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"Génial, grave et grivois : l'art gothique" est un documentaire réalisé par Grit Lederer qui explore l'art gothique européen de la fin du Moyen Âge. Voici les principaux points à retenir sur ce film :

Diffusion : Le documentaire sera diffusé sur Arte le 16 juin 2024 à 5h51

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Durée : Il s'agit d'un moyen-métrage d'une durée de 53 minutes
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Année de production : Le film a été produit en 2021
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Sujet : Le documentaire se concentre sur l'imagerie religieuse et profane du gothique tardif, explorant la richesse et l'innovation de l'imaginaire visuel de cette période
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Contenu : Le film présente divers aspects de l'art gothique, notamment des retables aux couleurs chatoyantes, des scènes d'apocalypse peuplées de démons, des gravures virtuoses et des représentations réalistes des textures et des matières
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Origine : C'est une production allemande, le titre original étant "Grusel, Glaube und Genie - Gotik!"
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Transcription
00:00Ces images jouent habilement avec nos émotions, en suscitant l'effroi et l'étonnement.
00:29L'art gothique fascine et intrigue.
00:36L'art qui apparaît à la fin du Moyen-Âge, il y a environ six siècles, est profondément novateur.
00:47Comment expliquer la force de ces images ?
00:58Les univers visuels du gothique recèlent bien des secrets, mais une fois dévoilés, ils sont porteurs d'histoires tout à fait étonnantes.
01:29Avec son tableau Le Jugement Dernier, le peintre Stephan Lorner nous livre une vision d'Apocalypse au sens propre du terme.
01:41Un flot d'hommes et de femmes déferle dans une vallée étroite.
01:45Certains, entraînés par des démons, arrivent directement en enfer.
01:50Les autres, les bienheureux, sont accueillis au paradis.
01:54Ils se pressent en foule compacte vers une grande porte, au son d'une musique angélique.
02:00Lorner montre les élus de dos pour que l'observateur puisse s'identifier à eux.
02:07En 1435, le siège du paradis n'est autre qu'une église gothique.
02:18De l'autre côté du tableau, les damnés et leurs bourreaux.
02:21Tout un étrange bestiaire composé de monstres et de démons.
02:26Ils traînent sans ménagement les pêcheurs vers l'enfer.
02:30Les damnés, nus et sans défense, sont à leur merci.
02:35Parmi les pêcheurs, on remarque des dames de cour, reconnaissables à l'élégance de leurs coiffes,
02:41mais aussi un cardinal et même un pape et une tête couronnée.
02:46Le message est clair. Ni Laurent fut-il royal, ni l'appartenance à l'église ne protège de l'enfer.
02:58Il y a six siècles, une telle représentation devait en effrayer plus d'un.
03:03Aujourd'hui, notre regard est endurci, abreuvé de visions d'horreur,
03:08et nous pouvons avoir plaisir à regarder les monstres de l'honneur.
03:12Mais à l'époque, c'était une vision proprement terrifiante.
03:18Cette représentation de l'enfer délivre un message sans équivoque.
03:23Il faut vivre en bon chrétien et fuir le péché.
03:26De ce point de vue, le tableau n'apporte rien de nouveau,
03:30mais l'image donne encore plus de force à cette mise en garde.
03:34Elle l'exprime sous une forme plus radicale et beaucoup plus visuelle.
03:39Reste sur le droit chemin, pas comme le gros homme que tu vois là en bas.
03:48Je t'ai rencontré à l'hôpital.
03:50Tu vois là en bas.
03:56Stéphane Lochner s'appuie sur la doctrine chrétienne du péché,
04:00avec l'avarice penchant coupable de ce damné ventripotent.
04:05La luxure, les démons s'emparent d'une femme qui s'est livrée au plaisir de la chair.
04:12Le buveur, lui, tient encore un gobelet à la main.
04:16Son ivronnierie le condamne à l'enfer.
04:20Et à peine l'aider sont-ils jetés que le joueur invétéré est happé par des bêtes monstrueuses.
04:29Quant au cupide, ses propres deniers sont l'instrument de son supplice.
04:37Il faut que ce soit affreux.
04:40Un peu comme on attend d'un monstre de film hollywoodien qu'il soit abjecte.
04:45Sinon ce ne serait pas un monstre.
04:48De la même manière, les démons qui tourmentent les damnés se doivent d'être abjects et répugnants.
04:56Nous devons avoir réellement peur de tomber aux mains de créatures prêtes à nous mettre en pièce.
05:13Mais il arrive aussi que les monstres et les anges se disputent une âme.
05:17Comme dans ce fabuleux combat aérien.
05:25Cette vision de l'enfer fait écho aux événements tragiques de l'époque.
05:34Stéphane Lorner meurt de la peste en 1451.
05:40Avec 200 morts par jour, Cologne est ravagée par l'épidémie.
05:44Une situation qui ne nous semble aujourd'hui plus si lointaine.
05:48Le cimetière ne suffit plus à enterrer tous les morts.
05:52Dans la chaleur torride de l'été, il s'en dégage une puanteur insoutenable.
06:03On comprend mieux pourquoi la peste mérite bien son surnom de mort noire.
06:09Quel rôle joue l'art alors que l'épidémie fait rage en ces temps où règne la peur ?
06:15A-t-il un pouvoir consolateur ?
06:19Les œuvres d'art sont-elles sources de réconfort ?
06:28La liturgie catholique du Moyen-Âge fait une large place à l'expérience sensorielle.
06:34Plus les images sont réalistes, plus elles sont saisissantes pour les croyants.
06:39L'art du gothique tardif est un art qui est profondément humain.
06:43C'est un art qui exprime des émotions qui nous touchent aujourd'hui,
06:47500 ans ou 600 ans après la création des œuvres.
06:52Et c'est cette dimension humaine qui, pour moi, est particulièrement importante et émouvante.
07:00Ce qui caractérise l'art du gothique tardif en Allemagne est, me semble-t-il, son caractère obscur.
07:05Les images ont quelque chose de fascinant, mais on ne comprend pas leur esthétique du premier coup d'œil.
07:11Ou disons qu'il y a beaucoup d'éléments déconcertants pour notre regard moderne.
07:36L'éventail des motifs traités dans l'art gothique est large.
07:40Les thèmes sont tant chrétiens que profanes.
07:43Le format va du grand rotable à la miniature de quelques centimètres de haut.
07:49À la fin du Moyen-Âge, les tableaux traitant des rotismes sont rares, mais pas inexistants.
07:55Comme par exemple, l'art de l'art gothique de l'époque.
07:58Aujourd'hui encore, on perçoit le caractère hautement érotique de la scène.
08:03Il y a d'une part les vêtements, ou plutôt l'absence de vêtements de la femme, qui rend sa beauté encore plus séduisante.
08:10Même nous, en tant qu'observateurs modernes, saisissons intuitivement que sa nudité n'est pas liée à l'art gothique.
08:17C'est-à-dire qu'elle n'est pas liée à l'art gothique.
08:20C'est-à-dire qu'elle n'est pas liée à l'art gothique.
08:23Même nous, en tant qu'observateurs modernes, saisissons intuitivement que sa nudité n'est pas liée à un état naturel ou d'innocence,
08:30comme celle d'Eve au paradis terrestre,
08:33mais que c'est une construction culturelle et érotique, justement parce qu'elle porte ces quelques semblants de vêtements.
08:42Et d'autre part, il y a le personnage masculin, qui, lui, est vêtu de pied-en-cape.
08:47Il porte une sorte de costume et regarde la femme.
08:50C'est une mécanique érotique, un marqueur visuel qui fonctionne aujourd'hui comme au 15e siècle.
09:00À côté de la jeune femme, un cœur énorme logé dans un écran.
09:06Dans sa main, un briquet et une éponge.
09:10Elle met le cœur en feu, mais en éteint aussi la flamme.
09:16Mais à qui appartient le cœur sur lequel elle pratique ses actes magiques ?
09:21Les pensées des deux personnages sont illustrées par des rubans.
09:30Même le perroquet, à droite du tableau, a droit à son phylactère.
09:40Tout comme le chien qui dort au pied du couple.
09:43Un mode de communication qui n'est pas sans rappeler les bêtises de l'âme.
09:47C'est typique du 15e siècle.
09:50Les œuvres nous attirent d'abord parce qu'elles semblent extraordinairement accessibles
09:54et nous montrent des éléments de la vie quotidienne,
09:57dont beaucoup d'objets représentés de façon naturaliste.
10:02Mais il y a toujours une rupture.
10:05Parce qu'il est plus important de montrer la totalité de l'humanité
10:08que d'apporter des éléments de la vie quotidienne.
10:11Mais il y a toujours une rupture.
10:14Parce qu'il est plus important de montrer la totalité d'une pièce avec ses fenêtres
10:18que de n'en représenter que la partie qui serait logique pour le tableau.
10:25Le message véhiculé par l'image prime encore sur le respect absolu du réalisme.
10:35Qu'est-ce que l'art gothique ?
10:38Le terme « gothique » est une invention de l'italien Giorgio Vasari,
10:42père fondateur de l'histoire de l'art.
10:46Sous la plume de Vasari, en 1568, le terme avait une connotation péjorative.
10:51« Gothique », cela signifiait « grossier » et « maladroit ».
10:56La critique de Vasari portait surtout sur l'architecture
10:59que les pays du Nord avaient exportée vers l'Italie.
11:04Stylistiquement, Vasari opère une distinction entre le Nord et le Sud des Alpes.
11:10Seule la renaissance italienne trouvait grâce à ses yeux.
11:14Aujourd'hui, en revanche, l'adjectif « gothique »
11:17est un terme de l'art gothique.
11:19Aux antipodes du cliché d'un Moyen-Âge obscurantiste,
11:22l'art du gothique tardif est beaucoup plus novateur et progressiste qu'on ne l'imagine.
11:31C'est surtout en allant à l'église que les fidèles avaient accès aux images.
11:35Mais ces représentations n'étaient pas considérées comme de simples œuvres d'art.
11:40Les œuvres d'art, c'est-à-dire les œuvres de l'art,
11:42sont des œuvres de l'art de l'église.
11:45Mais ces représentations n'étaient pas considérées comme de simples œuvres d'art.
11:49Elles étaient des objets de culte.
11:58Les grands retables qui ont résisté à l'épreuve du temps sont particulièrement impressionnants.
12:04L'un des plus beaux se trouve dans la cathédrale de Cologne.
12:08C'est le retable des patrons de la ville,
12:10aussi appelé « cryptique des rois mages »,
12:13dû au pinceau virtuose de Stéphane Lorner.
12:23Si la représentation de la Vierge à l'enfant et des trois rois mages
12:27s'inscrit dans une tradition séculaire,
12:29l'œuvre de Lorner est originale et novatrice.
12:38La Vierge est si réaliste qu'on a l'impression de pouvoir toucher l'étoffe de son manteau
12:42et le métal de sa couronne.
12:49Sur le volet de gauche,
12:50Saint-Ursule et les onze mille Vierges,
12:52graciles et délicates,
12:54sont tournées vers l'observateur.
12:57Le volet opposé montre Saint-Gérion de Cologne,
13:00représenté grandeur nature.
13:06Les personnages semblent quasiment à portée de main.
13:08Saint-Gérion porte une armure dorée ornée d'une croix.
13:12On a l'impression que si on la frappe du doigt, le métal va teinter.
13:16Ce réalisme extrême rend les personnages plus vivants.
13:19Ils sont vraiment là.
13:20On peut les imaginer bien mieux qu'avec une image abstraite.
13:23Si on adresse une prière à Gérion,
13:26on le voit devant soi,
13:27et le Saint regarde le fidèle,
13:28qui lui demande d'intercéder en sa faveur.
13:31Enfin lui, il regarde vers le panneau central,
13:33mais certains de ses compagnons nous observent directement.
13:36Ils sont là, devant nous,
13:38comme des personnes réelles.
13:39L'illusion est clairement voulue.
13:43Mais en 1442,
13:45comment le peintre s'y prend-il pour créer cette illusion ?
13:49Pour rendre les personnages si vivants ?
13:54Stéphane Lorner fait preuve d'un savoir-faire pictural très développé.
14:00L'armure a des reflets métalliques.
14:06Le velours est chatoyant.
14:09Le ciboire est si réaliste
14:11qu'on a l'impression de pouvoir sentir à quel point sa surface est froide et lisse.
14:25Le retable est une commande des membres du Conseil de la Ville.
14:29Il s'agit d'un retable,
14:30qui est en fait un récif.
14:31Il s'agit d'un récif,
14:32qui est en fait un récif.
14:33Il s'agit d'un récif,
14:34qui est en fait un récif.
14:35Il s'agit d'un récif,
14:36qui est une commande des membres du Conseil de la Ville.
14:39Il fallait donc que ce triptyque magistral
14:41soit un monument à leur propre gloire.
14:52Très tôt,
14:53dès le milieu des années 1430,
14:55Lorner sait peindre les reflets du métal,
14:57la transparence du verre,
14:59l'éclat des pierres précieuses
15:01de façon tout à fait convaincante.
15:03Les commanditaires ont dû s'extasier devant ce chef-d'œuvre à leur effigie.
15:08La fonction d'une telle commande est aussi de dire,
15:11« Notre portrait figure ici sur cette œuvre résolument moderne. Nous sommes à la pointe du progrès. »
15:20Stéphane Lorner donne une démonstration magistrale de ce dont l'art est capable à la fin du Moyen-Âge.
15:27Le peintre était tout à fait reconnu de son vivant
15:30et siégeait même au conseil de la ville en tant que représentant de la Guilde des peintres.
15:36Mais d'où Lorner tient-il son savoir-faire ?
15:40Il a très certainement vu les œuvres du célèbre Jan van Eyck.
15:46Cette nouvelle peinture venue des Pays-Bas est éblouissante.
15:49Même la Renaissance, qui fleurit au même moment en Italie, n'a pas atteint un tel niveau de virtuosité.
15:56Ce minuscule tableau de Jan van Eyck montre sa parfaite habileté picturale.
16:04C'est une grande innovation pour la peinture.
16:07Le mouvement est parti de Jan van Eyck aux Pays-Bas avant de rayonner dans toute l'Europe.
16:13Van Eyck est le premier depuis l'Antiquité qui réussit à rendre la texture des surfaces et les phénomènes optiques.
16:26Comme par exemple avec la lumière qui traverse les vitraux de l'église
16:30et illumine les murs et le sol d'éclatantes taches de peinture.
16:40La couronne d'or parée de pierres précieuses crée elle aussi une illusion parfaite.
16:48Jan van Eyck a très vraisemblablement mis au point ce maniement de la couleur
16:53qui permet d'imiter l'or à la perfection avec de la peinture jaune, blanche, noire et brune.
17:00Et cet or brille vraiment.
17:02Auparavant la seule possibilité consistait à utiliser une feuille d'or qu'on appliquait sur le support.
17:08Cet or était certes brillant mais seulement sous un certain éclairage
17:12et on voyait toujours qu'il y avait quelque chose de plat ajouté à la surface du tableau.
17:18C'est l'apport majeur de la peinture gothique tardive.
17:21On peut désormais représenter l'or sans recourir au précieux métal.
17:26A présent on peint les métaux et on y reproduit les effets lumineux.
17:31Tout devient vivant, profond et beau.
17:47Le monde pictural en est changé.
17:50On ne montre plus en premier lieu ce qui existe objectivement, ce qu'on sait.
17:54Par exemple qu'un objet rouge est entièrement rouge.
17:57Une boule rouge est rouge, point.
18:00Ce que voit le peintre c'est que la boule est en partie rouge
18:03mais que, si elle est lisse, une tâche blanche se forme à la lumière.
18:07Il y a un point blanc brillant tandis que d'autres endroits sans lumière sont entièrement noirs.
18:12Autrement dit, je ne peins plus ce que je sais de l'objet mais ce que je vois.
18:16C'est un raisonnement qui fait appel à une réflexion abstraite
18:20et non plus seulement à un artisanat concret.
18:23Le geste pictural devient une performance intellectuelle autant que manuelle.
18:27Beaucoup de gens croient que cet art est une question de travail manuel et de méticulosité.
18:32Mais c'est tout le contraire.
18:34Ça se passe d'abord dans la tête.
18:36Il faut comprendre ces principes abstraits.
18:39Cette révolution s'est répandue comme une traînée de poudre à travers l'Europe.
18:43Les gens étaient époustouflés par cet art de l'illusion.
18:49Une nouveauté dont la force a dû saisir ses contemporains.
18:59Vingt ou trente ans auparavant, aucun peintre n'aurait été capable de peindre ses draperies.
19:06Ce réalisme extrême permet au peintre de fixer des détails
19:10qui sont autant d'indices pour décrypter son œuvre.
19:17Sur le retable des patrons de la ville, à Cologne,
19:20l'armure de Saint-Géréon nous révèle une histoire troublante.
19:24On distingue sur les jambières le reflet de fenêtres à menots.
19:27Mais ce ne sont pas des fenêtres d'église.
19:31Les édiles de Cologne destinaient ce chef-d'œuvre à la chapelle du conseil de la ville.
19:35Or, cette chapelle n'était autre qu'une ancienne synagogue.
19:39En 1424, les Juifs sont expulsés de la métropole.
19:43La chapelle de Saint-Géréon n'était plus qu'une petite chapelle.
19:47Or, cette chapelle n'était autre qu'une ancienne synagogue.
19:51En 1424, les Juifs sont expulsés de la métropole Rhénane.
19:55Le XVe siècle est marqué par un antisémitisme féroce.
20:00Le retable n'est pas uniquement destiné au recueillement religieux.
20:03L'œuvre de Stéphane Lorner exprime aussi la position idéologique de la ville.
20:12Le retable installé dans l'ancienne synagogue de Cologne
20:15était visiblement destiné à affirmer la supériorité du christianisme sur le judaïsme,
20:21y compris sur le plan visuel.
20:28Selon l'Évangile de Jean, le Verbe s'est fait chair.
20:33Il peut et doit donc aussi devenir image.
20:38Lorner expose ici triomphalement la technique picturale chrétienne,
20:42un triomphalisme qui nous met aujourd'hui mal à l'aise.
20:53Le triptyque est une démonstration de force qui marque les esprits.
20:58Pour les spectateurs de l'époque,
21:00le retable était doté d'une charge idéologique et affective difficile à imaginer aujourd'hui.
21:13On n'en finissait plus de s'extasier.
21:16On pourrait peut-être comparer cela à notre émerveillement des dernières décennies
21:20face aux prouesses des nouvelles technologies,
21:22comme les rendus 3D ou ce genre de choses.
21:29L'œuvre de Stéphane Lorner exprime aussi la position idéologique du christianisme sur le judaïsme,
21:35y compris sur le plan visuel.
21:38Les édiles et l'église ne sont pas les seuls à commander des retables.
21:43De riches particuliers, tant nobles que bourgeois, se font mécènes.
21:52En finançant un tableau d'hôtels,
21:54les membres des familles les plus fortunées espèrent abréger leur séjour au purgatoire.
22:00Mais la démarche n'est pas que religieuse.
22:02Dans un esprit nettement plus séculier,
22:04elle vise aussi à faire étalage de son aisance financière.
22:09La virtuosité de ces images impressionne.
22:20C'est une époque relativement pauvre en images.
22:23Elle n'était pas totalement inexistante,
22:25mais peu de gens y avaient accès.
22:27Au cours du Moyen-Âge, elles se sont multipliées,
22:29jusqu'à connaître une véritable inflation.
22:32Au début, il y avait peut-être une image mariale
22:34ou du Christ en croix par église.
22:36Plus tard, les églises pouvaient contenir jusqu'à 70 hôtels portant un retable chacun.
22:44Cette époque voyait certainement moins d'images que la nôtre.
22:48Nous en sommes inondés en permanence,
22:50nous ne les percevons pas.
22:53Mais elles nous envahissent sans relâche.
22:55Ce n'était pas le cas à l'époque.
22:58Mais le XVe siècle représente un tournant très intéressant,
23:01parce que c'est le moment où on commence à imprimer des images.
23:05Cette pratique se répand,
23:06ce qui rend d'un coup les images beaucoup plus présentes
23:09que tout ce qu'on aurait pu imaginer auparavant.
23:13Les images sont de plus en plus importantes.
23:15Elles sont de plus en plus intéressantes.
23:18Au milieu du XVe siècle, se produit une révolution médiatique.
23:22L'invention de l'imprimerie par Gutenberg vers 1450.
23:28L'arrivée de ces nouvelles techniques bouleverse le regard et la perception.
23:33Des images religieuses ou profanes sont imprimées en série et largement diffusées.
23:40Les images de la vie quotidienne,
23:42des images religieuses ou profanes sont imprimées en série et largement diffusées.
23:51Au nord des Alpes, on invente un motif à part,
23:54la puissance féminine.
23:57Des femmes dominent des hommes et même les ridiculisent.
24:02Ici, l'invulnérable Samson est vaincu par Dalila,
24:06qui jette un regard complice au spectateur.
24:13La puissance féminine n'est pas le seul motif qu'apprécie le public.
24:18Les scènes grivoises et obscènes sont également en vogue.
24:24Des moines à moitié nus, en habit de bouffon.
24:29L'un d'entre eux s'accouple à un griffon,
24:31tandis qu'une femme lui administre une fessée.
24:36Une caricature à la fois paillarde et politique,
24:38qui critique l'hypocrisie des politiques.
24:42Et les monastères.
24:52Vers 1450, on a autant soif d'images que de livres.
24:57Au début, plusieurs procédés d'impression coexistent.
25:03Les images de ce minuscule livre de prières bavarois,
25:06datant de 1440, sont imprimées,
25:09mais le texte est encore copié à la main.
25:13Les fidèles qui priaient chez eux,
25:16mais aussi dans les monastères,
25:19souhaitaient avoir une représentation visuelle de l'Évangile,
25:23et surtout de la passion du Christ.
25:28Les livres de prières sont donc assez rapidement illustrés.
25:36Ceux qui prient,
25:39ce sont de tout petits volumes,
25:41et on peut imaginer que tout en priant,
25:44les gens peuvent aussi étudier,
25:46admirer les illustrations,
25:48et s'appuyer sur les images
25:50pour prier avec plus de ferveur.
25:57Cet ouvrage a fait date dans l'histoire du livre.
26:00Il relate un pèlerinage en terre sainte,
26:02non seulement par écrit, mais aussi en image.
26:05Outre des illustrations de costumes locaux ou de crocodiles,
26:09le récit de voyage montre des vedoutés,
26:12des vues de différentes villes,
26:14dont un panorama dépliant de Jérusalem,
26:17considéré comme la première vue topographiquement juste de la ville sainte.
26:35Les gravures sur cuivre de Martin Schongauer
26:38témoignent d'une maîtrise technique brillante.
26:41Ici, la Tentation de Saint-Antoine.
26:46Schongauer grave avec force détail la scène dans la plaque de cuivre.
26:50Fils d'orfèvre, il a sans doute appris très jeune à travailler le métal.
26:56Schongauer représente Saint-Antoine tourmenté par une nuée de démons,
27:00qui aurait même inspiré un tableau au grand maître italien Michel-Ange.
27:05Les démons sont d'une telle originalité
27:08qu'ils étaient unanimement admirés au XVe et au XVIe siècle.
27:12Ils ont aussi été copiés par d'autres artistes.
27:16On sait par exemple que Michel-Ange en possédait une estampe,
27:20et qu'il est allé aussi au fish-market,
27:23et qu'il est allé aussi au fish-market,
27:26et qu'il est allé aussi au fish-market,
27:29et qu'il est allé aussi au fish-market,
27:33Il allait au marché pour pouvoir étudier les poissons
27:36qu'il pensait voir dans les têtes monstrueuses de Schongauer.
28:03Cette œuvre de Martin Schongauer est considérée
28:06comme sa plus grande gravure sur cuivre.
28:09Un portement de croix, réalisé vers 1475.
28:15L'image foisonne de détails.
28:18Des copies de ce motif se vendent dans toute l'Europe occidentale,
28:22du sud de l'Allemagne jusqu'à la péninsule ibérique.
28:27Dans l'art gothique tardif, les genres s'influencent mutuellement.
28:32La gravure inspire la peinture et la sculpture.
28:37La gravure, faite usingbeads,
28:52La gravure fait vivre à l'observateur une expérience visuelle inédite.
28:59Même sans couleur, une œuvre d'art est une œuvre d'art.
29:04Ces sculptures non peintes auraient été inconcevables quelques temps plus tôt.
29:09Le relief de Tilman Raymond Schneider représente la rencontre de Marie-Madeleine et de Jésus après la résurrection.
29:17Le sculpteur prend modèle sur une gravure de Sean Gower.
29:28Il y a un sens beaucoup plus élevé du drame.
29:33Les drapés sont beaucoup plus en mouvement, comme s'il y avait un vent qui soufflait sur la scène.
29:42Une autre chose, c'est le traitement très particulier du paysage.
29:47La direction de ces marques diffère d'un pan à l'autre
29:52et crée dans notre perception une différenciation entre les différents pans du paysage.
29:59Cela ajoute une qualité dramatique au paysage.
30:04Cela crée un sens de profondeur dans les différents pans du paysage.
30:09Ce que je trouve fascinant, c'est que c'est un moyen graphique.
30:18Ce qui fait le renom de Tilman Raymond Schneider, c'est qu'il montre le bois à l'état pur.
30:24Quelques années plus tard, les sculptures seront peintes.
30:29L'artiste était sans doute un peu trop en avance sur son temps.
30:34Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle ce retable est aujourd'hui considéré
30:40comme une œuvre majeure de la sculpture du gothique tardif.
30:45Jamais depuis l'Antiquité, aucune sculpture n'avait montré de visage aussi expressif.
30:51Raymond Schneider, c'est quelqu'un qui nous montre comme nous sommes,
30:56avec nos défauts et nos faiblesses,
31:00et qui, sans l'aide de la peinture, sans l'aide de la couleur,
31:05réussit à représenter un individu qui nous touche, qui nous bouleverse nous-mêmes.
31:12Pour moi, c'est ce qui fait vraiment la force de ce sculpteur.
31:18Peinture, gravure, sculpture.
31:22Au Moyen-Âge, la distinction entre les genres artistiques
31:26est nettement moins tranchée que dans les musées aujourd'hui.
31:30La sculpture pouvait elle aussi être virtuose,
31:34comme le montrent par exemple ces mèches de cheveux façonnées dans le bois.
31:39On pense souvent que les artistes au Moyen-Âge sont des gens modestes,
31:43mais lui, pas. Ce n'était pas le cas.
31:46Nicolas de Leyde était tellement célèbre
31:50qu'il a reçu des commandes de tout le sud de l'Empire romain-germanique,
31:54et il fait des choses que personne ne fait.
31:57C'est pour ça qu'il s'appelait Nicolas de Leyde.
32:00C'est pour ça qu'il s'appelait Nicolas de Leyde.
32:03C'est pour ça qu'il s'appelle Nicolas de Leyde.
32:07C'est un artiste qui pousse le matériau,
32:10que ce soit la pierre ou le bois, à ses limites structurelles.
32:37Aujourd'hui, les noms de Lorner, Schongauer, Riemenschneider ou de Leyde
32:43ne sont plus guère connus que des initiés.
32:46Se voyait-il eux-mêmes déjà comme des artistes au sens où nous l'entendons ?
32:51On fait souvent remonter à la Renaissance l'émergence de la vision
32:55de l'artiste génial, auteur d'une œuvre personnelle.
33:00Les peintres, sculpteurs et autres faisaient partie des artisans.
33:04Ils appartenaient en tant que tels à la moyenne haute bourgeoisie,
33:08possédaient souvent des biens et avaient un certain niveau d'instruction.
33:12Presque tous savaient écrire, mais malgré ce statut,
33:16les artistes n'étaient clairement pas dans la même catégorie
33:19que les serruriers ou les cordonniers, par exemple.
33:22Ils étaient à part.
33:24Martine Schongauer, le graveur virtuose,
33:27excelle également dans un autre genre, la peinture sur bois.
33:31Michel-Ange admirait cet artiste venu du Grand Nord.
33:35À juste titre, il a écrit une peinture sur bois
33:39qui a été publiée par le journal Le Monde.
33:42C'est une peinture sur bois qui a été publiée par le journal Le Monde.
33:46C'est une peinture sur bois qui a été publiée par le journal Le Monde.
33:49Michel-Ange admirait cet artiste venu du Grand Nord.
33:53À juste titre, selon un savant italien du 19e siècle
33:57qui avait vu ce tableau de Schongauer dans la collection d'un noble sicilien.
34:10C'est un petit tableau sur bois qui ressemble à un bijou.
34:14Il a dû coûter cher car il fallait un artiste exceptionnel pour le réaliser.
34:19On pouvait le prendre dans les mains et peut-être se mettre à la fenêtre
34:23pour regarder attentivement la qualité des détails
34:26et admirer ce paysage incroyable
34:29représenté sur une surface minuscule de quelques centimètres carrés.
34:33Il y a un lac, des champs, un troupeau de moutons, une ville.
34:38On a l'impression que le paysage s'enfonce
34:41sur des kilomètres dans la profondeur du tableau.
34:44Voir tout ça sur une si petite surface, c'est très impressionnant.
34:48Pas pour nous qui connaissons la photographie,
34:51mais à l'époque, vers 1475, cela devait être très inhabituel.
34:55Très étonnant qu'une telle œuvre puisse exister.
34:59Sur le plan matériel, elle est en très bon état.
35:02Ses propriétaires en prenaient soin, non seulement en tant qu'objet de piété
35:06mais aussi en raison de sa grande valeur.
35:09Ils pouvaient dire, regardez quels bijoux je possède.
35:13Et vous savez de qui il est ?
35:25Au nord des Alpes, on trouve d'importants centres artistiques,
35:29par exemple à Cologne, Prague ou dans le sud de l'Allemagne.
35:34Mais une église de pèlerinage en pleine campagne
35:38peut aussi très bien avoir les moyens de commander une œuvre à un artiste célèbre.
35:43C'est ainsi que la petite basilique de Tiefenbronn, en Soabe,
35:47raconte l'histoire d'une grande œuvre d'art.
35:52Le retable de Tiefenbronn, en l'église Sainte-Marie-Madeleine,
35:56évoque le périple de Marie-Madeleine jusqu'en Provence.
36:05Le retable de Tiefenbronn est une œuvre tout à fait exceptionnelle.
36:09Une peinture à l'écart de l'artiste,
36:12une œuvre d'art à l'écart de l'artiste,
36:15une œuvre d'art à l'artiste,
36:19une œuvre tout à fait exceptionnelle.
36:22une peinture à l'huile, sur bois, très raffinée.
36:25C'était probablement que ce qui se faisait de plus recherché,
36:29de plus moderne et de plus remarquable à l'époque en Allemagne du Sud
36:32et de loin.
36:37Il faut pratiquement mettre le nez sur le tableau.
36:40En s'approchant de tout près,
36:43on voit toute la finesse et la délicatesse de sa peinture.
36:46Lassin, Lazar, Madeleine et aussi Marthe.
36:50En portant le regard sur la mer, on découvre ensuite de petits navires aux gréements très précisément peints.
36:56Et on a l'impression de voir à des dizaines ou des centaines de kilomètres, tellement la profondeur est bien représentée.
37:02Puis on aperçoit une ville, et à l'extérieur de la ville, un gibet, où se déroule une pendaison, au milieu de soldats placés en cercle.
37:10Ils sont minuscules. Ils ont la taille de toutes petites fourmis.
37:14Ce sont juste des petits points, mais si on regarde de très près, on distingue quand même leurs armures étincelantes, par exemple, et tous les détails de l'arrière-plan.
37:25D'autres détails remarquables témoignent de la virtuosité de l'artiste.
37:30L'auréole de Sainte-Marthe est transparente pour laisser voir le visage de Lazar.
37:37Au-dessus, une scène inhabituelle saisit un couple dans l'intimité.
37:43Pendant que l'homme dort profondément, Marie-Madeleine apparaît en songe à la païenne provençale, qui est instantanément convertie au christianisme.
37:53Elle est nue, et une pièce de lingerie flotte malicieusement à la lucarne.
38:07Sur le panneau central, on reconnaît le mur d'un quai.
38:12Ces blocs de grès rouge grossièrement taillés sont superbement peints.
38:16On a l'impression de pouvoir les toucher, de sentir la rugosité de la pierre.
38:21Il y a aussi des anneaux métalliques dont l'ombre se projette sur le mur en face.
38:26On les entend cliqueter, et ainsi de suite.
38:29Ce mur est un motif fabuleux. Le peintre y a mis beaucoup d'applications.
38:35Et à côté, une église encore en construction.
38:38On reconnaît la statue brisée d'un dieu antique, également très bien faite, qui tient une chaîne.
38:44Au bout de cette chaîne est attaché un singe aveugle, qui symbolise visiblement la nature aveugle et sans dieu.
38:51Les motifs sont extraordinaires.
38:54Les artistes de l'époque signent rarement leurs œuvres.
38:58Mais ici, le peintre immortalise son nom en lettres d'or.
39:03Lucas Moser.
39:05Mais il laisse aussi une énigme à la postérité.
39:13En face de son nom, il ajoute une inscription.
39:18En face de son nom, il ajoute une inscription, qui était déjà célèbre au XIXe siècle, et a fait l'objet de controverses répétées.
39:26Elle a même été considérée un temps comme un ajout du XIXe siècle.
39:30Mais elle est d'origine, cela ne fait aucun doute.
39:33Elle porte une inscription en vieil allemand qui signifie,
39:36« Crie, ah, crie et lamente-toi, aujourd'hui plus personne ne te désire, hélas. »
39:43A première vue, ça peut sembler étonnant, car l'œuvre sur laquelle figurent ces mots est la plus moderne de son temps dans sa région.
39:51Ce qu'ils expriment en réalité, ce n'est pas le regret d'une époque révolue qui était plus intéressée par l'art,
39:59mais clairement la plainte rhétorique d'un artiste qui se sent incompris.
40:04Il s'agit simplement d'une auto-célébration.
40:08Le message est en substance, cet art, que je personnifie ici, et qui peut même crier,
40:15ce savoir-faire et cet artisanat qu'on voit sur le tableau, sont si extraordinaires et si nouveaux
40:21que personne n'est vraiment capable de les apprécier à leur juste valeur.
40:25Selon moi, l'idée qu'il veut faire passer est, cette œuvre est si fantastique qu'aucun de vous ne la comprend.
40:33À la fin du Moyen-Âge, les artistes dirigent des ateliers,
40:37et on voit apparaître dans certaines régions des spécificités, des savoir-faire, voire des styles propres.
40:47Les maîtres ont des assistants, qui ont le statut d'apprentis ou de valets.
40:52Seul le maître a le droit d'exprimer ses idées.
40:57Le monde des artistes ne se limite pas à leur région.
41:01Ils sont également influencés par ce qui se fait ailleurs.
41:05Paris et la France sont des régions où les artistes sont les plus connus.
41:10Ils sont les plus connus dans le monde.
41:13Ils sont les plus connus dans le monde.
41:16Ils sont les plus connus dans le monde.
41:19Ils sont les plus connus dans le monde.
41:23Paris et la France sont des repères importants pour les artistes allemands.
41:28Comment peint-on une tête en contre-plongée ?
41:34Et une tête vue du dessus, comme celle qu'on voit ici en haut à droite ?
41:40La peinture sur panneaux françaises montre l'exemple.
41:45Cette influence est sensible chez les peintres de l'École de Cologne.
41:49Ils recopient les gestes expressifs des tableaux français.
41:53Les saints ont la même façon de pointer l'index.
41:56À Cologne, on est tout à fait au courant de ce qui se passe à Paris.
42:00Les innovations parisiennes sont répétées dix ans plus tard à Cologne.
42:04Que ce soit au niveau de l'architecture, de l'artisanat,
42:09de la peinture, mais aussi de l'orfèvrerie.
42:13Les innovations parisiennes sont adoptées très rapidement.
42:17Et l'art français, 2400, a une influence énorme sur l'art de l'Europe centrale.
42:29La dernière église romane de Cologne est consacrée en 1249.
42:34L'année suivante, les bâtisseurs sont passés au gothique.
42:38Ils entament les travaux de la cathédrale, qui s'inspirent de celles d'Amiens.
42:43On sait par les registres de ventes immobilières que la ville comptait un grand nombre de peintres.
42:50Le milieu de l'art devait être vivant et foisonnant.
42:54À Cologne, l'influence française est très forte.
42:59Nous avons la chance de pouvoir montrer quelle influence la France exerçait sur les peintres de Cologne.
43:06Elle se voit par exemple dans le contraste entre la couleur de l'extérieur des vêtements et la garniture intérieure.
43:14Il y a aussi les volutes que forment les pans de la robe sur le tableau français.
43:24Sur la version allemande, on voit que l'élégance du mouvement n'était pas encore aussi maîtrisée.
43:30Les peintures de Cologne sont plus ou moins identiques.
43:34Les peintures de Cologne sont plus ou moins identiques.
43:38Il n'en reste pas moins que les deux tableaux se ressemblent à s'y méprendre.
44:09Vers 1480, le Moyen-Âge finissant est une période de transition.
44:15Nombre de nouvelles tendances artistiques émergent et s'affirment.
44:20C'est ce qui rend l'art de cette période si passionnant.
44:24Les portraits, par exemple, sont encore rares.
44:28La plupart des figures humaines correspondent encore à des idéaux.
44:32Ce couple est idéalisé.
44:34Et pourtant, on devine sous les visages le portrait de personnes réelles.
44:49Dans un dessin à la pointe d'argent représentant le même couple,
44:53l'artiste pousse la thématique de l'amour encore un peu plus loin.
44:57La charge érotique du dessin est indéniable.
45:00L'homme enfonce sa main dans un chapeau souple,
45:03et la signification du poignard est sans équivoque.
45:08La recherche est divisée sur la nature de l'œuvre.
45:11Certains y voient le portrait de deux personnes réelles, historiques,
45:15qui ont véritablement vécu.
45:17D'autres y voient la représentation d'un couple idéalisé.
45:22L'homme et la femme portent tous deux des habits de cour.
45:26Elles lui offrent des cordons d'étoffes rouges liés entre eux,
45:30dont on ignore aujourd'hui la signification précise.
45:39Autre énigme, quelle était la nature exacte de l'œuvre ?
45:45Le texte dans le Philactère de la Femme dit en substance
45:49« celles qui vous a offert ce cordon, ne vous méprisez pas tout à fait ».
45:54Il s'agit bien sûr d'un euphémisme, d'une litote,
45:58pour dire qu'elles l'aiment beaucoup,
46:00et qu'elles n'ont pas besoin d'être étonnées par l'œuvre.
46:03Cependant, l'œuvre n'est pas une œuvre.
46:05C'est une œuvre qui n'a pas besoin d'être étonnée par l'œuvre.
46:08C'est une œuvre qui n'a pas besoin d'être étonnée par l'œuvre.
46:12La réponse de l'homme est un peu plus difficile à saisir,
46:15et controversée aussi.
46:27Cette phrase est un peu plus ardue à comprendre pour nous aujourd'hui,
46:31ce qui donne lieu à différentes interprétations du tableau.
46:35Pour certains, elle signifie
46:37« Elle s'est abandonnée en dépit des convenances, car je l'ai séduite par le plaisir ».
46:43Ce serait une allusion au fait que ces deux personnes ne sont pas de même rang,
46:47ou ne sont pas mariées,
46:49et que la liaison entre ces deux personnes est inconvenante.
46:58On présume qu'il s'agit d'un noble et d'une rôturière.
47:02Malgré ses nombreuses éléments,
47:04le tableau foisonne de détails réalistes.
47:09Le bras de l'homme semble vivant,
47:11tout comme les doigts délicats sur le point de se toucher.
47:23Au 15e siècle, la peinture s'ancre fortement dans le profane.
47:28Cela se voit d'une part dans des scènes d'amour comme celle-ci,
47:32mais aussi dans la laideur brute de certains personnages.
47:37Les disciples du Christ, par exemple, peuvent avoir des physionomies très grossières,
47:42mais cela les rend véritablement humains,
47:44des hommes de chair et de sang qu'on pourrait croiser dans la rue.
47:50Le récit des Évangiles est un exemple d'une personnalité
47:55Le récit des Évangiles est adapté à la vie terrestre.
47:59Il est incarné par des personnes réelles qui peuvent être laides ou frustes.
48:05Leur visage peut exprimer de vives émotions,
48:08si bien que leurs traits sont loin d'être réguliers
48:11et ne seront pas forcément montrés à leur avantage.
48:24L'art du gothique tardif nous donne à voir des sujets tant profanes que religieux,
48:29des couples d'amoureux et des personnages de saints,
48:32des motifs érotiques et des scènes d'épouvante.
48:37La force des interactions entre les genres est surprenante.
48:42Une gravure peut très bien influencer une sculpture, un tableau, voire une œuvre artisanale.
48:49La recherche sur l'impact des retables médiévaux a encore de belles heures devant elle.
49:00Ce qui en ressort clairement, c'est l'habileté des artistes à reproduire les phénomènes optiques,
49:06à une époque où on ignorait encore la taille de notre planète et l'existence de l'Amérique.
49:19C'est justement son observation minutieuse du monde
49:22qui fait du gothique tardif non seulement un art novateur,
49:26mais aussi une source d'inspiration pour les générations futures.
49:49Dans la cathédrale de Cologne, sur le retable des patrons de la ville,
49:53on distingue aux pieds des saints une multitude de plantes.
50:01Si vous ouvrez un livre médiéval sur les sciences naturelles,
50:05vous y lirez par exemple que la mouche est le plus petit des oiseaux,
50:09ce qui montre que les scientifiques de l'époque avaient des connaissances sur la nature.
50:15Ce qui montre que les scientifiques de l'époque avaient des connaissances très approximatives.
50:20En revanche, sur certains tableaux, vous verrez des mouches magnifiquement bien peintes.
50:25L'artiste ignorait lui aussi que la mouche n'était pas un oiseau,
50:29mais il regardait exactement comment elle était faite
50:32et voyait qu'elle avait six pattes et des ailes transparentes.
50:35L'observation permet de saisir le monde avec une justesse dont les savants de l'époque sont incapables.
50:41Autrement dit, pour ce qui est de l'exploration de la nature,
50:45l'art avait une longueur d'avance.
50:54Ce tableau réunit à la fois un sujet religieux et des connaissances optiques et scientifiques.
51:01Vers 1440, Stéphane Lorner peint La Madone aux Buissons de Rose.
51:12Des fenêtres se reflètent dans le bleu d'un saphir.
51:16La pierre précieuse représente la nouvelle lune,
51:19car l'auréole de la Vierge se réfère à l'astronomie.
51:24Les croissants de lune s'agrandissent jusqu'à la pleine lune, le visage de la Vierge.
51:31Cette image n'est plus seulement un objet de dévotion,
51:34une image pieuse à laquelle on adresse des prières.
51:38C'est une œuvre d'art à part entière.
52:08Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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