• il y a 4 mois
"39/45 : Amours interdites" est un documentaire qui explore quatre histoires d'amours illicites durant la Seconde Guerre mondiale. Ces récits sont racontés par les survivants, leurs descendants, et des experts, offrant une perspective intime et inédite sur les relations amoureuses interdites de cette période. Le documentaire aborde notamment les relations entre femmes allemandes et prisonniers, qui étaient strictement prohibées pour des raisons raciales et sévèrement punies
Transcription
00:00Avec 60 millions de victimes, plus de 7 millions de personnes déplacées, la seconde guerre fut le conflit le plus destructeur du XXe siècle.
00:12Mais rien n'empêche jamais d'aimer.
00:16Des milliers, peut-être des millions d'hommes et de femmes ont noué des relations intimes entre 1939 et 1945.
00:23Les nazis étaient pourtant clairs. Interdiction pour un allemand de s'accoupler avec un être de race dite inférieure, à une femme française par exemple, sous peine de prison, sous peine de mort.
00:34Papa la pousse dans le cas de la poubelle et maman reste dans le cas de la poubelle pendant toute l'inspection.
00:39Si le général avait soulevé le rideau, papa se faisait fusiller elle aussi.
00:43Pas le droit de se jeter dans les bras d'un prisonnier du Reich.
00:48Si jamais ça se savait que nous sortions avec un prisonnier de guerre, alors nous étions tondus et poursuivis à travers toute la ville.
01:02Toute relation avec une femme allemande est interdite, très nettement, sous peine de mort.
01:07Le pire étant de franchir la ligne rouge avec une juive, au plus bas de l'échelle raciale selon Hitler.
01:14Lily a dit à Hula qu'elle était capable de sentir les juifs.
01:18Les homosexuels étaient également persécutés par les nazis.
01:2210 000 furent envoyés dans les camps de concentration du Reich.
01:25Elle n'a pas été tuée, elle n'a pas été gazée, elle est morte à la fin de la guerre.
01:31Et à ces interdits, fruit de l'imagination nazie, s'ajoutent ceux des alliés.
01:37L'état américain empêchait ces GI de flirter avec les petites françaises.
01:41Ils sont persuadés que si les françaises veulent se marier, ce n'est pas par amour,
01:45c'est simplement pour venir vivre dans ce pays merveilleux que sont les Etats-Unis.
01:50Vous serez tondu, femelle qui donnait votre corps à l'allemand, clamaient aussi les résistants.
01:5510 000 poules à boches furent rasées à la libération.
01:59J'ai pendant toute ma vie été suivie par ce surnom de petite boche.
02:04Et aujourd'hui encore, quand j'entends quelqu'un dire devant moi les boches, je reçois une gifle magistrale.
02:10Pour la première fois, des survivantes qui ont osé aimer leur ennemi pendant la guerre
02:15et des enfants de la honte, nés de ces unions interdites, acceptent de briser le tabou,
02:21de raconter les liaisons dangereuses de la Seconde Guerre mondiale.
02:26L'amour à mort.
02:39L'amour à mort.
02:5722 juin 1940.
03:00Quelques semaines seulement après le début des combats,
03:03la France capitule et signe l'armistice à Rotonde.
03:08Une humiliation qui s'accompagne de l'occupation par la Wehrmacht de la moitié nord de la France et de la côte atlantique.
03:15À Paris, 300 000 soldats allemands prennent leur quartier.
03:19Ils réquisitionnent pour leur administration, pour leurs services, pour leurs soldats.
03:25Et donc c'est vraiment une prise de possession symbolique et matérielle.
03:29C'est vraiment une emprise sur toute la région et la capitale.
03:34Des soldats galvanisés par la conquête qui ont une image très stéréotypée des parisiennes.
03:40Les françaises sont maquillées à l'inverse des femmes allemandes,
03:43sont séduisantes ou séductrices, sont d'une moralité bien plus légère que les autres.
03:48Ils sont un peu aussi à la recherche de ces femmes pour eux à la fois mystérieuses et très tentantes.
03:57Mais la Wehrmacht craint les maladies vénériennes.
04:00Et Hitler interdit formellement à ses soldats de s'accoupler aux femmes françaises, de souiller le sang arien.
04:08Il faut empêcher que les soldats allemands puissent avoir des relations avec des femmes
04:13qui ne seraient pas racialement d'un niveau suffisant pour les soldats du Reich nazi.
04:19Les françaises ne sont pas considérées au niveau des femmes ariennes,
04:24mais ne sont pas non plus considérées au niveau de l'autre côté de l'échelle comme les femmes juives ou les femmes slaves.
04:34En cas de désobéissance, la sanction est claire.
04:38Le soldat allemand est envoyé au front en première ligne comme de la chair à canon.
04:45Pourtant, un jeune officier de réserve imprudent, Joseph von Mirlo, 24 ans,
04:50va franchir la ligne rouge avec une parisienne, Raymond de Bouton.
04:56Josiane von Mirlo fuit de leur amour interdit, exhume leurs archives.
05:01Ce sont les agendas de mes parents qui couvrent la période de 1942 à la fin de la guerre.
05:08C'est un véritable trésor et ça m'a donc permis de refaire historiquement toute la durée de la guerre vue des deux côtés.
05:20Le père de Josiane, Joseph, est issu de la classe ouvrière conservatrice opposée à Hitler.
05:28Le jeune homme bénéficie néanmoins d'une bourse du Reich pour effectuer des études de médecine.
05:33En contrepartie, il intègre les jeunesses hitlériennes.
05:37Mon grand-père ne voulait absolument pas que mon père aille aux jeunesses hitlériennes.
05:41Donc ça a été un drame à la maison, ma grand-mère a pleuré.
05:44Mon grand-père a fini par céder mais il a dit à mon père, je ne veux jamais te voir à la maison avec cette saloperie d'uniforme sur le dos.
05:53Incorporé à la Wehrmacht en 1938, Joseph découvre Paris à l'été 1942.
06:00Séducteur, homme à femme même, il est logé dans un appartement réquisitionné du 16e arrondissement.
06:06Il s'ennuyait énormément parce que passé l'euphorie d'être à Paris, quand il a vu que les français le regardaient d'un sale oeil,
06:13ils ne sont pratiquement plus sortis.
06:15Et puis un beau jour, mon père a remarqué que dans l'immeuble d'en face, sur le balcon,
06:20il y avait une très belle femme qui était en train de se faire bronzer sur une chaise longue.
06:24Et voilà, il a décidé qu'il allait partir à sa conquête.
06:30La jolie jeune femme de l'immeuble d'en face, c'est Raymonde Bouton.
06:35Elle a 29 ans et vit alors dans l'appartement de son patron, réfugiée en zone sud, comme 8 millions de français.
06:42Elle est mariée à Oscar, partie en Allemagne comme travailleur volontaire.
06:46Elle s'est mariée avec un maçon italien qui n'allait pas du tout avec elle,
06:52et qui était violent, qui était jaloux, qui avait pas mal de défauts.
06:56Et donc le couple ne marchait pas très très bien.
07:01Le 28 août 1942, armé de ses rudiments de français, Joseph se rend chez Raymonde avec son supérieur.
07:08La jeune femme est alors en compagnie de sa sœur Odette.
07:12Elles ont eu peur, les deux femmes, parce qu'elles écoutaient Londres sur le poste de radio.
07:16Donc elles ont eu peur d'avoir été dénoncées, et elles savaient pas si c'était des skiletestapos ou autre.
07:22Mais au bout de cinq quarts d'heure, selon l'agenda de Raymonde, la jeune femme tombe sous le charme du soldat ennemi.
07:29Il avait un nez corbain très prononcé.
07:32Il avait des cheveux d'une couleur indéterminée, c'est-à-dire chatin, ma mère disait, que de bœufs.
07:37C'était pas ce qu'on appelle un bel homme.
07:40Pourtant pour Raymonde, c'est le coup de foudre immédiat.
07:44Elle a trouvé quelqu'un de très doux, très gentil, cultivé, qui la bichonnait, qui la dorlottait.
07:50Quant à lui, il a trouvé quelqu'un qui avait une expérience sexuelle qu'il n'avait pas forcément, malgré ses conquêtes.
07:58Et donc, dès le début, ça a été une grande passion.
08:03Ainsi, Joseph, pas mécontent de lui, note dans son agenda sa rencontre avec Raymonde.
08:08Le mercredi 26 août 1942, il écrit à une raffinierte tour, donc un tour raffiné avec son chef, qu'il nomme, pour faire connaissance de Raymonde et d'Odette.
08:21Et il ajoute un petit signe cabalistique, un haut barré d'une lique, et j'ai compris plus tard que ça signifiait qu'il consommait quand il y avait ça.
08:30Et ça devait être particulièrement bien puisqu'il met à côté un point d'exclamation.
08:34C'est un chaud lapin, oui oui, c'est un chaud lapin.
08:40Combien sont-elles en août 1942 à avoir partagé la couche de l'ennemi ?
08:44Impossible d'avoir des chiffres précis.
08:46De manière certaine, ces liaisons dangereuses ont commencé dès les premiers mois de l'occupation.
08:51On voit très vite des soldats allemands avec des jeunes femmes françaises à la terrasse des cafés se promener dans la ville.
09:00Symboliquement, la rencontre entre les françaises et les hommes allemands, alors que les hommes français sont absents, va tout de suite prendre une valeur bien plus forte, va choquer, va en silence, mais va poser problème.
09:19Car l'interdiction d'avoir des relations avec l'ennemi vaut aussi pour les françaises.
09:24Au-delà du fameux travail famille patrie, en avril 1942, sous le gouvernement de Vichy, l'adultère devient une affaire d'État.
09:32Pour la première fois, l'État peut engager des poursuites contre une femme adultère, alors qu'auparavant on considérait que c'était une affaire familiale,
09:42que dans le cas des épouses de prisonniers de guerre adultères, l'État peut le faire même sans l'accord du mari ou le désir du mari.
09:54Raymonde, adultère avec son officier allemand, encourt donc une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison.
10:00Mais la parisienne n'en a cure et prend des risques inconsidérés.
10:04Elle a envoyé tout valser en l'espace de quelques instants, son mari, son mariage, son travail également, sa famille, elle suit mon père.
10:13Alors elle le suit dans des endroits qui sont des zones rouges où elle n'a pas le droit de circuler.
10:19Selon Josiane, Raymonde a conscience qu'elle enfreint les lois de Vichy, mais elle est prête à tout.
10:25Je crois qu'elle mettait cet amour au-dessus de tout, c'était sacralisé et elle ne pensait pas faire de mal en couchant avec mon père.
10:34Avoir une relation amoureuse, c'est échapper à ce quotidien d'une certaine manière, le vivre autrement et essayer de trouver des bouffées de vie dans ce monde mortifère.
10:50Sauf qu'en temps de guerre, aimer peut coûter très cher.
10:55En novembre 1942, Raymonde et son officier sont dénoncés à la Wehrmacht.
11:01Si la jeune femme est simplement renvoyée chez elle, Joseph est lui immédiatement transféré sur le front de l'Est.
11:08Or à l'époque, c'est une véritable boucherie, une condamnation à mort.
11:14Sur une compagnie de 640 hommes, mon père n'en aura à la fin, il en restera que 43.
11:21Les autres ont été tués.
11:23Et mon père a été blessé grièvement, c'est-à-dire qu'un obus russe a éclaté à côté de lui, donc il a été ramené à l'arrière en avion sanitaire.
11:34Après 18 mois passés sur le front de l'Est, Joseph revient grièvement blessé, mais vivant.
11:40Un miracle.
11:42Et il me racontait que dans les tranchées, les Russes étaient des soldats extraordinaires parce qu'ils ne faisaient absolument pas de bruit.
11:48Ils arrivaient comme des félins, le couteau entre les dents, et ils s'attaquaient aux estafettes qui étaient donc les plus loin dans la tranchée.
11:56Quand ils pouvaient les tuer, ils les tuaient, ils leur coupaient les testicules et ils les nouaient autour du cou.
12:00Papa m'a toujours dit, quand on attrapait les Russes, c'était pas beau à voir non plus.
12:06Après le front de l'Est, Joseph est à nouveau affecté en France.
12:10Il a vu la mort en face.
12:12Et pourtant, le séducteur ne résiste pas longtemps au désir de retrouver sa maîtresse française.
12:17Il se rend très vite à Orsay.
12:19C'est ma photo préférée de mes parents.
12:22Papa est en grand uniforme avec sa cape d'officier.
12:26Et maman, je trouve qu'elle est très belle parce qu'elle fait un peu Greta Garbo, un peu vampe, avec son chapeau et son manteau noir.
12:34Ils n'ont pas hésité à se promener un peu partout aux alentours d'Orsay dans ces habits, dans cet accoutrement.
12:41Et ça leur a joué de très mauvais tours après.
12:43Si on s'affiche avec un soldat allemand, c'est considéré pas simplement comme une relation qui serait d'un ordre sentimental,
12:52mais bien comme la volonté de s'afficher avec l'occupant en uniforme dans les rues du village ou de la ville dans laquelle vous vivez.
12:59Donc ce n'est pas du tout anodin.
13:02Malgré tout, le couple s'affiche crânement.
13:06À Orsay, comme à Cailleux-sur-Mer, un petit village intégré au dispositif du mur de l'Atlantique où Joseph est affecté.
13:15Un soir, le couple ose même batifoler dans le blocos.
13:21Interrompu par le général chargé de la défense des côtes de la Manche, Romel en personne.
13:27Papa la pousse dans un réduit sur le côté protégé par un rideau.
13:31C'était le local à poubelle et maman reste dans le local à poubelle pendant toute l'inspection.
13:35Puis elle entend les pas se rapprocher, s'arrête juste devant le local à poubelle et elle entend le général demander quelque chose à papa.
13:43En fait, il lui a demandé qu'est-ce qu'il y a sous le rideau.
13:45Et mon père, avec une désaventure incroyable, lui a répondu on sait rien, c'est les poubelles.
13:50Il y a eu un blanc, maman a senti son cœur s'arrêter, puis le général est reparti.
13:54Si le général avait soulevé le rideau, papa se faisait fusiller elle aussi.
13:58Elle n'est plus jamais revenue dans le blocos.
14:00Ça a été fini.
14:03Le couple interdit échappe de peu à l'exécution.
14:06Raymond et Joseph vont désormais se montrer plus prudents.
14:10Mais la guerre va bientôt les rattraper.
14:17De l'autre côté du Rhin, en Allemagne, dès 1940, arrivent 1 800 000 prisonniers français.
14:25Les captifs sont répartis dans les 70 stalags que compte le Reich.
14:31La grande majorité des prisonniers font l'essentiel de leur temps de la captivité hors du camp.
14:37Ils peuvent y être éventuellement pour la nuit, mais pendant la journée ils vont travailler ailleurs.
14:41Et évidemment c'est dans cette fréquentation et cette proximité avec les familles allemandes
14:46où cette attirance progressive va pouvoir avoir lieu et des relations vont s'établir.
14:58Des liaisons très dangereuses.
15:01Les relations sont totalement interdites.
15:04Pour les prisonniers, toute relation avec une femme allemande est interdite, très nettement, sous peine de mort.
15:10Sauf que la moitié des soldats, dont la moyenne d'âge est autour de 30 ans, a laissé une épouse ou une fiancée en France.
15:18Ces hommes n'ont plus que la correspondance pour entretenir un semblant de relation conjugale.
15:23Parmi ces prisonniers français, un certain Maurice Robert, dont le nom de famille est toujours inconnu de Gertrude Cotzan.
15:31Cette nonna génère réside toujours au nord de l'Allemagne, près de la Baltique, dans la région de Schwerin avec sa fille Barbara.
15:38Pour la première fois, elle ose raconter sa passion pour Maurice Robert, alors transféré au Stalag II.
15:47Il avait les cheveux marrons foncés. Il était grand, fin, très élégant.
15:56C'était un bel homme. Il devait avoir quelques années de plus que moi. Six ou sept ans de plus, je pense.
16:05À l'époque, Gertrude est une adolescente. Et dans sa famille, la politique est loin d'être une priorité.
16:13Déjà, nous étions heureux d'être en vie et d'avoir de la nourriture. La politique, non. Nous étions des gens pauvres. Et pour nous, cela n'existait pas.
16:29La politique n'existe pas pour Gertrude. Et l'adolescente vit ses premiers émois.
16:36Alors même que les prisonniers de guerre remplacent dans leur fonction les 20 millions d'Allemands envoyés au front ou dans les zones occupées.
16:43Les prisonniers pouvaient se déplacer librement, notamment les Français.
16:49Dans la Syrie, Maurice travaillait le bois dans la cour. Il faisait rouler les troncs d'arbres, il les déchargeait et les apportait à l'atelier.
17:00À Schwerin, ils sont 9 000 prisonniers, dont 8 000 Français.
17:06Il y avait aussi des Polonais ainsi que deux ou trois Russes. Les Russes, je me rappelle, balayaient la cour.
17:15Nous nous entendions tous très bien. C'était comme une grande famille à l'usine.
17:23Et tous les prisonniers y avaient une petite amie.
17:29À l'époque, Gertrude, elle, se rend quotidiennement à la pompe à eau qui se trouve juste en face du camp de Maurice Robert.
17:37C'est là que nous nous sommes rencontrés. Je venais chercher de l'eau et il était là. Nous étions jeunes. Je suis tout de suite tombée amoureuse de lui.
17:50Il parlait un peu allemand, mais nous utilisions aussi des gestes pour communiquer.
17:57Bien sûr, j'avais peur d'être dénoncée. Mais quand on est jeune et amoureux, on ne pense pas à tout ça.
18:07Gertrude n'y pense pas. Mais le régime nazi, si.
18:11Toute forme de rapport verbal, sexuel ou amoureux est prohibée entre les Allemandes et les prisonniers de guerre pour raisons raciales.
18:19On ne se mêle pas au non à rien.
18:23Si jamais on apprenait que nous avions une liaison avec un prisonnier de guerre, alors nous étions tondus et poursuivis à travers toute la ville.
18:37On était sûrs ensuite d'être envoyés en camp de concentration.
18:43En pratique, les femmes allemandes encourent pour des relations sexuelles entre un an de prison à deux ou trois ans de travaux forcés.
18:53Et pour des relations d'autres types, échanges de conversations, échanges de denrées alimentaires, etc.
19:00Ça peut aller à une amende jusqu'à quelques mois de prison. Mais c'est très variable.
19:04Pourtant, Gertrude n'arrive pas à se détacher de son premier amour.
19:10J'ai toujours pensé qu'un Français ou un Allemand, c'était la même chose.
19:16Un homme reste un homme.
19:19L'amour est le même en France et en Allemagne.
19:23Pour échapper à la prison et à la mort, Maurice Robert et Gertrude tentent malgré tout de se faire discret et multiplier leurs relations.
19:31On cherchait des coins tranquilles. On trouvait toujours des endroits à l'extérieur où personne ne pouvait se douter qu'on y était.
19:39Personne, absolument personne ne devait nous voir.
19:44Mais un jour, ce qui devait arriver arriva. Lors d'un rendez-vous galant, tout bascule pour Gertrude et son amant.
19:51Ils entendent un bruit dans la forêt. Des pas se rapprochent.
19:54Maurice a pu s'enfuir. Quant à moi, on m'a poursuivi et on m'a soupçonné.
20:01Un civil a vraisemblablement surpris la jeune Allemande et le prisonnier français.
20:06Elle le sait, si elle est dénoncée, elle risque d'être déportée.
20:10Sa passion pour Maurice Robert pourrait la conduire à sa perte.
20:17À trois heures du matin, Gertrude et son amant arrivent à la maison.
20:21À 350 kilomètres, Berlin, alors capitale d'un immense territoire.
20:28Cet immeuble, intact malgré les bombardements, a hébergé les amours sulfureuses de Lily Wust, nom de code Aimée, et Félice Schragenheim, alias Jaguar.
20:39Une mère de famille de quatre enfants épouse d'un employé de banque nazi et une juive, clandestine durant la Seconde Guerre Mondiale.
20:46Voici le numéro 23 de la rue Friedrichshalleur.
20:50C'est ici que Lily et Félice ont vécu six mois ensemble dans une apparente sécurité.
20:59C'était comme un nid.
21:01Vivaient avec elle deux des quatre enfants de Lily.
21:04Les grands étaient à la campagne.
21:07Quand Lily sortait faire des courses, Félice s'en occupait.
21:11Par la suite, Félice se trouvait avec ses enfants.
21:14Par la suite, Félice se trouva même un travail.
21:17Alors, les deux femmes et les deux enfants vivaient une vie de famille normale.
21:22Félice était convaincue qu'elle survivrait à la guerre.
21:28Lily a 29 ans lorsqu'elle rencontre sa future maîtresse Félice.
21:32Épouse modèle, arborant la médaille de bronze du mérite maternel du Reich, rien n'indique alors qu'elle s'adonnera à ses amours homosexuels.
21:43Sa vie était assez limitée.
21:45Elle passait son temps chez elle, à s'occuper des enfants, à préparer les repas.
21:54Mais elle n'était pas heureuse dans cette vie domestique.
21:58Elle n'avait pas franchement voulu être ce qu'elle était devenue.
22:01Une petite bourgeoise en quelque sorte.
22:06Sauf que le mari de Lily est très vite réquisitionné par la Wehrmacht.
22:10Et que la jeune femme se découvre un hobby singulier.
22:13Elle collectionne les amants.
22:15C'est son employé de maison Hula qui lui organise ses petites sauteries.
22:19Elle va bientôt lui présenter Félice Schragenheim.
22:22Homosexuelle et juive de nationalité allemande, comme la plupart des 520 000 juifs que comptait le pays avant la guerre.
22:31Elle vient d'un milieu aisé, juif, libéral.
22:34Comme il y en avait beaucoup à Berlin avant la guerre.
22:37Ses parents étaient dentistes.
22:39Au moment où elle fait la rencontre de Lily, sa mère était déjà morte.
22:44Son père aussi d'ailleurs.
22:47Orpheline avant même la promulgation des lois de Nuremberg, Félice reçoit son ordre de déportation en 1942.
22:54Elle entre alors dans la clandestinité.
22:59Elle avait de faux documents assez mal faits.
23:02Il n'empêche qu'ils ont fonctionné pendant tout un temps.
23:04Être clandestin à Berlin signifiait que vous n'aviez pas de carte de rationnement.
23:09Vous deviez donc acheter votre nourriture ou des cartes de rationnement.
23:13Et pour cela, il fallait disposer de beaucoup d'argent.
23:19La jeune femme de 21 ans rejoint ainsi les 10 000 juifs clandestins de Berlin.
23:24Les seuls juifs à Berlin qui ont survécu clandestinement à la guerre étaient tous de jeunes gens fortunés qui ont eu les capacités à passer entre les gouttes.
23:36Ils étaient à peine 1 500 ou 2 000 à avoir survécu.
23:43À cette époque, Lily ignore tout de ce monde souterrain.
23:46Et elle est, comme la majorité des Européens, antisémite.
23:52Un jour, Lily a dit à Ulla qu'elle était capable de sentir les juifs.
23:57Félice, qui avait beaucoup d'humour, répondit alors à Ulla.
24:01Écoute, j'aimerais voir si cette femme est vraiment capable de sentir les juifs.
24:06Et c'est ainsi que les deux femmes se sont rencontrées pour la première fois.
24:09D'une grande intelligence, Félice a un charme presque magnétique.
24:14Lily, qui n'a jamais fréquenté le milieu homosexuel, découvre alors un nouveau monde.
24:19Tout d'un coup, son appartement était empli de joie, de musique et de danse.
24:26Lily découvre un environnement qui lui était totalement différent.
24:30C'est un endroit où les femmes se sont rencontrées pour la première fois.
24:33Tout d'un coup, son appartement était empli de joie, de musique et de danse.
24:36Lily découvre un environnement qui lui était totalement différent.
24:41Et immédiatement, elle comprend que oui, c'est ça qu'elle veut.
24:49Pour la relation qui va s'engager entre les deux femmes à compter de 1943,
24:54le risque est double et majeur.
24:57Un amour entre Aryens et Juifs est passible de la déportation et de la peine de mort.
25:01Tout comme un amour entre homosexuels.
25:04Une union contre nature pour le Reich.
25:07Les homosexuels étaient toujours condamnés aux travaux les plus terribles
25:12et donc à ce qu'on appelle les commandos disciplinaires
25:16qui montrent bien qu'il y avait une ségrégation très importante
25:19entre l'univers des déportés hétérosexuels
25:23et les quelques déportés homosexuels qui étaient placés à part
25:27et cela pour éviter notamment toute forme de contagion.
25:31Pourtant, l'insouciance ne quitte pas Lily, la mère de famille méritante du Reich.
25:36Trois mois après leur première rencontre,
25:39elle succombe à Félice, juive et homosexuelle.
25:42Un bouleversement qu'elle confiera à la journaliste Erika Fischer des années plus tard.
25:48Elle est tout de suite tombée amoureuse de Félice.
25:53Leur rapport sexuel était très excitant.
25:56D'ailleurs, elle me confia que c'était la première fois avec Félice qu'elle avait eu un orgasme.
26:03Cette femme a eu quatre enfants sans orgasme.
26:08Lily aimait faire l'amour avec Félice.
26:12C'est quelque chose qu'elle avait en elle.
26:15Elle était prête à accepter cette nouvelle vie.
26:21Lily prit Félice de s'installer sous son toit.
26:24Son amante accepte et révèle à Lily un mois plus tard qu'elle est juive et clandestine.
26:30La réaction de l'épouse de l'employé de banque nazi est surprenante.
26:35Elle lui a tout de suite dit que ça lui était égal et qu'elle la protégerait encore plus,
26:42qu'elle l'aimerait encore plus.
26:46C'était une femme passionnée.
26:50Elle s'est immédiatement investie à fond dans cette nouvelle relation
26:55en oubliant dans quel genre de régime politique elle vivait
26:59et sur le fait qu'elle devait faire très attention.
27:04Lily met tout en place pour cacher l'identité de Félice ainsi que leur passion amoureuse.
27:11Lily expliqua à ses voisins que Félice était sa cousine, qu'elle venait de Francfort.
27:19Elle s'était réfugiée à Berlin car son appartement avait été bombardé,
27:24ce qui était tout à fait plausible à l'époque.
27:28Comme tous les hommes étaient partis, il était aussi très courant de voir deux femmes vivre sous le même toit,
27:34aller au café et danser ensemble.
27:38Il n'y avait pas de raison qu'elles attirent l'attention.
27:42Un mari loin sur le front, deux cousines vivant ensemble, la couverture fonctionne.
27:49Il reste seulement pour survivre que la jeune juive Félice entretient sa relation amoureuse avec Lily.
27:55Je pense que c'était idéal pour elle de vivre dans l'appartement d'une femme connue pour être l'épouse d'un nazi.
28:06Il y avait sûrement un peu de stratégie de la part de Félice,
28:11mais je pense que Félice aimait sincèrement Lily.
28:14Jusqu'à la fin, c'est la seule personne à qui elle continua d'écrire des lettres.
28:22Six mois après leur rencontre, la Gestapo considère que Félice est en fuite.
28:27Elle est dorénavant recherchée.
28:30C'est son identité juive qui va d'ailleurs propulser le couple interdit dans l'abîme.
28:376 juin 1944, à l'aube, une flotte de 7000 navires débarque en Normandie.
28:42C'est l'opération Overlord, l'une des plus grandes campagnes militaires de l'histoire.
28:48Parmi les soldats, 156 000 américains.
28:52Le mythe du G.I. est en marche.
28:56On imagine le G.I. d'abord grand, baraqué, blond, machin du chewing-gum, ça c'est vrai pour le chewing-gum, pour le coca aussi.
29:04Il venait de toutes les régions d'Amérique et pas seulement de New York.
29:08Et il allait dans un endroit qu'il ne connaît pas, dont il n'avait jamais entendu parler.
29:15Parmi eux, Roger Rusher, surnommé Rod, 19 ans.
29:20Une femme ne l'a pas oublié.
29:23Une nonna génère que nous avons retrouvée au cœur du Montana, aux Etats-Unis.
29:27Huguette Coghlan réside ici depuis 1946.
29:31Elle est française d'origine.
29:33Il était beau, peut-être à mes yeux.
29:38Il avait les cheveux bruns, bouclés, il était grand.
29:42Il venait d'avoir son bac et il est parti ensuite directement à la guerre.
29:48Pour mieux appréhender la population qu'il vient libérer, le soldat américain dispose d'informations bien utiles.
29:55Ils ont tous un petit livret avec des choses très simples pour justement leur raconter la vie des français et des françaises,
30:03en reprenant toutes les idées reçues.
30:05Donc la française fille facile, les français sont sales, les français sont râleurs, tout ça.
30:13Et l'état-major américain prévient ses troupes contre un mal bien réel, les maladies vénériennes.
30:18En mission, les soldats américains ont donc interdiction d'avoir des relations sexuelles avec les françaises.
30:26Mais quand le 25 août 1944, après deux mois de combat d'une violence inouïe, les soldats américains libèrent Paris,
30:34les parisiennes les accueillent en héros.
30:37Et donc c'est vrai, les filles qui sont montées sur les chars, les fleurs, tout ça, comme si tout s'ouvrait tout d'un coup.
30:44Et pour les jeunes surtout, qui sortaient de quatre ans de privation, c'est comme si un voile noir s'était déchiré tout d'un coup.
30:53Huguette est alors étudiante. Ses parents l'ont envoyée chez sa grand-mère à 35 km de Paris.
30:59Elle se souvient de l'arrivée des américains.
31:03Au départ, quand les G.I. arrivèrent, tout le monde était très heureux, on était enfin libre.
31:10Libérés de ces terribles allemands.
31:13Mais rapidement, les français ne voulaient plus des américains.
31:18Quand les magasins ont commencé à vendre à nouveau de la nourriture, les commerçants préféraient vendre aux G.I. plutôt qu'à la population civile, parce qu'ils avaient de l'argent.
31:30C'est l'une des raisons pour lesquelles, je pense, les gens ne voulaient pas trop les voir.
31:36Une fois qu'ils ont été célébrés, invités chez les français, les américains s'installent pour un temps long.
31:43Les rencontres deviennent inévitables.
31:48Je me rappelle, une nuit, on allait au bal avec mon amie Jacqueline.
31:55Et on était en train de marcher quand une grosse Jeep s'est arrêtée à notre niveau.
32:00Un soldat américain nous a alors demandé, vous voulez qu'on vous emmène ?
32:05On a répondu non.
32:07On ne le connaissait pas, on avait trop peur.
32:14Seulement, après les avoir encensés, les français se méfient des G.I.
32:19Vous savez ce que disaient les normands quand ils ont eu affaire aux G.I. ?
32:22Pendant l'occupation, on cachait les garçons, pour leur éviter la guerre.
32:26Lorsque les G.I. ont débarqué, on a caché les filles.
32:30Les G.I. arrivaient donc en libérateurs, ils sont venus mourir pour nous.
32:36Donc du coup, pour eux, ils se sont sentis encore plus héros, ils se sont sentis pousser des ailes.
32:41Et donc, tout leur était permis.
32:44Pour les G.I., Paris est un lieu de débauche.
32:47Et les françaises, de villes collabos que l'on peut souiller.
32:50De juin à octobre 1944, l'armée américaine condamnera 152 soldats pour viol.
32:5629 seront exécutés.
32:58Roger, le chauffeur de la Jeep dans laquelle Huguette a refusé de monter, n'est pas un violeur.
33:04Mais il n'est pas insensible au charme de la jeune femme.
33:08On a discuté quasiment toute la nuit.
33:11Et puis après, il est rentré dans son régiment.
33:14Et il m'a dit qu'il n'y avait plus rien.
33:16Je lui avais laissé mon adresse.
33:18Mais je pensais que jamais il ne trouverait la maison.
33:22En fait, je me suis trompée.
33:26Rod essaie de voir Huguette dès qu'il le peut, malgré l'interdit qui se durcit.
33:31Car aux Etats-Unis, le gouvernement américain prend conscience du tsunami de libido libéré par ces G.I. outre-Atlantique.
33:38C'est la panique.
33:39Madame Roosevelt monte au créneau.
33:42Et il y a des campagnes terribles pour dire ne faites surtout pas ça.
33:46Alors on appelle ça les mariages au lit.
33:49C'est-à-dire que ça veut dire ce que ça veut dire.
33:52Et puis aussi, l'Américain étant sûr d'avoir de toute façon le pays le plus formidable au monde et la vie la plus extraordinaire,
34:00ils sont persuadés que si les Français veulent se marier,
34:03ce n'est pas par amour, c'est simplement pour avoir un billet pour pouvoir venir vivre dans ce pays merveilleux que sont les Etats-Unis.
34:11Sous la pression de l'opinion américaine, l'armée multiplie les démarches administratives pour rendre les mariages impossibles.
34:18Mais Rod est têtu.
34:21Il a demandé ma main.
34:24Mais le plus drôle, c'est qu'il n'a pas répondu.
34:26Mais Rod est têtu.
34:29Il a demandé ma main.
34:32Mais le plus drôle, c'est qu'il a demandé aussi à mon père et à ma mère.
34:37Le jour où il a fait sa demande, oui, il s'est mis à genoux.
34:41C'était drôle.
34:43C'est drôle d'y repenser.
34:49Vous savez, tout le monde l'adorait.
34:52Moi aussi, je l'aimais vraiment.
34:55Je pense qu'au fond de nous, on sait quand on a trouvé le bon.
35:05Au moment même où Paris est libéré et investi par les G.I., Berlin subit d'intenses bombardements.
35:12Près de 20 000 Allemands périssent sous les feux alliés.
35:18Le régime nazi n'abandonne pas pour autant sa traque des Juifs et ses massacres.
35:25Le 21 août 1944, les amants homosexuels, Félice, juive clandestine, et Lily, la mère de famille mariée à un banquier nazi, ne le savent pas encore.
35:35Elles savourent leurs derniers instants de bonheur.
35:41Elles étaient sorties en vélo.
35:43Quand elles sont rentrées, elles sont arrivées devant l'entrée de l'appartement.
35:48Une de leurs amies était là.
35:50Elle a juste eu le temps de leur dire.
35:52Qu'est-ce que tu as fait ?
35:54Les deux femmes savaient alors que la Gestapo attendait Félice à l'intérieur.
36:00Félice est arrêtée au domicile de Lily.
36:03Motif, juive.
36:06Elle est immédiatement transférée à l'hôtel juif de Berlin, centre de rétention durant la guerre.
36:12Effondrée, la mère de famille, Lily, est à son tour conduite à la Gestapo.
36:17Elle est accusée d'avoir caché une juive.
36:20Les agents de la Gestapo lui expliquèrent qu'ils devraient la mettre en prison ou l'envoyer en camp.
36:27Mais comme elle était mère de quatre enfants, ils n'allaient pas le faire.
36:31Elle devait cependant faire attention car ils l'avaient à l'œil.
36:35La Gestapo n'avait pas vraiment cru le fait qu'elle ne savait pas que Félice était juive.
36:42Félice est déportée dans le camp de concentration de Theresienstadt, situé à 300 km nord de Prague.
36:50Ses amies étaient plutôt soulagées de savoir que Félice était envoyée à Theresienstadt.
36:57Elles imaginaient qu'elle pourrait survivre car à ce moment-là, il était évident pour tout le monde que l'Allemagne avait perdu la guerre et que le conflit touchait à sa fin.
37:09Mais Lily va précipiter le destin de Félice lorsqu'à la fin du mois de septembre 44, elle se rend à Theresienstadt.
37:19Lily réussit à se rendre jusqu'à l'entrée du camp de Theresienstadt.
37:23Elle demanda au responsable de voir son amie Félice.
37:28Le responsable, hors de lui, refusa bien sûr.
37:33Et Lily ne parvint pas à voir Félice.
37:38En portant l'attention de la direction du camp sur son amante, Lily aurait accéléré la condamnation à mort de Félice.
37:46Quelques jours après cette visite, Félice s'est déportée à Auschwitz, puis dans deux autres camps.
37:58Quand j'ai découvert à quel point les dates, celles de la visite de Lily et la déportation de Félice pour Auschwitz étaient proches, j'avoue, j'ai été choquée.
38:10D'Auschwitz, Félice est ensuite transférée dans un camp de Silesie, puis à Bergen-Belsen, en Basse-Saxe.
38:18Un mouroir où gisent d'immenses étendues de cadavres, victimes de la faim, de la soif et de maladies, lorsque les Britanniques le découvrent le 15 avril 1945.
38:28Elle est morte du typhus ou une maladie du genre. Elle n'a pas été tuée, elle n'a pas été gazée, elle est morte à la fin de la guerre. Elle a failli survivre au conflit.
38:45De retour à Berlin, Lily est sans nouvelles de Félice.
38:50Elle devra attendre trois ans avant d'apprendre officiellement la mort de sa maîtresse en 1948.
38:56Leur amour homosexuel n'a pas résisté à la guerre, précipité dans les abysses par la machine nazie.
39:03Éplorée, Lily reçoit en 1980 la Croix Fédérale du Mérite, la plus haute distinction allemande, puis en 1995, celle de juste parmi les nations.
39:14Elle décède en 2006.
39:19L'amour à mort, c'est la fin tragique de ce couple interdit.
39:23Ce pourrait être aussi le destin de la poule à Bosch, Raymond de Bouton et de son officier allemand Joseph van Merlot.
39:30Car en France, après le débarquement, les combats entre alliés et allemands font rage.
39:35« Ma chère marraine, pas un couple n'est plus heureux que nous. Bien sûr, il y a tout le danger de la zone côtière.
39:42Les avions presque sans arrêt, les bombes, les tirs d'artillerie. Mais que veux-tu ? Cela est le risque ? On ne peut pas tout avoir. »
39:50Et en effet, le sort va s'abattre sur Raymond et son amoureux.
39:56Septembre 1944, la Wehrmacht qui tente d'organiser une contre-offensive depuis le nord de la France est défaite par l'armée américaine.
40:05L'officier allemand est mis au fer.
40:10« Ils sont encerclés par la première armée blindée américaine et il est fait prisonnier.
40:14Il est emmené au travers de la France, il va défiler sur les Champs-Elysées dans des camions où il va être lapidé, il va recevoir un tas de projectiles. »
40:23Humilié, l'officier allemand est ensuite transféré aux Etats-Unis où il purgera une peine de prison de trois ans, notamment dans les champs de coton de l'Arizona.
40:33La parisienne Raymonde Bouton, elle, erre des jours durant, seule en France.
40:38La guerre lui a enlevé sa raison de vivre.
40:41« Elle a perdu l'homme qu'elle aimait et c'est la seule chose qui compte, c'est ça. Et elle va être comme une zombie. Elle marche à travers le champ, elle marche dans la rosée. »
40:49De la bête somme, Raymonde tente de rejoindre la banlieue parisienne.
40:53Elle veut à tout prix échapper aux forces françaises de l'intérieur qui traquent les poules à boche. C'est le début de l'épuration.
41:01« On va les punir publiquement par la tombe de la chevelure.
41:04On ne tombe pas les femmes parce qu'elles ont couché avec les Allemands.
41:08Les femmes qui sont tondues sont accusées d'avoir collaboré, quelle que soit la forme de la collaboration.
41:15Le fait qu'elles soient tondues renvoie évidemment à leur sexualité, puisque la chevelure est le symbole de séduction, la chevelure renvoie à la pilosité des femmes.
41:26Donc il y a une symbolique sexuelle très forte.
41:28À bout de souffle, et après un mois de marche à travers la campagne, Raymonde arrive de nuit à Orsay, où, vite, sa mère la cache dans la cave d'une maison voisine.
41:38« Là, elle a pris conscience qu'elle risquait d'être fusillée, parce que c'était quand même la libération.
41:43Elle voyait ce qui se passait autour d'elle et donc là, elle a commencé à vraiment avoir très peur. »
41:47Mais la mère de Raymonde est rusée. Elle connaît bien les FFI d'Orsay, des petits jeunes qu'elle a rencontrés.
41:52Elle les convainc de laisser Raymonde libre, d'autant que la jeune femme vient de découvrir qu'elle est enceinte.
41:58« Je suis née le jour de la capitulation allemande, c'est-à-dire que mon père a perdu la guerre ce jour-là, il a gagné une fille, alors je pense qu'il n'a pas perdu au change. »
42:09Josiane est l'une des 200 000 enfants nés de couples franco-allemands en France.
42:14Leur nombre aurait même une incidence sur le fameux baby-boom.
42:19« On a une augmentation du nombre de naissances illégitimes, parfois très importante dans certains départements.
42:27En gros, en France, à l'époque, on est autour de 6% de naissances illégitimes, on arrive à 8,5% et parfois plus dans certains départements.
42:35Et en particulier dans les départements de la zone nord qui a été occupée plus longtemps. »
42:40Joseph aurait pu oublier Raymonde, mais une fois libéré par l'armée américaine, il apprend qu'il a une fille.
42:47Or, chez les Vins-de-Mirlot, on n'abandonne pas son enfant.
42:51En 1948, sous la pression familiale, il s'installe à Orsay.
42:55Il est l'un des premiers à avoir une fille.
42:57Pendant dix ans, la famille franco-allemande subit insultes et menaces.
43:01On n'efface pas ainsi quatre années d'occupation.
43:07De son côté, malgré l'interdit et les campagnes anti-françaises aux Etats-Unis,
43:12le 22 septembre 1945, l'armée américaine décide d'abandonner son enfant à Orsay.
43:18Il n'y a plus d'enfants.
43:20De son côté, malgré l'interdit et les campagnes anti-françaises aux Etats-Unis,
43:25le 22 septembre 1945, le GI Rod Rusher épousera Huguette Fauveau, sa jeune française, à Paris.
43:33Sitôt mariée, il rejoint les Etats-Unis pour gérer le range familial.
43:40Mais Huguette, elle, attend son heure.
43:43Elle doit passer par le camp Philippe-Maurice, l'un des huit camps destinés aux GIs dans la campagne avraise.
43:49Une véritable ville dans la ville, Huguette et des centaines de War Brides découvrent en mai 1946.
43:57C'était immense.
43:59On avait toute notre propre lit.
44:01J'imagine que ce n'était pas si inconfortable parce que je ne me souviens pas d'avoir eu mal au dos.
44:06Elles avaient des endroits pour lire, des endroits pour écrire, une poste qui leur était dédiée.
44:12Elles avaient des cours de cuisine, des cours de couture.
44:16Donc, tout ça, ça peut sembler formidable.
44:19Mais il faut bien voir que tout ça, c'était aussi pour les encadrer et faire de ces immigrés des bonnes épouses américaines.
44:27Donc, on leur apprend à cuisiner les cookies.
44:31On leur apprend vraiment à être la femme au foyer idéale.
44:36Et puis aussi, on les surveille beaucoup médicalement.
44:38On les vaccine, on leur fait faire plein d'examens pour être sûr qu'elles n'apportent pas une maladie au pays.
44:48Huguette passera cinq jours et cinq nuits dans le camp Philippe-Maurice avant d'embarquer sur un paquebot direction New York, comme le feront 6000 de ses compatriotes.
44:59Puis, elle prend le train pour Chicago et enfin pour Roundup dans le Montana.
45:03Quinze jours de voyage pour une jeune femme qui n'avait jamais quitté l'Europe.
45:10Et quand je suis sortie du train, il était là.
45:14J'avais l'impression d'être dans un film.
45:17Il portait un chapeau de cow-boy, une chemise et des bottes de cow-boy.
45:22Quand je l'ai rencontré en France, il était habillé en militaire.
45:26Il portait un costume comme celui des officiers américains.
45:29Et là, je découvrais un cow-boy.
45:32Mais il était vraiment gentil.
45:36Je l'ai aimé profondément.
45:41Comme dans un western, la jeune étudiante Huguette devient éleveuse aux États-Unis.
45:47Un destin qu'elle n'aurait jamais pu imaginer.
45:51Cependant, son bonheur sera de courte durée.
45:54Alors qu'elle est enceinte de leur deuxième enfant, Rod meurt dans un accident d'avion.
45:58Malgré tout, la Française poursuit sa vie aux États-Unis.
46:04Fin avril 1945.
46:07En Allemagne, les Britanniques atteignent la mer Baltique.
46:13La jeune Gertrude et son amant français Maurice Robert, repérés lors de leur rendez-vous galant, ont échappé à la Gestapo.
46:23Malgré tout, la Française continue sa vie aux États-Unis.
46:28Malheureusement, l'arrivée des Alliés sonne le glas de leur histoire d'amour.
46:37Maurice était resté là jusqu'à la fin de la guerre.
46:40Jusqu'au 8 mai 1945.
46:46À la mi-mai, il était encore là.
46:50Mais une fois les Russes sur place, il est devenu évident qu'il voulait rentrer chez lui.
46:59Mais Gertrude découvre qu'elle est enceinte.
47:02Elle tente alors de retenir son amant dans une lettre qu'elle confie à l'un de ses camarades de Stalag.
47:08L'a-t-il jamais reçu ?
47:10Quoi qu'il en soit, Gertrude est désormais seule avec son lourd secret.
47:15Au quatrième mois, ma mère s'est rendue compte que j'étais enceinte.
47:19Je lui ai expliqué que c'était l'histoire d'un soir.
47:23Je lui ai surtout caché le fait que le père était français.
47:26Je n'ai dit la vérité à ma mère que plus tard, une fois que l'enfant était né.
47:32Ainsi, Gertrude élèvera seule sa fille Barbara.
47:35L'enfant de la honte découvre à l'âge de 13 ans que son père était un ennemi, un soldat français.
47:43Adulte, Barbara entame des démarches pour retrouver un père dont elle ne connaît même pas le nom de famille.
47:49Tout dernièrement, une recherche génétique.
47:51J'ai découvert que j'avais des origines juives, juives séparades.
47:56Cette partie de mon ADN ne peut pas provenir de ma mère.
47:59C'est forcément du côté de mon père.
48:02Malheureusement, le test ADN ne lui révèle rien d'autre.
48:06Ni demi-frère, ni père.
48:09Son dernier espoir, s'ouvrir publiquement pour renouer qui sait avec Maurice Robert.
48:14Il est possible que des descendants de mon père voient ce documentaire.
48:22J'imagine que mon père leur a raconté sa captivité.
48:28Et notamment l'endroit où il travaillait en Allemagne comme prisonnier de guerre.
48:34Ainsi, j'espère qu'avec toutes ces informations, des membres de sa famille feront le lien avec moi.
48:40Ainsi, 75 ans après les faits, Barbara et sa mère Gertrude nourrissent toujours l'espoir de retrouver la trace du prisonnier de guerre français Maurice Robert.
48:49De cet amour interdit.
48:52Gertrude et Maurice Robert.
48:55Raymond et Joseph.
48:57Lily et Félice.
48:59Les deux enfants.
49:01Les deux enfants.
49:03Les deux enfants.
49:05Les deux enfants.
49:07Les deux enfants.
49:09Rod et Huguette.
49:11La guerre a surtout bouleversé l'amour, disait l'écrivain Blessandras.
49:15Le temps a passé, et pourtant, ces relations interdites livrent tout juste leurs secrets.
49:21Difficile d'assumer d'avoir succombé à l'ennemi.
49:24D'avoir cru à la liberté d'aimer, envers et contre tous.

Recommandations