Interview de Stéphane Le Foll
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00:00Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises être favorable à une plus large représentativité syndicale agricole.
00:14Concrètement, après les petits changements qu'il y a eu pour les élections Chambre d'Agriculture de cette année, est-ce que vous avez prévu d'autres modifications en vue des prochaines élections Chambre d'Agriculture ?
00:24D'abord, quand je suis arrivé, les élections de Chambre d'Agriculture allaient avoir lieu six mois après mon arrivée.
00:30Donc il était difficile de bouleverser les règles des élections dans les chambres en si peu de temps et surtout à la veille d'un scrutin qui est toujours important.
00:40J'ai privilégié un changement à l'échelle régionale. J'ai souhaité aussi une meilleure représentation des femmes dans les Chambres d'Agriculture.
00:50Et il va de soi qu'après les élections, on verra au travers d'une discussion large comment on doit améliorer encore à la fois le fonctionnement et la représentativité au sein des Chambres d'Agriculture.
01:05Des différentes sensibilités qui vont, je le crois, s'exprimer dans les votes qui ont eu lieu ce week-end.
01:12Et dans les instances professionnelles, vous visez des changements, des améliorations ?
01:16Il y a une discussion qu'on aura en particulier sur la question des interprofessions qui a déjà été évoquée. Je l'avais évoquée avec Xavier Belin.
01:22Je pense que sur ces sujets-là, il faut qu'on fasse place à cette diversité et cette représentativité.
01:30Je crois qu'on a intérêt à faire en sorte que l'agriculture, dans les différents lieux où il y a de la gouvernance,
01:39bien qu'il y ait un syndicat majoritaire, mais en même temps qu'il y ait une expression diverse qui correspond aux sensibilités du monde agricole aujourd'hui.
01:50Entendu. Restons dans l'actualité, mais passons à l'Europe.
01:54Plus des trois quarts des lecteurs qui se sont exprimés sur un sondage en ligne sur Ternet.fr estiment qu'il n'y aura pas d'accord sur le budget européen les 7 et 8 février prochains.
02:05Qu'en pensez-vous ?
02:07Je pense que là, à l'heure où on parle, les discussions continuent.
02:11C'est vrai que la discussion est extrêmement difficile compte tenu de la situation économique et budgétaire de la plupart des pays qui discutent du budget de l'Europe.
02:20Le vrai problème aujourd'hui, c'est que le budget de l'Europe, c'est la somme des contributions de chacun des États.
02:25Et qu'en même temps qu'un État contribue, il essaie de voir ce qui lui revient.
02:29Et on a donc des discussions qui sont difficiles.
02:32Dans un moment où les difficiles budgétaires sont importants, chaque État a tendance à vouloir en mettre le moins à l'échelle du budget européen et cherche à en recevoir le plus.
02:43C'est ça qui bloque aujourd'hui.
02:45Et en même temps, il y a des États, et depuis longtemps, des gouvernements qui ont toujours considéré que ce qui était consacré à l'agriculture était trop important dans le budget européen.
02:54Je voudrais leur dire que la PAC, c'est absolument nécessaire à l'échelle de notre continent pour assurer à la fois aux agriculteurs et aux producteurs des revenus qui permettent de pérenniser l'activité agricole.
03:08C'est absolument nécessaire pour les consommateurs pour avoir un accès large et diversifié aux produits alimentaires à un coût qui soit acceptable.
03:17Différent selon les produits, mais acceptable pour tous.
03:20L'accès à l'alimentation étant un vrai sujet aujourd'hui.
03:23Et puis troisième point, je n'oublie jamais, les citoyens.
03:26Parce que les citoyens ont beaucoup d'exigences envers l'agriculture.
03:30Sur les questions environnementales, d'occupation de l'espace, en particulier dans toutes les zones difficiles.
03:35S'il n'y avait pas une politique agricole pour assurer cette présence de l'agriculture partout et cette prise en compte de l'environnement, on ne pourrait pas satisfaire à toutes les attentes des citoyens, des consommateurs et des agriculteurs.
03:49Je pense que les agriculteurs eux-mêmes en sont convaincus, mais comment vous expliquez ce certain pessimisme qu'ils ont actuellement vis-à-vis de l'Europe ?
03:55Je l'imagine et je le comprends en même temps.
03:58Le contexte étant ce qu'il est, on voit bien que l'Europe a failli, en tout cas la zone euro a connu une phase extrêmement délicate.
04:09Il y a encore six mois, il y avait partout l'hypothèse d'un éclatement de la zone euro.
04:15Le fait que la Grèce allait quitter la zone euro, qu'après la Grèce ce serait l'Espagne, qu'après l'Espagne certains envisageaient déjà l'Italie, qu'après l'Italie il y en a même certains qui ont imaginé que la France pourrait quitter la zone euro.
04:27On a stabilisé cette zone euro. Je comprends le contexte d'inquiétude dans lequel on est.
04:32Et en même temps il se trouve qu'aujourd'hui on a stabilisé cette zone et l'euro, c'était dit par Pierre Moscovici assez justement, non seulement il est stable mais il a progressé à nouveau sur les marchés.
04:43Ce qui n'est pas d'ailleurs toujours la meilleure situation.
04:47C'est un euro trop cher, c'est un euro qui limite aussi les capacités d'exploitation au niveau européen et au niveau français en particulier.
04:55Donc il y a de l'inquiétude et en même temps il ne faut pas non plus être dans un total pessimisme qui ferait qu'on considère qu'il n'y a plus rien à faire.
05:04Donc tout le débat et le Président de la République se bat depuis le départ pour faire en sorte qu'on ait un budget européen, d'abord, et la France est prête à assumer sa responsabilité.
05:14Deuxièmement dans ce budget il a fixé deux politiques qui sont essentielles pour les citoyens, la politique agricole commune et la politique de front de cohésion.
05:22Concernant le verdissement, enfin la politique agricole commune justement, est-ce qu'on peut imaginer dans le cadre des négociations qui vont être faites sur le budget,
05:31une tractation, une négociation qui pourrait être du style, ok, le budget de la politique agricole peut baisser mais il n'y a pas de verdissement, verdissement souvent critiqué par les adultes.
05:44Vous avez raison, ça a été sûrement l'intention d'un certain nombre de gouvernements et pas des moindres, mais la France a toujours tenu à ce qu'il y ait un respect des propositions sur le verdissement
05:55pour une raison très simple, c'est que si on laissait le verdissement se faire au niveau de chacun des états, on perdait la cohérence d'une politique agricole européenne qui tienne compte de l'environnement.
06:11Et là, les distorsions de concurrence qui sont dénoncées souvent à juste titre sur cette question de l'environnement se verraient accrues et on s'est toujours battus, et moi le premier,
06:22pour considérer que le verdissement, même si ce n'est pas toujours facile à accepter, c'était essentiel de le défendre parce que sinon, certains pays comme l'Allemagne
06:30préféraient renvoyer ça à des politiques nationales sur le deuxième pilier, mais à ce moment-là, on perdait toute cohérence sur les enjeux environnementaux
06:37et on faisait que des distorsions qui existent déjà allaient continuer à s'accentuer. Ce n'était pas acceptable.
06:43Donc la bataille qui a été menée sur le verdissement, c'est la France qui l'a menée.
06:47Alors, si on reste sur cette notion verdissement écologie, j'ai envie de dire.
06:53Au niveau français, vous travaillez sur une loi d'avenir de l'agriculture et vous avez donc déclaré que la colonne vertébrale de ce projet serait l'agroécologie.
07:05Comment est-ce que vous pouvez faire croire aux agriculteurs qu'on va miser sur l'agroécologie et en même temps miser sur de la production pour nourrir le monde ?
07:13Neuf milliards de personnes américaines.
07:15Ce que je veux faire croire, ce n'est pas un concept tout simple.
07:20Je pense que depuis trop d'années, on a opposé l'idée de l'écologie et de l'environnement en agriculture à l'idée économique de l'agriculture.
07:30Et on a fini par se convaincre, d'ailleurs une partie des agriculteurs, que si on faisait de l'écologie, c'était au détriment de la question économique.
07:38Et pour un certain nombre d'ONG, si on voulait faire de l'écologie, il fallait surtout diminuer la production agricole.
07:46C'est aussi détestable d'un côté que de l'autre.
07:49Il faut qu'on revienne à une politique de combinaison entre la performance économique et la performance écologique.
07:55Et au travers de l'agroécologie, de l'agronomie, du développement de modèles de production qui sont à la fois écologiquement performants et en même temps économiquement performants,
08:05je pense qu'on a là une voie.
08:08Je reste convaincu que la France peut prendre un leadership dans ce domaine de l'agroécologie à l'échelle européenne.
08:14Donc on a tous les atouts pour réussir.
08:16Il suffit qu'on arrive à débloquer un peu les réticences et les approches qui ont été celles qui ont été trop longtemps à l'oeuvre sur ces questions-là.
08:26Il faut au contraire qu'on combine, qu'on fasse une synthèse entre ces deux objectifs.
08:30Donc c'est ni de la communication en faveur de l'agriculture auprès du grand public, ni de l'idéologie écologique.
08:36Non, c'est une conviction profonde qui est la mienne au vu des expériences que j'ai pu moi-même constater
08:45que partout en France, et d'ailleurs ailleurs aussi, mais en France en particulier,
08:50il y a des expériences qui sont conduites par les agriculteurs qui sont extrêmement intéressantes
08:54et qui prouvent qu'on peut faire les deux.
08:56Donc c'est à partir de là que ma conviction s'est faite.
08:59Et c'est à partir de ces expériences, et donc de l'expérience des agriculteurs,
09:04que je suis convaincu qu'on peut réussir ce pari.
09:06Et on fera tout pour réussir ce pari.
09:08Mais c'est un sujet qui inquiète et je pense que les récentes manifestations,
09:11même si elles ont un peu pris d'ampleur en période d'élection, n'étaient pas que liées aux élections.
09:16Oui, elles sont liées en particulier au fait que jusqu'ici, l'environnement,
09:20c'était souvent des normes qui venaient corriger les défauts des itinéraires techniques précédents.
09:27Ou les défauts qu'on a constatés, trop d'azote dans les rivières, c'est la directive nitrate.
09:35Bon, je pense qu'on peut faire beaucoup mieux.
09:37Il n'y a aucune raison qu'on ne produise pas autant en n'ayant pas de nitrate dans les rivières.
09:42Je pense qu'on peut tout à fait s'organiser pour faire en sorte de produire
09:45et de ne pas mettre de nitrate dans les rivières.
09:47Donc on est vraiment à un moment où on va passer des corrections de ce qui a été mal fait avant
09:52à la définition d'un nouveau développement qui permettra de concilier
09:57et la question économique et la question écologique.
10:00Quels sont les autres grands points, en résumé, qui feraient partie de votre loi ?
10:04Il y a toutes les questions de l'installation, il y a toute la question du foncier,
10:07il y a la question de l'enseignement et de la recherche sur lesquelles nous allons beaucoup travailler.
10:11Il y a la question de la forêt. J'étais cet après-midi au Conseil supérieur de la forêt et du bois
10:16que j'ai relancé après 2009.
10:18Donc toutes ces questions vont être au cœur de ce débat de la loi d'avenir
10:24avec une perspective simple, c'est de répondre, je le disais tout à l'heure,
10:28et aux attentes des agriculteurs et à ceux des consommateurs et aux citoyens.
10:33Créant ce qui concerne les prix, par exemple.
10:35Les prix, aujourd'hui, on est dans une économie de marché et il faut organiser les choses
10:43de telle manière que les contrats, les rapports de force équilibrent
10:47et qu'il n'y ait pas de déséquilibre entre certains industriels ou la grande distribution
10:52et les producteurs. Et donc c'est tout cet équilibre qu'il faut qu'on construise.
10:56On le construit à la fois dans le dialogue, la discussion et une démarche contractuelle renforcée.
11:00C'est tout l'enjeu des choix que nous avons faits sur le lait et que nous allons continuer à faire.
11:05C'est tout l'enjeu aussi des réflexions que nous allons mener sur les filières porcine, volaille et autres.
11:11Parce que vous parliez d'installation, on vient de parler de prix, vous m'avez cité la politique de foncier.
11:18Concernant l'installation, il y a quand même pas mal de choses à faire sur le niveau de retraite.
11:23Je pense qu'il y a beaucoup de sujets à travailler face à une situation où le statut des jeunes agriculteurs
11:30actuellement pose quand même quelques soucis puisque les prêts bonifiés sont peu intéressants économiquement parlant.
11:37Et puis on a des gens qui sont déjà très bien formés.
11:40C'est pourquoi on a mis en place des assises de l'installation avec l'ensemble des acteurs
11:45pour réfléchir à la question que vous posiez.
11:50Depuis 40 ans, on n'a pas vraiment repensé la politique de l'installation.
11:56Il est peut-être temps d'y arriver.
11:58C'est pourquoi nous avons prévu de faire ces assises de l'installation d'ici juin.
12:04Avec du concret et des traductions législatives s'il le faut dans la loi d'avenir.
12:12Donc objectif fin 2013.
12:14Voilà. Merci à vous.
12:20Merci à vous.