Laurette est atteinte du syndrome de Pica, un trouble du comportement alimentaire qui induit l'ingestion de choses non-comestibles et/ou non- nutritives. Elle nous raconte.
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00:00Je savais que ce n'était pas quelque chose de normal que de manger des éponges.
00:03Du coup, j'ai cherché sur Internet, j'ai tapé « je mange des éponges »
00:06et je suis tombée sur pas mal d'articles, de femmes américaines surtout.
00:11Je m'appelle Laurette, j'ai 23 ans et je suis atteinte du syndrome de PICA.
00:15Le syndrome de PICA, c'est un trouble du comportement alimentaire
00:18qui se manifeste par le fait de manger des choses
00:21qui ne sont ni comestibles ni nutritives.
00:24Les personnes atteintes de ce syndrome peuvent manger de la terre,
00:28des cailloux, des cheveux, des glaçons,
00:30et dans mon cas, c'est du papier toilette et des éponges.
00:33Ça a commencé quand j'étais au collège, j'avais 14-15 ans.
00:35J'étais dans ma salle de bain, j'étais en train de me laver
00:38et j'ai vu une éponge sur le bord du lavabo
00:41et je me suis dit que ça pouvait être marrant juste de la remplir d'eau
00:43et d'aspirer toute l'eau qu'il y avait à l'intérieur.
00:45Donc, j'ai commencé avec des éponges propres.
00:47Petit à petit, j'ai commencé à mâcher des bouts d'éponges
00:50et ensuite à les avaler.
00:51Et du coup, c'est comme ça que ça a commencé.
00:53Je savais que ce n'était pas quelque chose de normal
00:55que de manger des éponges.
00:57Du coup, j'ai cherché sur Internet, j'ai tapé « je mange des éponges »
01:00et je suis tombée sur pas mal d'articles, de femmes américaines surtout,
01:03qui parlaient de ça et du coup, il y a eu le terme « syndrome de pica »
01:06qui a été utilisé dans ces articles-là et j'ai fait des recherches sur Internet.
01:10Je n'ai jamais eu de troubles alimentaires avant de savoir que j'avais le pica.
01:13Par contre, je sais qu'il y a certaines personnes qui ont le pica
01:15qui ont eu aussi de l'hyperphagie, de l'anorexie, des choses comme ça,
01:19enfin tout ce qui est troubles alimentaires.
01:21Et je sais que parfois, moi, quand j'essaie d'arrêter avec le pica,
01:24je me mets à manger de plus en plus
01:27pour essayer de combler le fait que je ne puisse pas manger du papier toilette.
01:30Quand j'ai compris que c'était un trouble alimentaire,
01:32ça m'a un peu rassurée, on va dire,
01:34parce que si on en parlait, ça voulait dire que je n'étais pas la seule.
01:36Mais c'est juste qu'en France, pas beaucoup de gens en parlaient
01:38et du coup, j'avais vraiment l'impression d'être seule en France
01:41à être atteinte du syndrome de pica.
01:44Et j'ai eu beaucoup de mal à en parler.
01:45Au début, j'en ai parlé à mes amis qui ont trouvé ça un peu bizarre,
01:48mais après, ils s'y sont faits.
01:51Ensuite, j'en ai parlé à mes sœurs aussi,
01:53qui étaient plus ouverts d'esprit parce qu'elles sont plus jeunes.
01:55Par contre, avec mes parents, ça a été beaucoup plus compliqué
01:58parce qu'ils n'arrivaient pas à comprendre
02:02comment j'en étais venue à manger des éponges et du papier toilette.
02:05Il y a un tabou autour du pica
02:07parce que les gens n'arrivent pas à comprendre
02:08comment certaines personnes en viennent à manger des choses
02:11qui ne sont pas comestibles.
02:12Et c'est assez mal vu, on est tout de suite pris pour des fous.
02:15Et justement, il y a peu de médecins aussi qui connaissent cette maladie,
02:18ce qui est très dommage.
02:19Et c'est aussi pour ça qu'on espère, en tout cas, nous, les personnes atteintes,
02:22que ce syndrome devienne plus important
02:24et que plus de médecins se penchent dessus
02:26pour peut-être essayer de trouver plus de solutions.
02:28J'en ai parlé à mes psys qui ne connaissaient pas.
02:31Mais sinon, j'en avais parlé il y a plusieurs années à mon médecin traitant
02:33qui m'a dit que je risquais peut-être de me bloquer les reins, etc.
02:37Du coup, elle m'a conseillé de prendre des chewing-gums,
02:39mais ce n'était pas la même texture, etc.
02:41Donc, ça n'a pas changé grand-chose.
02:44Quand je mange beaucoup trop, soit de papier toilette, soit trop d'éponge,
02:47parce que ça vient par vagues,
02:49et c'est surtout quand je suis dans des périodes où je suis très anxieuse
02:52ou très triste, des sentiments négatifs.
02:55Quand j'en mange trop, j'ai mal au ventre.
02:58Mais je connais une personne qui a eu des problèmes plus importants que ça
03:02et elle a dû se faire opérer, il me semble.
03:04Du coup, je pense qu'à la longue, ça peut devenir dangereux.
03:07Depuis que j'ai commencé à en parler un peu plus sur les réseaux sociaux,
03:10il y a de plus en plus de gens qui viennent me voir pour me dire qu'ils sont atteints,
03:13justement du PICA.
03:14Ce qui fait que j'ai moins de mal à l'assumer.
03:16Surtout que dans tous les cas, maintenant, je le dis parce que
03:19il y a des vidéos de moi qui tournent un peu.
03:21Du coup, les gens le savent.
03:23Donc, mieux vaut assumer et arrêter de me cacher.
03:25Il y a un jour où j'ai fait une interview pour un média
03:27où j'ai parlé du PICA.
03:28La vidéo a beaucoup tourné, mes parents sont tombés dessus.
03:31Et je me souviens que mon beau-père,
03:33qui était celui qui me jugeait le plus par rapport au PICA,
03:35il l'avait partagé sur le groupe de famille en disant que
03:38il ne savait pas ce que c'était que le PICA jusqu'à ce que j'en parle, etc.
03:41Du coup, je pense qu'il y a eu plus d'ouverture d'esprit maintenant
03:45autour de la maladie et j'en parle beaucoup plus librement à la maison.
03:47J'ai rencontré pas mal de personnes qui étaient atteintes de ce syndrome-là.
03:51Ça m'a fait du bien juste d'avoir leur ressenti
03:53et de voir qu'on avait des histoires assez similaires.
03:56Parce que du coup, je me sentais beaucoup moins seule.
03:58Et puis même le fait d'en parler, je me disais,
04:00au moins j'en parle pour moi,
04:01mais j'en parle aussi pour toutes les autres personnes autour.
04:03Et du coup, je trouve ça vraiment super cool.
04:06Et c'est important pour nous,
04:09en fait, juste que la maladie soit plus connue.