L'Assemblée Nationale est-elle devenue une «zone de non-droit» comme l'affirme Marine Le Pen ?

  • il y a 2 mois

Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Europe 1 reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 18h30 à 19h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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Transcript
00:00Europe 1 Soir Week-end, Victor Pourcher.
00:03Il est 18h30, vous êtes bien dans Europe 1 Soir Week-end.
00:07De l'info, du débat, le débat, on y vient.
00:10Le grand remue-ménage à l'Assemblée nationale.
00:13Yael Braun-Pivet, réélue présidente de l'hémicycle.
00:16Elle peut remercier certains élus LR pour les vice-présidents.
00:20Fin de scrutin au milieu de la nuit dernière.
00:22Aucun n'est issu du Rassemblement National, c'est la principale information.
00:26L'URN qui enrage dans la mesure où, factuellement, il est le parti politique avec le plus de sièges de députés.
00:33Pour en parler avec nous, en studio, j'accueille Magali Vissante.
00:36Bonsoir.
00:37Bonsoir.
00:37Une communicante politique spécialisée dans le conseil d'élus et de collectivité.
00:42Ils doivent bien en avoir besoin en ce moment.
00:44J'accueille également Raphaël Stainville.
00:46Bonsoir.
00:47Bonsoir, Victor.
00:47Directeur adjoint de la rédaction du journal du dimanche.
00:52Partons donc sur ce qu'il se passe à l'Assemblée nationale.
00:55Et cette déclaration, notamment sur laquelle je voulais vous entendre cet après-midi,
00:58de Marine Le Pen, la patronne des députés RN,
01:01qui désigne l'Assemblée nationale comme une zone de non-droit.
01:05Magali Vissante, la question va être simple mais compliquée.
01:08Est-ce que l'Assemblée nationale est une zone de non-droit aujourd'hui ?
01:11Ecoutez, une zone de non-droit, quand même, c'est un peu fort.
01:13C'est une zone dans laquelle les forces de l'ordre ne peuvent plus rentrer et ne sont plus acceptées parce qu'il y a des violences.
01:18Donc, on en est loin.
01:18Mais l'image, l'image est choque parce que, encore une fois, il y a le poids des mots.
01:22Donc, l'association que font les gens quand ils écoutent et qu'ils entendent cette notion de zone de non-droit,
01:27c'est typiquement pour faire référence à la notion d'irrespectabilité qu'il y a eu au sein de l'Assemblée nationale.
01:33Des mots, des gestes, des comportements, des insultes.
01:37Et puis, une notion d'irresponsabilité et une notion forte de non-respect.
01:43Non-respect des règles, non-respect des électeurs.
01:45Donc, oui, c'est une phrase choc.
01:46Non, on est loin de la zone de non-droit.
01:48Mais quand même, l'idée, c'est d'avoir un impact et de montrer qu'il n'y a plus beaucoup de règles au sein de cette Assemblée nationale.
01:54Raphaël Stainville.
01:55Oui, moi, je serais d'une certaine manière assez d'accord avec Marine Le Pen dans la manière dont elle l'exprime.
02:01Il ne s'agit pas de dire que l'Assemblée nationale serait, depuis le premier jour de cette nouvelle mandature jusqu'à la fin, une zone de non-droit.
02:09Le fait est que ce qui s'est passé ces dernières heures laisse apparaître une zone d'un autre droit à tout le moins.
02:15Puisque les députés ont décidé de s'asseoir sur le règlement intérieur qui prévoit que la répartition des postes à l'Assemblée nationale
02:25se fait à la proportionnelle du poids des groupes.
02:28Et il n'en a pas été.
02:30Donc, là où je trouve que la phrase de Marine Le Pen a d'autant plus de poids et d'impact,
02:34c'est qu'on est passé déjà d'une assemblée dans la précédente mandature qui était tumultueuse,
02:40avec une partie de l'Assemblée qui était finalement débraillée, assoiffée de vengeance,
02:50à une extension quasiment du domaine de l'Asad.
02:53Puisque finalement tous les députés, à l'exception de ceux du RN,
02:59se sont prêtés au jeu des insoumis et ont de manière délibérée faussé les règles du jeu,
03:05s'asseyant sur ce règlement intérieur qui fait force de loi normalement,
03:10pour finalement truquer les jeux de cette Assemblée.
03:14Il y a eu aussi une façon de faire référence au comportement de M. Délogu,
03:21qui en dehors du fait qu'il n'a pas serré la main...
03:24Les députés insoumis, je le rappelle, qui au moment du vote,
03:27a intimidé physiquement cette avancée de l'assesseur RN de ce vote.
03:33Et du coup, derrière, quelles ont été les références ?
03:36On a dit qu'on était dans une cité, que c'était les racailles qui étaient revenues à l'Assemblée.
03:40Il y a des mots très forts qu'on associe entre zone de non-droit et racaille.
03:43À un moment donné, il faut aussi faire attention aux mots qu'on emploie.
03:46Je pense qu'il est nécessaire d'avoir des mots forts pour montrer aux citoyens
03:50qu'il y a des choses qui ne sont pas respectées.
03:51Mais encore une fois, il y a des règles de droit, il y a des règles d'usage.
03:55Et c'est d'autant plus fort pour moi cette notion de non-respect des règles d'usage,
03:58parce que ça va sur la notion de comportement,
04:01ce qui montre très fortement qu'on a des députés qui sont incapables
04:06et qui seront incapables de se respecter, de travailler ensemble, de s'écouter.
04:10Et honnêtement, personne n'a la capacité de dire ce qui va se passer.
04:13On a eu une mandature précédente qui a été très violente, irrespectueuse.
04:17Et très honnêtement, moi j'ai vraiment peur pour l'exercice de la démocratie à venir.
04:21Et on va y revenir.
04:22Raphaël Stainville, si les mots de Marine Le Pen sont à ce point forts,
04:28c'est peut-être aussi parce que c'est en réaction à un constat qui est assez implacable
04:31pour le Rassemblement National à l'issue de ces élections,
04:33c'est-à-dire que c'est 11 millions de voix pendant les législatives,
04:36mais que c'est aucun grand représentant dans ces institutions-là.
04:40Oui, c'est bien sûr que si la force de l'expression de Marine Le Pen est aussi impactante,
04:48c'est d'abord parce qu'elle doit constater l'échec du Rassemblement National
04:52et être représentée dans cette nouvelle Assemblée à des postes clés.
04:55C'est un échec, c'est un affront, c'est une trahison démocratique dans une certaine mesure.
05:01Souvenez-vous, dans la précédente mandature,
05:03le Rassemblement National, sans que ce n'ait posé de problème dans le déroulement des débats à l'Assemblée,
05:09avait obtenu deux vice-présidences.
05:10Aujourd'hui, ils n'ont rien.
05:12Ils ne sont pas plus représentés pour les présidences de commissions,
05:16encore moins avec les postes de casteurs ou les secrétaires de l'Assemblée.
05:21C'est là, peut-être, qu'on arrive à faire le lien et la boucle avec la première expression de Marine Le Pen.
05:26Parce qu'aujourd'hui, ceux qui vont délivrer les sanctions pour les députés
05:31qui, le cas échéant, seraient fautifs d'actes qui seront répréhensibles,
05:38ce sont des députés de ce nouveau Front Populaire qui sont majoritaires dans ce bureau.
05:42Et donc, il y a tout à craindre que ceux qui devraient être sanctionnés ne le soient jamais.
05:47Magali Vissante, je vous ai vu hocher de la tête avec réhérence.
05:50Je confirme parce qu'on n'en parle pas, c'est resté sous-jacent,
05:53mais c'est hyper important parce que les sanctions,
05:56la présidence de cette commission sur les sanctions,
05:59quand je disais que je suis très inquiète sur l'avenir de cette Assemblée,
06:02elle est là, la problématique.
06:04C'est que qu'est-ce qui va se passer ?
06:05On sait très bien que dans la précédente mandature,
06:07ce sont les députés insoumis très largement
06:09qui ont été sanctionnés pour des prises de parole ou des comportements.
06:12Qu'est-ce qu'ils vont faire ?
06:14Comment les règles de droit, les règles de comportement et les règles de respect
06:18vont être respectées alors que même au sein de cette présidence de commission,
06:22on a des personnes qui incarnent le fait de ne pas les respecter au quotidien ?
06:25Magali Vissante, je vous relance sur cet aspect.
06:28Tout à l'heure, vous m'avez dit que je suis assez inquiète
06:30pour la législature qui s'annonce
06:32et la manière dont on va faire suivre et faire progresser ces débats.
06:36Ces derniers jours, dans chaque camp finalement,
06:38tout le monde s'accorde un peu en disant
06:40« J'ai un peu honte de ce qui se passe dans l'Assemblée. »
06:42Le spectacle qu'on offre est déplorable
06:44et pourtant, on a l'impression que personne ne fait un pas vers l'autre
06:47et que personne n'essaye d'apaiser les choses
06:50comme nous le disait juste avant Charles de Courson.
06:52Oui, je suis d'accord.
06:54Il y a une posture qui consiste à dire
06:56« Je suis triste de constater ce qui se passe. »
06:59Mais au-delà de ça, il y a un moment donné,
07:01il y a entre ce qu'on dit et ce qu'on fait.
07:02Donc c'est aujourd'hui, qu'est-ce que vous êtes en capacité de faire ?
07:04Aujourd'hui justement, on interviewait les députés du Nouveau Front Populaire
07:08et encore hier, sur leur capacité justement
07:11à sortir de ce dogmatisme et de ce sectarisme
07:14pour dire « Maintenant, ok, on a revendiqué qu'on était les premiers,
07:17on voulait le poste de Premier ministre.
07:19Bon, c'est bon, il n'y aura pas d'évolution.
07:21Donc, qu'est-ce que vous faites ?
07:22Est-ce que vous restez campé dans ces positions
07:23ou est-ce que vous avez un peu plus de hauteur
07:25et vous êtes en capacité d'aller chercher au-delà
07:27pour exercer ce mandat dans l'intérêt de tous les Français ? »
07:29Parce que je le rappelle,
07:31on utilise beaucoup aujourd'hui le terme d'élu de la République
07:34et moi, je voudrais qu'on revienne à cette notion.
07:36Un élu de la République, c'est la République dans sa globalité.
07:39Ce n'est pas du sectarisme d'électorat, c'est la République.
07:42Donc, ce serait bien que tous ces parlementaires prennent un peu de hauteur,
07:45rentrent chez eux, ils respirent un bon coup
07:47et ils se redemandent pourquoi ils sont là aujourd'hui,
07:50quel est le sens de leur engagement
07:52et comment ils peuvent répondre au mieux aux attentes des Français.
07:54Oui, parce que Raphaël Stainville, finalement,
07:56chacun dit qu'il faut œuvrer pour les Français,
08:00il faut un petit peu chacun essayer de discuter
08:03pour faire avancer les choses.
08:04Sauf que dès qu'il y a un camp qui rajoute ses voix
08:08à celui d'un autre pour faire élire telle ou telle figure,
08:10pour faire élire telle ou telle mesure,
08:11on lui jette l'opprobre immédiatement.
08:13Donc, en fait, tout le monde veut le rassemblement
08:14et en même temps, tout le monde est prêt à rejeter la faute
08:17sur le premier qui tente un rassemblement ?
08:19D'abord, je pense que tout le monde ne veut pas le rassemblement.
08:21La première preuve de cela, c'est que, de prime abord,
08:26les 143 députés du Rassemblement National
08:30et des amis de Monsieur Ciotti
08:33sont déjà quasiment exclus du jeu démocratique de l'Assemblée
08:37puisque personne ne veut travailler avec eux,
08:39personne ne veut de leur voix.
08:40Et quand bien même ils voteraient pour quelqu'un,
08:42on l'a vu à l'occasion de cette distribution de postes,
08:47ces personnes s'interdisent de s'imaginer
08:51qu'ils ont pu être élus avec les voix du Rassemblement National.
08:54Ça, c'est la première chose.
08:55Après, la deuxième chose,
08:56c'est qu'on est dans une situation de blocage.
08:58D'un côté, vous avez la France Insoumise
09:00qui, et vous l'avez rappelé, Magali,
09:02considère que son programme doit être appliqué
09:05sans qu'aucune virgule ne puisse être changée.
09:08C'était les fameux mots de Jean-Luc Pélenchon
09:10au soir du second tour de cette élection présidentielle.
09:13Et finalement, ils sont bloqués dans cette position
09:15sans jamais rien varier,
09:17comme s'ils voulaient finalement la rupture
09:19avec ceux qui seraient prêts à un effort
09:22de faire des compromis pour essayer d'élargir
09:24cette majorité qui est aujourd'hui, on l'a compris,
09:27toute relative et ne permet pas
09:30à ce bloc de gauche de pouvoir gouverner
09:33sans craindre une motion de censure.
09:35Et de l'autre côté, on a un bloc central
09:37qui hésite aujourd'hui
09:39entre essayer de parler, d'élargir
09:42sa majorité relative,
09:45pas majorité relative,
09:47mais d'élargir son groupe
09:49du côté de la gauche ou du côté de la droite.
09:51Et dès lors qu'ils font un pas d'un côté ou de l'autre,
09:53c'est autant de députés
09:55qui menacent de quitter ce bloc central.
09:58Donc vraiment, on est dans une situation
10:00d'ingouvernabilité et d'impossibilité
10:02finalement d'accoucher d'une coalition
10:04qui est absolument sidérante.
10:06Magali Vissante, on parle de blocage,
10:09on peine à parler de déclic
10:11qui pourrait changer cette...
10:13j'allais dire cette gare de tranchée,
10:14le mot est très fort, mais en tout cas,
10:16ces camps qui semblent imperméables
10:18les uns aux autres, là, réellement,
10:20est-ce qu'à votre avis, il y a un fait,
10:22une actualité,
10:24une prise de position aussi peut-être
10:26d'un représentant qui pourrait faire
10:28basculer la balance et faire dire
10:30à d'autres députés, bon d'accord, maintenant,
10:32on essaye de s'entendre.
10:33Pas pour l'instant.
10:34Pas pour l'instant parce que le principal message
10:35qui est délivré, textuellement,
10:37au travers des différents arrangements,
10:39c'est qu'on n'est pas là pour gouverner
10:41pendant plus d'un an.
10:42Et c'est le message qui est divulgué
10:44tous les jours, finalement, inconsciemment
10:46dans la tête des Français, c'est que
10:48on est là, on a pris des postures,
10:50ces postures, on sait qu'on les a prises
10:51parce que de toute façon, dans un an,
10:53on revote. Et il n'y a absolument pas
10:54ce qu'on pouvait attendre
10:56de la même manière que nos confrères
10:58de l'Europe, c'est-à-dire de se dire
11:00à un moment donné,
11:02si les Français nous demandent
11:04d'être en capacité de gouverner différemment
11:06et d'exercer notre pouvoir politique
11:08différemment, peut-être qu'on devrait faire
11:10cet effort de travailler ensemble
11:12différemment et de sortir de ces postures
11:14politiques historiques.
11:15Raphaël Saint-Vivre.
11:16Oui, moi je pense qu'il y a une faute originelle,
11:17c'est-à-dire qu'on parle beaucoup des partis,
11:18on parle beaucoup de l'Assemblée,
11:19mais il y a une faute originelle,
11:20c'est celle d'Emmanuel Macron,
11:21qui aujourd'hui, en tout cas dans sa lettre
11:23aux Français, fait reposer
11:25le poids de la responsabilité
11:27sur les partis politiques, chargé, finalement,
11:29de s'entendre pour pouvoir accoucher
11:31d'Emmanuel Macron, qui pourrait être le prochain
11:33locataire de Matignon, mais c'est pas
11:35dans l'ordre des choses. C'est au Président
11:37de nommer le Premier Ministre, au Premier Ministre
11:39d'essayer de composer un gouvernement,
11:41et ce gouvernement, d'essayer
11:43de parvenir, sinon d'avoir
11:45une majorité absolue, d'avoir une majorité relative
11:47qui lui permette d'aller
11:49jusqu'au bout de son pacte législatif.
11:51Là, on a pris les choses à l'envers, et d'une
11:53certaine manière, c'est rendre impossible,
11:55puisque les partis, on le sait,
11:57ils sont dans des postures,
11:59ils sont incapables d'évoluer
12:01tel que la démocratie
12:03française existe.
12:05Nous, en tout cas, Français observateurs,
12:07vous dites, on le sait, est-ce qu'il y a certains
12:09politiques qui viennent pas de s'en rendre
12:11compte ? Je pense à Marine Tondelier, qui cherche
12:13au sein du NFP, et qui se démène
12:15dans des négociations pour essayer de proposer
12:17un nom de Premier Ministre, qui semble
12:19pleine d'espoir au début des négociations,
12:21et qui, sur la fin, et dans ses dernières déclarations,
12:23dit, ben, j'ai honte, elle l'a dit, j'ai honte.
12:25Est-ce qu'il y a certains politiques qui ne prennent pas
12:27conscience, maintenant, là, qu'en fait,
12:29on ne sait plus faire du parlementarisme ?
12:31Oui, non, mais après, excusez-moi,
12:33mais ils se sont pas posés ce genre de questions
12:35quand ils ont scellé leur accord
12:37pour les législatives. Il y a un moment donné...
12:39Ils vous répondront qu'ils étaient dans l'urgence.
12:41Mais, quand on est même dans l'urgence,
12:43à un moment donné, si on décide de s'allier,
12:45on donne du sens à cette alliance. Là,
12:47en fait, le message très clair, c'est que
12:49il n'y a pas de sens à l'alliance, on a fait une alliance pour
12:51faire barrage A, point barre, on ne va pas aller regarder
12:53au-delà, et le message est très clair.
12:55Merci à vous deux, je vous imagine
12:57qu'on aura l'occasion d'en reparler
12:59tant ce débat public
13:01s'annonce houleux, mouvementé,
13:03mais donc plein de richesse et
13:05plein d'enseignements pour plus tard.
13:07Merci à vous deux, Raphaël Stainville, directeur adjoint
13:09de la rédaction du Journal du Dimanche, et Magali
13:11Vissante, communicante politique spécialisée
13:13dans le Conseil d'élus et de
13:15collectivité. Dans un instant, chers auditeurs,
13:17vos chroniques de l'été. Attention, avant-goût,
13:19très court, on va parler
13:21cinéma, Mozart, camping
13:23et sécheresse. Ne bougez pas, on vient tout de suite.

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