• le mois dernier
Rembob'Ina explore la mémoire du D-Day, le 6 juin 1944, une des plus grandes journées du XXème siècle, en compagnie de l'historien de référence, Olivier Wieviorka. 80 ans plus tard, les acteurs et témoins directs ont presque tous disparus. Il reste leurs paroles, leurs témoignages filmés, qui n'ont rien perdu de leur force, recueillis 20 ans, 40 ans, 50 ans après pour 3 grandes émissions télévisées :

- 5 Colonnes à la Une (1964) : Un sujet tourné auprès des habitants de Sainte-Marie-du-Mont, commune moins connue que sa plage, renommée Utah Beach.
- Les Dossiers de l'écran (1984) : Les témoignages d'anciens combattants dont le réalisateur américain Samuel Fuller venu présenter son film The Big Red One.
- Envoyé spécial (1994) : Les souvenirs et les émotions des vétérans américains d'Omaha Beach, la 1èredivision d'infanterie américaine, la fameuse Big Red One, les premiers à avoir foulé le sol français.

Invités :
- Olivier Wieviorka, historien
- Richard Poirot, Ina

C'est une plongée dans l'histoire de notre pays au travers des trésors cachés de la télévision. Fictions, documentaires, magazines d'actualité, émission de divertissements, débats politiques...
Le dimanche, Patrick Cohen nous invite à jeter un coup d´oeil dans le rétroviseur de notre petite lucarne. En présence d´acteurs ou de témoins de l'époque, de spécialistes des archives de l´INA, Patrick Cohen revient sur les grandes heures de la télévision. Emblématiques ou polémiques, ces programmes ont marqué les esprits et l'histoire du petit écran.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:22Bonjour à tous, bienvenue à Robobina,
00:00:24l'émission qui explore la mémoire des grands événements historiques
00:00:28du 10 dé de l'opération Overlord,
00:00:30ou plus communément du débarquement de Normandie
00:00:34le 6 juin 44.
00:00:3580 ans plus tard, les souvenirs se sont enfouis.
00:00:38Les acteurs et témoins directs
00:00:40d'une des plus grandes journées du XXe siècle
00:00:42ont presque tous disparu.
00:00:44Il nous reste leurs paroles,
00:00:45leurs témoignages filmés qui n'ont rien perdu de leur force,
00:00:48recueillis 20 ans, 40 ans, 50 ans après,
00:00:52pour trois grandes émissions télévisées,
00:00:54cinq colonnes à la une,
00:00:55les dossiers de l'écran et envoyés spéciaux.
00:00:58Avec nous, un historien de référence sur cette période.
00:01:00Bonjour, Olivier Vivorcard.
00:01:02Vous êtes l'auteur d'une histoire du débarquement en Normandie
00:01:07dont vous proposez une nouvelle version illustrée,
00:01:11son histoire par l'infographie, avec Cyria Callard au seuil.
00:01:15Vous avez aussi publié, il y a quelques mois,
00:01:17une somme, histoire totale de la Seconde Guerre mondiale
00:01:20chez Perrin. Pourquoi dites-vous,
00:01:22en préambule de cette histoire du débarquement,
00:01:25pour découvrir la vérité d'Overlord,
00:01:27il faut déchirer le masque des apparences ?
00:01:30Quels sont les mythes les plus enracinés
00:01:33qui enveloppent encore cette page d'histoire ?
00:01:35Les mythes sont nombreux.
00:01:37L'idée que le débarquement du Touchdown du 6 juin 1944
00:01:41a été un bain de sang,
00:01:42l'idée que les soldats britanniques et américains
00:01:45brûlaient de mourir
00:01:47pour libérer le continent européen de la peste brune,
00:01:51l'idée que les alliés soviétiques, américains, britanniques,
00:01:55s'entendaient et s'étaient vraiment bien mis d'accord
00:01:58pour débarquer,
00:01:59l'idée que le plan a, au fond,
00:02:02fonctionné au-delà des espérances.
00:02:04Voilà, tout cela constitue, effectivement,
00:02:07le pendant un petit peu mythique du débarquement.
00:02:10L'historien doit poser un regard froid
00:02:12tout en admettant que c'est une opération
00:02:15incroyable et extraordinaire à qui nous devons la libération.
00:02:18Comme toujours, la réalité est plus complexe
00:02:21que ce que l'opinion ou ce qu'on en a retenu
00:02:24dans les grands titres.
00:02:26Bain de sang, non globalement,
00:02:29mais oui, en partie, et on va le voir dans un instant,
00:02:32particulièrement à Omaha Beach,
00:02:35Bloody Omaha, Omaha, la sanglante,
00:02:38c'est le premier document de ce rembobinat,
00:02:41qui est aussi le plus récent,
00:02:42parce qu'on a construit l'émission à l'envers
00:02:45pour faire entendre en priorité les paroles des combattants,
00:02:49et d'abord ceux de la première division d'infanterie américaine,
00:02:53à cause de son emblème, un gros 1 sur fond or.
00:02:57Le 6 juin 1944, ils ont fait partie
00:02:59de la première vague d'assaut.
00:03:01Ils ont les premiers foulés, le seul Français,
00:03:04sur cette plage de 7 ou 8 km de long,
00:03:07baptisée, rebaptisée Omaha Beach,
00:03:10mais surnommée Bloody Omaha,
00:03:12à cause du bain de sang si souvent décrit.
00:03:14Mais Omaha est une exception,
00:03:16donc, dans la physionomie générale du débarquement ?
00:03:19Oui, tout à fait, c'est une exception,
00:03:21parce qu'à Omaha, les Américains ont joué de malchance.
00:03:25D'abord, ils n'avaient pas détecté
00:03:27la présence d'une division allemande,
00:03:29la 352e.
00:03:31Ensuite, les courants ont déporté les barges
00:03:34qui se sont positionnées sous le feu des canons allemands.
00:03:37Ensuite, il devait y avoir des tanks duplex drive,
00:03:41c'est-à-dire des tanks amphibies,
00:03:43pour soutenir les combattants débarqués.
00:03:46Sur 32 tanks lancés, 27 ont sombré,
00:03:48ce qui veut dire que les combattants ont été nus,
00:03:51ont été vraiment livrés à eux-mêmes.
00:03:53Donc, Bloody Omaha, oui, mérite bien son nom,
00:03:56c'est Omaha la sanglante, mais, vous l'avez dit,
00:03:58c'est une exception sur l'ensemble des 5 plages du débarquement,
00:04:02sur les 4 autres, Juno, Goldsward et Juno,
00:04:04Utah, Goldsward et Juno.
00:04:06Tout s'est bien passé, à telle enseigne
00:04:08qu'à 5h, les Britanniques prennent le thé,
00:04:11ce qui rend fou les Américains.
00:04:12C'est un désastre, notamment pour les premières lignes,
00:04:16pour les premiers soldats qui sont arrivés en premier.
00:04:19Les vagues suivantes ont été largement épargnées,
00:04:21une fois que les défenses allemandes ont été vaincues.
00:04:24Il faut peut-être rappeler que les troupes
00:04:27ont été transportées d'Angleterre au large du rivage
00:04:30sur des gros bateaux, et qu'ensuite,
00:04:32les petites barges que l'histoire a immortalisées
00:04:35partent de ces gros bateaux vers le rivage.
00:04:37Et donc, vous avez plusieurs vagues
00:04:39qui se succèdent dans la journée,
00:04:41et la première vague a été étriée sur Omaha, bien entendu,
00:04:45mais également sur les autres plages.
00:04:47La première vague a souffert, incontestablement.
00:04:49Voici les souvenirs et les émotions
00:04:51de ces vétérans américains de Omaha,
00:04:53rencontrés aux Etats-Unis et en Normandie
00:04:56par Rémi Roche et Roger Mott
00:04:58pour un numéro d'envoyé spécial diffusé 50 ans après,
00:05:01en juin 94.
00:05:17...
00:05:32Rumeur d'avion
00:05:36Je ne savais pas à quoi m'attendre,
00:05:39et j'ai commencé à avoir le trac.
00:05:43Parce que je me disais,
00:05:45ça y est, on est au pied du mur, on va débarquer.
00:05:48On ne sait même pas où.
00:05:50Qu'est-ce qu'on va faire ?
00:05:52Qui va-t-on trouver en face de nous ?
00:05:54Qu'est-ce qui va se passer ?
00:05:56...
00:06:00Quand mon tour est arrivé,
00:06:02je me suis senti un peu obligé d'y aller.
00:06:06J'avais pas vraiment envie.
00:06:08J'avais une famille, des projets pour l'avenir.
00:06:11Bon, il fallait le faire,
00:06:13mais j'aurais tout aussi bien fait autre chose.
00:06:16...
00:06:23Je n'aime pas dire que j'avais peur.
00:06:26J'étais un militaire, et c'est la carrière que j'avais choisie.
00:06:30D'ailleurs, personne à ce moment-là ne disait j'ai peur.
00:06:34On ne voulait pas prononcer ce mot.
00:06:37Pourtant, quand il a fallu embarquer sur les bateaux,
00:06:40là, oui, on avait peur.
00:06:43...
00:06:57Soyez les bienvenus.
00:06:59Bienvenue en Amérique.
00:07:01Venez, venez, entrez.
00:07:03Faites juste attention aux escaliers.
00:07:06J'espère que mon petit club va vous plaire.
00:07:09Voilà, là, j'ai quelques décorations
00:07:12de la Deuxième Guerre mondiale.
00:07:14Là, c'est quand j'ai été blessé.
00:07:17Gérard Hopkins.
00:07:19C'est un des meilleurs artistes du monde.
00:07:22C'est un des meilleurs artistes du monde.
00:07:25C'est un des meilleurs artistes du monde.
00:07:28Gérard Hopkins, 23 ans, le 6 juin 1944,
00:07:31lorsqu'il débarque sur la plage d'Aumar.
00:07:34Le sergent Hopkins appartient à la 1re division d'infanterie,
00:07:38la fameuse Big Red One.
00:07:40Ca, c'est le drapeau de notre compagnie,
00:07:43la 18H, une compagnie de mitrailleuses.
00:07:46Hopkins est un militaire de carrière.
00:07:49Corée, Vietnam, de toutes ses campagnes,
00:07:52il a rapporté médailles, photos et trophées pour son petit musée.
00:07:56C'est du jour J qu'il conserve les souvenirs les plus terribles.
00:08:05Le couteau, la fourchette, la cuillère et la gamelle.
00:08:10On mangeait là-dedans.
00:08:14Ils mettaient la purée là-dedans, la glace, tout ensemble.
00:08:20Là, j'ai le journal du débarquement du 6 juin.
00:08:24C'est un souvenir que je n'oublierai jamais.
00:08:31J'espère qu'on ne connaîtra plus jamais ça.
00:08:43J'avais moi-même une grosse mitrailleuse,
00:08:46mais on n'a même pas pu s'en servir correctement,
00:08:49parce qu'en débarquant, on avait perdu son trépied dans l'eau.
00:08:55On n'avait même pas une mitrailleuse complète.
00:08:59Alors on a essayé sans.
00:09:08Mais de toute façon, pendant un bon moment,
00:09:11on ne pouvait rien faire du tout à cause de l'intensité du feu ennemi.
00:09:15On ne pouvait même pas se mettre debout.
00:09:24...
00:09:38Georges Buchanan a 23 ans, lorsqu'il est appelé dans l'armée américaine.
00:09:42Il travaille alors comme vendeur dans une pharmacie,
00:09:45on l'enroule comme infirmier.
00:09:47Il débarque sur Roma le 13 juin.
00:09:49La plage est alors sous contrôle, on ne tire plus.
00:09:52En 1945, il se lance dans les assurances avec succès.
00:09:56Aujourd'hui, il vit une retraite confortable dans le Kentucky.
00:09:59La guerre n'est pour lui qu'un lointain souvenir.
00:10:02C'est d'ailleurs sa femme qui a eu l'idée du voyage en Normandie.
00:10:09J'étais dans une unité médicale.
00:10:11Nous étions là pour nous occuper des blessés, des malades.
00:10:14Nous occuper des soldats de notre bataillon.
00:10:18Il y avait quatre compagnies dans ce bataillon.
00:10:21Ça faisait plusieurs centaines d'hommes.
00:10:27Je dirais trois ou quatre cents personnes.
00:10:30On était là pour les maintenir sur pied,
00:10:32leur permettre de continuer à faire leur boulot.
00:10:40J'aimais bien mon job.
00:10:42Il fallait bien que quelqu'un le fasse.
00:10:46Mais je n'ai pas le sentiment d'avoir été un héros.
00:10:57Après avoir débarqué, quand on a pénétré en Normandie,
00:11:01je crois que c'est près de Bernesque qu'on a installé notre premier campement.
00:11:05On pourrait dire notre premier hôtel.
00:11:08C'est là qu'on a commencé à travailler.
00:11:12Mais c'est où Bernesque ?
00:11:17C'est aussi la première fois que Carmine Dimar revient en Normandie,
00:11:20avec sa femme, Julie, qui était déjà sa petite amie en 1944.
00:11:24À l'époque, il a 24 ans et n'hésite pas à s'engager
00:11:27pour venir combattre le nazisme qui ronge l'Europe.
00:11:33J'ai eu l'occasion d'accueillir le président de l'Assemblée nationale
00:11:38C'est donc un soldat motivé, mais sans expérience,
00:11:41qui débarque le 6 juin, en milieu de journée,
00:11:44sur une plage française, transformée en champ de bataille.
00:11:52Quand je suis arrivé, je me souviens des corps qui flottaient sur l'eau.
00:11:58On les a vus de loin, et en se rapprochant,
00:12:01on a vu des péniches de débarquement,
00:12:04qui avaient été touchées,
00:12:07et des corps qui flottaient autour.
00:12:10C'était effrayant.
00:12:27Omaha Beach, on l'appellera ensuite Omaha la sanglante,
00:12:31le pire endroit pour débarquer.
00:12:34Quelques kilomètres de sable, hérissés d'obstacles
00:12:37pris sous le déluge de feu des positions ennemies
00:12:40que les bombardements alliés n'ont pas réussi à neutraliser.
00:12:43Vagues après vagues, les GIs s'entassent sur la plage
00:12:46pour se faire faucher par les mitrailleuses et les obus allemands.
00:12:492000 morts à Omaha, au soir du 6 juin.
00:12:56Il y avait des corps partout, c'était une vision terrible.
00:13:00Certains avaient tellement peur qu'ils ne pouvaient pas bouger,
00:13:03ils étaient paralysés.
00:13:06Il fallait les pousser, les tirer, les guider vers l'intérieur
00:13:09pour qu'ils quittent la plage le plus vite possible
00:13:12pour qu'ils ne soient pas tués.
00:13:17Moi, ça m'a paru une éternité.
00:13:20J'avais l'impression que ça ne finirait jamais,
00:13:23que la journée ne se terminerait jamais.
00:13:29Je dirais qu'il nous a fallu au moins 2h, 2h30.
00:13:372h30 uniquement pour sortir de l'eau et traverser la plage
00:13:40et pour rejoindre les falaises et trouver un peu d'abri.
00:13:49Mais pendant des heures, on ne maîtrisait rien du tout.
00:13:52À un point tel d'ailleurs qu'à un moment,
00:13:55il était question de se replier.
00:13:59Je ne me souviens pas des escaliers.
00:14:29Je vais vous dire, monsieur,
00:14:32je voudrais simplement vous dire qu'on vous doit énormément,
00:14:35on vous doit tout.
00:14:38Moi, j'étais jeune, j'avais 16 ans.
00:14:41J'étais obligé de faire des études,
00:14:44j'étais obligé de faire des études,
00:14:47j'étais obligé de pouvoir se faire de la vie,
00:14:50j'étais obligé de faire du bien,
00:14:53j'étais obligé de me faire de la vie,
00:14:56moi j'étais jeune j'avais 16 ans à l'époque j'avais 16 ans je n'ai pas pu faire la guerre
00:15:04j'étais très jeune et je connais toute l'histoire j'ai vécu le début de l'histoire bien sûr et on
00:15:11vous doit tout et faut pas que la france oublie faut pas qu'on l'oublie je m'en souviens très
00:15:20bien très bien et on vous doit énormément merci
00:15:37pour gérard hopkins le fantassin de la big red one le pèlerinage en normandie commence
00:15:44par le plus dur avec la visite de l'immense cimetière américain de colville sur mer
00:15:50ok
00:16:20au revoir la normandie et visiter le cimetière de colville sur mer et voir mes chers amis
00:16:32je vais revoir mes chers amis je ne peux pas vous dire beaucoup plus que ça
00:17:20au revoir
00:17:50...
00:18:1510 000 tombes, 10 000 soldats,
00:18:18Hommes de troupe ou général enterrés ici,
00:18:20sur les hauteurs de la plage d'Omaha.
00:18:22Ils sont tombés au cours du débarquement
00:18:24ou ensuite, pendant la bataille de Normandie.
00:18:27...
00:18:31C'est un lieu magnifique, d'hommage et d'émotion
00:18:34pour ces vétérans qui viennent saluer leurs camarades morts au combat
00:18:37et plus encore, peut-être, pour ceux qui n'ont rien connu de la guerre
00:18:41et qui comprennent ici toute son absurdité.
00:18:43...
00:19:11C'est ma division.
00:19:14La 29e.
00:19:18Il y avait aussi la 1re division.
00:19:20On a débarqué au même endroit.
00:19:24C'était terrible.
00:19:25...
00:19:51C'est beau.
00:19:52Je n'étais jamais venu ici,
00:19:55sauf en 1944.
00:20:03Je ne m'imaginais pas que c'était si grand, tant de monde.
00:20:10Il y avait des croisillons, là, dans l'eau.
00:20:18Vous reconnaissez quelque chose ?
00:20:21La mer était plus haute, mais tout a changé.
00:20:23Ces maisons n'étaient pas là.
00:20:27Il y a 50 ans, il n'y avait pas de maisons, là.
00:20:32Le paysage, là-bas, derrière, n'a pas changé avec ces grandes falaises.
00:20:42Il n'y avait que des haies, ici.
00:20:45Pas de routes.
00:20:46Des petits chemins pour le bétail,
00:20:48mais pas de roudronnées, non, rien de tout ça.
00:20:54Vous vous souvenez de l'endroit où vous avez passé la journée,
00:20:57sur cette plage ?
00:21:01Attendez. Où est-ce qu'on est, là ?
00:21:07Je dirais à 10, 15 mètres de là,
00:21:10quand on a débarqué,
00:21:12il y avait une petite plage,
00:21:14à 10, 15 mètres de là, quand on a débarqué.
00:21:24Mais il n'y avait que des haies, à ce moment-là, pas de maisons.
00:21:33Ça fait du bien de revoir ça.
00:21:35Beaucoup de souvenirs.
00:21:38La mémoire un peu brouillée,
00:21:39après tant d'années qui recollent au paysage, aujourd'hui paisible,
00:21:43alors ce sont des milliers de détails, de petites choses,
00:21:46qui reviennent au hasard du voyage.
00:21:55Le hasard, ce jour-là, au musée de Bayeux,
00:21:57c'est la rencontre avec un autre groupe de vétérans,
00:22:00des Allemands, qui eux aussi ont combattu en Normandie,
00:22:03dans une division blindée des Panzer SS,
00:22:06l'élite de l'armée d'Hitler.
00:22:14It was not organized, it is just by chance.
00:22:18Et il se produit alors l'incroyable, l'impensable,
00:22:21l'incompréhensible même.
00:22:23Ils se serrent la main,
00:22:25après s'être affrontés si durement et dans la haine.
00:22:28Mais c'était il y a 50 ans, et ils se découvrent aujourd'hui
00:22:31comme dans la fraternité des vieux soldats
00:22:33qui échangent en riant leurs souvenirs,
00:22:36avec désormais pour seule barrière,
00:22:38celle des mots d'une langue étrangère.
00:22:43...
00:22:57Je comprends pas.
00:22:59...
00:23:02Qu'est-ce que vous dites ?
00:23:04Il est en train d'essayer de nous dire quelque chose.
00:23:06...
00:23:13Vous étiez dans quelle division ?
00:23:15J'étais dans la 1re armée, 5e corps.
00:23:17...
00:23:19Vous étiez dans cette zone ?
00:23:21...
00:23:22Il était en Normandie ?
00:23:24...
00:23:25Oui, il a combattu contre vous.
00:23:27...
00:23:28Je suis arrivé le 13 juin, 7 jours après le jour J.
00:23:31...
00:23:327 jours après l'invasion, c'est lui qui est arrivé.
00:23:35...
00:23:44Il était en Russie avec ses chars,
00:23:46et ils ont été appelés d'urgence.
00:23:48...
00:23:50Ils sont arrivés en une semaine en Normandie.
00:23:52...
00:23:56Je pense que le peuple allemand n'avait rien contre nous,
00:23:58et je suis sûr que je n'avais rien contre le peuple allemand.
00:24:01...
00:24:04Je ne les connaissais pas.
00:24:05C'était les gouvernements qui se battaient entre eux,
00:24:07et aujourd'hui, c'est toujours la même chose.
00:24:09...
00:24:27...
00:24:35...
00:24:45Ambiance des grands jours au petit village d'Etrehan,
00:24:48qui s'est mis sur son terrain.
00:24:49Etrehan reçoit les vétérans de la 1re division américaine,
00:24:53ceux qui, le 7 juin 1944, ont chassé l'occupant.
00:24:56...
00:24:59...
00:25:04...
00:25:07...
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00:25:16...
00:25:22...
00:25:25Le monsieur dit que vous êtes mieux habillé que le maire de sa ville.
00:25:41Première division d'infanterie US, cette fois 44.
00:25:53Beaucoup de ces héros, de la verte Normandie qu'ils ont imaginé, ne verront que les collines, là-bas, au bout de la plage.
00:26:02Ils ne feront que quelques pas sur le sable, et là s'arrêtent leurs 20 ans.
00:26:07Autant suite progresser dans la campagne. L'ennemi est nulle part, le danger est partout.
00:26:13Le 7 juin au matin, ils libèrent Ettriand.
00:26:17Le village pavoise aux couleurs franco-américaines. L'école est transformée en musée.
00:26:25Les anciens trinquent sous le regard admiratif des plus jeunes.
00:26:30Et pour ces vieux soldats venus de si loin, ça n'est pas le moins émouvant de voir, au travers des honneurs qui leur sont rendus,
00:26:36qu'ici, on sait toujours à qui l'on doit la liberté retrouvée.
00:26:40J'ai été libéré le mercredi à 4h30 du soir.
00:27:11Moi j'écoutais la radio sur un poste à Galen, je ne sais pas si vous connaissez ça, dans un tonneau.
00:27:17Parce qu'il ne faut pas faire de bruit. J'avais des écouteurs, j'étais dans un tonneau, pas de bruit.
00:27:22Et j'écoutais justement le 5, même déjà le 4, les messages étaient de plus en plus nombreux.
00:27:32Et puis le 5, ils ont répété les messages, deux fois, alors qu'ils ne les répétaient pas avant.
00:27:38Laisse mon cœur, dîne mon cœur.
00:27:41C'était le poème sur les ondes avec le débarquement.
00:27:50C'était le début d'une grande évolution.
00:27:53On travaillait en gré des chevaux, on travaillait manuellement.
00:27:56On a bu tout le matériel en trois jours.
00:28:00Des centaines de véhicules arrivaient, des chars, c'était incroyable.
00:28:06On rêvait, on rêvait.
00:28:11Ici Londres, les Français parlent au français.
00:28:18Le quartier général du commandement suprême des forces expéditionnaires alliées vient de publier le communiqué suivant.
00:28:27Sous le commandement du général Eisenhower, les forces navales alliées, avec le soutien de puissantes formations aériennes,
00:28:34ont pu défendre la France.
00:28:44Nous avons une devise dans la première division que je n'oublierai jamais.
00:28:48Une devise qui dit, aucune mission n'est trop difficile, aucun sacrifice n'est trop grand, le devoir d'abord.
00:28:58Ça c'est ma devise, et c'est tout ce que je peux vous dire sur la deuxième guerre mondiale.
00:29:13France, 27 juin 1944.
00:29:18Cher Julie, c'est un grand soulagement pour nous tous, maintenant que le débarquement a commencé.
00:29:25Nous prions tous pour que tout se déroule le plus vite possible.
00:29:29Bientôt, très vite, je défilerai dans Paris.
00:29:33Les alliés seront victorieux. Quel beau jour ce sera.
00:29:38Demain matin, à 4 heures, ce sera mon tour de garde jusqu'à 6 heures.
00:29:45Pour l'instant, à demain, fais de beaux rêves, je vais rêver de toi.
00:30:01Omar, mon amour, sujet de Rémi Roche et Roger Mott pour Envoyé Spécial, sujet hanté par les disparus du débarquement.
00:30:10La vision de ces croix à perte de vue au cimetière américain de Colville-sur-Mer,
00:30:15où sont enterrés près de 10 000 combattants du D-Day.
00:30:19Olivier Ivorka, qu'est-ce qu'ils nous disent, ces survivants d'Omar, au travers des décennies qui nous séparent d'eux ?
00:30:25Ce que je crois qu'ils nous disent, c'est au fond leur état d'esprit.
00:30:29Ce que l'on voit, c'est qu'au fond, les grands idéaux dans ces témoignages jouent assez peu de place.
00:30:35Ce qui compte, c'est d'abord et avant tout le body, le compagnon d'armes,
00:30:40auquel on va bien entendu penser lorsque l'on constate qu'ils ont disparu.
00:30:46Ils nous disent la peur. Ils nous disent aussi, au fond, la proximité avec les familles.
00:30:53C'est très, très important. Vous évoquiez, et ce vétéran le raconte, le courrier.
00:30:58C'est un élément extrêmement important.
00:31:01Donc, ce que ces témoignages nous racontent, au fond, c'est une dimension extrêmement humaine du débarquement.
00:31:07On ne se bat pas pour de grands idéaux. On se bat parce qu'on est obligé de le faire.
00:31:12On se bat par devoir. On peut avoir peur.
00:31:15Mais en même temps, on se bat avec cette conscience qu'il faut accomplir son devoir,
00:31:21mais pas nécessairement, je le répète, pour les grands idéaux, la démocratie, etc.
00:31:25Même si ces idéaux les ont rattrapés tout au long de leur vie,
00:31:28ils ont vécu, on le voit dans une scène en Normandie, sur une plage normande, etc.
00:31:32Ils ont vécu avec des gens qui, forcément, les honoraient et les remerciaient pour avoir sauvé la liberté du Vieux Continent.
00:31:40Oui, on est d'accord, mais là, on est au fond dans une phase mémorielle.
00:31:43Incontestablement, les Normands sont reconnaissants,
00:31:46mais on pourra peut-être en reparler parce qu'il y a une certaine ambivalence du souvenir normand.
00:31:52Donc, il y a une reconnaissance et une reconnaissance qui est méritée.
00:31:56Mais au moment où cela se produit, ils sont aussi dans le feu de l'action.
00:31:59Et je ne crois pas qu'ils pensent, effectivement, lutter pour la démocratie, contre le nazisme,
00:32:05qu'ils connaissent souvent mal.
00:32:06Et ce qui pose, d'ailleurs, il faut le souligner, un problème à la propagande.
00:32:09Vous avez plusieurs experts, des psychiatres, des généraux,
00:32:14qui se plaignent d'avoir, je cite, une armée pauvrement endoctrinée.
00:32:18Et cette propagande, elle a du mal à présenter les Allemands comme des monstres, à la différence des Japonais.
00:32:24D'abord, parce que ce sont les Japonais qui ont provoqué Pearl Harbor, et non les Allemands.
00:32:29Et ensuite, parce que la communauté allemande est une communauté extrêmement importante aux États-Unis,
00:32:34bien intégrée, qui ne pose pas de problème.
00:32:37Et donc, la diabolisation de l'ennemi est très difficile à opérer.
00:32:40Bobby Gardouane, c'est aussi le titre d'un film de Samuel Fuller, en français,
00:32:45Au-delà de l'agouard.
00:32:46Fuller a servi dans la première division d'infanterie, entre 42 et 45.
00:32:50Il y est à la fois soldat et reporter de guerre.
00:32:53En 84, pour le 40e anniversaire du débarquement,
00:32:58les dossiers de l'écran projettent le film de Fuller en présence du cinéaste et d'autres combattants du D-Day.
00:33:05On va le voir dans un instant, mais je crois que vous êtes particulièrement admiratif de Fuller,
00:33:08et de ce film en particulier.
00:33:09Oui, c'est un film énorme, mais qui a été un peu écrasé en amont par Le jour le plus long,
00:33:14et en aval par Il faut sauver le soldat Ryan.
00:33:17C'est un film de 1980 qui ne parle pas que du débarquement,
00:33:20mais qui suit les pérégrinations de The Big Red One,
00:33:23la première division d'infanterie américaine,
00:33:25qui, quand même, va subir trois débarquements.
00:33:28Afrique du Nord, Italie et Normandie.
00:33:30Et donc, c'est une division qui souffre,
00:33:33et elle laisse à Omaha parce qu'il ne faut pas simplement des bleus.
00:33:38Il faut des soldats expérimentés, et donc, le choix se porte sur The Big Red One.
00:33:42Et Samuel Fuller va décrire, de manière parfois un peu cynique,
00:33:47pas du tout de manière héroïsée comme dans Le jour le plus long,
00:33:51où, bien évidemment, peu de gens vomissent sur les barges,
00:33:54personne n'a peur, on ne voit pas de sang dans Le jour le plus long,
00:34:00alors qu'au contraire, on voit Omaha qui est rougi par le sang,
00:34:04et puis on voit bien à quel point cette guerre est très très dure,
00:34:07le personnage de Lee Marvin est absolument incroyable.
00:34:10Vous remarquerez, d'ailleurs, que dans Le jour le plus long,
00:34:14les soldats sont toujours debout,
00:34:16alors que dans The Big Red One, ils sont toujours couchés,
00:34:19et je pense, bien évidemment, que Fuller a raison.
00:34:21Un film à redécouvrir, donc.
00:34:23Et Samuel Fuller, sur le plateau des dossiers de l'écran,
00:34:26qui est énorme, qui est formidable, il a 70 ans, il a son cigare au bec,
00:34:30il a une gouille et un parler assez incroyable.
00:34:35D'autres combattants du D-Day à ses côtés,
00:34:38parmi eux, l'un des 177 Français du commando Kieffer
00:34:42qui ont débarqué le 6 juin, Gwen Hale Bolloré,
00:34:45qui était par ailleurs l'oncle de Vincent Bolloré.
00:34:48Voici donc cet extrait des dossiers de l'écran du mardi 6 juin 1984,
00:34:53avec Alain Jérôme.
00:34:59Il est très rare, voire même exceptionnel,
00:35:02que nous ayons sur notre plateau le metteur en scène d'un film.
00:35:06Mais ce soir, nous avons fait exception,
00:35:08puisque Samuel Fuller, le réalisateur du film que vous venez de voir,
00:35:11est avec nous, et il est avec nous non pas en tant que cinéaste,
00:35:13mais en tant qu'ancien combattant.
00:35:15En effet, vous l'avez compris, je l'ai dit tout à l'heure,
00:35:17l'histoire que raconte le film, c'est un peu son histoire
00:35:20et celle de ses camarades de la Big Red Wine Division,
00:35:23qui a débarqué successivement en Afrique du Nord, en Sicile,
00:35:27en Italie et puis en France,
00:35:29c'est-à-dire débarquement le 6 juin 1944 sur la place d'Omaha Beach.
00:35:33Et c'est la raison pour laquelle il est ici, avec d'autres anonymes,
00:35:36avec d'autres civils ou d'autres combattants,
00:35:38qui ont vécu ce jour, il y a 40 ans, ce 6 juin 1944.
00:35:42Est-ce que vous vous souvenez encore avec précision, Samuel Fuller,
00:35:46du moment où vous avez mis le pied sur la place d'Omaha ?
00:35:55Oui, c'est la quatrième vague, 6h30 le matin.
00:36:04Il était en fait, bon, il était 7h10 à peu près.
00:36:07Et la première chose que j'ai vue,
00:36:10avant même que nous arrivions à la plage,
00:36:14que la rampe de la péniche s'abaisse,
00:36:18tout flot, bien sûr.
00:36:21C'étaient des cadavres américains flottant entre deux eaux,
00:36:27des hommes qui avaient été morts,
00:36:30qui étaient morts lorsque les tanks DD,
00:36:33on en dit les tanks amphibies,
00:36:35avaient été touchés par les batteries allemandes
00:36:38et avaient donc été endommagés, détruits.
00:36:40C'est la première chose que j'ai vue.
00:36:42Je ne savais même pas que c'étaient des tankistes.
00:36:44Je croyais qu'ils avaient été portés par les vagues qui nous précédaient.
00:36:50Des masques à gaz qui flottaient un petit peu partout dans l'eau
00:36:53parce qu'on s'attendait à subir des gaz empoisonnés
00:36:58au cas où ils les utiliseraient.
00:37:04Et on est arrivé là, on pesait extrêmement lourd
00:37:09puisqu'on avait tout l'équipement,
00:37:11et puis en plus la mer était tout à fait démontée.
00:37:15Et en fait, nous étions imprégnés de gaz.
00:37:23C'est-à-dire qu'à partir du moment où on touchait l'eau,
00:37:27et je vais essayer de répondre à votre question très brièvement,
00:37:31sans entrer dans le détail,
00:37:33il y a un sentiment qu'on avait qui dominait tout le reste pratiquement.
00:37:36D'abord, c'était d'être content d'arriver sur la plage
00:37:39et de sortir de ces péniches de débarquement.
00:37:42Il y avait 32 gars dans les péniches.
00:37:45Premier sentiment, c'était un sentiment de soulagement
00:37:49d'arriver sur la plage.
00:37:51On avait peur,
00:37:53mais franchement, je ne suis pas marin au fond.
00:37:57Vous voulez une deuxième chose ?
00:38:00Eh bien, pendant sept mois après la Sicile,
00:38:06on nous avait entraîné en Angleterre.
00:38:11Et pour ce fameux débarquement du Jour J,
00:38:14on ne savait pas où on allait, d'ailleurs, on s'en foutait.
00:38:20On nous avait dit, des généraux pleins d'humour,
00:38:23qui nous avaient dit à Liverpool
00:38:26que c'était la dernière fois qu'on se mouillerait les pieds.
00:38:31Sauf si la rivière, le fleuve débarquait, quelque chose comme ça.
00:38:35Et pendant sept mois, une fois par mois,
00:38:40on avait des entraînements, des exercices,
00:38:43« dry runs » comme on appelait ça.
00:38:46Et les Anglais faisaient semblant d'être des Allemands sur la colline,
00:38:50et nous, on débarquait.
00:38:52On ne savait pas où, donc on débarquait.
00:38:54Et puis, au bout d'un moment,
00:38:57les Britanniques se sont dit, au fond, c'est pas tout à fait juste,
00:39:00c'est nous qui allons débarquer,
00:39:02et puis vous, vous allez vous mettre sur les collines.
00:39:05Donc, on nous a...
00:39:10Donc, on s'attendait à avoir à peu près 800 hommes
00:39:13autour de Colville,
00:39:15donc l'armée d'occupation, des défenses côtières,
00:39:19et on nous avait formés,
00:39:21on nous avait entraînés dans les moindres détails,
00:39:23non pas pour nous occuper d'eux,
00:39:27parce que nous, ça, c'était un autre régiment
00:39:30qui devait s'en occuper.
00:39:34Ce qui était important pour nous,
00:39:36c'était pratiquement de court-circuiter Colville,
00:39:40de retrouver la route de Bayeux
00:39:43et notifier le major sur la plage
00:39:47s'il y avait par hasard des blindés qui arrivaient.
00:39:52Ce qui signifiait que c'était du travail
00:39:55pour 25 hommes, pratiquement.
00:40:00Mais ce que nous ne savions pas,
00:40:02c'est qu'il y avait en face des éléments
00:40:04de la 352e division armée
00:40:09allemande qui était en pleine manœuvre,
00:40:12nous ne le savions pas,
00:40:14et en pleine manœuvre pour contrer un éventuel débarquement.
00:40:17C'est pour ça qu'on a eu tant de pertes, en définitive.
00:40:19Alors, un petit peu plus loin,
00:40:21à quelques kilomètres de là,
00:40:23à plusieurs kilomètres de là,
00:40:25débarque le colonel Dawson,
00:40:27qui est à la tête du commando numéro 4,
00:40:29dans lequel il y a 177 Français,
00:40:32dont M. Bolloré, qui est ici avec nous,
00:40:35et vous débarquez sur la plage de Ouistreham.
00:40:38Comment se passe le débarquement ?
00:40:40Est-ce que c'est très dur ?
00:40:42Est-ce que la résistance est plus dure
00:40:44que ce que vous prévoyez ?
00:40:46Ou au contraire, est-ce que les choses se passent
00:40:48relativement facilement ?
00:40:50La résistance était certainement...
00:40:54sèche, ça tapait.
00:41:00Mais je m'attendais à davantage.
00:41:03Je m'attendais en particulier
00:41:06à davantage de bombardements
00:41:09par de grosses pièces.
00:41:12Au moment où nous avons débarqué,
00:41:15c'est toujours un gros avantage
00:41:17de débarquer parmi les premiers.
00:41:20Parce que quand les artilleurs
00:41:23ont bien pointé
00:41:26sur les points de débarquement,
00:41:29si vous êtes déjà loin,
00:41:31ce sont les pauvres diables qui suivent,
00:41:34qui prennent ça sur le nez.
00:41:37Mais vous, vous aurez pu passer
00:41:40sans trop de difficultés.
00:41:42C'était notre cas.
00:41:44Ça ne veut pas dire que nous n'ayons pas eu de pertes.
00:41:47Nous avons subi des pertes
00:41:50qui variaient d'une troupe à l'autre.
00:41:53Je pense que la troupe,
00:41:56une des troupes qui a été très éprouvée,
00:41:59est la troupe...
00:42:02une des troupes françaises
00:42:05qui était commandée par Guy Vourche
00:42:08et qui a perdu,
00:42:11en traversant la plage,
00:42:14tous ses officiers.
00:42:17Et c'est le maître,
00:42:20le premier maître Fort
00:42:23qui a pris le commandement
00:42:26et qui a maintenu
00:42:29le momentum
00:42:32de l'attaque.
00:42:35Mais pour venir un peu en arrière,
00:42:38l'approche s'est faite
00:42:41dans une mer
00:42:44assez méchante.
00:42:47C'était le restant d'une tempête
00:42:50de la Verne.
00:42:53Les hommes dans les petites embarcations
00:42:56à fond plat
00:42:59souffraient terriblement
00:43:02de mal de mer.
00:43:05Et j'étais très inquiet
00:43:08en venant près de la côte,
00:43:11en me retournant,
00:43:14de voir une trentaine
00:43:17de visages absolument vides
00:43:20tandis qu'ils étaient malades.
00:43:23Vous vous souvenez, M. Bolloré,
00:43:26de cet état des hommes du commando
00:43:29qui étaient malades ?
00:43:32Oui, parce que quand on embarquait
00:43:35le 5 juin, très vite,
00:43:38les marins anglais nous ont fait
00:43:41descendre dans les cales
00:43:44parce qu'ils ne voulaient pas
00:43:47qu'ils n'aient pas leur travail à faire.
00:43:50Nous étions très serrés
00:43:53parce qu'il fallait mettre
00:43:56le plus de monde possible
00:43:59dans des bateaux tout petits.
00:44:02Il y avait des camarades
00:44:05malades qui vomissaient.
00:44:08Personnellement, je n'ai pas été malade,
00:44:11mais tous ceux qui n'ont pas été malades
00:44:14n'ont pas été malades.
00:44:17Quand vous arrivez sur la plage,
00:44:20vous avez certains bonheurs,
00:44:23d'autres malheurs.
00:44:26Vous n'arrivez pas toujours
00:44:29dans une eau calme.
00:44:32Certains manquent de se noyer
00:44:35ou se noient.
00:44:38Oui, je dois rendre hommage
00:44:41à l'eau calme.
00:44:44C'était même moins dangereux
00:44:47puisque les premiers ont moins de pertes.
00:44:50Nous avons eu la chance
00:44:53d'arriver en premier et de nous échouer.
00:44:56Une des barges a eu ses passerelles arrachées.
00:44:59Nous avons été obligés de sauter à l'eau.
00:45:02Nous avons traversé avec 40 kg sur le dos
00:45:05la mer avec des obus qui tombaient.
00:45:08Comme la plupart des autres membres du commando,
00:45:11vous aviez rejoint l'Angleterre clandestinement.
00:45:14Vous étiez parti de Bretagne sur un petit bateau.
00:45:17Les autres étaient arrivés par Gibraltar.
00:45:20C'était la première fois que vous reveniez en France.
00:45:23Oui, bien sûr.
00:45:26Est-ce que vous vous souvenez du sentiment
00:45:29que vous avez éprouvé en sautant sur la plage ?
00:45:32On a vu des films où les soldats
00:45:35s'agenouillaient et baissaient la terre de France.
00:45:38C'est une légende, ce n'est pas vrai.
00:45:41Par contre, le grand moment d'émotion,
00:45:44c'est quand les marins anglais nous ont ouvert le capot du bateau
00:45:47et qu'on nous a permis de sortir à l'air libre.
00:45:50À ce moment-là, les Allemandes ne nous avaient pas vus.
00:45:53On a vu un tout petit trait, c'était la côte de France.
00:45:56Il y avait un peu de brume parce que le jour n'était pas levé.
00:45:59Ça a été très émotionnant.
00:46:02Les 4 000 bateaux anglais et alliés ont tiré dans l'autre sens.
00:46:05Ça a été le bruit abominable, ça a été l'échoge,
00:46:08ça a été le débarquement.
00:46:11À ce moment-là, nous étions des robots.
00:46:14On nous avait appris notre métier.
00:46:17On a fait notre métier comme je l'espère de bons ouvriers.
00:46:20Vous aviez répété un peu, comme le disait Samuel Fuller,
00:46:23mais sur votre objectif précis, qui était Ouistreham.
00:46:26Nous étions enfermés dans un camp depuis plusieurs jours
00:46:29avec des sentinelles américaines, des fils de fer barbelés.
00:46:32Je crois que si l'un d'entre nous avait voulu sortir
00:46:35pour aller boire une bière ou faire autre chose,
00:46:38il aurait été certainement abattu.
00:46:41Vous aviez répété le débarquement sur une plage à peu près semblable.
00:46:44Bien avant, on a fait plusieurs répétitions de débarquement.
00:46:47Mais on ne savait jamais où on allait débarquer.
00:46:50C'était tout à fait exact, c'était le mystère.
00:46:53Ça se passe le matin du 6 juin.
00:46:56Le matin du 6 juin, il est quoi ? Il est 7h du matin à peu près ?
00:46:59Quelque chose comme ça, oui. 7h20, je crois.
00:47:02Le colonel doit savoir mieux que moi, mais je crois que c'est 7h20.
00:47:05Et dans la nuit, M. Shirley, vous, vous sautez avec les troupes aéroportuaires américaines.
00:47:09Vous sautez vers quelle heure ? Vous sautez au-dessus de Sainte-Mère-Église.
00:47:12Quelle heure est-il ?
00:47:15On est le 5 juin ? On est encore le 5 juin ?
00:47:21Oui, le 5 juin.
00:47:24Il faisait sombre.
00:47:27C'est tout ce que je me rappelle, au fond.
00:47:30L'heure, vous savez, pour moi, ce n'était pas très important.
00:47:33On avait un boulot à faire. On avait un commandant en chef britannique,
00:47:36le commandant Gavin.
00:47:39S'il nous avait dit de sauter au milieu d'un bûcher,
00:47:42on se serait précipité dans le feu.
00:47:45Les gars de la 82e,
00:47:49vous savez, je crois qu'il n'y en avait pas un seul
00:47:52qui avait peur dans cette 82e.
00:47:55En fait, il y avait un petit dessin humoristique
00:47:58que j'aurais finalement dû amener aujourd'hui
00:48:01qui dessinait bien un peu le type de nervosité
00:48:04qu'on avait à l'école de saut,
00:48:07alors que le jour venu, le grand jour venu,
00:48:10tout le monde roupillait plus tôt
00:48:13et un claquement de main a réveillé tout le monde.
00:48:17Tout le monde a été disposé à sauter, prêt à sauter
00:48:20et une batterie antiaérienne nourrie
00:48:23nous a accueillis.
00:48:26Et lorsque le go a retenti,
00:48:29eh bien go, on a plongé,
00:48:32on a essayé de sauver ce qu'on pouvait,
00:48:35mais on a eu des pertes, des pertes humaines
00:48:38un peu sévères.
00:48:41Le bataillon placé sous le commandement du colonel Krausers,
00:48:44lui aussi était de la partie,
00:48:47ce qui fait qu'on s'embrouillait un petit peu
00:48:50dans les répartitions des rôles.
00:48:53Je sais que le photographe de la 42G
00:48:56qui était chargé du renseignement
00:48:59a réussi à prendre quelques photos
00:49:02qui ont donné quelques résultats.
00:49:05Il y a des photos là que j'ai pu amener,
00:49:08des photos de combat
00:49:11qui prouvent bien si on arrive à voir la photo à l'écran
00:49:14à quoi ressemblait ce débarquement
00:49:17au sens technique.
00:49:20Est-ce que je m'y prends bien pour les montrer ?
00:49:23Il faut les laisser un petit temps
00:49:26qu'on ait le temps de les voir
00:49:29parce que je crois que c'est intéressant de revoir la plage.
00:49:32Je vais remontrer la plage sur laquelle vous débarquez,
00:49:35les Américains.
00:49:38Je crois assez bien compte
00:49:41de toute l'armada qui est au fond.
00:49:44C'était assez fantastique.
00:49:47Je n'ai pas vu ce qu'on vient de montrer
00:49:50parce qu'il faisait encore sombre
00:49:53lorsque j'ai regardé à ce moment-là
00:49:56mais je suis parvenu sur la plage un peu plus tard.
00:49:59Ce que j'aimerais bien c'est qu'on nous montre maintenant
00:50:02les photos que vous avez faites.
00:50:05Vous avec votre appareil.
00:50:08Regardez cette photo.
00:50:11C'est celle-là que vous parlez ?
00:50:14C'est ça.
00:50:17Je les ai faites avec ce petit appareil
00:50:20que j'ai sous la main.
00:50:23Je l'avais attaché à mon poignet.
00:50:26J'avais remonté le mécanisme
00:50:29de manière à avoir une marge de 2 ou 3 photos
00:50:32que je puisse prendre en descendant.
00:50:35Étant entendu qu'une fois que le jour serait levé,
00:50:38on pourrait prendre des films, des pellicules entières.
00:50:41J'avais 200 rouleaux sur moi d'ailleurs.
00:50:44J'avais ce petit appareil-là
00:50:47bien niché dans ma poche.
00:50:50Je m'étais bien organisé pour prendre
00:50:53mes petites photos et j'ai réussi
00:50:56avec les copains à en prendre 10 000
00:50:59qui ont été publiées dans toutes sortes de revues
00:51:02et d'autre part pour le livre commémoratif
00:51:05que notre unité a publié par la suite.
00:51:08Monsieur Shirley,
00:51:11revenons au débarquement.
00:51:14C'était une anecdote intéressante
00:51:17de voir que vous étiez en même temps photographe.
00:51:20Mais revenons au débarquement.
00:51:23L'atterrissage se fait avec beaucoup de pertes
00:51:26et c'est très dispersé ou non ?
00:51:29Oui, très dispersé.
00:51:32D'ailleurs, la chose la plus notable
00:51:35est qu'on avait un petit criquet
00:51:38à la main qui nous permettait
00:51:41de nous signaler aux autres
00:51:44et les autres répondaient à cet appel
00:51:47aux petits criquets qu'on avait en main.
00:51:50Les Allemands devenaient complètement fous.
00:51:53Je ne sais pas qui a eu l'idée
00:51:56de nous munir de ces petits criquets
00:51:59mais c'est certainement une idée remarquable
00:52:02que quelqu'un a eue.
00:52:05Est-ce que vous vous souvenez
00:52:08de votre première rencontre avec les Français ?
00:52:11La première fois que vous avez vu les civils français ?
00:52:14Oui, je m'en souviens.
00:52:17C'était très joyeux.
00:52:20En fait, leur première pulsion
00:52:23était de nous empoigner pour nous embrasser.
00:52:26Je dois dire qu'à l'époque,
00:52:29j'étais un petit peu comme ça,
00:52:32sinon coquet, du moins,
00:52:35un peu peut-être méfiant
00:52:38parce que je ne savais pas
00:52:41ce qu'il fallait attendre,
00:52:44à quoi s'attendre,
00:52:47et je suis heureux, point final,
00:52:50et soulagé tout de même.
00:52:53Madame pourra nous le confirmer,
00:52:56c'est un excellent ami à moi
00:52:59qui a sauvé sa vie.
00:53:02Très bon ami à moi
00:53:05et c'est vraiment un cas
00:53:08où je me suis vu moi-même
00:53:11devenir particulièrement émotif.
00:53:14C'est le 24 avec les extraordinaires photos
00:53:17de ce parachutiste Conley Shirley
00:53:20qui dit avoir pris quelques 10 000 clichés
00:53:23au milieu des combats.
00:53:26On en voit au moins quelques dizaines,
00:53:29mais il y a aussi beaucoup de photos dans votre livre
00:53:32et c'est toujours fascinant de voir
00:53:35des images qui ont été prises sur le vif
00:53:38et au milieu d'aussi grands dangers,
00:53:41et c'est un des exemples
00:53:44que j'ai suivi pour prendre ces clichés.
00:53:47L'exemple archétypal, c'est Robert Capa.
00:53:50Les clichés du 6 juin 1944 à l'aube
00:53:53sont une denrée très rare.
00:53:56On a surtout après des clichés
00:53:59qui évoquent notamment la bataille de Normandie.
00:54:02Il faut peut-être rappeler aussi
00:54:05que le souvenir du débarquement
00:54:08est dur pour les populations civiles.
00:54:11Atroce pour les populations civiles qui ont été bombardées.
00:54:14La Normandie est devenue un champ de ruines,
00:54:17un théâtre d'opérations, donc vous avez 15 000 banormands
00:54:20qui vont mourir sous les bombes et les obus,
00:54:23mais très dur aussi pour les soldats
00:54:26parce que pendant deux mois, vous avez eu une impasse stratégique.
00:54:29Les alliés sont scotchés sur une étroite tête de pont
00:54:32et ces combats ont été absolument horribles.
00:54:35Tout cela est très bien couvert par les médias.
00:54:38Richard Poirot de l'INA nous a rejoint.
00:54:41Vous souhaitiez nous parler d'une autre bataille.
00:54:44Surtout de la bataille des images.
00:54:47On sait très bien que l'information en temps de guerre
00:54:50est cruciale pour les belligérants,
00:54:53que ce soit pour les forces alliées,
00:54:56pour la résistance ou pour les Allemands.
00:54:59Chaque parti tente d'imposer ses images,
00:55:02et les images sont pour l'essentiel des actualités cinématographiques.
00:55:05Absolument. Dans ma chronique, il n'y aura pas de télévision,
00:55:08puisque la télévision n'existait pas.
00:55:11Ce sont des actualités diffusées dans les salles avant le film.
00:55:14Durant l'occupation, les Français vont être abreuvés
00:55:17de programmes d'information, en l'occurrence produites
00:55:20sous le contrôle du régime de Vichy,
00:55:23et ça s'appelait France Actualité.
00:55:26C'est important parce qu'on va jouer un peu sur les mots,
00:55:30ou par les Allemands en zone occupée,
00:55:33et ça s'appelle les actualités mondiales.
00:55:36Quand on voit ces images sur les réseaux sociaux,
00:55:39c'est de la propagande.
00:55:42Est-ce que les spectateurs sont informés de la bataille en cours ?
00:55:45Absolument. France Actualité diffusera les images
00:55:48de cette bataille de Normandie,
00:55:51en insistant sur les pertes aux alliés,
00:55:54en montrant ces villes rasées
00:55:57et l'exode des populations qui fuient les bombardements.
00:56:00Mais qu'est-ce qui va se passer ?
00:56:03Au fur et à mesure que les troupes convergent vers l'Est,
00:56:06vers Paris, on va les voir de moins en moins,
00:56:09ces images de propagande.
00:56:12D'autres images vont arriver, parce que les alliés,
00:56:15dans leur Jeep, ont des équipes de tournage
00:56:18qui vont produire des images d'actualité,
00:56:21dans un programme qui s'appelle Le Monde Libre.
00:56:24Sur le sol français, ce sont les images du débarquement
00:56:27et de cette bataille de Normandie dont vous parlez.
00:56:30Je vous propose de regarder un extrait.
00:56:33Aujourd'hui, tout un pan de la forteresse européenne
00:56:36est démantelé. Avec chaque marée favorable,
00:56:39les Français ont vu arriver dans le Cotentin
00:56:42des renforts et du matériel nouveau, toujours plus puissant.
00:56:45La bataille des plages est gagnée.
00:56:48Les Allemands disent qu'il y a déjà 400 000 soldats alliés
00:56:51L'ennemi a essayé de résister de toutes ses forces.
00:56:54Mais l'attaque a été menée à fond et bientôt,
00:56:57les forces de la Libération prenaient contact avec le peuple de France.
00:57:03Ce qui va se passer, c'est que quand les troupes alliées
00:57:06vont arriver dans Paris, ils vont essayer d'imposer
00:57:09ce programme d'information Le Monde Libre dans les salles.
00:57:12Et ils n'y parviendront pas. Qu'est-ce qui se passe ?
00:57:15La résistance est déjà sur les lieux.
00:57:19C'est une bataille dans la bataille.
00:57:22Ce qui s'est passé, c'est que ni la résistance
00:57:25ni le gouvernement provisoire ne souhaitaient
00:57:28que l'information soit contrôlée par les alliés.
00:57:31Cette bataille de Paris, c'est un moment très important.
00:57:34Cette bataille des images dont je parle.
00:57:37Durant l'occupation, il y a un comité qui se crée,
00:57:40avec des techniciens résistants, des réalisateurs, des caméramans résistants.
00:57:43C'est le comité de libération du cinéma français, le CLCF.
00:57:47Quand la bataille est déclenchée, ils sont prêts.
00:57:50Il va y avoir une quinzaine de caméramans
00:57:53disposés dans tout Paris.
00:57:56Ils vont filmer cette bataille qui commence le 16 août.
00:57:59Ça va durer jusqu'au 26 août, ça dure 10 jours.
00:58:02Ce sont les images qu'on voit à l'écran.
00:58:05C'est l'arrivée de la deuxième DB de Leclerc.
00:58:08Ce sont des images absolument incroyables.
00:58:11Ce ne sont pas des reconstitutions.
00:58:14Certains seront blessés.
00:58:17Dès fin août, il y aura un programme
00:58:20qui va être diffusé dans les salles qui sont ouvertes.
00:58:23Ça s'appelle Journal de la Résistance à Libération de Paris.
00:58:26Monté avec ces images, ça dure 30 minutes.
00:58:29Le succès est incroyable,
00:58:32parce que c'est une libération et parce que les images sont incroyables.
00:58:35Succès énorme en France et à l'étranger.
00:58:38Je vous propose de regarder un extrait.
00:58:42Ce peuple sans armes a su trouver des armes.
00:58:45Le feu couvre et soudain le cœur même de Paris
00:58:48commence à battre et à se battre.
00:58:51Dans la cité Berceau de la Ville,
00:58:54entre Notre-Dame et le Palais de Saint-Louis,
00:58:57la préfecture de police est le premier bastion de la résistance.
00:59:01Derrière ces hautes murailles,
00:59:04se sont retranchés des hommes en uniforme bleu
00:59:07qui en avaient assez de saluer des hommes en uniforme vert.
00:59:10C'est vraiment un marqueur,
00:59:13ce documentaire de la Libération de Paris.
00:59:16On sait faire, pas besoin des autres.
00:59:19C'est là-dedans notamment qu'on verra plus tard
00:59:22dans le reportage, De Gaulle à l'Hôtel de Ville
00:59:25qui dit ces phrases,
00:59:29Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé,
00:59:32mais Paris libéré et surtout libéré par les Français.
00:59:35Que va devenir ce comité après la guerre ?
00:59:38C'est très intéressant,
00:59:41c'est diffusé dès fin août et dès début septembre,
00:59:44quelques jours après, il commence à produire
00:59:47un programme hebdomadaire diffusé dans les salles.
00:59:50Ça s'appelle France Libre Actualité,
00:59:53mais ça ne va pas durer longtemps.
00:59:56De Gaulle va reprendre la main,
00:59:59il y avait des communistes au sein du CLCF,
01:00:02donc il y a des tiraillements,
01:00:05et De Gaulle reprend la main,
01:00:08et c'est la création des fameuses actualités françaises.
01:00:11Une société contrôlée par l'État
01:00:14avec des contenus validés par les services de l'État.
01:00:17Les Allemands sont chassés,
01:00:20les Français sont libérés,
01:00:24Pour finir ma chronique,
01:00:27il y a eu beaucoup de littérature sur le sujet,
01:00:30c'est vraiment très intéressant, c'est passionnant.
01:00:33Notamment Ciné Actualité, c'est l'histoire de la presse
01:00:36filmée aux éditions Henri Verrier par Marcel Huret.
01:00:39Je vous le présente, il est là, ça se lit comme un roman,
01:00:42c'est absolument passionnant.
01:00:45Et notamment cet épisode de la libération de Paris,
01:00:48tous ces caméramans qui étaient postés partout
01:00:52Les actualités filmées de la libération de Paris,
01:00:55Sylvie Lindemperg, je crois que vous le recommandez,
01:00:58et d'autres livres de cette audition du CNRS.
01:01:01Et un autre qui va sortir de Franck Mazuet
01:01:04aux éditions de Guinard en juin prochain,
01:01:07une histoire des actualités françaises,
01:01:10que j'ai eu la chance de lire avant,
01:01:13et c'est absolument passionnant.
01:01:16Vous avez souligné que vous aviez une bataille
01:01:19entre les Alliés et les Français,
01:01:22et la bataille entre les communistes et les gaullistes
01:01:25est extrêmement importante. Il faut quand même rappeler
01:01:28que le grand rêve des communistes était de pouvoir
01:01:31accueillir de Gaulle dans une ville qu'ils auraient libérée avant.
01:01:34Et c'est pour cette raison que l'insurrection est lancée.
01:01:37Or, ça échoue, mais de Gaulle a quand même un peu peur.
01:01:40Et lorsque la division Leclerc s'ébranle,
01:01:43de Gaulle souffle à Leclerc,
01:01:46nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d'une nouvelle commune.
01:01:49Donc il y a la grande peur du général de Gaulle
01:01:52d'arriver comme un Versaillais dans une ville insurgée.
01:01:55Or, la résistance est trop faible pour emporter la décision,
01:01:59et du coup, ce sont aussi les communistes
01:02:02qui dépêchent Gaulle pour demander l'aide
01:02:05de la 2e DB, et donc,
01:02:08d'un point de vue mémoriel, la libération
01:02:11va être vendue comme l'idée d'une libération
01:02:15qui a été rendue possible par l'insurrection des Parisiens
01:02:18et par la 2e DB, et c'est au fond un petit peu
01:02:21la synthèse que propose René Clément dans son film Paris Brutal.
01:02:24Dernier document de ce Rembobinat, un sujet de 5 colonnes à la lune
01:02:27de 1964, on est seulement 20 ans
01:02:30après l'événement, et vous verrez Pierre Légraupe dire
01:02:33je suis sûr que vous vous souvenez de ce que vous faisiez le 6 juin 44.
01:02:36Evidemment, ça nous paraît fou avec la distance d'aujourd'hui.
01:02:40Sujet tourné principalement auprès des habitants de Sainte-Marie-du-Mont,
01:02:43commune moins connue que sa plage
01:02:46renommée Utah Beach et moins que Sainte-Mère-Église,
01:02:49village qui a vu pleuvoir des parachutistes, épisode célèbre,
01:02:52dans la nuit du 5 au 6 juin.
01:02:55Celui qui explore cette bataille mémorielle et recueille
01:02:58les témoignages des habitants, c'est Gilles Perrault.
01:03:01L'écrivain journaliste s'est déjà installé depuis quelques années
01:03:04à Sainte-Marie-du-Mont, c'est là d'ailleurs qu'il s'est éteint
01:03:07l'an dernier à 92 ans.
01:03:10Gilles Perrault a beaucoup travaillé sur cette période.
01:03:13Il a signé un livre sur le débarquement,
01:03:16Le secret du jour J, mais je voudrais en citer deux autres
01:03:19toujours admirables, parmi d'autres,
01:03:22La longue traque sur l'affaire Farjon dans La Résistance.
01:03:25C'est un bouquin magistral absolument formidable.
01:03:28Et puis, il y a 10 ans, un merveilleux dictionnaire amoureux
01:03:31de La Résistance, je ne sais pas si vous êtes un admirateur
01:03:34de Gilles Perrault et de son travail.
01:03:37Le vendredi 5 juin 1964.
01:03:40Bonsoir. Ce soir, j'aimerais que tous ceux d'entre vous
01:03:43qui le peuvent, se souviennent.
01:03:46J'aimerais que vous vous rappeliez ce que vous faisiez
01:03:49il y a exactement 20 ans, ce soir.
01:03:52Ce que vous faisiez, ce que vous pensiez, où vous étiez.
01:03:55Car il y a ce soir exactement 20 ans, des millions de Français
01:03:58en allant se coucher, ne souhaitaient des guerres que dans la nuit
01:04:01pendant leur sommeil, allait se dérouler l'un des événements
01:04:04théoriques et politiques les plus importants du siècle,
01:04:07dont allait dépendre aussi la survie du monde libre,
01:04:10la fameuse opération Overlord que nous appelons
01:04:13d'un terme bien plus éloquent pour nous, le débarquement.
01:04:16Les Allemands non plus ne se doutaient guère d'ailleurs
01:04:19de ce qui allait se passer cette nuit-là.
01:04:22En tout cas, ils ne se doutaient ni du lieu, ni de l'heure.
01:04:25Dans son célèbre film que vous avez probablement vu,
01:04:28Le jour le plus long, Cornelius Ryan relate
01:04:31que le premier Allemand qui, cette nuit-là, vit apparaître
01:04:34sur la mer l'immense armada alliée, était un major
01:04:37du nom de Werner Plusskat.
01:04:40Eh bien, nous avons retrouvé le vrai major Plusskat.
01:04:43Nous l'avons ramené en Normandie,
01:04:46sur les lieux même où il se trouvait cette nuit-là,
01:04:49à l'endroit précis d'où, devant son bunker,
01:04:52il aperçut, sans y croire, le spectacle
01:04:55le plus étonnant de sa vie. Alors écoutez son récit.
01:05:01...
01:05:12...
01:05:29...
01:05:36...
01:05:43...
01:05:51...
01:05:58...
01:06:04...
01:06:12...
01:06:21...
01:06:27...
01:06:32...
01:06:37...
01:06:42...
01:06:47...
01:06:52...
01:06:59...
01:07:04Oui, comme le dit le major Plusskat,
01:07:07il se passait quelque chose, en effet, ce jour-là sur les plages de Normandie.
01:07:10Quelque chose que la France occupée attendait depuis 4 ans.
01:07:13Cela s'appelait l'heure H.
01:07:16...
01:07:36Voici l'une des 5 plages où allait se produire,
01:07:39il y a 20 ans exactement,
01:07:42l'événement le plus attendu par les Français,
01:07:45le débarquement des forces alliées,
01:07:48qui signifiait pour nous tous, s'il réussissait,
01:07:51la fin de l'occupation, la fin de la défaite.
01:07:54Ici, c'est Utah Beach, autrement dit Sainte-Marie-du-Mont.
01:07:57On connaît mieux Sainte-Mère-Église
01:08:00parce que les Américains y sont arrivés par parachute,
01:08:03mais c'est à Sainte-Marie-du-Mont que les alliés,
01:08:06venus par la mer, ont fait leur premier pas de libérateurs.
01:08:09Ici commence la voie de la liberté.
01:08:12Pourquoi cette borne 0-0 à Sainte-Marie-du-Mont,
01:08:15alors qu'il y avait déjà à Sainte-Mère-Église
01:08:18une borne 0 qui faisait parfaitement l'affaire ?
01:08:21Oui, si vous voulez, mais chacun sa part de gâteau, si on veut.
01:08:24Sainte-Mère, il n'y a pas d'eau.
01:08:27Fait tout de même qu'ils débarquent, fait tout de même de l'eau.
01:08:30Alors à Sainte-Marie, après ce qu'on a vu, le nombre de bateaux et tout,
01:08:33c'était normal qu'il y ait une borne.
01:08:36Comme Sainte-Mère avait la bande 0,
01:08:39les parents, je veux bien.
01:08:42Et nous, on a décidé de...
01:08:45On va faire la double 0 pour marquer au moins le débarquement
01:08:48où il y a de l'eau, où il y avait les bateaux.
01:08:51Où ont-ils débarqué, à Sainte-Mère-Église ou à Sainte-Marie-du-Mont ?
01:08:54A Sainte-Marie, il n'y a pas d'eau à Sainte-Mère, il y a juste là sur Saint-Main.
01:08:57Quel souvenir Sainte-Marie-du-Mont conserve-t-il de cette journée du 6 juin ?
01:09:02Pour un certain nombre de ses habitants, pour les enfants,
01:09:05le débarquement, c'est une leçon d'histoire que l'on peut savoir bien ou très mal.
01:09:09La plupart la savent bien, il y a quelques exceptions toutefois.
01:09:13Vous avez souvent entendu parler du 6 juin.
01:09:16Voulez-vous me dire ce qui s'est passé le 6 juin 1944, ici, à Sainte-Marie-du-Mont ?
01:09:23Le 6 juin 1944, c'est la fête de Noël.
01:09:30Le jour du 6 juin, les Allemands ont débarqué en France.
01:09:35Et alors, les Allemands ont fait la révolution.
01:09:39Puis, ils ont envahi la France.
01:09:42Et alors, la révolution a éclaté.
01:09:45Le 6 juin 1944, les Allemands venus par bateau sont débarqués à la plage.
01:09:52Ils ont été combattus et se sont rendus.
01:09:55Encore une fois, ce sont là des exceptions.
01:09:58La mémoire trahit l'histoire.
01:10:00La terre, elle, ne se trompe pas.
01:10:02Monsieur Côtel, ces touffes d'orties, dans cette partie de votre champ,
01:10:06c'est quelque chose qu'on ne voit pas habituellement en Normandie.
01:10:09Pourquoi ces orties ?
01:10:10Parce que, monsieur, vous avez ici l'emplacement de 256 tombes de soldats américains
01:10:15qui ont été tués le 6, le 7 et le 8 et enterrés immédiatement.
01:10:19Comme il n'y avait pas de cimetière de prévu nulle part, on les a enterrés au plus près.
01:10:25Alors, du fait qu'ils ont été exhumés 6 semaines après,
01:10:29pour reboucher les trous, on s'est servi de la terre du fond.
01:10:32Et toujours, généralement, quand c'est de la mauvaise terre,
01:10:35la terre qui part d'un fond d'un mètre 80, il repousse des ordures.
01:10:3920 ans après, ces orties, ces touffes d'orties marquent l'emplacement des tombes des Américains.
01:10:44Exactement.
01:10:45Entre chaque tombe, il n'y a pas d'orties.
01:10:48Et juste sur les tombes, il y en a.
01:10:49Et on les coupe deux fois par an.
01:10:51Le chant de M. Cottel, qui n'oublie pas les morts,
01:10:53les plus grands, à l'école, savent que leur village s'appelle Utah Beach.
01:10:57Le 6 juin 1944, les Alliés débarquèrent.
01:11:01Les Américains à Utah et Omaha,
01:11:03les Canadiens à Svord et les Anglais à Juneau.
01:11:06Les Alliés étaient commandés par le général Cazenoer.
01:11:10Il y eut beaucoup de morts.
01:11:11Ils bombardèrent les Allemands et la France fut délivrée.
01:11:15Ils sont venus en bateau et en péniche.
01:11:19Les noms qui sont écrits sur le monument, c'est tous les morts du débarquement.
01:11:27Sur la plage, il y a un autre monument.
01:11:30Le vent et le sable en avaient un peu effacé les inscriptions.
01:11:34Pour ce 20e anniversaire, M. Leblond, peintre, lui redonne une mémoire toute neuve.
01:11:38Qu'est-ce que vous repeignez là, M. Leblond ?
01:11:40Les lettres du monument.
01:11:42C'est vous qui avez peint cette borne pour la première fois ?
01:11:45Oui.
01:11:46C'était à quel moment ?
01:11:48En 48.
01:11:53Et quel souvenir ça évoque en vous ?
01:11:56Ça évoque surtout le sacrifice qu'ils ont fait pour le débarquement.
01:12:02Il y a eu beaucoup d'hommes tués ?
01:12:04Environ dans le secteur, je crois que ça doit être de l'or de 35 000.
01:12:08Je ne sais pas exactement, mais d'après...
01:12:11Quand on est en haut du clocher de l'église de Sainte-Marie-du-Mont,
01:12:14on peut interroger du regard le cœur même du village.
01:12:17Voici Mme Kukmel, hôtelier.
01:12:19Quand vous avez vu les Américains, quelles impressions vous ont-ils faites ?
01:12:23Des gens bien armés, prêts à la bataille, vraiment décidés.
01:12:27Plus que les Allemands ?
01:12:28Les Allemands, vous savez, ils se reposaient depuis tellement longtemps que pour eux, c'était...
01:12:34M. Bonnel, bourrelier.
01:12:38Ce qui m'a frappé le plus, c'était...
01:12:40On entendait les bottes des Allemands et eux, ils avaient des souliers en conchou,
01:12:43et on ne s'entendait pas.
01:12:44Ce qui m'a frappé le plus, des Américains.
01:12:46Les parachutés, si on les voyait se promener dans la bourre,
01:12:49on ne s'entendait pas, tandis que les Allemands, avec leur bruit de bottes, on les sentait toujours.
01:12:54M. Desmars, menuisier.
01:12:58Le premier jour, on avait un peu peur, parce qu'on ne savait pas qui c'était,
01:13:02s'ils étaient déguisés en...
01:13:04si c'était des Allemands qui étaient déguisés en Américains, quoi.
01:13:07À quoi vous les avez reconnus, les Américains ?
01:13:11Oh ben, à leurs habits, et puis à leur causet, quoi, après, quoi.
01:13:15Comment ils vous ont traité au début ?
01:13:17Ah, très bien, ça.
01:13:18Ils étaient gentils.
01:13:19On ne peut pas dire le contraire, quoi.
01:13:21Enfin, je vous dis, il était un peu dur au début, quoi, forcément,
01:13:24il fallait bien qu'ils se tiennent sur le garde.
01:13:26Ils étaient un peu méfiants, quoi.
01:13:27Ah ben, oui.
01:13:28Et vous aussi, vous étiez méfiant.
01:13:30Tous deux, oui.
01:13:31Il y avait de la méfiance des deux côtés.
01:13:33D'accord.
01:13:34Et puis ça s'est arrangé.
01:13:35Ça s'est très bien arrangé, quoi.
01:13:36Alors, quand on a vu les premières vagues venir, là,
01:13:39ils se sont assis là, partout, là, sur le pavé, là.
01:13:42Alors, on leur donnait un verre de sucre, quoi, un verre de vin,
01:13:45mais il fallait goûter, il fallait boire un coup avant.
01:13:49Ah, oui ?
01:13:50Parce qu'ils étaient tellement méfiants, c'est qu'ils avaient peur.
01:13:52Ils avaient peur qu'on les empoisonne ?
01:13:53Ah, ben, oui.
01:13:54Mais dites donc, s'il fallait goûter à chaque fois,
01:13:56alors, à la fin, vous deviez en avoir emballé du sucre.
01:13:58On y allait doucement, hein.
01:13:59On y allait doucement ?
01:14:00Oh, ben, forcément.
01:14:01Enfin, au bout d'un certain temps, il devait y avoir une ambiance de fête, alors, je pense, partout.
01:14:04Oh, très bien, oui.
01:14:05Oui, ça se passait bien.
01:14:06Alors, après, ça a été défendu au bout de, je ne sais pas, deux, trois jours,
01:14:09parce qu'il avait tout, je ne sais pas comment on peut dire,
01:14:12mais il avait la tête tournée, quoi, un peu, quoi.
01:14:14Les Américains ?
01:14:15Ben, oui, forcément, quoi.
01:14:17Parmi ceux de Sainte-Marie-du-Mont, qui habitait il y a vingt ans tout près de la plage,
01:14:21quelques-uns ont été entraînés, sans le vouloir, sans comprendre ce qui leur arrivait,
01:14:26dans une aventure étrange.
01:14:27Pratiquement, les alliés les ont fait prisonniers.
01:14:30On les a emmenés en Angleterre pour les interroger.
01:14:33Ainsi M. Lenoui.
01:14:35On a cassé la côte.
01:14:37J'avais soif.
01:14:38Je devais prendre un verre, deux verres, peut-être trois, je ne sais pas.
01:14:42Autour de nous, j'ai voulu me brasser l'oeil pour voir en arrière les dégâts qu'il y avait.
01:14:47Alors, c'est là que j'ai été pris.
01:14:49Vous avez été pris par qui ?
01:14:50Par les Américains.
01:14:53Qu'est-ce que vous voulez dire ?
01:14:54Et puis, ils m'ont emmené.
01:14:55Ils vous ont emmené, ils vous ont fait prisonnier ?
01:14:56Sans tambour ni trompette, jusqu'à la mer.
01:14:58Prisonnier.
01:14:59L'image, je l'ai remontée.
01:15:01Mais vous étiez habillé comment, à ce moment-là ?
01:15:03Ah, ben, j'avais retrouvé la veste, puis les chapeaux.
01:15:06Alors, j'étais en tenue comme ça, si vous voulez, puis la belle veste de noces.
01:15:11Ma casquette, j'avais retrouvé ma casquette et tout.
01:15:14Et le jour J, alors, le jour du débarquement, vous avez été ramassé par les Américains,
01:15:20emmené sur la plage, et là, emmené en Angleterre.
01:15:23D'accord.
01:15:24Vous étiez surpris, bien sûr.
01:15:26Ben, assez, oui.
01:15:27Oui.
01:15:28On vous a dit pourquoi on vous emmenait ?
01:15:29Ah, jamais.
01:15:31C'est-à-dire qu'on m'a dit, c'est la guerre.
01:15:33Quand j'ai demandé des explications, on m'a dit, monsieur, c'est la guerre, voulez-vous.
01:15:36Ça fait quatre ans que vous êtes avec les Allemands.
01:15:38Vous êtes peut-être devenu Allemand un peu.
01:15:40Alors, qu'est-ce que vous répondiez ?
01:15:42Que voulez-vous répondre à une pareille question ?
01:15:44C'était difficile.
01:15:46Ils l'ont fait jusqu'à nous demander si on pouvait leur dire le poids que nous pesions.
01:15:51Quand les Allemands sont arrivés en France, c'est le poids que nous pesions au moment qu'on était en Angleterre.
01:15:55Ah bon ?
01:15:56C'était pour voir si on avait sauvé.
01:15:57En Angleterre, vous savez, on a servi plutôt pour les affiches, les affiches de propagande.
01:16:05On nous a demandé à une cinquantaine d'hommes notre impression.
01:16:09C'est pas le slogan qu'il fallait mettre en dessous.
01:16:13Mais un slogan, quel slogan, par exemple ?
01:16:15Vous savez, par exemple, nous venons en amies ou des choses comme ça, sur une image.
01:16:23Vous avez servi de cobaye, en quelque sorte.
01:16:25C'est ça.
01:16:26C'est le slogan de la propagande.
01:16:27Ben oui, ben oui, c'est ça.
01:16:28Ça a duré combien de temps ?
01:16:30Ah ben moi, je suis revenu au bout de cinq semaines.
01:16:32Au bout de cinq semaines ?
01:16:33Oui.
01:16:34Vous avez pu écrire à votre famille ?
01:16:35Ah non, non.
01:16:36Vous n'avez reçu aucune nouvelle ?
01:16:37Aucune nouvelle, non.
01:16:38Et quels étaient vos sentiments, là-bas en Angleterre ?
01:16:41Vous acceptiez tout ça ou vous étiez un petit peu furieux ?
01:16:44Ben, qu'est-ce que vous voulez ?
01:16:46Furieux, on ne pouvait pas être furieux contre les Anglais puisque ce sont les Américains qui nous avaient amenés là-bas.
01:16:51Les Anglais étaient hors de cause.
01:16:53Oui.
01:16:54Oui, bien sûr.
01:16:55On nous a mis en Angleterre.
01:16:57On était bien.
01:16:58Vous étiez où ?
01:16:59Nous étions à Patriotic School, là où passent tous les étrangers.
01:17:03Et ma foi, on était très bien soignés.
01:17:07Pour l'histoire, un mort, c'est une anecdote.
01:17:10Mais pour un village.
01:17:11Plusieurs habitants de Sainte-Marie-du-Mont, le 6 juin, ont été pris pour des Allemands et tués par erreur, au moment même de leur libération.
01:17:19L'actuel maire de Sainte-Marie-du-Mont, qui demain recevra les Alliés dans sa commune, a bien failli être l'une de ces victimes.
01:17:25Vous aviez des Allemands dans votre ferme ?
01:17:27Oui, on avait reçu au mois de février 1944 une batterie allemande qui était surtout composée de jeunes Allemands.
01:17:37Et ils avaient de 16 à 18 ou 20 ans, encadrés de vieux sous-officiers qui revenaient de Russie.
01:17:45Ils avaient cette démarche pesante des cavaliers et ils ne veulent pas l'air très dangereux étant donné leur jeune âge.
01:17:52La vie était difficile avec eux ?
01:17:54La vie était désagréable.
01:17:56La vie était désagréable, c'est jamais très agréable d'avoir de la troupe dans sa maison.
01:18:02Mais c'est encore plus désagréable quand ils sont en occupation et chez eux et quand on a perdu la guerre.
01:18:08En somme, le 5 juin à l'aube, rien ne vous laissait penser que cette journée allait devenir historique pour Sainte-Marie-du-Mont ?
01:18:14Non, rien ne le laissait penser. C'était une journée où les combats, les passages d'avions avaient été plus fréquents, mais c'était enfin une journée comme d'habitude.
01:18:26Le 5 juin au soir, donc, monsieur le maire, vous avez entendu arriver les avions puis tomber les parachutistes.
01:18:32À ce moment-là, qu'avez-vous fait ?
01:18:34Le 5 juin, dans la nuit, nous avons vu la batterie se mettre en alerte.
01:18:41Nous avons vu la batterie se rassembler avec les caissons attelés, les hommes chargeant les munitions.
01:18:49Et nous essayons, nous avons essayé de savoir ce qui se passait jusqu'au moment où les Allemands nous ont dit « Tommy, Tommy ».
01:19:01Et jusqu'au moment où, voyant que nous nous montrions assez incrédules, ils nous ont apporté un livre qu'ils avaient pris sur un parachutiste qu'ils venaient de tuer.
01:19:13À ce moment-là, vous vous avez cru vraiment au débarquement ici ?
01:19:17À ce moment-là, nous avons cru qu'il se passait le débarquement et nous en avons eu confirmation par des gens qui avaient été bombardés à la dune et qui sont revenus se mettre à l'abri jusqu'ici.
01:19:29Tout au long de la nuit et dans les premières heures de la journée du 6 juin, on s'est battu tout autour de chez vous.
01:19:35De quelle manière, comment avez-vous vu les premiers Américains arriver ?
01:19:40Je n'ai pas vu particulièrement les premiers Américains arriver.
01:19:45Nous avons entendu toute une bataille en permanence autour de ces pièces de 88 qui tiraient, avec intermittence.
01:19:54Ça a été une bataille assez longue puisqu'elle a duré depuis le lever du jour jusqu'à midi.
01:20:01Et ça a été une bataille assez dure parce que tous les Allemands du quartier devaient s'être un peu regroupés autour de ces canons pour essayer de les défendre.
01:20:09C'est cela. C'était en somme le premier point d'appui sérieux à partir de la plage.
01:20:14Je le suppose, oui.
01:20:17Ce n'est que quand nous avons vu partir les Allemands par un dernier petit groupe.
01:20:25Il y avait un officier et plusieurs sous-officiers qui partaient en colonne.
01:20:30Les uns marchant devant eux, les autres marchant en reculons, armés jusqu'aux dents et surveillant où ils allaient.
01:20:37Et puis nous avons eu un tir de mortier sur la maison, un tir assez violent.
01:20:43Et l'attaque avait l'air de se concentrer vraiment sur la ferme jusqu'au moment où un parachutiste est arrivé ici, dans le coin de la maison où nous étions réfugiés.
01:20:54Il a passé sa carabine dans cette fenêtre et il a commencé à tirer dans la maison.
01:21:00Vous étiez dans cette pièce derrière la fenêtre.
01:21:02Nous étions dans cette pièce, un peu à l'abri.
01:21:05Mais alors nous avons compris qu'à ce moment-là, la situation allait s'aggraver.
01:21:11Qu'il fallait leur faire comprendre que les Allemands étaient sortis et qu'il n'y avait plus ici que des Français, des civils Français.
01:21:18Alors je suis sorti le premier pour leur dire que c'est fini, que les Allemands sont partis.
01:21:23Et je suis arrivé ici, sous le port.
01:21:28Il y avait là deux Allemands qui étaient l'un en chemise, l'autre le torse nu.
01:21:36Ils avaient tous les deux les bras en l'air et l'un tenait une serviette blanche en guise de drapeau.
01:21:42Ils se rendaient.
01:21:44Et regardant vers ici, j'ai vu alors les parachutistes qui étaient rangés en demi-cercle.
01:21:54Qui étaient rangés en demi-cercle comme ça.
01:21:57Ils étaient, leurs carabines sous le bras.
01:22:01Ils avaient le visage barbouillé dessus, on ne voyait guère que leurs yeux.
01:22:05Ils fumaient, ils marchaient, ils avaient l'air assez menaçants.
01:22:10Ils étaient habillés de kaki.
01:22:14C'est alors que je me suis avancé vers eux, les bras en l'air, comme ça.
01:22:20En leur disant, Frenchman, français.
01:22:24Et j'ai avancé. Ils m'ont fait signe d'avancer.
01:22:27Et j'ai avancé toujours.
01:22:29Ils se sont écartés pour me laisser passer et aller dans la barrière.
01:22:33Où je pensais qu'il y avait quelqu'un qui allait m'interroger ou me demander des explications.
01:22:37Et alors, c'est à ce moment-là, quand je suis arrivé ici, à leur hauteur,
01:22:42qu'ils m'ont tiré, avec leurs carabines, ils m'ont tiré dessus, ils m'ont fusillé dans le dos.
01:22:47Alors je suis tombé ici, là.
01:22:50Vous aviez reçu combien de balles ?
01:22:52J'ai reçu cinq balles.
01:22:54Vous avez perdu conscience ?
01:22:55Non, je n'ai perdu conscience à aucun moment.
01:22:58Mais assez rapidement, après plusieurs incidents, j'ai été relevé, ramassé,
01:23:06conduit par leur service sanitaire à la plage,
01:23:10où très rapidement j'ai été admirablement soigné.
01:23:13Puis alors, j'ai été opéré, j'ai été transporté ensuite en Angleterre,
01:23:18confié aux hôpitaux anglais, où j'ai reçu, où j'ai été très gratté aussi,
01:23:21comme je l'avais été par les Américains.
01:23:23Et à quoi attribuez-vous cette méprise, monsieur le maire ?
01:23:26Les combats d'ici avaient été assez durs.
01:23:29C'était la guerre, il fallait se battre.
01:23:32Et j'étais jeune, ils m'ont pris pour un Allemand, ils étaient excités par la bataille.
01:23:37Ils avaient certainement perdu du monde.
01:23:39Et je pense qu'il y a eu une méprise malheureuse.
01:23:43Monsieur le maire, demain, le 6 juin, les généraux et les soldats américains
01:23:48viendront ici à Sainte-Marie-du-Mont pour commémorer le 20e anniversaire du débarquement.
01:23:53En tant que maire de Sainte-Marie-du-Mont, vous les recevrez et vous vous adresserez à eux.
01:24:00Pouvez-vous nous dire ce que vous allez leur dire ?
01:24:03Je leur dirai que le 6 juin reste une date inoubliable pour nous.
01:24:08C'est toujours un grand anniversaire, c'est l'anniversaire de notre libération
01:24:13que nous avons payée avec des épreuves plus ou moins rudes où chacun doit apporter son tribut.
01:24:18Les méprises ou les bavures des libérateurs américains dans 5 Colonnes en 1964,
01:24:26que retenir de ces témoignages d'Olivier Vivorcourt ?
01:24:29Plutôt, si vous voulez des témoignages positifs,
01:24:33on doit la libération aux Américains, en l'occurrence,
01:24:38mais également aux Britanniques, ce qu'on a parfois tendance à oublier.
01:24:41Et en même temps, une certaine ambivalence, parce que les Normands ont été extrêmement martyrisés
01:24:46pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment du débarquement.
01:24:49Il faut rappeler que la Normandie a été relativement épargnée par la guerre.
01:24:53La Bretagne, par exemple, abritait un certain nombre de bases sous-marines,
01:24:56donc elle a été pilonnée pendant l'ensemble de l'occupation.
01:25:00Ce n'est pas le cas de la Normandie, relativement épargnée.
01:25:03C'est une région également agricole, donc où on mange à sa faim,
01:25:07et soudain, l'enfer se déchaîne.
01:25:09Et cet enfer qui se déchaîne, ce sont les bombardements, d'une part,
01:25:12et également les opérations terrestres de l'autre, qui vont provoquer des milliers de victimes.
01:25:17Et ça, c'est quelque chose qui est très présent dans le souvenir normand,
01:25:20mais qu'on n'ose pas non plus trop affirmer au grand jour,
01:25:23parce que cela apparaîtrait, me semble-t-il, comme une forme d'ingratitude face à ces gens,
01:25:28les Britanniques, les Américains, les Canadiens, qui ont quand même risqué leur vie.
01:25:32Donc vous avez une certaine retenue, mais dans le même temps,
01:25:35un souvenir très présent, qui circule de manière souterraine,
01:25:38mais que les pouvoirs publics locaux, régionaux ou nationaux ne mettent pas en avant,
01:25:43au travers, par exemple, de monuments, au travers, par exemple, de musées.
01:25:46Et c'est seulement dans, au fond, la dernière, voire les deux dernières décennies,
01:25:51que ce souvenir a remonté à la surface, dans cette mémoire normande,
01:25:55qui est une mémoire de souffrance, mais qui a eu du mal, je le répète,
01:25:59à s'exprimer, à sortir au grand jour.
01:26:01Merci beaucoup, Olivier Wivorka.
01:26:03Je rappelle votre dernière parution, le débarquement, son histoire,
01:26:06par l'infographie avec Cyriac Allard, au Seuil.
01:26:10Et puis, très vivement recommandé, votre histoire totale de la Seconde Guerre mondiale,
01:26:14parue chez Perrin, avec le ministère des Armées,
01:26:16qui est la première grande synthèse de ce conflit,
01:26:19dans tous les domaines, stratégique, économique, diplomatique, social, mémoriel.
01:26:24Enfin, voilà, c'est une somme à avoir au bout de la main.
01:26:28Merci à vous, Richard Poirot, et merci de nous avoir suivis.
01:26:31Je vous dis à très bientôt pour de nouvelles aventures dans les archives de l'INA.
01:26:54Sous-titrage Société Radio-Canada

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