Qui voudra encore accueillir les Jeux Olympiques dans 30 ans ? Il y avait 11 villes candidates pour accueillir les JO en 2004. Pour 2032, il n'y en avait plus qu'une : Brisbane. Les Jeux Olympiques ne sont plus aussi attractifs que par le passé. Entre coûts exorbitants, impact écologique et déficit de popularité : est-on en train d'assister au baroud d'honneur des JO ?
Dans cette vidéo, on dresse plusieurs scénarios pour essayer d'imaginer l'avenir de l'olympisme à l'occasion des JO de Paris 2024.
Dans cette vidéo, on dresse plusieurs scénarios pour essayer d'imaginer l'avenir de l'olympisme à l'occasion des JO de Paris 2024.
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00:00Les Jeux Olympiques ont un problème, plus personne ne veut les accueillir.
00:04Le nombre de villes candidates a fondu comme neige au soleil. Pour les JO de 2004,
00:0811 candidatures avaient été étudiées. Pour 2024, 2028 et 2032, il n'y en avait plus qu'une.
00:14Certaines villes retirent même leurs candidatures en cause le coût faramineux des Jeux mais aussi
00:19une popularité écornée et des conditions climatiques dégradées. Selon le CIO lui-même,
00:23d'ici 2040, il n'y aura plus que 10 pays en capacité d'accueillir les JO d'hiver.
00:27Plus vite, plus haut, plus fort, la devise des Jeux a du plomb dans l'aile.
00:31Et tandis que le comité olympique prend le problème très au sérieux,
00:34certains envisagent le scénario d'un effondrement. Alors est-ce qu'on est en
00:37train d'assister à la fin des JO ? C'est un scénario mais vous allez voir que ça n'est pas le seul.
00:43Figurez-vous que cette question, on se l'est déjà posée.
00:53On est en mai 1984, à la veille des Jeux de Los Angeles,
00:56et le Newsweek Magazine sort 7.1 « Les JO sont-ils morts ? ». Il faut dire que l'olympisme traverse
01:01à ce moment-là une décennie absolument dramatique. En 1972, à Munich, le terrorisme
01:06s'invite sur les pistes olympiques. Vêtus de survêtement, huit membres de
01:18l'organisation palestinienne Septembre Noir s'infiltrent dans le village olympique en pleine
01:22nuit. Ils parviennent à prendre en otage une partie de la délégation israélienne et demandent
01:25la libération de prisonniers palestiniens. L'opération finit dans un bain de sang avec
01:29la mort de 11 athlètes, de 5 terroristes et d'un policier. Une tâche indélébile dans
01:34l'histoire de l'olympisme qui fait prendre au jeu un tournant sécuritaire.
01:37A Montréal, quatre ans plus tard, la sécurité est maximale. Les JO de Munich avaient tourné
01:42au drame, ceux de Montréal vont tourner au fiasco. Jean Drapeau, c'est le maire de l'époque et pour
01:50ces jeux qu'il a toujours rêvé d'accueillir, il voit les choses en grand. Trop grand peut-être.
01:55Avec la construction d'un stade olympique de 65 000 places, adossé à une tour inclinée de 20 étages,
02:00165 mètres de hauteur, soit une demi-tour Eiffel, destinée à soutenir un toit suspendu sur le stade,
02:06sans oublier le village olympique, la piscine olympique, les infrastructures de transport et
02:10de relais médias. Je sais bien que tout dépend de la signification qu'on donne au mot modeste. Il y
02:15a beaucoup à faire et rien ne va se passer comme prévu. Le sol sur lequel ont été coulés les
02:20fondations du stade est trop mou, il doit être consolidé. De l'eau s'infiltre dans la structure
02:24du stade, elle gèle et le béton se fissure. Même les tribunes sont assemblées à l'arrache. Et
02:30dans le même temps, la corruption colmate les trous. Les entreprises de matériaux facturent
02:34plusieurs fois les livraisons. Comme il n'y avait aucun contrôle, les mêmes camions ressortaient
02:38de l'autre côté avec les mêmes poutres et revenaient se faire payer une deuxième fois.
02:42Ça, ça fait un demi-million de dollars dans une journée. Au lancement des jeux, le stade est encore
02:47loin d'être achevé. La fameuse tour est seulement construite à moitié et il faudra encore 11 ans de
02:51travaux pour que l'enceinte olympique soit définitivement terminée. Mais le fiasco ne se
02:56limite pas au bâtiment. L'édition de 1976 est marquée par le boycott de 22 nations africaines
03:00protestant contre la participation de la Nouvelle-Zélande, accusée de soutien à la politique
03:05d'apartheid après la tenue d'une tournée des All Black en Afrique du Sud. Seules 92 nations
03:09participeront aux Jeux de Montréal, soit 29 de moins qu'aux Jeux de Munich. La conséquence,
03:13elle est aussi financière. Montréal a pas seulement dépassé son budget, elle l'a explosé. 760% de
03:19surcoûts par rapport aux premières estimations. Et faute de recettes, ce sont les contribuables
03:23québécois qui auront à rembourser cette dette pendant plus de 30 ans.
03:27Difficile de faire pire, et pourtant.
03:35En 1980, c'est Moscou qui accueille les Jeux. C'est l'occasion de faire briller l'URSS par
03:39delà ses frontières. Une occasion ratée. Car en décembre 1979, l'Union soviétique
03:49envahit l'Afghanistan. L'invasion va entraîner une vague de boycott sans précédent, et seuls 80
03:54pays participeront aux Jeux. Bref, lorsque Newsweek Magazine pose cette question, la flamme
03:59olympique vacille dangereusement. Dos au mur, les Jeux sont pourtant à la veille de leur plus grand
04:04succès. Les Jeux de 1984 à Los Angeles vont réussir à relancer la machine olympique. Alors
04:18ont-ils fait ? La véritable révolution dans ces Jeux, c'est le sponsoring.
04:30On met des marques partout à la télé, et on finance avec leurs sous. Après le fiasco canadien,
04:35l'objectif est clair, le contribuable ne doit pas passer à la caisse.
04:48Et c'est un succès. Los Angeles reste à ce jour l'édition la plus rentable de l'histoire
04:53moderne des Jeux, avec un retour sur investissement de 193%. Personne n'a fait
04:58mieux jusque là, et c'est un peu le problème. Depuis 1984, seules 3 éditions ont été profitables,
05:14Jeux d'hiver compris. Depuis 50 ans, les Jeux coûtent toujours plus cher que prévu.
05:19Beaucoup plus cher. Le record revient au jeu de Sochi en 2014, passé de 8 à 36 milliards d'euros,
05:25et à ceux de Pékin en 2008, de 2,6 à 32 milliards d'euros. Donc organiser les Jeux,
05:31c'est plus ou moins la garantie de faire un four. Bien vu Jean. Si les Jeux dépassent
05:39systématiquement les budgets, c'est notamment à cause de l'effet de l'éternel débutant.
05:43L'effet de l'éternel débutant, c'est le fait que les villes hautes sont toujours novices
05:47pour organiser ce qui est l'événement le plus complexe du monde. Tous les 4 ans,
05:51on repart de zéro, et ça se traduit par de l'imprécision, des retards, et en bout de
05:55ligne, des surcoûts. C'est un défi inédit, on le sait depuis le premier jour, on a mis la barre
06:00haute. On apprend, on apprend. Des chercheurs pointent aussi la responsabilité du CIO dans
06:05ces naufrages. Le CIO définit l'agenda des Jeux, il en fixe les contours, et c'est lui qui est
06:09l'arbitre de toutes les décisions. Cependant, le CIO n'assume aucun des risques liés au coût de
06:14l'événement. Pour autant, le CIO n'a jamais gagné autant d'argent. Historiquement, les droits de
06:18diffusion revenaient aux villes hautes. Mais peu à peu, le CIO a cherché à reprendre la main,
06:22et depuis 2006, il capte plus de la moitié de ses revenus. Le CIO et les communautés
06:27d'organisations locaux, les Kojo, sont au cœur d'immenses enjeux financiers. Les affaires de
06:31corruption émaillent l'histoire des Jeux depuis des décennies. Encore récemment,
06:35avec la condamnation de plusieurs responsables japonais lors des Jeux de Tokyo, ou l'ouverture
06:39d'enquêtes pour favoritisme et prise illégale d'intérêt en marge des Jeux de Paris.
06:42C'est l'image globale des Jeux olympiques qui s'est détériorée à la suite de ces cas de
06:47corruption, mais aussi à la suite du déficit et du gigantisme finalement des Jeux olympiques.
06:53Les JO sont impopulaires, et c'est ce qui pousse un certain nombre de villes à retirer leur
06:58candidature. D'ailleurs, si les Jeux se tiennent à Paris en 2024, c'est aussi parce que tous les
07:07autres concurrents se sont retirés. Il y a eu des référendums, par exemple à Boston,
07:11par exemple à Hambourg, mais la maire de Paris aurait très bien pu organiser un référendum
07:16comme elle l'a fait sur les trottinettes. Ça n'a pas été le cas, et c'est reproché aux Kojo,
07:20mais en fait, ce n'est pas la responsabilité du Kojo, c'est la responsabilité de la ville.
07:24Les citoyens et citoyennes se sont vraiment impliqués aussi, parce qu'ils et elles savent
07:29que ça va avoir un impact sur toute la ville. Et du coup, c'est devenu aussi un risque pour
07:34le CIO en fait, un risque d'image. Et ça, c'est un vrai sujet pour le CIO.
07:38Quand les jeux sont populaires, les villes se battent pour les organiser,
07:41et ça renforce naturellement son pouvoir. Aujourd'hui, l'impopularité des jeux inverse
07:45ce rapport de force. Aujourd'hui, le CIO bosse sur les jeux de 2036, il doit s'imaginer ce qui
07:50plaira au public de demain. Ce qui implique d'arriver à se mettre dans la tête de jeunes
07:54qui ont 10 piges aujourd'hui et qui en auront 22 en 2036. C'est la raison pour laquelle nous
07:58avons des sports de jeunes qui font leur apparition, comme le breakdance, le skate ou le
08:04surf. S'ils ont une mauvaise image, les sponsors vont aussi dire, écoutez, on ne va pas continuer
08:10à soutenir financièrement un événement qui ne nous rapporte rien. Autre enjeu, le climat. Les
08:15jeux qui sont quand même une source d'émissions CO2 majeures n'aident pas vraiment à porter ce
08:21projet de durabilité, de transition écologique. Conscient de tout ça, le CIO filtre désormais
08:25les candidatures en favorisant les villes qui disposent déjà d'infrastructures. L'intérêt,
08:30il est triple. Moins d'émissions, moins de dépenses, mais aussi moins d'opposition manifestée
08:35sur la place publique. Bref, maintenant qu'on a dit tout ça, qu'est-ce qui va devenir des Jeux
08:39Olympiques ? Il y a trois scénarios possibles. Scénario 1, les JO repartent de plus belle.
08:44Paris est un succès, les candidats se bousculent au portillon et on repart pour 30 ans de surenchère.
08:49Ça, c'est hautement improbable. Il y a une vraie volonté de réduire la taille des Jeux
08:53Olympiques parce qu'effectivement, tout le monde est d'accord qu'ils sont très gros déjà et ça
08:57sert à rien de les augmenter encore plus. Scénario 2, les JO s'effondrent. Les JO qu'on connaît,
09:03ils remontent en 1896. Si on regarde les organisations, les entreprises qui nous
09:09entourent, il y en a très peu en fait qui ont cet âge-là. Et si le CIO n'est pas capable en fait
09:16de gérer cette transformation et de vraiment adapter les JO aux nouvelles exigences, ils
09:21peuvent très bien aussi disparaître. On se posait la question de cette disparition en 1984,
09:26on se l'est aussi posé en 1976 dans les colonnes du Monde, mais aussi en 1924 et pourtant...
09:31Les JO sont toujours là. Alors s'il est certain que les JO se trouvent à une étape charnière
09:35de leur histoire, on se dirige vraisemblablement vers un troisième scénario, des jeux plus
09:40modestes. C'est sûrement le scénario le plus probable, la fin des délires mégalos à l'agent
09:45drapeau pour recentrer les jeux sur les villes qui ont déjà des infrastructures. Filtrer les
09:49candidatures, c'est aussi un moyen de réduire l'effet débutant en focalisant les jeux sur des
09:54villes qui les ont déjà accueillis. Mais pour les villes qui n'ont pas les infrastructures nécessaires,
09:58le calcul reste le même. Pour prétendre JO, il faudra toujours construire et s'endetter. La
10:03différence c'est que tout ça se fera en amont avant même d'être sélectionné. L'avantage
10:07c'est aussi pour le CIO de pouvoir afficher des coûts artificiellement réduits. Dans ce scénario,
10:12le risque c'est aussi celui d'une confiscation des jeux par les pays riches. En 130 années
10:16d'existence, pas une édition des jeux ne s'est déroulée sur le continent africain. L'olympisme
10:20ne s'est aventuré dans l'hémisphère sud qu'à 3 reprises. La trajectoire des jeux reste intimement
10:25liée à la situation géopolitique. La repolarisation des relations internationales et la résurgence de
10:30conflits globaux sont des données que le CIO ne contrôle pas. Donc le scénario bonus, c'est
10:34l'apparition de plusieurs jeux concurrents qui viendraient remettre en cause la monopole de
10:38l'occident sur les jeux. A l'image des jeux de l'amitié organisés par la Russie qui se tiendront
10:42à Moscou en septembre 2024. Ou bien des jeux des briques en juin 2024 organisés au Tatarstan par
10:48la Russie où étaient représentés 90 pays et 5000 athlètes. Bref, quel que soit le scénario,
10:59celui d'un effondrement ou d'un rebond, ce qui est sûr c'est que la compétition ne fait que commencer.