Le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, s’exprime au sujet de l’incendie dans un immeuble de la ville qui a coûté la vie à sept personnes d’une même famille le 18 juillet dernier.
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00:00Au moment de prendre la parole devant vous, pour dresser un état des investigations dans le cadre de l'enquête relative à cet incendie intervenu le 18 juillet vers 2h30,
00:11je souhaite d'abord avoir une pensée pour les 7 personnes décédées, 3 enfants, 1 adolescent et 3 adultes.
00:21Pour celles qui ont été grièvement blessées dont le pronostic vital n'est plus engagé depuis vendredi soir et pour toutes les autres victimes, directes et indirectes.
00:33Je souhaite aussi saluer la très grande dignité des familles et des proches des victimes qui ont exprimé leur confiance dans la réponse des autorités publiques face à ce drame absolu qui les frappe.
00:49Dans le cadre de ce drame, une forte mobilisation de toutes parts s'est mise en place pour venir au soutien de toutes celles et tous ceux qui sont dans la douleur et les difficultés.
01:02Nous continuerons bien sûr à être présents à leurs côtés pour les accompagner dans le cadre de la procédure judiciaire notamment.
01:13Nous avons à leur égard, tout particulièrement et vis-à-vis de tous nos concitoyens, un devoir de vérité et de justice.
01:25Pour y parvenir, dès les faits intervenus, une très forte mobilisation des fonctionnaires de la direction interdépartementale de la police nationale 06 et tout particulièrement du service interdépartemental de police judiciaire s'est mise en place sous la direction de mon parquet.
01:46Depuis jeudi, à Nice, près d'une cinquantaine de fonctionnaires ont été engagés et ont travaillé quasiment 24 heures sur 24.
01:55A ces effectifs niçois se sont notamment ajoutés de nombreux fonctionnaires de la DIPN 85.
02:03Dans le cadre de cette enquête, la brigade de recherche et d'intervention de Nice et l'ABRI national ont également été fortement mobilisés.
02:15Même si je sais qu'ils considèrent ne faire que leur travail et leurs devoirs face à ces faits gravissimes, je veux les remercier vivement et très sincèrement pour tout ce qui a été fait sans interruption depuis jeudi.
02:30Je souhaite également remercier les équipes du laboratoire de police technique et scientifique de Marseille qui se sont rendues dans le quartier des Moulins très rapidement pour apporter les premiers éléments d'analyse essentiels pour mieux comprendre le déroulement de l'incendie.
02:48Et remercier les équipes de ce même laboratoire qui, à Marseille, ont pris en charge nos demandes d'analyse, ADN notamment, en extrême urgence.
02:58Je remercie enfin toute l'équipe du département de médecine légale de Nice et tout particulièrement sa chef de service, ainsi que le service national de police scientifique d'Éthulie qui ont procédé en un temps très court aux différents actes médico-légaux
03:15afin notamment de pouvoir rendre le plus rapidement possible les dépouilles des victimes à leurs familles et à leurs proches pour qu'elles puissent organiser les obsèques et le temps du deuil, ce en lien avec les équipes de la cellule d'urgence médico-psychologique et de l'association d'aide aux victimes monjoie que j'associe à ces remerciements.
03:38Cette mobilisation et la qualité du travail accompli ont porté leurs fruits et permis des avancées rapides de l'enquête sur laquelle je vais vous apporter un certain nombre de précisions en soulignant de nouveau, comme je l'ai fait vendredi, que si les attentes en termes d'informations dans ce dossier qui a suscité une très forte et très légitime vague d'émotions sont parfaitement compréhensibles,
04:04elles doivent toujours se faire dans le respect du secret de l'enquête qui a pour but principal de préserver l'efficacité de celle-ci. Comme je l'indiquais jeudi, à la lumière des premiers éléments recueillis tout de suite après les faits, une enquête était ouverte du chef de destruction volontaire par incendie ayant entraîné la mort.
04:26Les éléments réunis dans les heures qui ont suivi m'ont conduit à modifier le cadre d'enquête pour retenir des faits de destruction volontaire par incendie en bande organisée ayant entraîné la mort et d'association de malfaiteurs en vue de la commission de faits de destruction volontaire par incendie en bande organisée.
04:46Pour ce type de fait, le régime de la criminalité organisée s'applique avec des moyens d'enquête élargis et la possibilité de garde à vue de 96 heures. S'agissant des causes de l'incendie, il apparaissait comme je l'ai déjà indiqué que trois départs de feu étaient intervenus au premier, deuxième et troisième étage, cette pluralité de mises à feu ayant contribué à la propagation très rapide des flammes.
05:14Des traces de produits accélérants en quantité significative étaient relevées. Les trois feux allumés ont développé des flammes et des fumées concentrées dans la cage d'escalier qui, avec un effet cheminé, se sont retrouvées bloquées au dernier étage. Un appel d'air au septième étage a provoqué un embrasement violent qui s'est propagé très rapidement dans l'appartement des victimes.
05:42Sans l'intervention rapide et efficace des pompiers engagés dans un contexte difficile et dangereux, le bilan absolument dramatique aurait été encore plus lourd. Il ne fait à mes yeux aucun doute qu'en dispersant du produit accélérant à trois étages différents pour déclencher un incendie en plein milieu de la nuit,
06:11dans un immeuble d'habitation, les auteurs se sont mis en situation de tuer des personnes surprises dans leur sommeil par les flammes, les gaz et les fumées. En ce qui concerne les circonstances du passage à l'acte, l'exploitation des images de vidéosurveillance de la ville de Nice fournissait de nombreux éléments utiles à l'enquête.
06:35Grâce à ces images, il était mis en évidence l'implication d'un véhicule Renault Clio type 5 de couleur noire. Ce véhicule était vu à 2h03, circulant sur le pont Napoléon III à Nice. Il se rendait dans le quartier des Moulins où il circulait pendant plusieurs minutes.
06:54A 2h10, il était vu une première fois circulant avenue de la Santoline. A 2h12, le véhicule se stationnait à l'angle de l'avenue de la Santoline et de l'avenue Giroux, à proximité du lieu d'effet. Un individu passager avant était vu descendre du véhicule.
07:11A 2h14, trois individus traversaient la rue Françoise Giroux en empruntant l'avenue de la Santoline en direction du lieu d'effet. A 2h15, il se trouvait devant le hall 48 du bâtiment 38, essayait de rentrer en vain dans l'immeuble et repartait immédiatement en direction du véhicule.
07:33A 2h16, il se trouvait de nouveau devant l'entrée puis repartait quasi immédiatement. Les trois individus de sexe masculin, d'apparence plutôt jeune, étaient décrits de la manière suivante.
07:45Un porteur d'un haut blanc type t-shirt à manches courtes et d'un jean bleu. Un porteur d'un haut noir à capuche, un bermuda et des chaussettes blanches relevées à mi-molet. Un porteur d'un haut sombre type t-shirt à manches courtes et un bermuda. Individus décrits comme un peu plus corpulents que les deux autres.
08:10Après avoir quitté son emplacement, le véhicule circulait dans le quartier et était de nouveau vu à 2h23 à l'angle de l'avenue de la Santoline et de la rue Françoise Giraud. Il se stationnait alors dans le sens du départ.
08:25A 2h25, les trois mêmes individus se présentaient de nouveau devant le lieu des faits. L'individu porteur du haut blanc frappait à quatre reprises la porte vitrée avec une pierre trouvée sur place. Le porteur du haut noir restait à côté en tenant à la main ce qui paraissait pouvoir être un téléphone de grande taille.
08:45Le troisième individu, légèrement en retrait, paraissait surveiller. La vitre finissait par céder et après avoir actionné le bouton intérieur de la porte, à 2h26 les trois individus s'engouffraient dans l'immeuble d'où ils ressortaient environ une minute plus tard. L'incendie se déclarait très rapidement après.
09:07Le véhicule quittait les lieux et était vu à 2h29 s'engager sur la bretelle de l'autoroute A8 en direction de Saint-Laurent-du-Vin. Les équipes de la police technique et scientifique procédaient à de très nombreux prélèvements en vue d'identification ADN et à des relevés de traces papillaires.
09:25Transmise ensuite en urgence au laboratoire de police scientifique de Marseille qui délivrait des premiers résultats. D'autres prélèvements sont aujourd'hui encore en cours d'analyse. Les exploitations en matière de téléphonie, géolocalisation, analyse des fadettes et interception des communications téléphoniques permettaient d'identifier les lignes susceptibles d'avoir été utilisées par les auteurs et de disposer en conséquence des localisations
09:54associées à leur utilisation. Ces localisations faisaient ensuite l'objet d'un travail d'analyse et de couplage avec de nouvelles données de vidéosurveillance. Au-delà des témoignages reçus juste après les faits, plusieurs témoignages réalisés depuis jeudi permettaient également de réunir des éléments en vue d'identifier les membres du groupe.
10:22Un travail très important d'analyse et de recherche était engagé pour conforter des identifications possibles et établir des localisations aux fins d'interpellation. Un placement en garde à vue d'une première personne intervenait le 18 juillet, peu avant 16h. Le SIPJ était avisé par un avocat qu'un individu s'était présenté à son cabinet en indiquant avoir été contraint d'accompagner en voiture plusieurs individus dans le quartier des Moulins,
10:51et en livrant des éléments permettant d'envisager l'implication de ces derniers dans l'incendie criminel. En découvrant les informations faisant état de sept décès le 18 juillet au matin, cet individu souhaitait en informer les services de police.
11:06Agé de 25 ans, résidente et exerçant une activité professionnelle dans les Alpes-Maritimes, il apparaissait connu des services de police avec des antécédents judiciaires pour des faits mineurs. L'intérêt s'était placé en garde à vue et conduisait les enquêteurs à l'emplacement où avait été stationné le véhicule Clio 5 Noir utilisé.
11:29Ce véhicule se révélait être un véhicule de location et était saisi, afin notamment de réaliser différentes opérations de police technique et scientifique. Au final, après quatre auditions, l'intéressé reconnaissait en substance avoir conduit à l'aller et au retour le véhicule Renault Clio 5, qu'il avait précédemment souloué, ce à la demande d'un ami, et sans être ni informé ni associé aux faits criminels.
12:00Si les premières investigations tendaient à conforter ces déclarations quant au rôle de conduite du véhicule, différents éléments permettaient en revanche à ce stade d'envisager une implication beaucoup plus forte que celle reconnue.
12:14Sur la base du travail très important d'analyse précité, un second individu était interpellé le 21 juillet vers 16h à Noisy-le-Grand, en région parisienne, par la brigade de recherche et d'intervention nationale.
12:30Agé de 21 ans, habituellement domicilié dans le Val-d'Oise, l'intéressé, connu des services de police, présentait des antécédents judiciaires pour des faits mineurs. Au moment de son interpellation, il apparaissait porteur de bandages aux jambes, les éléments réunis permettant de penser que les blessures étaient des brûlures récentes.
12:55Il était placé en garde à vue et conduit à Nice pour la poursuite de la mesure. Entendu par les enquêteurs, il mettait en avant son droit au silence compte tenu de son état et déclarait simplement être impliqué sans souhaiter s'expliquer davantage.
13:11Pour l'heure, les investigations permettaient donc d'envisager la participation aux faits de 5 individus, 3 d'entre eux ayant pénétré dans l'immeuble pour déclencher l'incendie mortel, 2 étant restés dans le véhicule.
13:27A cette heure, 3 individus sont très activement recherchés, un âgé de 23 ans, domicilié habituellement dans les Alpes-Maritimes, un âgé de 18 ans, domicilié habituellement dans le Val-d'Oise, un âgé de 17 ans, domicilié habituellement en Seine-Saint-Denis.
13:52S'agissant du mobile du passage à l'acte, s'il convenait d'être prudent, jeudi, sur ce mobile, la piste de faits intervenant dans le cadre d'un conflit sur fond de trafic de stupéfiants se confirme et il apparaît bien d'une part que l'incendie criminel est susceptible de présenter un lien avec le contrôle de points de vente de stupéfiants situés à proximité du lieu de l'incendie.
14:20Il apparaît d'autre part également que les victimes des faits ne sont en aucune manière directement ou indirectement concernées par ce conflit de territoire.
14:35À la lumière de l'ensemble de ces éléments, des interpellations effectuées et arrivant au terme de la première mesure de garde à vue prise jeudi, j'ai décidé d'ouvrir ce jour une information judiciaire pour laquelle je sollicite la désignation de deux juges d'instruction.
14:56Les infractions suivantes déjà visées sont retenues. Destruction volontaire par incendie en bande organisée ayant entraîné la mort, association de malfaiteurs en vue de la commission des faits de destruction volontaire par incendie en bande organisée.
15:13L'infraction d'association de malfaiteurs en vue de faits de détention, transport, acquisition, offre aux sessions de stupéfiants est ajoutée et vient traduire juridiquement la dimension de contrôle d'un point de vente de stupéfiants que j'évoquais à l'instant.
15:30Pour les faits de destruction volontaire par incendie en bande organisée ayant entraîné la mort, la réclusion criminelle à perpétuité est en cours. Tout en rappelant le principe de la présomption d'innocence, je vous indique que les deux personnes placées en garde à vue sont déférées ce jour dans le cadre de cette procédure.
15:52Montparquet sollicite la mise en examen des intéressés pour l'ensemble des faits au regard des nombreux éléments réunis permettant d'envisager leur implication directe. Le placement en détention provisoire est demandé pour ces deux personnes pour les motifs suivants.
16:07Garantir leur représentation, prévenir le renouvellement de l'infraction, empêcher toute concertation frauduleuse et conserver les preuves et indices, mettre fin aux troubles exceptionnels et persistants à l'ordre public provoqués par la gravité et les circonstances des infractions.
16:27Les investigations vont donc désormais se poursuivre sous la direction des magistrats instructeurs. Elles devront s'attacher bien sûr à enrichir et consolider à charge et à décharge les éléments recueillis dans l'enquête de flagrance qui a permis, quatre jours après les faits, de dessiner un scénario de passage à l'acte et de possibles acteurs, certains étant en fuite à cette heure.
16:53Au-delà de l'interpellation de ces derniers, les investigations devront aussi viser à identifier et rechercher de possibles donneurs d'ordre qui auront eux aussi, le moment venu, à assumer leurs responsabilités dans ce drame.
17:11En remerciant vivement l'ensemble des collègues de Montparquet et du greffe qui sont intervenus dans le cadre de cette procédure, soyez assurés de notre engagement et de notre détermination pour tout mettre en œuvre afin que justice soit rendue. Je vous remercie de votre attention.