20% des Français ont bu au moins une fois une eau du robinet non conforme aux critères de qualité, en 2021. Depuis plusieurs mois, la recherche de résidus de pesticides et de polluants éternels a entraîné le dépassement des seuils de qualité, voire même la fermeture de captages dans plusieurs villes de France. La population s'inquiète d'avoir bu une eau contaminée pendant des années. Mais les risques réels pour la santé sont difficiles à évaluer, tant les sources de pollution sont nombreuses et diverses. Alors, l'eau du robinet est-elle toxique ? Et qu'en est-il des eaux minérales en bouteilles ? Des enquêtes récentes ont montré qu'elles n'échappaient pas aux contaminations. Vers quelle alternative les Français peuvent-ils se tourner ? Nous poserons ces questions à notre invitée, l'hydrologue Emma Haziza.
La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !
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NewsTranscription
00:00...
00:30...
00:38Des réserves d'eau polluées ou à sec,
00:41des captages qui ferment partout en France,
00:43des eaux en bouteilles filtrées illégalement.
00:47Depuis un an, plusieurs révélations ont jeté le trouble
00:50sur cette ressource limpide et bien sûr vitale.
00:54De nombreux Français s'interrogent.
00:57Quand je constate le nombre de cancers qui sont autour de chez moi,
01:00la dame là, la dame là-bas, la dame qui est là,
01:04on est inquiets quand même.
01:05L'eau potable est pourtant strictement contrôlée,
01:08mais la multiplication des sources de contamination
01:11complique l'évaluation des risques réels pour la santé.
01:14Pour les produits de transformation des pesticides,
01:17le danger en général n'est absolument pas connu
01:20ou très peu connu, et l'exposition l'est encore moins.
01:23Donc là, le risque, il est sous forme d'un grand point d'interrogation.
01:27Alors, avons-nous raison de nous inquiéter ?
01:30Notre eau potable est-elle menacée ?
01:32C'est le thème de ce nouveau numéro d'État de santé.
01:35...
01:39Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau numéro d'État de santé
01:42qu'on va consacrer à l'eau.
01:43On entend beaucoup de choses sur l'eau.
01:45Celle que l'on boit, elle n'est pas pure, elle n'est pas naturelle.
01:49Et puis, il y a la question de la ressource.
01:51On parle de plus en plus de pénurie.
01:53Et cette raréfaction, elle suscite mille convoitises
01:57que vous connaissez très bien.
01:58Bonjour à vous, Eman, Aziza.
02:00Vous êtes une hydrologue réputée.
02:02On est ravis de faire cette émission avec vous.
02:04Soyez la bienvenue.
02:05J'ai une question, pardon, un peu basique.
02:08L'eau pure, ça existe, l'eau pure ?
02:11Oui. Alors, tout dépend de quoi on parle.
02:14Si on parle d'eau pure sur le plan chimique,
02:16c'est une eau qui n'a absolument aucun minéraux.
02:18Mais l'eau pure, aujourd'hui, telle qu'on l'entend,
02:21c'est une eau qui n'a pas été souillée, polluée,
02:24mais qui sort à travers une source
02:26et qui peut être bue directement sans aucun traitement.
02:29Mais l'eau minérale, elle est traitée ?
02:32On va entrer dans tous ces détails,
02:33parce que j'ai plein de questions à vous poser.
02:35Mais d'abord, on va voir votre portrait.
02:43Eman Aziza est une hydrologue engagée contre l'épuisement
02:45et la pollution des cours d'eau et des nappes phréatiques.
02:49Pour sensibiliser à la préservation de ces ressources,
02:52elle organise des ateliers pédagogiques dans les écoles
02:55et anime des conférences partout dans le monde.
02:58Afin de trouver des solutions concrètes,
03:00elle a fondé Mayan, un centre de recherche
03:03pour l'adaptation de nos sociétés aux risques climatiques.
03:11Alors, Eman Aziza, des questions de définition, encore une fois.
03:14L'eau minérale, vous nous avez expliqué il y a quelques instants
03:16qu'elle était donc pure.
03:17Elle est enrichie, mais elle n'est pas polluée.
03:22C'est bien ça. Il n'y a pas de polluants.
03:24En fait, c'est une eau naturelle enrichie par le milieu qu'elle rencontre.
03:29Et donc, toutes les eaux ont des spécificités différentes.
03:32Certaines vont passer via des milieux qui vont se remplir de silice.
03:37Et donc, elles vont avoir un goût très particulier.
03:40D'autres vont plutôt passer dans des milieux calcaires.
03:42Et en regardant ce qui compose les minéraux de la bouteille,
03:46eh bien, on peut retracer son chemin sous terre.
03:49Et alors, l'eau du robinet, elle vient des nappes phréatiques ?
03:53Elle vient du sous-sol ?
03:54Oui.
03:55Potentiellement, elle pourrait être pure.
03:58Alors, en fait, la plupart des eaux du robinet aujourd'hui
04:01viennent soit d'eau de surface,
04:03donc qui sont prélevées directement en rivière,
04:05soit viennent d'eau souterraine, mais plutôt de nappes superficielles.
04:10C'est-à-dire que ce sont vraiment les premières nappes
04:11que l'on peut avoir sous terre,
04:13et donc qui n'ont pas ces capacités d'avoir suivi un cheminement,
04:18parfois derrière des milliers d'années, parfois des dizaines d'années,
04:22mais en tous les cas, cet enrichissement dans les roches profondes.
04:26Et donc, c'est ce chemin qui est absolument différent.
04:28Mais les eaux minérales qu'on boit en bouteille,
04:31elles sont traitées, elles sont filtrées.
04:35Alors, pourquoi on filtre de l'eau qui, potentiellement, est pure ?
04:37Alors, peut-être, revenons à la source, cas de dire.
04:40D'abord, l'histoire de la France, c'est l'histoire de l'eau minérale,
04:44parce que c'est vraiment en France qu'on a développé
04:46cette culture du fait d'aller se soigner avec l'eau.
04:50On a tous connu, peut-être, des grands-parents
04:51qui allaient à Vichy boire cette eau.
04:53Eh bien, en réalité, cette culture était très française.
04:57C'est-à-dire qu'on acceptait, nous, de boire des eaux
05:00qui n'avaient absolument pas été traitées
05:02et qui étaient bues comme telles
05:04parce que considérées comme bonnes pour la santé.
05:06Si vous allez aux États-Unis,
05:07là-bas, on boit quasiment de l'eau distillée
05:10qu'on met dans une bouteille en plastique.
05:11Donc, en fait, c'est déjà des cultures complètement différentes.
05:14Ce qui se passe, c'est que, pendant toutes ces décennies,
05:18on avait confiance dans cette eau.
05:20C'était quelque chose où on était persuadés
05:22que c'est ça qu'il fallait donner à notre enfant quand une femme allait.
05:24Et en fait, le contenu, à la base, c'était plutôt des bouteilles en verre.
05:27Il y avait plutôt un système assez vertueux.
05:29Sauf que ce modèle, qui était un modèle plutôt lucratif,
05:33eh bien, s'est mis à s'exporter au niveau mondial.
05:36Et puis, on a basculé, un peu comme, d'ailleurs, pour le Coca-Cola.
05:39D'un seul coup, sur des embouteillages en plastique.
05:41Mais on avait toujours confiance dans le contenant.
05:44Ce qui est nouveau, c'est que, pour la première fois,
05:46on n'a plus confiance dans le contenant,
05:48parce qu'on a compris qu'il y a, en moyenne,
05:51d'après cette nouvelle étude qui arrive,
05:53avec une méthode absolument innovante
05:55qui permet de calculer le nombre de microplastiques,
05:58eh bien, en moyenne, 240 000 particules de microplastique
06:02dans une bouteille d'eau, même les eaux les plus exceptionnelles.
06:05Et cette...
06:06Donc, c'est le plastique.
06:07Le problème, c'est le plastique.
06:09Et cette norme-là, parce que c'est vrai, 240 000, on se dit, c'est beaucoup.
06:12Est-ce que c'est dangereux pour la santé ?
06:14Sur une vie d'absorption d'eau minérale,
06:18est-ce qu'on peut développer des pathologies graves ?
06:20Alors, en tous les cas, c'est ce qui explique cette étude.
06:22C'est que ces micro-particules plastiques traversent le cœur,
06:25traversent le cerveau, traversent la barrière intestinale.
06:29Donc, ça signifie qu'il y a un impact direct sur la santé.
06:32Est-ce que le lien a été fait avec l'explosion, par exemple,
06:35du nombre de cancers ?
06:36Eh bien, pas directement,
06:38parce qu'on a tellement d'autres polluants autour
06:41que comment distinguer, finalement, la part qui revient à cette eau minérale ?
06:45Mais en tous les cas, on arrive dans une nouvelle ère
06:47où on n'a plus confiance uniquement dans cette eau minérale.
06:49Et pour moi, la solution de cette eau minérale,
06:52c'est qu'elle redevienne dans une bouteille en verre,
06:55utilisée et préservée avec des volumes consommés
06:58qui soient à un ratio beaucoup plus infime
07:01et qui nous permettent à nouveau de boire cette eau enrichie pour la santé.
07:04C'est passionnant.
07:05Déjà, vous nous avez édifié sur l'eau minérale en bouteille plastique.
07:10Revenons, si vous voulez bien, à l'eau potable,
07:12celle qu'on boit, celle du robinet,
07:14et regardons cette carte des polluants
07:17présente dans l'eau potable en France.
07:19Infographie.
07:25Que contient l'eau qui coule de votre robinet ?
07:29Elle semble tout à fait transparente
07:30et pourtant, de nombreuses substances peuvent s'y cacher.
07:34En premier lieu, des pesticides.
07:37Dans les Hauts-de-France, du chloridazone.
07:39Il était utilisé dans les cultures de betterave
07:42jusqu'à son interdiction en décembre 2020.
07:45On y trouve aussi, comme sur une grande partie du pays,
07:49du chlorothalonil,
07:51un fongicide très utilisé dans les cultures de céréales
07:54jusqu'en mai 2020.
07:56Et aussi du métazaclore,
07:58herbicide incontournable des cultures de colza et de tournesol.
08:03Plus au sud, dans l'Ain, le Gers et l'Aude,
08:06c'est le métolachlore qui est le plus présent.
08:09Récemment interdit, il servait d'herbicide
08:11dans les cultures de maïs, de tournesol et de soja.
08:15L'industrie laisse aussi sa trace dans notre eau limpide.
08:19Un seul vent a notamment été détecté
08:21à une concentration record par l'Ansesse dans les Yvelines.
08:25Plus étonnant, des résidus d'explosifs
08:28se sont logés dans les eaux de consommation du Nord
08:30et de l'Est de la France.
08:33Ils datent sans doute de la Grande Guerre.
08:36Chaque région a ses spécificités,
08:38mais peu sont épargnées par la contamination
08:41des cours d'eau et des nappes phréatiques.
08:43Les substances sont si nombreuses
08:45qu'elles ne peuvent pas toutes être contrôlées.
08:48Difficile donc de savoir ce que contient vraiment l'eau du robinet.
08:57On parlait juste avant de l'aberration de mettre de l'eau
09:00dans des bouteilles en plastique.
09:03Maintenant, parlons de cette pollution de l'eau tout court.
09:07Vous évoquez une notion dont on ne parle pas souvent
09:10dans les débats courants, c'est les polluants éternels.
09:13Qu'est-ce que c'est des polluants éternels ?
09:15C'est une nouvelle forme de polluant qu'on retrouve
09:18et qui va être rémanent dans le milieu naturel,
09:21qui va rester et qui va avoir une traçabilité très longue.
09:24C'est-à-dire que c'est quelque chose qui ne va pas partir comme ça,
09:28qui ne va pas pouvoir être dissous rapidement,
09:30mais surtout, ce que l'on est en train de découvrir,
09:33au-delà de ces PFAS, ce que l'on appelle ces polluants éternels,
09:37on a d'autres scandales un peu plus tôt qui sont arrivés l'année dernière
09:40et qui doivent aujourd'hui nous alerter.
09:43C'est ce que l'on appelle le scandale du chlorotalonil.
09:46Pour rappeler un petit peu l'histoire globale,
09:50ils se sont mis en Suisse à essayer de faire un peu plus de recherches
09:53sur les eaux du robinet.
09:56Et là, ils ont découvert qu'il y avait une contamination très forte
09:59qui était liée à un résidu de fongicides.
10:02C'est-à-dire qu'à un moment donné,
10:04vous mettez dans un territoire agricole des fongicides
10:08pour pouvoir tuer les champignons, éviter certaines invasions.
10:12Et donc, cette molécule va se transformer dans le temps.
10:16Et ensuite, elle va rejoindre les nappes.
10:18Et donc, on a découvert que dans toute la Suisse,
10:21il y avait un véritable problème
10:23parce que cette contamination était rémanente.
10:26Alors, quand la Suisse a vu ça,
10:28la France a commencé à voir si elle aussi avait ce problème-là.
10:32Et effectivement, on a ce problème qui est là partout.
10:35Alors, dans des zones de manière beaucoup plus impactantes,
10:38notamment en Bretagne, dans toutes les zones très agricoles.
10:42Mais Paris est également contaminé au chlorotalonil.
10:45Donc, c'est quand même un vrai problème
10:47parce qu'on n'a pas la solution.
10:49Et quand on regarde la Suisse,
10:50il risque d'augmenter de 70 % le coût de l'eau
10:53pour pouvoir nettoyer cette molécule.
10:55Et on traite quoi ? On traite la nappe ?
10:57On traite l'eau quand elle sort ?
10:59Alors, on va récupérer l'eau dans les nappes superficielles.
11:02On va la filtrer.
11:03On va passer par des méthodes qui sont plutôt
11:05ce qu'on appelle de l'osmosinverte, des sortes de filtres très puissants.
11:08Et on va réinjecter cette eau dans les nappes.
11:10Ça coûte très cher.
11:12Ça augmente le prix de l'eau. Et qui paye ?
11:14Et donc, la question a été de se dire,
11:15mais est-ce que celui qui doit payer,
11:17ce ne serait pas finalement Saint-Jata
11:19qui était celui qui fournissait ce fongicide
11:22qui a pollué l'intégralité de nos nappes ?
11:24Le problème, c'est qu'aujourd'hui, il a été racheté à 98 %
11:26par le géant de la chimie chinoise.
11:28Et son directeur de ce géant-là
11:32fait partie du Parti communiste chinois.
11:34C'est très compliqué d'aller lui demander de payer
11:37pour nettoyer nos nappes.
11:38Et donc, en réalité, on est en train aujourd'hui
11:40de payer cet héritage où, jusqu'en 2016,
11:44on a permis ce fongicide massivement en France.
11:46Dans un instant, on va regarder le reportage de Marlène Cazor,
11:49mais je vous repose la question.
11:51En termes de santé publique,
11:52en termes de conséquences sur la santé des individus,
11:56qu'est-ce qu'on a mesuré à ce stade ?
11:58C'est très compliqué parce qu'il y a des établissements
12:02qui cherchent à mesurer la dangerosité,
12:05non seulement de la molécule ou derrière du polluant,
12:09mais qui plus est, ce qui nous manque aujourd'hui
12:13et ce qu'il faudrait faire, c'est mesurer la conjonction
12:16de l'ensemble de ces polluants, ce qu'on appelle l'effet cocktail,
12:18où là, on n'en est absolument pas là.
12:20Mais déjà, sur les molécules en soi,
12:23on sait qu'elles sont dangereuses pour la santé,
12:25on sait qu'elles vont poser un problème majeur.
12:27Et surtout, il y a aujourd'hui tellement d'éléments
12:30qui rentrent en compte et tout un système économique
12:32qui devrait se remettre en question, et on en est loin.
12:35Alors, on traque évidemment les polluants,
12:37les polluants éternels qui se retrouvent dans l'eau du rubinet.
12:40Marlène Cazor, pour État de santé,
12:41s'est rendue dans la vallée de la Chimie, au sud de Lyon,
12:45où elle a rencontré, vous allez le voir,
12:47un résident vigilant et inquiet.
12:55Cela fait 70 ans que Thierry Mounib habite ici, à Pierre-Bénit.
13:01Il y a quelques plantes d'ornements, des jacinthes,
13:04des choses comme ça,
13:06mais il n'y a plus rien de comestible,
13:08parce que c'est plus comestible.
13:12Depuis deux ans, il se méfie de tout ce qui pousse
13:15dans la terre de sa commune.
13:17La source de ses craintes, l'usine Arkema.
13:20J'ai toujours connu l'entreprise,
13:21parce qu'elle est là depuis le 19e siècle.
13:23On s'aperçoit que ça fait des années et des années
13:26qu'on nous abreuve de ce produit, c'est insidieux.
13:29On ne s'en rend pas compte.
13:30Un produit insidieux dont il entend parler
13:33pour la première fois en 2021,
13:35grâce à un journaliste de l'émission Verre de rage,
13:39diffusée sur France 5.
13:41Composé, perfluoré, péfasse ou polluants éternels,
13:45plusieurs termes pour une même famille de produits chimiques
13:48très résistants.
13:49L'un d'entre eux, utilisé dans la fabrication du téflon,
13:52est à l'origine d'un scandale sanitaire aux Etats-Unis.
13:56Au fil de ses découvertes,
13:57les inquiétudes de Thierry Mounib n'ont cessé de grandir.
14:01Quand je constate le nombre de cancers
14:03qui sont autour de chez moi, la dame là, la dame là-bas,
14:07la dame qui est là,
14:08celle qui est en face, on est à 103e,
14:10la maison derrière aussi, ça vient de se déclarer.
14:14On est inquiets, quand même.
14:16Pas pour nous, nous c'est trop tard,
14:19mais pour nos enfants.
14:21Il faut absolument qu'on arrête d'utiliser
14:24et de fabriquer ces produits.
14:27Certains péfasses ont été et seraient encore utilisés
14:30dans l'usine Arkema.
14:32Dans la région, en 2023,
14:34plus de 166 000 personnes ont reçu une eau du robinet non conforme,
14:38d'après l'ARS.
14:40Toutes ces communes ont jusqu'à deux fois
14:43la norme européenne de péfasse dans l'eau,
14:47dans l'eau du robinet,
14:49dans l'eau qu'ils boivent tous les jours.
14:51L'Agence régionale de santé a demandé des mesures correctives
14:55aux collectivités concernées.
14:57Et l'entreprise Arkema assure que le site de Pierre-Bénit
15:01cessera l'utilisation d'un produit péfasse d'ici fin 2024.
15:05La preuve, peut-être,
15:07que les alertes de Thierry Mounib ont été entendues.
15:10Mais il se méfie.
15:11Pour lui, le combat est loin d'être terminé.
15:15Les yeux dans les yeux, le directeur de l'entreprise m'a toujours dit
15:19qu'on ne rejette rien dans l'eau,
15:20qu'on ne rejette rien dans l'air.
15:23Or, après analyse et après étude,
15:27on s'aperçoit que ce n'est pas du tout le cas.
15:29Des prélèvements ont été faits dans le cadre de l'émission Verde Rage.
15:32Aux abords du stade de foot,
15:34les résultats sont jusqu'à 83 fois plus élevés
15:37que la norme européenne.
15:39Et dans le sang des habitants...
15:40Tous sont très largement au-dessus de la norme, mais alors là, oui.
15:45Thierry Mounib espère obtenir des industriels
15:48qu'il paye la dépollution
15:50et les études épidémiologiques auprès de la population.
16:02Emma Ziza, qu'est-ce qui vous frappe en tant qu'hydrologue
16:05dans l'inquiétude de cet habitant du Rhône ?
16:09La première chose qui me frappe,
16:10c'est à quel point ce questionnement est légitime
16:14et à quel point on voit que,
16:16à l'échelle personnelle, individuelle,
16:19la population n'a pas toutes les informations.
16:23Et même quand elle les cherche, en réalité...
16:25Alors, il existe de plus en plus de données publiques aujourd'hui,
16:28mais malgré tout, c'est très complexe de savoir
16:30quelle est la corrélation directe entre cette eau du robinet
16:34et la santé de soi-même, de ses voisins.
16:36On le voit très bien dans ce reportage.
16:38On doit aujourd'hui se poser des questions.
16:39On voit une explosion du cas de cancer chez l'enfant,
16:42quelque chose qui n'existait pas.
16:44Donc, on imagine bien qu'il y a des intrants chimiques à un moment donné.
16:47Est-ce que la part de l'eau est importante ou non ?
16:50Ce sont des vraies questions qu'il faut absolument poser sur la table
16:53et rentrer dans le débat public.
16:54On peut dire quand même qu'il y a une inquiétude,
16:56mais il y a aussi un contrôle.
16:58C'est très contrôlé, quand même, là, non ?
17:00Alors, exactement, c'est-à-dire qu'on peut imaginer,
17:03lorsque l'on voit tous ces articles et ces scandales qui se suivent,
17:06qu'en réalité, il y a un certain laxisme.
17:08Eh bien, pas du tout.
17:10C'est un sujet de contrôle absolument extrême
17:13qui, parfois, d'ailleurs, conduit à ne pas pouvoir utiliser cette eau.
17:16On l'a vu en 2022, plus de 1 300 communes
17:19ont été en rupture d'alimentation en eau potable.
17:21Il n'y avait plus d'eau parce que la sécheresse était là.
17:23Mais parfois, il y avait de l'eau,
17:25mais la contamination et les polluants étaient tels
17:28que le forage ne pouvait pas être utilisé par la population.
17:31Et c'est cette variable, en fait, qu'on voit complètement se transformer.
17:34Alors, l'évaluation des risques, vous le disiez, elle est compliquée.
17:37Au fil du temps, j'imagine que les études vont documenter ce risque.
17:42Reportage.
17:47En Alsace, 80 % de l'eau du robinet provient de la nappe phréatique.
17:54Pour avoir une bonne idée de sa qualité,
17:56il ne suffit pas de jeter un oeil au fond de ses tuyaux.
17:59C'est un travail bien plus fastidieux.
18:01À l'échelle alsacienne, on a environ 680 points de suivi,
18:07dont celui-ci.
18:09Tandis qu'à l'échelle transontalière,
18:11avec nos homologues allemands et suisses,
18:13on a un réseau de mesures qui approche les 1 400 points de mesure.
18:17Baptiste Rey participe à un grand inventaire des polluants
18:20présents dans la nappe phréatique grenane.
18:22En tout, ce sont 220 000 résultats de prélèvement
18:25qui ont été enregistrés dans cette base de données.
18:28Et à présent, c'est à lui et à son équipe de les analyser.
18:32Il existe énormément de molécules sur le marché
18:35qui sont susceptibles de se retrouver dans l'environnement,
18:37et plus précisément dans les eaux souterraines,
18:40des centaines de milliers.
18:41Et donc, on est obligé de prioriser.
18:43C'est l'un des inconvénients de l'analyse ciblée.
18:46On peut passer à côté d'un polluant qui est déjà présent,
18:50un polluant historique ou nouveau qu'on ne connaît pas encore
18:53et qu'on ne peut pas avoir puisqu'on ne le recherche pas.
18:56Sont sélectionnés les produits les plus utilisés dans la région
18:59et les plus susceptibles de se retrouver dans les eaux souterraines.
19:03175 pesticides et résidus de pesticides ont été retenus.
19:07Il faudra attendre quelques mois pour connaître leur concentration dans l'eau.
19:12Mais comment savoir si ces substances sont dangereuses ?
19:16Difficile à dire.
19:17Pour comprendre pourquoi, direction l'université Paris Cité.
19:22Ce toxicologue a participé à une expertise de l'Inserm
19:26pour déterminer les effets des pesticides sur la santé humaine.
19:29Il a fallu passer en revue toute la littérature scientifique
19:33et de nombreuses pathologies.
19:34Des données précieuses, mais encore insuffisantes.
19:38Le risque de développer ces pathologies
19:41va résulter d'un élément qui est essentiel,
19:44qui est l'exposition.
19:48Pour les pesticides, en général, on essaie de caractériser au mieux le danger,
19:53de caractériser l'exposition comme on peut.
19:56Par contre, pour les produits de transformation des pesticides,
19:59c'est-à-dire les métabolites ou les résidus,
20:01le danger, en général, n'est absolument pas connu ou très peu connu
20:05et l'exposition l'est encore moins.
20:07Donc là, le risque est sous forme d'un grand point d'interrogation.
20:12Quand vous allez, par exemple, épendre un pesticide dans un champ,
20:16ce pesticide va ruisseler dans le sol
20:19et le ruissellement dans le sol va conduire des micro-organismes
20:22à le transformer.
20:23Ce qui est problématique,
20:25c'est qu'on connaît mal ces processus de transformation dans le sol.
20:29On n'est pas capable d'appréhender l'existence de certains métabolites
20:34et puis, d'un coup, on se rend compte qu'il y en a.
20:37Et ça affole tout le monde parce qu'on ne connaît pas le danger.
20:40On se rend compte qu'on est exposé à ce truc-là depuis plusieurs années.
20:45Quel est le risque ?
20:46Je pense que ce versant-là est angoissant
20:49et qu'il est important, à l'heure actuelle,
20:51de faire en sorte que la toxicologie,
20:54que ce soit fondamentale ou réglementaire,
20:57évolue vers une démarche de plus en plus prédictive
21:00de l'évolution des molécules dans leur milieu
21:03et de prédiction des dangers des molécules et donc de leurs risques.
21:07À l'Observatoire de la nappe phréatique d'Alsace,
21:10pas de prédiction à l'horizon,
21:11mais un moyen peut-être de perdre moins de temps.
21:14Baptiste Oreille et ses collègues expérimentent une technique prometteuse,
21:18l'analyse non-ciblée des échantillons d'eau,
21:21dont les résultats pourront prendre cette forme.
21:23Chaque pic représente une molécule.
21:27Certaines seront connues et déjà cherchées dans le cadre d'une analyse ciblée,
21:30mais d'autres pourraient,
21:32d'une part, ne pas être cherchées dans le cadre des analyses ciblées,
21:36mais aussi correspondre à des substances qu'on ne connaît pas encore.
21:39L'analyse non-ciblée pourrait avoir une dimension un peu prospective
21:43pour, justement, devancer de nouvelles problématiques.
21:47Un moyen peut-être d'identifier des polluants
21:49et d'évaluer leurs risques
21:51avant qu'ils ne se retrouvent dans toutes les réserves d'eau du territoire.
21:55Générique
21:59Emma, Aziza, il ne s'agit pas de montrer du doigt,
22:01mais il y a les industriels, les agriculteurs,
22:04il y a nous, la façon dont on se comporte avec l'eau aussi,
22:08quand on jette des choses dans le... Qui pollue le plus ?
22:12Il y a tellement de niveaux.
22:13Il y a, bien entendu, le monde industriel.
22:16On a également d'autres mondes auxquels on ne pense pas spécialement,
22:19mais qui utilisent des circuits de refroidissement.
22:21Par exemple, je pense au monde du nucléaire ou des centrales thermiques.
22:25Il faut imaginer que sur les 32-33 milliards de mètres cubes
22:28qui passent à travers nos cours d'eau en France,
22:3116 milliards, donc la moitié,
22:33passent dans des tuyaux de refroidissement
22:35et donc vont recevoir des traitements chimiques.
22:38À l'échelle individuelle, notre consommation d'eau,
22:42elle n'est pas tant dans notre robinet, dans notre douche,
22:45dans l'eau domestique, elle est dans tout ce qu'on consomme.
22:48C'est-à-dire que tout ce que l'on utilise aujourd'hui,
22:51tout ce que l'on achète, cache de l'eau derrière.
22:53Le PIB de nos pays, de nos sociétés, ne cache que de l'eau.
22:57Pourquoi ? Parce qu'il a fallu, pour fabriquer nos vêtements,
23:00du coton, et ce coton, il a besoin d'eau massivement.
23:03Et comme il n'y a pas assez d'eau de pluie
23:05pour permettre l'exploitation massive de ce coton
23:08et pour justement faire en sorte
23:11que la phase phageonne puisse continuer à tourner,
23:13il faut aller chercher cette eau dans les nappes.
23:15Aujourd'hui, on est en train de vider tous nos aquifères dans le monde.
23:18Donc, c'est une autre forme de consommation d'eau
23:21qui s'appelle l'eau virtuelle,
23:23qui est une eau qui est très loin de chez nous et qui n'est pas à côté.
23:26Peut-être un point, parce qu'on ne sait plus vraiment à qui faire confiance,
23:30l'eau minérale, l'eau du robinet.
23:32Il existe des solutions aujourd'hui que je trouve intéressantes
23:35et que j'applique, par exemple, directement,
23:38qui sont l'usage de filtres très importants
23:41que l'on met à la sortie de son robinet.
23:43C'est encombrant ?
23:44C'est assez grand comme ça, donc on va la remplir de 4-5 litres.
23:48Et donc, il y a des filtres à charbon, des filtres à sable,
23:51des filtres qu'on change tous les ans.
23:53On est très, très loin de la bouteille à filtres,
23:55de la petite carafe en plastique, ce sont des filtres en inox.
23:59Et donc, en fait, on va utiliser cette eau tout au long de la journée.
24:02On peut aussi la mettre dans des bouteilles.
24:04Pour boire, pour cuisiner, pour tout ?
24:05Pour tout.
24:06Il y a quelque chose de très important,
24:08c'est qu'on commence tout juste à réaliser
24:10que l'eau est une matière qui se raréfie.
24:14On a considéré qu'elle était éternelle, pour le coup.
24:18Et infini, ça n'est pas le cas.
24:20Donc, globalement, il faut avoir conscience
24:22de la nécessité d'être plus économe, plus avare de l'eau.
24:27Mais il y a un horizon qui a été fixé,
24:29qui pourrait nous indiquer qu'un jour, il n'y aura plus d'eau sur Terre ?
24:32Oui.
24:33Oui ?
24:3317 des 22 plus grands aquifères du monde sont en voie de tarissement.
24:36C'est-à-dire qu'on est en train de tout prélever,
24:38toutes nos eaux souterraines,
24:39et la croissance actuelle économique ne s'appuie uniquement que sur cette eau.
24:43Alors, encore une question de néophyte,
24:45mais l'alternative au pétrole, par exemple,
24:48au thermique, c'est l'électricité.
24:49Il n'y a pas d'alternative à l'eau ?
24:51Alors, une des alternatives qui est citée,
24:53c'est effectivement, aujourd'hui, le fait de désaliniser l'eau de mer.
24:57Ah oui ?
24:58C'est une des solutions, parce que 96 % de l'eau mondiale,
25:02c'est de l'eau de mer.
25:03Donc, effectivement...
25:04On déséquilibre la planète un peu plus.
25:06Je vois des prémices, un peu de solutions,
25:08arriver et être un peu meilleures.
25:10En tous les cas, telles qu'elles existent aujourd'hui,
25:12c'est à peu près 12 produits chimiques utilisés dans le process.
25:15C'est le rejet d'une sursommure.
25:16En fait, il n'y a rien qui va dans ce modèle.
25:18Bon, dernière question.
25:19On utilise combien de volume d'eau par an, par individu ?
25:23Alors, en moyenne, on utilise, on va dire, 150 litres d'eau par jour.
25:28Donc, ça fait à peu près entre 150 et 200 mètres cubes annuels.
25:34Vous avez parlé des carafes filtrantes.
25:36Bon, ça va, on peut les utiliser.
25:38C'est plutôt... Ça, c'est bien.
25:40Il y a d'autres petits trucs à faire.
25:41C'est pas mal, mais c'est en plastique.
25:42Il y a quand même d'autres méthodes qui peuvent servir.
25:43Et sinon, un petit conseil ?
25:45Peut-être, derrière la question de l'eau,
25:47se cache aussi la question de notre alimentation.
25:49Une kilocalorie, c'est un litre d'eau.
25:51Et donc, plus on va manger des aliments sains
25:54qui ont été préservés dans la terre et moins transformés,
25:57moins on consommera d'eau dans notre assiette.
25:59Tout se tient. Tout est dans tout et réciproquement.
26:01Merci infiniment, Emma, Aziza, d'avoir été avec nous.
26:04On était ravies d'avoir votre expertise d'hydrologue
26:07avec nous dans État de santé.
26:08À très bientôt.
26:09Merci.
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