ de l'autisme.
30:01Et cette étude d'équithérapie sur certains aspects,
30:04encore une fois, des difficultés de l'enfant,
30:07a montré son intérêt.
30:08C'est pour ça que ce que je veux dire,
30:10c'est qu'il est important de garder une perspective médicale
30:14et d'être au courant de ce qui se fait
30:16pour, encore une fois, rendre, encore une fois,
30:20à la population et aux parents, le meilleur traitement.
30:23Mais un élément que Raphaël Gaillard sait très bien
30:26et Pierre Delian également,
30:27puisque tous les trois, on est universitaires,
30:30c'est qu'on est aussi dans une période
30:32de développement d'un enfant de l'autisme
30:35où la psychiatrie dans son ensemble
30:37et la pédopsychiatrie en particulier
30:39est en grande difficulté sur le plan de la formation,
30:42sur le plan du nombre de personnels disponibles,
30:44sur le plan des effectifs...
30:46On l'a signalé, ça, dans...
30:48C'est possible, vous l'avez signalé dans une autre émission,
30:51mais c'est impossible à la difficulté contemporaine.
30:54Tout à fait. Permettez-moi de demander
30:57à Pierre Delian quelque chose,
30:59concrètement, pour ceux qui nous écoutent.
31:03Imaginons que je sois dans un dialogue avec vous
31:06en tant que parent d'un enfant autiste
31:09et que je vous dise, docteur,
31:10où est-ce qu'il faut le soigner de préférence ?
31:14Est-ce que c'est à l'hôpital ?
31:15Est-ce que c'est dans une institution spécialisée ?
31:18Comment faire en sorte de le prendre en charge ?
31:21Je vous répondrai, chers parents,
31:24que ça dépend du diagnostic qui va être fait
31:28et de l'évaluation...
31:29Mais c'est vous qui faites le diagnostic.
31:31C'est principalement moi qui vais faire mon diagnostic.
31:35J'en profite pour dire qu'actuellement,
31:38c'est un des problèmes qui est crucial.
31:41On demande à des gens de faire le diagnostic
31:44et à d'autres de le prendre en charge.
31:46C'est une rupture éthique de l'acte médical à mes yeux.
31:49En tant que parent, vous m'amenez votre enfant,
31:52je vais faire une évaluation, un diagnostic,
31:54je vais le poser avec vous et ensemble,
31:57on va essayer de déterminer, en fonction de ses résultats,
32:00quel est l'endroit optimal pour cet enfant.
32:02Juste avant, en amont,
32:05à quel moment le parent se rend compte
32:08que son enfant n'est...
32:11Et quand c'est le plus tôt possible ?
32:13Dans mon expérience, j'ai travaillé très tôt,
32:16il y a 30-40 ans, avec les pédiatres
32:19qui reçoivent les bébés à risque
32:21et avec eux, on a essayé de travailler sur...
32:23J'avais écrit un livre, à cette époque-là, en 98,
32:26sur les bébés à risque autistique.
32:28On essaie d'établir les signes qui sont en faveur
32:31de l'apparition d'eux et on demande à ce qu'une prise en charge
32:34commence très tôt, sur un plan éducatif,
32:37sur un plan thérapeutique.
32:38Avec les parents, ça dépend du diagnostic
32:41qui sera posé pour l'enfant.
32:42Si c'est un autisme sévère,
32:44ça ne sera pas du tout le même type de prise en charge.
32:47Et si c'est léger, comment on diagnostique ?
32:49Si c'est léger, ça fait partie de l'évaluation actuelle.
32:52Comment est-ce qu'on peut apprécier le niveau d'autisme
32:55qu'un enfant présente ?
32:56Dans toutes les études historiques qui ont été faites successivement,
33:00bien avant Cannaire, d'ailleurs,
33:02Sukhoreva, Annie Weiss,
33:04Georges Frankel, etc.,
33:06avant Cannaire,
33:07avaient déjà des signes précoces d'apparition de l'autisme.
33:11Au fur et à mesure des années, ça s'est spécifié.
33:13Comme l'a rappelé David Cohen,
33:15c'est des choses étudiées à la lumière de l'intersubjectivité.
33:19On étudie précisément les réactions...
33:21Qu'est-ce que ça veut dire,
33:23l'intersubjectivité ?
33:24L'intersubjectivité, c'est le fait qu'un petit bébé
33:27va apprendre la dimension de l'autre,
33:29d'altérité, avec l'interaction qu'il a avec ses parents.
33:32Progressivement, il va pouvoir intérioriser
33:35des éléments qui font qu'il se sent différent de son parent
33:38et son parent différent de lui.
33:40Le problème de l'autisme, c'est qu'à un an, deux ans,
33:44cette difficulté à établir une différence
33:47entre moi et l'autre,
33:49c'est quelque chose qui caractérise principalement l'autisme.
33:52Quand ces signes vont apparaître,
33:54les parents sont inquiets.
33:56Pendant très longtemps, le médecin généraliste,
33:59qui n'était pas suffisamment formé pour ça à l'époque,
34:02répondait que ça allait s'arranger.
34:04Einstein a parlé à cinq ans.
34:06Mais maintenant, on a beaucoup formé les généralistes,
34:09et ils savent, les pédiatres également,
34:11qu'il faut tenir compte des intuitions parentales.
34:15Quand une maman dit
34:16qu'elle le regarde dans les yeux et qu'il ne le regarde pas,
34:19ça fait une souffrance terrible
34:21qui déclenche une bifurcation de cette interaction.
34:24C'est un des diagnostics.
34:26C'est un des éléments du diagnostic.
34:28C'est quelque chose qui va parler beaucoup aux parents.
34:31Ils vont dire qu'ils voient bien qu'il a des signes
34:34plutôt en faveur de ça.
34:36A ce moment-là, on va l'orienter vers une prise en charge.
34:39S'il a des signes d'autisme pas trop importants,
34:41il sera ambulatoire.
34:43S'ils sont très importants,
34:44on va l'orienter vers un hôpital de jour.
34:47Alain Vanier...
34:48-...le prononcera de façon intensive.
34:50-...et Isabeth Roudinesco.
34:52Est-ce que le diagnostic par la parole peut se faire ?
34:56C'est-à-dire, est-ce que la parole d'un autiste...
35:03Oui.
35:04Encore faut-il...
35:05Moi, j'appartiens à une génération
35:07où les autistes, quand on posait ce diagnostic,
35:10c'était les autistes décrits par Cannaire.
35:13Généralement, ils ne parlaient pas
35:15ou les interactions étaient extrêmement limitées.
35:17Donc c'est...
35:18Est-ce qu'il y a des autistes qui parlent ?
35:21Oui, ce qu'on appelle les autistes de haut niveau.
35:24Il y a des autistes qui ont un accès à la parole,
35:26bien sûr, tout à fait.
35:30Et comment on diagnostique à partir d'un...
35:33Le critère, c'est...
35:34Voilà, une difficulté dans les interactions avec les autres
35:38et puis ce qu'on appelle les intérêts restreints,
35:41les stéréotypies, etc.
35:42Et un certain nombre, comme ça a été dit, de comorbidités.
35:45On sait, par exemple, qu'il y a une population d'autistes
35:48plus importante chez les enfants, très grand prématuré,
35:51qu'il y a des comorbidités associées à des trisomies,
35:54voilà, un certain nombre d'autres pathologies.
35:58Donc c'est effectivement un élément compliqué.
36:01Le problème, c'est qu'on a changé de critère diagnostique
36:05en ouvrant très largement ce spectre de l'autisme
36:10et...
36:11Bon, je ne vais pas rentrer dans le détail,
36:13mais j'ai eu une expérience que j'ai publiée
36:16et qu'on avait rencontrée à Niquer avec Bernard Golles.
36:20C'était un garçon américain qui m'avait été adressé
36:23parce que les parents étaient désespérés.
36:25Il était dans un centre de méthode à diagnostiquer l'autisme.
36:28Il est arrivé en France à 10 ans, en utilisant les vieilles catégories.
36:32On avait le sentiment qu'on n'avait pas affaire à un autiste,
36:35mais à une névrose obsessionnelle grave.
36:38En supprimant tous les traitements
36:39et toutes les prises en charge en le remettant dans une école normale,
36:43j'ai appris, 10 ans, 15 ans après, qu'il était à l'université.
36:47C'était plutôt...
36:48Voilà, un bon résultat.
36:49Comme David Cohen doit nous quitter,
36:51je vais vous donner la parole, Elisabeth Rodinesco, après.
36:54David Cohen, je voudrais une précision.
36:57Au cours d'une émission que nous avons faite ici
37:00sur la natalité, René Friedman,
37:03le célèbre gynécologue,
37:06nous a dit que les prématurés,
37:09quand c'est une prématurité très sévère,
37:13autour de cinq mois et demi, six mois de grossesse,
37:17peuvent avoir, et ont quelquefois, des grandes difficultés.
37:20Est-ce que vous faites le lien avec l'autisme et ses prématurés ?
37:25Alors, je suis content de terminer sur cette précision,
37:29parce que je ne voudrais pas laisser à l'idée
37:31que les seules causes d'autisme connues aujourd'hui
37:34soient des anomalies génétiques,
37:36qui font partie des causes possibles,
37:38mais vous avez aussi énormément de causes environnementales,
37:42et parmi celles-ci, il y a le syndrome d'alcoolisme fétal,
37:45qu'on ne souligne pas suffisamment,
37:47mais qui existe toujours dans certaines populations
37:50et dans certaines situations.
37:52Vous avez effectivement les grandes prématurités
37:55qui sont pourvoyeuses de toute une série de troubles
37:58du neurodéveloppement, d'insuffisance motrice cérébrale,
38:01d'autisme, de déficience intellectuelle,
38:03plus le bébé a une prématurité Césaire,
38:07plus il y a une souffrance fétale associée,
38:09plus il y a un petit poids de naissance, plus le risque est élevé.
38:12C'est montré dans toutes les études épidémiologiques.
38:15Vous avez d'autres toxicités,
38:17on a beaucoup parlé du scandale du valproate,
38:19mais le valproate, pendant la grossesse,
38:22est pourvoyeur de troubles du neurodéveloppement et d'autisme.
38:25Il y a beaucoup de discussions qui ne sont plus si controversées
38:29que ça sur l'exposition à la pollution atmosphérique,
38:31particulièrement au micropalsticule pendant la grossesse.
38:35Plusieurs papiers sont sortis et montrent qu'il y a un lien.
38:38Alors, les odes ratio, c'est-à-dire la fréquence augmentée
38:42est un peu plus frais,
38:44un peu plus faible, pardon,
38:46mais vous avez quand même beaucoup plus de risques
38:49de développer chez l'enfant que lorsque vous habitez
38:52à la campagne, loin d'une autoroute sans pollution.
38:55Merci, Elisabeth Rodidesco.
38:57Je ne suis pas psychiatre et je ne suis pas praticienne,
39:00mais j'ai lu toute la littérature à propos de l'autisme.
39:03On a vu tout.
39:04Des causalités aberrantes,
39:06certains ont attribué à des vaccins,
39:08d'autres à des causalités environnementales,
39:11d'autres à des causalités génétiques.
39:13Le facteur génétique est évident.
39:16D'ailleurs, je ne crois pas qu'on puisse le nier,
39:19mais attention à l'idée d'une causalité unique.
39:22C'est valable pour l'ensemble de ce qu'on appelle
39:25les maladies mentales.
39:26L'histoire évolue toujours de cette façon-là.
39:29Il y a des périodes où c'est le tout psychique,
39:32c'est catastrophique,
39:33et il y a des périodes où c'est le tout organique,
39:36c'est catastrophique.
39:37Il y a des approches où c'est le tout environnemental,
39:40et c'est catastrophique.
39:42Donc, contrairement à ce que vous disiez,
39:44moi, je pense qu'au contraire,
39:47la juxtaposition des causalités,
39:50c'est valable en médecine, c'est valable un peu partout.
39:54C'est très important d'avoir, disons, une ouverture plus grande.
39:58J'ajouterais quand même que, s'agissant de toutes les maladies mentales,
40:02on n'est pas tout à fait dans le même registre
40:04que les grandes maladies organiques,
40:06parce que c'est pas tout à fait pareil.
40:09C'est pas la même chose d'être autiste et d'avoir un cancer.
40:12C'est pas la même chose.
40:14Et autant, la médecine organique est devenue d'une scientificité
40:19dans laquelle il faut se féliciter.
40:22Franchement, c'est magnifique, la science médicale.
40:24Mais dans le domaine du psychique,
40:26tant qu'on n'a pas vraiment...
40:29On est obligatoirement sur des approches
40:33qui ne doivent pas être dogmatiques.
40:35Et franchement, critiquer le dogmatisme psychanalytique,
40:40ça a été une nécessité,
40:41mais critiquer les autres dogmatismes,
40:44c'est-à-dire le dogmatisme comportemental,
40:46c'est-à-dire l'idée qu'il y aurait une causalité.
40:49C'est toujours une mauvaise chose dans l'histoire.
40:51Raphaël Gaillard, sur ces causalités
40:54qui viennent se mixer, si je puis dire,
40:58est-ce que vous diriez, je vais faire un effet de mode,
41:02il y a une intersectionnalité de ces causalités ?
41:05Est-ce qu'elles se conjuguent, à votre avis ?
41:08-"Intersectionnalité"...
41:09Oui, mais personnellement, on a fait plusieurs émissions
41:13ici sur le voquisme,
41:15et donc est-ce qu'il y a eu une approche voquiste
41:18dans ce domaine-là ?
41:20Bon, je me garderais bien
41:22de commenter la question, précisément.
41:25Simplement, je dirais que,
41:28dans le même temps où je me refuse à tout dogmatisme,
41:33et j'ai l'habitude de dire, d'ailleurs,
41:35qu'en matière de psychiatrie,
41:37ceux qui ont des certitudes,
41:39ce sont certains des patients que j'accompagne
41:41quand ils vont très mal,
41:43c'est-à-dire quand ils ont des idées délirantes.
41:46Et donc, évidemment,
41:47je me garderais bien d'avoir des certitudes.
41:50Et je pense qu'il faut être très attentif
41:53à ne pas en avoir.
41:55Pour autant, et je crois que c'est important,
41:57et je continuerai à le dire,
41:59nous ne pouvons pas dire un partout la balle au centre,
42:02tout est équivalent, ce n'est pas possible.
42:04Je pense qu'il existe une hiérarchie,
42:08de même qu'il existe une hiérarchie universitaire,
42:10de même qu'il existe une hiérarchie de la preuve.
42:13Vous parlez de voquisme, je parlerais plutôt de fake news,
42:16d'une n'importe quoi qui peut amener à ce qu'on dise,
42:19que l'autisme est lié à la vaccination,
42:21un jour, c'est arrivé.
42:23Eh bien, non, il y a des niveaux de preuves.
42:25Les niveaux de preuves...
42:27Oui, mais les niveaux de preuves font que tout n'est pas équivalent
42:31et que dans cette hiérarchie,
42:33certaines interventions ont montré une efficacité
42:36plus grande que d'autres sur certains symptômes.
42:40Et sachant que cette preuve existe,
42:43que des parents,
42:45ou pour ce qui me concerne,
42:47des patients, des personnes à l'âge adulte,
42:50n'y aient pas accès,
42:51je crois que c'est absolument,
42:53non seulement anormal, mais scandaleux.
42:56Et on ne peut pas dire qu'il faut qu'il y ait un peu de tout.
43:00Dans le pôle dont je suis responsable...
43:02J'ai pas dit ça.
43:03C'est ce que j'entends.
43:04C'est ce que j'entends.
43:06J'ai pas fait un baquer avec toute la lessive.
43:08Dans le pôle dont je suis responsable,
43:10il existe cinq services, dont un institut hospitalier
43:14que je protège, auquel je tiens particulièrement,
43:17avec des personnes de grande qualité,
43:19mais je sais aussi qu'il existe une hiérarchie dans les soins
43:23et qu'il serait anormal
43:26que, parce que vous habitez à tel endroit en France,
43:30eh bien, on vous dise...
43:31Tout est équivalent.
43:33Or, c'est ainsi que nous avons esquissé cette émission.
43:37Je redis, vous m'avez posé cette question.
43:39Est-ce qu'en France, il y a un problème d'accès aux soins
43:42pour les personnes avec autisme ?
43:45Ma réponse est oui.
43:46Et il y a eu un travers terrible de la psychanalyse,
43:50il y a un risque d'impérialisme des neurosciences aujourd'hui,
43:53et il existe une hiérarchie des interventions.
43:57Aujourd'hui, il faut que les parents et les personnes avec autisme
44:01puissent bénéficier de ce qui a fait ces preuves.
44:03Récoutez.
44:05Il y avait un système d'hémorragie qui s'appelait
44:07la psychiatrie de secteur,
44:09qui permettait de rendre des services à toute la population,
44:12qui a été soigneusement fichu en l'air
44:14par les gouvernements successifs depuis trois présidents.
44:17On voit bien qu'à ce titre-là, les gens ne disposent pas
44:20de ce dont ils devraient pouvoir disposer
44:23pour leur enfant autiste.
44:24Mais c'est la même psychiatrie de secteur
44:27qui s'est bien gardée de progresser,
44:29de sorte que quand vous habitez...
44:31Je suis pas d'accord avec vous.
44:33Pourquoi dites-vous ça ?
44:34De sorte que quand vous habitez à tel endroit,
44:37vous n'aviez accès qu'à un psychanalyste lacanien
44:39qui vous disait que c'était votre mère.
44:41Je l'ai combattue comme vous.
44:43Je l'ai combattue comme vous.
44:45Pardon.
44:46Mais alors reconnaissons que nous avons à le combattre.
44:49Pardon de vous donner des chiffres,
44:51mais ça ne va pas du point de vue du chiffre,
44:54parce que les psychanalystes lacaniens sont très minoritaires.
44:57Je ne suis pas sûre, madame Rodinesco,
44:59que vous connaissiez l'épidémiologie de la psychiatrie.
45:02Vous ramenez toujours l'autisme à la psychanalyse.
45:05Le nombre de psychanalystes...
45:07On ne vous mettra pas d'accord.
45:09Quand on est en Angleterre,
45:10ils vous disent exactement la même chose.
45:13C'est-à-dire que c'est mieux ailleurs
45:15et que c'est moins bien en Angleterre.
45:17Donc l'idée...
45:18Bon, je répète que ce n'est pas du tout une juxtaposition
45:22dans un paquet de lessives.
45:23C'est pas ça, quand même, bon.
45:25Mais quel que soit le pays où vous êtes,
45:29il y a quand même cette position que je trouve très relativiste
45:33dont on vous dit toujours que c'est mieux ailleurs.
45:36Et ça, c'est quelque chose à quoi il faut penser.
45:39Moi, je suis d'accord avec toi, Pierre,
45:42sur la liquidation de la psychiatrie de secteur.
45:45Mais quand on est en Angleterre,
45:46il y a aussi de la psychiatrie de secteur,
45:49mais eux, ils disent que c'est catastrophique,
45:51on ne prend plus du tout en charge personne, etc.
45:54Donc attention à ne pas dire que c'est pire en France.
45:58On vous a entendu.
45:59Alors, Alain Manier, il y a un point
46:01que je voudrais préciser avec vous.
46:05Un autiste,
46:06il a sa propre histoire.
46:09Est-ce qu'on arrive à la faire exprimer ?
46:12Est-ce qu'on arrive à avoir un narratif
46:15qui soit à lui et qui soit subjectif,
46:18et que ce ne soit pas que l'autre qui vienne capter sa parole ?
46:24Alors, dans le travail qu'on peut faire avec les enfants,
46:28je suis pédopsychiatre aussi,
46:31dans le travail qu'on peut faire avec ces enfants,
46:34je pense pas que l'histoire, en tant que telle,
46:37soit absolument décisive.
46:39C'est pas du tout la même chose
46:41que ce qu'on fait dans les cures analytiques
46:43avec des névrosés.
46:45Comment dire ?
46:47Là encore, je tiens à préciser qu'à mon avis,
46:50l'approche psychanalytique avec les autistes
46:53a de grands succès et de très bons résultats,
46:56à la condition qu'elle ne soit pas unique.
46:59Une cure analytique seule avec un enfant autiste,
47:02c'est une aberration.
47:03Il faut qu'il y ait des éléments éducatifs,
47:05des éléments divers.
47:08Pierre de Lyon les a énumérés, David Cohen aussi.
47:13Et ça, ce sont des éléments tout à fait importants.
47:16On part de ces cures.
47:18Je peux raconter la cure d'un enfant autiste
47:20que j'ai suivi il y a très longtemps.
47:22C'était un enfant qui ne voulait pas rester avec moi
47:27dans le bureau seul.
47:28Je le recevais avec son père ou sa mère, suivant les cas.
47:32Sinon, il criait, c'était absolument terrible.
47:35Et puis, un jour, de dessous d'un fauteuil où il était caché,
47:39il est sorti mon chat.
47:40Ca a été une révélation pour cet enfant,
47:43qui, à partir de là, criait, je l'entendais,
47:45puisqu'il venait le samedi matin, dans la rue,
47:48ça a été le premier mot qu'il a dit.
47:50Il fallait que le chat soit là dans la séance.
47:53Et en fait, c'est le chat qui a fait la psychothérapie de l'enfant.
47:56Il l'analyse.
47:57C'est que cette histoire est...
48:00Il y a le chat du rabbin, il y a le chat du psychanalyste.
48:03C'est le rôle des animaux.
48:04Ca peut être ça.
48:06C'est pour ça qu'on parlait de l'équithérapie.
48:08Il y a quelque chose qui se faisait à Mortagne-aux-Perches.
48:13Ma femme a même préfacé un livre
48:16qu'a fait la monitrice d'équitation
48:19dans ce travail avec les enfants autistes
48:22de la région en Normandie.
48:23Il y a la musicothérapie.
48:25Je sais qu'à bon oeil, très tôt, il y a eu ces éléments-là.
48:29Donc, tous ces éléments sont absolument essentiels
48:32parce qu'on n'a pas...
48:34Mon petit point de désaccord avec Raphaël Gaillard,
48:38c'est qu'on n'a pas de méthode qui serait meilleure qu'une autre.
48:41On a un certain nombre de méthodes qui fonctionnent.
48:44Et on ne peut pas savoir d'avance
48:48ce qui, pour un enfant, va accrocher plutôt qu'une autre méthode.
48:52C'est très inattendu.
48:54On charge Bethlehem, c'est vrai, je ne veux pas le défendre,
48:58mais j'ai quand même le souvenir d'un colloque
49:02qui avait été organisé à l'Université of Chicago, où j'étais.
49:05Et dans le repas qui précédait le colloque,
49:08on avait un monsieur en face de nous pendant ce dîner
49:11qui était un peu particulier.
49:13Il évitait le regard, tendance à se balancer, etc.
49:16Donc, on a commencé à parler avec lui.
49:18Il était le directeur de l'école orthogénique de Chicago.
49:21C'était un ancien patient, il nous a expliqué son trajet.
49:25Il avait été patient de l'école, il est devenu le directeur.
49:29Et il a fait une exposé lors du Congrès, le lendemain,
49:33absolument remarquable sur l'autisme,
49:35en se balançant un peu avec quelques petits éléments stéréotypiques.
49:39Mais voilà.
49:40Alors, attendez, Alain Vannier...
49:42Le problème...
49:43Je vais vous donner la parole.
49:45Attends, je voulais juste ajouter une chose.
49:47Le vrai problème, aujourd'hui, c'est l'offre de soins.
49:51C'est-à-dire qu'on a mis en avant
49:54des possibilités de traitement, etc.
49:58Toutes ont des résultats.
49:59Aucune n'a de résultats à 100 % ou à 80 %.
50:03Les taux de réussite sont beaucoup plus faibles.
50:05Mais toutes peuvent marcher.
50:07Sauf que l'offre de soins pour les parents,
50:09quand on reçoit ou qu'on écoute certains parents,
50:12c'est absolument catastrophique.
50:14On a reçu, dans cette école expérimentale de Bonneuil,
50:17dont je m'occupe un tout petit peu,
50:19des parents avec un enfant qui cherchaient
50:22une institution depuis 7 ans.
50:24C'est plus difficile que...
50:25Vous l'avez dit.
50:26Un mot, Elisabeth Roudinesco,
50:29un mot, Raphaël Gaillard.
50:31Oui, on n'a pas abordé aussi cette question.
50:34Quand on dit que c'est un ancien patient...
50:37On n'aborde pas assez la question,
50:40mais bon, c'est peut-être une autre émission,
50:42des autistes qui sont devenus eux-mêmes
50:47les théoriciens de l'autisme.
50:49Vous avez quasiment un peu...
50:52On le fera une prochaine fois,
50:54parce qu'on a peu de temps.
50:56Je pensais à Chovanec, qui est très intéressant,
50:59parce que c'est un autiste.
51:00Aujourd'hui, historiquement,
51:03ce qu'on voit, c'est qu'il y a un renversement
51:05et les patients, en général,
51:07ça se voit dans toute la littérature,
51:09dans tous les modes d'expression,
51:11parlent, finalement, mieux que les psychiatres,
51:14mais il y a eu un renversement épistémologique.
51:17Ce sont les patients qui ont la parole.
51:19Ca, il faut écouter.
51:20Alors, là-dessus, et pour terminer,
51:24c'est quelque chose qui vous est familier.
51:27Vous vous souvenez, peut-être,
51:30on avait fait un débat au propos de la créativité
51:34en disant qu'il y a un grain de folie.
51:36L'autiste n'y échappe pas,
51:38donnant même lieu à des enfants surdoués et géniaux.
51:43Comment vous expliquez ce coup de hache
51:45ou ce génie qu'on trouve chez certains autistes ?
51:49En tout cas, il donne lieu à une réflexion très intéressante
51:52sur ce qu'on appelle aujourd'hui neurodiversité
51:55ou neuroatypicité,
51:56à laquelle il faut s'intéresser,
51:58qui n'est pas d'ailleurs éloigné de la position d'un chauvanec.
52:02Je pense que c'est très important.
52:04Cela étant, je pense qu'il y a une hiérarchie des approches
52:07et qu'on doit, aux familles et aux patients,
52:10de respecter cette hiérarchie des approches.
52:12Je pense que la psychiatrie de secteur,
52:14je la défends, je suis responsable de plusieurs secteurs,
52:17mais il ne faut pas lui faire dire ce qu'elle ne peut pas faire.
52:21Troisièmement, ce n'est pas parce que vous avez une lésion
52:24dans le cerveau à tel endroit ou même une anomalie génétique
52:27que la question du récit, de la narration,
52:30de la subjectivité, d'ailleurs, ne se pose pas bien au contraire.
52:33Ce serait étonnant que de dire à une personne
52:36qui souffre d'un accident vasculaire cérébral
52:38qu'elle est désubjectivée et qu'elle n'a plus rien à dire.
52:42Cela me paraîtrait tout à fait inhumain.
52:44Je pense qu'on s'égare en pensant
52:46qu'à partir du moment où on va rechercher
52:49des déterminants neurologiques,
52:52eh bien, la personne en face de nous n'est plus un sujet.
52:55C'est un combat d'arrière-garde.
52:57Vous vouliez dire un mot, Pierre Delion ?
53:00Juste un mot ?
53:01Je suis d'accord.
53:02Vous voyez qu'on est arrivé à un accord.
53:05Alors, écoutez, avant de nous quitter,
53:07je voudrais donner pour nos téléspectateurs
53:10une bibliographie.
53:11Alors, Pierre Delion, vous avez publié
53:14l'urgence de la psychothérapie institutionnelle
53:17chez Campagne Première en deux mots.
53:19C'est quoi, deux mots ?
53:20Parce qu'on a très peu de temps.
53:22Pour les cas graves et les pathologies archaïques,
53:25il faut une institution et une équipe.
53:27Il faut réfléchir sur comment organiser une équipe
53:30pour qu'elle soit accueillante, humaine et compétente.
53:33Raphaël Gaillard, je rappelle que vous venez de publier
53:36L'Homme augmenté.
53:37Augmenté comment ?
53:39C'est la grande question
53:41de l'hybridation technologique.
53:43Du devenir de nos cerveaux augmentés
53:47à nos risques et périls par la technologie.
53:49Vous signalez que l'hybridation initiale
53:52se fait par le livre aussi.
53:54Je pense que cette hybridation vient en écho
53:56à notre grande hybridation,
53:58celle de l'avènement de l'écriture et de la lecture.
54:01Ce qui va servir à l'Académie française.
54:03Peut-être.
54:04Je l'espère.
54:06Elisabeth Rodinesco,
54:07Soi-même comme un roi,
54:08je crois que c'est votre dernier livre,
54:11on en a abondamment parlé,
54:13mais un mot ?
54:14J'ai étudié
54:15les dérives identitaires, justement,
54:17c'est-à-dire comment, à partir des années 90,
54:21il y a eu un retournement
54:23des engagements, disons, politiques,
54:26après la chute du mur de Berlin,
54:28en faveur de soi,
54:30c'est-à-dire de ce que j'appelle la dérive identitaire
54:33et qui est arrivée, en effet, à des classifications,
54:36ce qu'on appelle le beau, que j'emploie pas le terme,
54:39et qui est que, finalement...
54:41C'est beau, le narcissisme de l'époque.
54:43On est arrivé à l'idée, par exemple,
54:46que tout est devenu identité.
54:47Identité des sourds, identité autistique,
54:50identité noire, identité blanche, etc.,
54:52et que, donc, on est dans un monde
54:54dans lequel les identités passent leur temps à s'affronter.
54:58Merci.
54:59Alors, Alain Vanier,
55:01je rappelle que vous avez publié un Lacan.
55:05Vous pensez que Lacan est toujours d'actualité ?
55:08C'est une question un peu bateau,
55:10mais enfin, ça demeure, aujourd'hui.
55:13Oui, pour autant que la psychanalyse progresse de cette façon,
55:17c'est-à-dire en réinterprétant à chaque génération
55:20le travail des analyses précédentes...
55:23Et les Lacaniens sont dignes du maître, à votre avis ?
55:27Comment ?
55:28Les Lacaniens sont dignes du maître ?
55:30Ils font comme ils peuvent.
55:32Ils font comme ils peuvent.
55:34Alors, je voudrais également signaler
55:36David Cohen avec Filippo Muratori,
55:40qui vient de publier un ouvrage,
55:42Les pionniers de la clinique de l'autisme.
55:45C'est un ouvrage qui est une perspective historique
55:49et contemporaine des pionniers cliniques,
55:51et il met notamment l'accent sur Georges Frankel.
55:55Il me reste à vous remercier,
55:57madame, messieurs, d'avoir participé,
56:00d'avoir apporté des éclairages
56:03sur cette question fondamentale
56:05qu'est l'autisme, aujourd'hui, dans nos sociétés.
56:08Merci à l'équipe de LCP d'avoir permis la réalisation.
56:13Et avant de nous quitter,
56:15je vous laisse sur cette citation,
56:18nous sommes toutes optimistes,
56:20et qui est hors du secteur de la psychiatrie,
56:23de Sophie Marceau.
56:25L'autisme est compliqué parce qu'il faut trouver le chemin
56:29pour entrer dans son monde,
56:31souvent hermétique.
56:33J'y ai été confronté
56:35et j'ai vu qu'on pouvait y parvenir.
56:38SOUS-TITRAGE ST' 501