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00:00:00On reprend donc nos travaux
00:00:02dans le cadre de la commission d'enquête
00:00:04sur les manquements des politiques de protection de l'enfance
00:00:05avec l'audition du juge Edouard Durand.
00:00:08Merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation.
00:00:10Vous êtes un expert reconnu
00:00:11des questions de protection de l'enfance,
00:00:13des violences conjugales et des violences faites aux enfants.
00:00:16Vous avez été, entre autres, juge des enfants,
00:00:18membre du Conseil national de la protection de l'enfance,
00:00:20membre du Conseil scientifique
00:00:22de l'Observatoire national de la protection de l'enfance.
00:00:25Vous avez participé à l'élaboration du 1er plan
00:00:26contre les violences faites aux enfants
00:00:28de la ministre Rossignol et à la démarche de consensus
00:00:31sur les besoins fondamentaux des enfants
00:00:33en protection de l'enfance.
00:00:34Vous avez enfin co-présidé la commission indépendante
00:00:36sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants,
00:00:38la fameuse CIVIS.
00:00:40Pour vous, le basculement d'une posture de déni
00:00:42à une réelle protection des enfants
00:00:44résultera d'une politique publique guidée par 4 axes,
00:00:47le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire,
00:00:50la réparation incluant le soin et la prévention.
00:00:53Vous pourrez sans doute nous préciser
00:00:55ces différentes recommandations.
00:00:57L'objectif de cette audition, si vous en êtes d'accord,
00:00:59c'est d'avoir un propos liminaire de votre part
00:01:01d'environ 10 minutes.
00:01:03Je sais que ce n'est pas simple à respecter,
00:01:04mais ça serait l'idéal pour ensuite permettre
00:01:05à madame la rapporteure de vous interroger
00:01:07et puis surtout aux députés présents
00:01:09de pouvoir vous interroger également
00:01:11dans le temps qui nous est imparti.
00:01:13Je dois vous préciser 2 choses.
00:01:15Je viens de le faire, mais que cette audition
00:01:16est évidemment retransmise en direct
00:01:18sur le site de l'Assemblée nationale.
00:01:19On peut aussi la revoir en replay après.
00:01:22Et également qu'en vertu de l'article 6
00:01:24de l'ordonnance du 17 novembre 58
00:01:26qui est relatif au fonctionnement des assemblées parlementaires,
00:01:29que je dois vous demander de prêter serment
00:01:31de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
00:01:33Donc si vous en êtes d'accord, en actionnant votre micro,
00:01:35je vous propose de lever la main droite
00:01:37et de dire je le jure, s'il vous plaît.
00:01:41Je le jure.
00:01:42Je vous remercie et je vous laisse la parole
00:01:44pour le propos introductif.
00:01:47Madame la présidente, madame la rapporteure,
00:01:51mesdames les députés, mesdames et messieurs,
00:01:57depuis 20 ans, j'ai l'habitude de faire prêter serment
00:02:00à mes semblables ou me faites l'honneur
00:02:03de prêter serment à mon tour
00:02:04devant la représentation nationale.
00:02:09C'est un grand honneur de contribuer aux travaux
00:02:12de cette commission d'enquête
00:02:14tant j'ai été heureux qu'elle voie le jour,
00:02:18ce qui n'était pas évident
00:02:19puisqu'elle était attendue depuis longtemps
00:02:22et qu'elle n'existait pas.
00:02:24Et je sais l'opiniâtreté des parlementaires
00:02:28et de la rapporteure de votre commission
00:02:30pour qu'elle voie le jour enfin.
00:02:35Pendant 3 ans, j'ai présidé la Sylvise
00:02:40à la demande du président de la République.
00:02:44C'était un grand honneur, là aussi.
00:02:47On m'a mis à la porte
00:02:49et j'ai le grand honneur
00:02:51de présider le tribunal pour enfants de Pontoise
00:02:54et de me trouver devant vous.
00:02:58Ma colère depuis décembre 2023
00:03:02ne s'est pas atténuée.
00:03:06Ma détermination, pas moins.
00:03:11Et vous l'avez redit en prononçant ces mots,
00:03:14déni, impunité
00:03:16et même consentement meurtrier passif.
00:03:21Qu'est-ce à dire,
00:03:23à l'évocation de manquements à une politique publique,
00:03:27de parler de consentement meurtrier passif ?
00:03:31C'est dire que lorsqu'un enfant naît,
00:03:37lorsqu'un enfant naît,
00:03:41le risque qu'il soit victime de violences extrêmes,
00:03:48physiques, sexuelles, psychologiques,
00:03:53qu'il soit négligé,
00:03:56que ses besoins fondamentaux ne soient pas pris en compte
00:04:00et donc qu'il ne puisse pas exister
00:04:04ou exister conformément à ce que son épanouissement
00:04:10aurait permis de lui promettre,
00:04:14est un risque extrêmement élevé.
00:04:17Que pour les enfants,
00:04:21le risque de subir des violences,
00:04:25et en cela, c'est un point commun
00:04:28avec les adultes de sexe féminin, les femmes,
00:04:32le risque de subir des violences
00:04:35se situe d'abord dans l'espace privé, dans la maison.
00:04:40Et que je pense que la plus grande des inégalités
00:04:45entre les êtres humains est celle qui sépare
00:04:48les personnes qui vivent dans une maison
00:04:50qui est un lieu de protection et de réassurance
00:04:53et les personnes qui vivent dans une maison
00:04:56qui est un lieu de danger, de violence
00:04:59et même de confrontation à la mort.
00:05:03Le problème est que cette perception de la réalité
00:05:08dont le constat est assez consensuel
00:05:12se heurte à un problème de conscience
00:05:17que les humains n'ont pas résolu,
00:05:21qui est celui de la frontière
00:05:24entre la liberté privée fondamentale
00:05:28de vivre en famille
00:05:32et l'ordre public.
00:05:36Et il a fallu un temps extrêmement long pour les humains
00:05:40pour parvenir à penser
00:05:43que la loi devait structurer la maison.
00:05:49Ca n'est qu'à partir de 1889,
00:05:52donc à toute fin du 19e siècle,
00:05:54qu'une législation a émergé
00:05:59avec la 1re loi sur la déchéance de la puissance paternelle
00:06:03pour mauvais traitement sur les enfants.
00:06:06La puissance maritale n'a été abolie qu'en 1938
00:06:11et la puissance paternelle qu'en 1970
00:06:15pour que lui soit substituée l'autorité parentale.
00:06:18Outre que ce basculement conceptuel
00:06:21de la puissance paternelle à l'autorité parentale
00:06:24fait émerger la femme et mère
00:06:27comme sujet légitime de droit de la protection de ces enfants,
00:06:32en choisissant le mot d'autorité,
00:06:36c'est la légitimité de la violence
00:06:40qui est écartée de la maison.
00:06:49Mais pourquoi protéger l'enfant ?
00:06:53Au nom de quel motif
00:06:56protéger un enfant ?
00:07:01Et je dirais même au nom de quel motif,
00:07:04dans une société libérale et marchande,
00:07:08se reconnaître la responsabilité
00:07:12de protéger un enfant ?
00:07:16Il y a à cela 2 raisons principales.
00:07:21La 1re raison, c'est la vulnérabilité.
00:07:25Et donc le principe responsabilité, ansionas.
00:07:29Nous protégeons les enfants
00:07:34parce qu'ils n'ont pas la capacité de le faire eux-mêmes
00:07:38et en raison d'une culpabilité
00:07:42liée à les faire advenir dans un monde
00:07:45pour y souffrir et mourir.
00:07:47La 2e raison, c'est ce qu'Anna Arendt appelle
00:07:51la continuité du monde, c'est-à-dire
00:07:55la transmission d'un rapport à l'existence
00:07:59par l'éducation.
00:08:03Et ces raisons sont des raisons
00:08:05qui sont des raisons d'ordre public,
00:08:08qui ne sont pas seulement des raisons
00:08:11de l'ordre des valeurs du privé.
00:08:15Le problème, dans le dispositif de protection de l'enfance,
00:08:19me semble-t-il,
00:08:22c'est qu'il y a 3 failles principales.
00:08:26La 1re,
00:08:30c'est l'aléa.
00:08:34C'est-à-dire que l'enfant réel,
00:08:36non pas l'enfant conceptuel ou l'enfant imaginaire,
00:08:40l'enfant réel est confronté
00:08:44à la subjectivité des professionnels
00:08:48qui représentent la société
00:08:50dans l'exercice de la protection.
00:08:54Selon que vous, un enfant,
00:08:58sera regardé, protégé, évalué, jugé
00:09:03par tel ou tel professionnel,
00:09:07il sera protégé ou non protégé.
00:09:11Et la politique publique s'accommode de cette aléa.
00:09:15Autrement dit, la politique publique s'accommode
00:09:19de l'interprétation variable et aléatoire
00:09:23de la loi que vous votez.
00:09:28Le 2d problème
00:09:32est que nous ne parvenons pas,
00:09:36et peut-être que nous ne voulons pas,
00:09:40en tant qu'enfants,
00:09:45anticiper les risques.
00:09:49Or, que veut dire protéger,
00:09:53sinon anticiper le risque ?
00:09:57Moi, je l'ai compris lorsque j'étais jeune juge des enfants
00:10:01et que j'ai reçu en audience un enfant
00:10:06d'une dizaine d'années, un petit garçon,
00:10:10qui avait le visage tuméfié parce qu'il avait été victime de violence,
00:10:15et qui ne m'a rien dit, mais qui m'a regardé,
00:10:19et ses yeux me disaient, je croyais que tu étais là pour me protéger.
00:10:26Nous interposons les principes entre l'enfant et la protection,
00:10:30mais protéger veut dire anticiper le risque,
00:10:34c'est-à-dire, à partir de ce que nous savons
00:10:39des besoins fondamentaux des enfants,
00:10:43prévoir l'impact des négligences et des violences
00:10:47sur leur existence et leur développement.
00:10:52Le troisième problème est qu'il y a comme une sorte
00:10:56de déficit d'articulation
00:11:00entre le niveau macro et le niveau micro,
00:11:04entre la construction d'un dispositif,
00:11:08d'un flux, d'un stock extrêmement coûteux
00:11:13pour les conseils départementaux
00:11:17qui n'ont plus de marge budgétaire sans fiscalité,
00:11:21et le niveau micro, qui est l'adaptation d'une mesure
00:11:25à un enfant selon ses besoins.
00:11:29Et le quatrième problème est le même raisonnement
00:11:34dans un ordre différent, qui est le déficit d'articulation
00:11:38entre le droit pénal, le droit de la famille,
00:11:42et le système de protection de l'enfance.
00:11:46De sorte que vous pouvez avoir le constat
00:11:48d'une transgression de la loi sur le plan pénal
00:11:51sans qu'aucune conséquence ne soit tirée
00:11:54sur le plan du droit de la famille
00:11:56ou de la protection de l'enfance.
00:11:58La résolution de ces quatre problèmes, me semble-t-il,
00:12:01j'anticipe ma conclusion,
00:12:03et la satisfaction que vous éprouvez
00:12:06à avoir déjà voté une loi qui représente
00:12:10ce modèle que j'appelle de mes voeux,
00:12:12qui est la loi du 18 mars 2024,
00:12:15chère madame la rapporteure,
00:12:18ce que j'appelle une législation plus impérative,
00:12:21que vous ne consentiez pas, au moment où vous votez la loi,
00:12:25à ce que le risque soit extrême, qu'elle ne soit pas appliquée.
00:12:33Quels sont les enjeux ?
00:12:37C'est, me semble-t-il,
00:12:40de parvenir à modéliser
00:12:46les situations dans lesquelles un enfant en danger
00:12:49peut se trouver.
00:12:51Et avant d'évoquer rapidement la civise,
00:12:53je voudrais vous proposer
00:12:56trois ou quatre modèles.
00:13:00Le premier modèle est ce que j'appelle
00:13:02les quatre configurations familiales.
00:13:07L'entente, l'absence, le conflit et la violence.
00:13:17Et dans une société comme la nôtre,
00:13:22qui admire le rapport de force
00:13:28et son succès d'année qui est la médiation,
00:13:33nous ne parvenons pas à voir que la résolution
00:13:36des problèmes familiaux
00:13:40ne peut pas être la même quand les parents s'entendent
00:13:44et quand les parents ne s'entendent pas,
00:13:46ni quand il n'y a qu'un seul parent.
00:13:49On aura beau imposer un devoir d'hébergement,
00:13:54quand un parent ne veut pas assumer ses responsabilités,
00:13:58on augmente d'une manière extrêmement élevée
00:14:02le risque pour l'enfant.
00:14:04Et j'attire votre attention, je me permets cette petite parenthèse,
00:14:07sur le fait que dans beaucoup de cas d'inceste,
00:14:10l'inceste a commencé
00:14:13lorsqu'on a imposé au père de reconnaître l'enfant.
00:14:19Lorsqu'on lui en a fait le devoir,
00:14:22si vous voyez ce que je veux dire.
00:14:25Mais il n'y a qu'à relire Christine Angot.
00:14:27À l'instant même,
00:14:29parce que s'il ne veut pas de cet enfant
00:14:34et qu'on lui fait devoir de l'assumer,
00:14:38il va le détruire.
00:14:41La violence n'a pas d'autre objet.
00:14:43Deuxième modèle, ce que j'appelle
00:14:45les quatre registres de la parenté
00:14:48que nous confondons depuis des millénaires
00:14:50et qui sont la filiation, l'autorité parentale,
00:14:53le lien et la rencontre.
00:14:59Et voyez-vous,
00:15:02on peut concevoir de tout enlever à un être humain,
00:15:06même la liberté,
00:15:08même la liberté avant qu'il ne soit reconnu coupable,
00:15:11ça s'appelle la détention provisoire,
00:15:14mais lui retirer l'autorité parentale,
00:15:17la société ne le supporte pas.
00:15:20Au prix du sacrifice de l'enfant
00:15:23et de son parent protecteur.
00:15:25Ce n'est pas parce qu'il y a la filiation
00:15:28qu'il faut qu'il y ait l'autorité parentale,
00:15:30ce n'est pas parce qu'il y a l'autorité parentale
00:15:32qu'il faut qu'il y ait le lien et la rencontre.
00:15:34Et la différence entre le lien et la rencontre,
00:15:37telle que l'enseigne le docteur Jean-Louis Nouvel,
00:15:39est que le lien, c'est psychique,
00:15:42et la rencontre, c'est physique.
00:15:45Et enfin,
00:15:47je vous propose de suggérer,
00:15:49puisque je crois que nous sommes dans un lieu
00:15:52qui est d'abord la Commission des affaires économiques,
00:15:55beaucoup d'économies.
00:15:58Par une dernière modélisation,
00:16:01qui est la distinction
00:16:03entre trois modèles,
00:16:05celui où il y a deux parents protecteurs,
00:16:10celui où il y a un parent protecteur
00:16:12et un parent dangereux,
00:16:14et celui où il y a deux parents dangereux.
00:16:16Aujourd'hui, quand un enfant
00:16:18révèle des violences parentales,
00:16:24la société,
00:16:26dans la quasi-totalité des cas,
00:16:28qualifie cette situation
00:16:30de conflit,
00:16:33d'aliénation parentale,
00:16:35et en conséquence,
00:16:39estime que les deux parents sont dangereux.
00:16:44Quand je dis que je propose des économies,
00:16:46je propose des économies
00:16:49sur un plan humain
00:16:51et existentiel.
00:16:53L'économie des vies brisées.
00:16:57Des vies brisées par l'injustice.
00:17:00Vous me parliez d'incommunicabilité
00:17:02dans le questionnaire que vous m'avez envoyé.
00:17:04L'incommunicabilité, c'est
00:17:06le fait de faire l'expérience
00:17:09d'être étranger au milieu des autres,
00:17:12de ne pas être compris
00:17:14dans l'existence.
00:17:16Mais quand un enfant révèle des violences,
00:17:18que sa mère le protège
00:17:21et qu'on accuse sa mère de mentir
00:17:23et qu'on le place à l'ASE
00:17:25au prix d'un coût économique
00:17:27élevé
00:17:29et parfaitement inutile
00:17:31et injuste,
00:17:34c'est son rapport au monde
00:17:36qui est transformé.
00:17:38Enfin, la civise.
00:17:42Je me permets
00:17:44d'évoquer la civise
00:17:47parce que vous me l'avez demandé,
00:17:49à un moment où ma colère est légèrement
00:17:51augmentée
00:17:54par la circulation
00:17:56d'informations sur la commission,
00:17:58sur son travail
00:18:00et sur celui que j'y ai fait,
00:18:03qui sont
00:18:07grotesques,
00:18:13que ce caractère faux
00:18:15est tellement évident
00:18:17qu'il suffit d'ouvrir le rapport,
00:18:20ne serait-ce que la table des matières
00:18:22pour se rendre compte
00:18:25que les informations qui circulent
00:18:27sont erronées, inexactes, non factuelles
00:18:29et que
00:18:31si j'avais voulu
00:18:33la gloire et l'argent,
00:18:36j'aurais choisi un autre métier
00:18:38que celui de juge des enfants.
00:18:40On est venu me chercher
00:18:42pour présider la civise
00:18:44parce que le précédent projet
00:18:47était en échec.
00:18:49Moi, je n'ai rien demandé,
00:18:51je n'ai jamais rien demandé
00:18:53et on m'a viré de la civise
00:18:55pour une raison que j'ignore.
00:18:57Mais ce que je sais,
00:19:00c'est qu'on m'a demandé
00:19:02de piloter la civise
00:19:04par ces simples mots
00:19:06« on vous croit »
00:19:08qui ont été prononcés
00:19:11par celui
00:19:13que la constitution
00:19:15de la 5ème République
00:19:17a dit
00:19:20comme le garant
00:19:22de l'indépendance
00:19:24de la justice.
00:19:26Est-il non consensuel
00:19:29ou consensuel de dire
00:19:31« on vous croit » ?
00:19:33Manifestement,
00:19:35ça apparaît d'une manière absurde
00:19:37comme contraire
00:19:40à tous les principes fondamentaux
00:19:42de notre droit,
00:19:44ce qui est totalement erroné.
00:19:46Mais ce qui est consensuel
00:19:48c'est de dire aux enfants
00:19:51« si vous êtes victime,
00:19:53révélez-le.
00:19:55Si vous êtes victime de violence,
00:19:57dites-le nous. »
00:19:59Je vous mets au défi,
00:20:02madame la présidente,
00:20:04mesdames et messieurs les députés,
00:20:06de me trouver
00:20:08une justification
00:20:10qui permette à la fois
00:20:13de trouver consensuel
00:20:15l'indépendance
00:20:17et de trouver consensuel
00:20:19l'invitation
00:20:21à révéler les violences
00:20:23et risquer
00:20:26de dire
00:20:28« on vous croit »
00:20:30à ceux qui font confiance
00:20:32à l'invitation.
00:20:34J'espère que ce que je dis
00:20:37est clair, que je m'exprime bien.
00:20:39C'est un fonctionnement social
00:20:41pervers
00:20:43qui s'appelle une injonction paradoxale.
00:20:46Jusqu'à
00:20:48janvier 2021,
00:20:50on disait aux enfants violés
00:20:52« taisez-vous ».
00:20:55Le 23 janvier 2021,
00:20:57on leur a dit
00:20:59« vous n'êtes plus seul,
00:21:01on est là, on vous croit. »
00:21:03C'est mieux
00:21:06à la condition
00:21:08que ce soit vrai.
00:21:10Sinon,
00:21:12mieux vaut
00:21:14ne pas les inviter
00:21:17à parler.
00:21:19Et je vais vous dire
00:21:21une chose.
00:21:23Moi, je passe ma vie en audience.
00:21:25Et j'ai compris
00:21:28trop tard, mais assez vite quand même
00:21:30dans mes fonctions de juge des enfants
00:21:32que lorsqu'on dit
00:21:34quelque chose à un enfant,
00:21:36il faut le faire.
00:21:39Sinon,
00:21:41c'est le monde
00:21:43des adultes qui n'est plus crédible.
00:21:45Ne nous étonnons pas
00:21:47des conduites
00:21:49de transgression
00:21:52dans l'espace public
00:21:54si nous ne protégeons pas
00:21:56l'enfant dans l'espace
00:21:58privé de la maison. Et il sera
00:22:00parfaitement vain et inutile
00:22:03de créer des commissions
00:22:05sur les devoirs d'hébergement
00:22:07et le rétablissement de la puissance
00:22:09paternelle et du devoir de correction
00:22:11pour nous prémunir
00:22:13des transgressions des adolescents
00:22:16dans l'espace public
00:22:18si nous consentons
00:22:20à la transgression dans l'espace privé
00:22:22parce que la loi est la même.
00:22:24C'est ça, le consentement
00:22:27meurtrier passif.
00:22:29Je vous remercie
00:22:31de votre attention.
00:22:33Merci beaucoup. Je passe la parole
00:22:35à madame la rapporteure.
00:22:38Monsieur le juge,
00:22:40cher Édouard,
00:22:42merci pour vos propos.
00:22:44Je vais vous poser quelques questions
00:22:46et je suis ravie de vous avoir
00:22:48parce que c'est un sujet
00:22:51à travers les manquements des politiques publiques
00:22:53en protection de l'enfance
00:22:55autour d'un sujet que vous connaissez bien
00:22:57et sur lequel on a évidemment
00:22:59beaucoup à faire.
00:23:02A savoir que la question
00:23:04des violences sexuelles faites aux enfants
00:23:06en protection de l'enfant,
00:23:09est vraiment complètement
00:23:11invisibilisée
00:23:13pendant très longtemps.
00:23:15A tel point, c'est que quand on discute
00:23:17avec des éducateurs,
00:23:20souvent dans les foyers de l'enfance
00:23:22pour l'urgence,
00:23:24qui est souvent avec les OPP parquets
00:23:26l'arrivée des enfants
00:23:28en protection de l'enfance,
00:23:31on ne sait jamais quand ils ont été victimes.
00:23:33Des fois, on mettait même...
00:23:35Dans les OPP parquets,
00:23:37on pouvait indiquer des choses
00:23:39que j'ai déjà entendues
00:23:41comme étant carence éducative
00:23:44ou des choses comme ça.
00:23:46Et donc, on ne protège pas l'enfant
00:23:48parce qu'il n'était pas protégé dans sa maison,
00:23:50mais il n'est pas protégé non plus
00:23:52quand il arrive dans un lieu
00:23:55qui devrait être protecteur.
00:23:57Mais on ne sait pas non plus
00:23:59quand l'enfant est acteur
00:24:01au sens où il est lui-même peut-être victime
00:24:03et ensuite va être
00:24:06agresser lui-même un autre enfant.
00:24:09Toutes ces sujets en protection de l'enfance
00:24:11ont très souvent été
00:24:13peu abordés,
00:24:15peu réfléchis,
00:24:17et encore moins
00:24:20des dispositifs spécifiques.
00:24:22Donc, ma question
00:24:24autour de ce sujet dont je pense
00:24:26que nous savons, suite aux éléments de la CIVIS,
00:24:28qu'il y a des formations
00:24:31qui sont proposées,
00:24:33je voudrais savoir
00:24:35si la question de la protection de l'enfance
00:24:37dans les travaux qui avaient été faits
00:24:39de manière générale à l'échelle nationale
00:24:41peuvent être évidemment déclinées,
00:24:44et j'oserais dire en urgence,
00:24:46sur les personnels
00:24:48en protection de l'enfance
00:24:50qui travaillent sur un sujet
00:24:52qui est peu abordé.
00:24:55Par ailleurs,
00:24:57vous avez proposé
00:24:59des formations.
00:25:01J'aimerais beaucoup que vous puissiez nous dire
00:25:03où nous en sommes
00:25:05dans ce développement d'une culture commune
00:25:08de protection des enfants
00:25:10et des mécanismes de violence et du repérage.
00:25:12Il avait été annoncé aussi
00:25:14par le président de la République
00:25:16en janvier 2021 la mise en place
00:25:19de 2 rendez-vous de dépistage
00:25:21de prévention contre les violences sexuelles
00:25:23faites aux enfants.
00:25:25Est-ce que vous avez une idée
00:25:27où nous en sommes là aussi ?
00:25:30Parce qu'en fait,
00:25:32actuellement, autour de ce sujet,
00:25:34on n'entend plus
00:25:36une dynamique
00:25:38qui serait une mise en oeuvre
00:25:41des préconisations qui avaient été faites
00:25:43et qui, évidemment, doivent se décliner
00:25:45en protection de l'enfance.
00:25:47Et j'oserais dire là aussi
00:25:49qu'avec votre regard
00:25:52et votre historique
00:25:54de juge pour enfants,
00:25:56quelle est la responsabilité
00:25:58des pouvoirs publics
00:26:01dans le tabou,
00:26:03dans ce non-traitement
00:26:05pendant très longtemps
00:26:07des violences sexuelles faites aux enfants ?
00:26:10C'est un sujet qui est majeur
00:26:13et qui est important à entendre.
00:26:15Quelles sont les responsabilités
00:26:17au-delà des manquements
00:26:19qui, évidemment, sont majeurs
00:26:21et, aujourd'hui,
00:26:24très peu de formations
00:26:26pour accompagner
00:26:28tant la prise en charge du soin de l'enfant
00:26:30que la formation du professionnel
00:26:32à ses côtés ?
00:26:35D'ailleurs, j'oserais dire que c'est même
00:26:37très peu abordé
00:26:39dans le cadre des MECS
00:26:41ou d'une habilitation
00:26:43quand les enfants sont
00:26:46dans des foyers, qu'ils soient associatifs
00:26:48ou publics.
00:26:50La parole de l'enfant, là aussi,
00:26:52en protection de l'enfance,
00:26:54elle est rarement entendue
00:26:57sur les violences sexuelles.
00:26:59Donc, là aussi,
00:27:01des préconisations et des propositions,
00:27:03en tout cas, ce serait très intéressant
00:27:05d'en avoir.
00:27:07On a pu avoir la Gironde
00:27:10qui a développé un dispositif,
00:27:12ils sont peu nombreux,
00:27:14donc là, je cite la Gironde,
00:27:16qui a créé un dispositif d'AEMO
00:27:18qui est spécifique aux situations d'inceste
00:27:21et on voulait savoir
00:27:23si vous aviez un retour autour de ce sujet.
00:27:25Personnellement, là,
00:27:27nous ne le connaissons pas,
00:27:29on sait juste que ça existe.
00:27:31Est-ce que vous avez d'autres connaissances ?
00:27:34Et puis, dans très longtemps,
00:27:36on sait que la justice,
00:27:38évidemment, dans votre rôle de juge pour enfants,
00:27:40vous avez abordé ce sujet
00:27:42et vous êtes évidemment très connu
00:27:45et compris médiatiquement.
00:27:47Nous avons pu avoir,
00:27:49nous sommes nombreux à avoir vu
00:27:51Bouches cousues et le travail de l'écoute
00:27:53autour de l'enfant,
00:27:55c'est une matière magnifique
00:27:58et c'est vrai qu'on a auditionné
00:28:00les syndicats des magistrats
00:28:02et, en fait,
00:28:04est-ce que vous pouvez nous donner...
00:28:06On ressent quelque chose
00:28:09qui est de l'ordre du maintien
00:28:11de ce lien familial
00:28:13qui, pendant très longtemps,
00:28:15a nourri aussi les décisions de justice
00:28:17où il fallait conserver la visite médiatisée
00:28:20avec un parent qui pouvait être
00:28:22forcément, en tout cas,
00:28:24je ne connais pas les dossiers
00:28:26donc je vais rester très généraliste,
00:28:28mais quand même, ce lien familial
00:28:30était quelque chose qui, en même temps,
00:28:33un enfant pouvait être accueilli
00:28:35en protection de l'enfance, mais pour le juge,
00:28:37une garantie de conserver ce lien familial.
00:28:39Et vous avez donné tout à l'heure
00:28:41plusieurs modèles de parents
00:28:44et je ne suis pas certaine,
00:28:46ou en tout cas, sauf erreur de ma part,
00:28:48et ce sera intéressant dans le manquement
00:28:50des politiques publiques,
00:28:52sur cette différence que vous faites
00:28:54à juste titre
00:28:57de 2 parents qui sont protecteurs,
00:28:59de 2 parents qui seraient dangereux,
00:29:01de 1 parent protecteur
00:29:03et 1 parent dangereux.
00:29:05En fait, je crois
00:29:08que nos fondamentaux
00:29:10doivent bouger
00:29:12dans différentes pratiques professionnelles
00:29:14et j'y inclue aussi les magistrats.
00:29:16En tout cas, c'est ce que j'ai ressenti
00:29:19dans les échanges que nous avons eus
00:29:21avec les syndicats
00:29:23qui représentaient la magistrature
00:29:25et j'ajouterais que chaque juridiction,
00:29:27et donc chaque juge, bien sûr,
00:29:30a évidemment sa liberté de décision
00:29:32et en fait, on voit aussi
00:29:34des pratiques professionnelles différentes.
00:29:36Et là aussi, c'est une forme sur ces sujets
00:29:38très sensible
00:29:41où on doit protection aux enfants.
00:29:43C'est aussi une inégalité
00:29:45dans nos territoires qui n'est pas que celle
00:29:47des départements, mais aussi de la manière
00:29:49dont on approche la question
00:29:52autour de cette protection nécessaire
00:29:54qu'on doit aux enfants et particulièrement
00:29:56sur ce volet autour des questions
00:29:58des violences sexuelles. On sait que les chiffres
00:30:00sont majeurs grâce à la CIVIS.
00:30:03Je ne suis pas certaine qu'aujourd'hui,
00:30:05ce soit encore dans les pratiques
00:30:07d'en informer les gens qui vont accueillir
00:30:09les professionnels de la protection
00:30:11de l'enfance et je crois qu'on fait
00:30:14des ruptures de liens terribles
00:30:16sur les besoins fondamentaux
00:30:18d'un enfant qui peut-être à un certain moment
00:30:20a été, je vous crois,
00:30:22peut-être un enfant se retrouve donc
00:30:24en situation d'être accueilli
00:30:27en protection de l'enfance,
00:30:29mais cette parole-là n'est pas entendue
00:30:31parce qu'elle n'a pas été traduite
00:30:33vers les personnes qui vont l'avoir
00:30:35à l'accueillir et donc à le protéger.
00:30:38Et je crois que ça, c'est nécessaire
00:30:40que cette gouvernance, cette manière
00:30:42de fonctionner, de se coordonner tous ensemble
00:30:44dans cet aspect de protection
00:30:47est essentiel autour de ces sujets
00:30:49que nous souhaitions aborder avec vous.
00:30:52Voilà, merci.
00:30:56Merci, madame la rapporteure.
00:31:03Nous sommes d'accord,
00:31:06je dirais que
00:31:08conceptuellement,
00:31:10tout le monde est d'accord
00:31:12sur deux extrémités
00:31:16du processus.
00:31:18D'un côté,
00:31:20nous sommes d'accord pour dire
00:31:22que notre modèle
00:31:24est que
00:31:27les êtres humains sont libres
00:31:29de concevoir un enfant
00:31:33et que
00:31:35en principe,
00:31:37les parents
00:31:40sont les deux personnes
00:31:42les plus à même
00:31:44de répondre à ces deux
00:31:47motifs
00:31:49de protection de l'enfant,
00:31:51la vulnérabilité
00:31:53et la continuité du monde.
00:31:55Nous sommes aristotéliciens
00:31:58plus que platoniciens.
00:32:00Et nous sommes d'accord pour dire
00:32:02que par exception,
00:32:04quand les parents ne sont pas en capacité
00:32:06d'assumer ces devoirs,
00:32:09la société doit protéger les enfants.
00:32:11A l'autre extrémité,
00:32:13nous sommes d'accord aussi sans doute
00:32:15pour dire que, bien sûr,
00:32:17il faut que
00:32:19la puéricultrice
00:32:22ajuste
00:32:24son évaluation
00:32:26à chaque enfant,
00:32:28comme le juge,
00:32:30comme la psychologue ou le pédopsychiatre,
00:32:33comme chaque professionnel,
00:32:35au cas par cas.
00:32:37Entre les deux,
00:32:39il faudrait que nous soyons
00:32:41capables, me semble-t-il,
00:32:43de voir ce que nous faisons.
00:32:46C'est-à-dire
00:32:48que la somme
00:32:50des décisions d'un juge
00:32:52fait une jurisprudence
00:32:54et que cette jurisprudence
00:32:57se voit et s'analyse.
00:32:59Que la somme des diagnostics
00:33:01et des prescriptions
00:33:03d'un médecin
00:33:05font une clinique.
00:33:08Et que lorsque l'on regarde
00:33:10les professionnels, on s'aperçoit
00:33:12que les enfants victimes
00:33:14d'inceste ne sont crus
00:33:16que
00:33:18lorsqu'ils ont 50 ans ou 60 ans
00:33:21et qu'ils ont pu venir
00:33:23à la civise avant sa fermeture.
00:33:25Que les enfants victimes de violence
00:33:27ne sont soignés
00:33:29que
00:33:32dans une
00:33:34extrême minorité des cas
00:33:36et que
00:33:38ceci est le fait
00:33:40de l'invisibilisation progressive
00:33:43des causes
00:33:45de leur entrée
00:33:47dans les dispositifs institutionnels.
00:33:49C'est donc un problème
00:33:51de repérage,
00:33:54de formation,
00:33:56de culture,
00:33:58mais surtout de loi.
00:34:00Le droit de la famille
00:34:02est devenu
00:34:05un champ de ruines.
00:34:07Il ne dit
00:34:10plus rien
00:34:12et
00:34:14de ce fait
00:34:16il est vulnérable
00:34:18à toute instrumentalisation
00:34:21perverse
00:34:23parce qu'il est possible
00:34:25de tout demander.
00:34:27Lorsque
00:34:29dans une formation
00:34:32à l'école nationale de la magistrature
00:34:34vous avez un pédopsychiatre
00:34:36qui intervient
00:34:38et qui dit
00:34:40qu'il est parfois confronté
00:34:42à des décisions judiciaires
00:34:45qui, pour lui,
00:34:47sur le plan
00:34:49du développement
00:34:51et des besoins des enfants
00:34:53est, dit-il,
00:34:56une décision délirante.
00:35:03L'analyse que je fais
00:35:05n'est pas que c'est la pratique
00:35:07du juge Durand
00:35:09ou de son collègue.
00:35:12C'est que la loi le permet.
00:35:16Et ce n'est pas
00:35:18la présomption d'innocence,
00:35:20ce n'est pas le principe
00:35:22d'égalité devant la loi pénale,
00:35:25ce n'est pas le principe
00:35:27du pouvoir souverain
00:35:29d'appréciation des juges du fond,
00:35:31de la liberté de diagnostic.
00:35:34Qui pourrait cautionner
00:35:36ce qu'un pédopsychiatre
00:35:39appelle un délire.
00:35:45Vous comprenez ?
00:35:47Mon problème,
00:35:49ce que je suis en train de vous demander,
00:35:51c'est de limiter mon pouvoir souverain.
00:35:54On dit que je suis mégalomaniaque.
00:35:56En quoi suis-je un expert reconnu ?
00:35:58Pour cette seule raison.
00:36:00Un enfant
00:36:02est aussi réel que cette table.
00:36:05Je n'ai aucun pouvoir.
00:36:07Si je vous disais
00:36:09que cette table s'appelle une chaise,
00:36:11vous diriez que non seulement
00:36:13je suis mégalomaniaque,
00:36:16mais que je suis délirant.
00:36:18Or, la loi permet
00:36:20que l'on décide,
00:36:22quel que soit notre métier,
00:36:24y compris celui d'éducateur,
00:36:27de juge ou de pédopsychiatre,
00:36:29que le besoin d'un enfant
00:36:31soit autre chose que ce qu'il est,
00:36:33c'est-à-dire la sécurité.
00:36:37La question est,
00:36:41cet enfant est-il en sécurité ?
00:36:44Qui répond à ce besoin de sécurité ?
00:36:46Comment protéger la personne
00:36:48qui répond de manière adéquate
00:36:50à ce besoin de sécurité ?
00:36:52C'est quand même pas le bout du monde
00:36:55d'évaluer ça.
00:36:57Ça peut quand même s'écrire dans la loi.
00:37:00C'est pas très compliqué.
00:37:02Il suffit de dire à l'article 371-1
00:37:04du Code civil
00:37:06l'intérêt de l'enfant,
00:37:09virgule,
00:37:11c'est-à-dire la prise en compte
00:37:13de ses besoins fondamentaux.
00:37:15C'est pas compliqué,
00:37:17c'est pas la fin du monde.
00:37:20Et là, vous résolvez le problème
00:37:22des 4 registres de la parenté.
00:37:24Vous avez parlé de formation.
00:37:26Je vous en remercie infiniment
00:37:28pour votre 1er propos sur le repérage
00:37:30et sur les rendez-vous de dépistage
00:37:33et sur les préconisations de la civise
00:37:35et sur la responsabilité
00:37:37des pouvoirs publics.
00:37:39Si on nous avait maintenu
00:37:41à la civise,
00:37:44le programme de formation
00:37:46que nous avons conçu
00:37:48et que le gouvernement
00:37:50qui nous a nommés
00:37:52a qualifié,
00:37:55a reconnu dans sa qualité,
00:37:57eh bien,
00:37:59nous aurions assuré
00:38:02peut-être la formation
00:38:04de 1 000 ou 2 000 professionnels
00:38:06depuis janvier.
00:38:08Nous étions là.
00:38:13Je le dis
00:38:16avec beaucoup de sérieux et de colère.
00:38:18Vous m'interrogez sur la formation.
00:38:20Ce programme, Mélissa et les autres,
00:38:22sur le repérage
00:38:24et le signalement des enfants victimes
00:38:27reconnu
00:38:29jusqu'à preuve du contraire
00:38:31de manière unanime
00:38:33comme un outil
00:38:35de formation utile
00:38:38et performant.
00:38:42Nous l'aurions
00:38:44diffusé
00:38:46et nous aurions
00:38:48commencé de créer
00:38:51une doctrine
00:38:53de pratique professionnelle.
00:38:56Il n'y a
00:38:58aucun justificatif
00:39:00acceptable
00:39:06expliquant
00:39:09que ce ne soit pas le cas.
00:39:15J'étais mis à la porte
00:39:17et on m'a dit
00:39:19il faut un nouveau souffle.
00:39:21Eh bien,
00:39:24certes,
00:39:26mais pendant ces 6 mois
00:39:29où le livret de formation
00:39:31sur le repérage des enfants violés
00:39:33n'a pas été inscrit
00:39:35dans la formation...
00:39:37Vous imaginez
00:39:40la persévérance qu'il a fallu
00:39:42pour que ce livret s'inscrive
00:39:44dans un plan interministériel de formation ?
00:39:46Vous croyez que c'est tombé du ciel ?
00:39:50Et avant qu'on nous remercie,
00:39:53on nous a donné une journée de formation
00:39:55des formateurs.
00:39:57Décembre, janvier,
00:39:59plus rien.
00:40:01Mais depuis janvier,
00:40:04eh bien c'est 160 000
00:40:06divisés par 2,
00:40:08c'est-à-dire un semestre,
00:40:10c'est-à-dire 80 000 enfants
00:40:12qui auront été victimes de violences sexuelles.
00:40:15Je ne dis pas que le livre
00:40:17à Mélissa et les autres aurait évité.
00:40:19Je dis qu'il aurait
00:40:21structuré la pratique des professionnels
00:40:23à qui vous
00:40:25envoyez une injonction paradoxale,
00:40:28vous, les pouvoirs publics,
00:40:30puisque c'est votre question,
00:40:32qui est faites le maximum
00:40:34sans aide,
00:40:36et si vous le faites,
00:40:39vous risquez d'être sanctionnés.
00:40:41Et les préconisations de la civile,
00:40:43ça aura été quoi ?
00:40:45Oui, au bout du compte, c'est du cas par cas.
00:40:47Mais ce cas par cas est une politique publique.
00:40:50En contrepartie,
00:40:52il faut soutenir les professionnels,
00:40:54c'est-à-dire les protéger
00:40:57contre tout poursuit disciplinaire
00:40:59et garantir une doctrine
00:41:01qui les sécurise dans la pratique.
00:41:03Et ce programme de formation
00:41:05que nous avons conçu,
00:41:08eh bien il guide l'entretien avec un enfant,
00:41:10y compris l'entretien avec un enfant
00:41:12porteur d'un handicap
00:41:14et même d'un handicap cognitif.
00:41:16Est-ce que quelqu'un ici,
00:41:18peut m'expliquer pourquoi,
00:41:21depuis janvier,
00:41:23aucun professionnel n'a été formé
00:41:25à cet outil ?
00:41:30Pourquoi une doctrine ?
00:41:34Parce que l'enfant est le même.
00:41:36L'enfant réel a les mêmes besoins
00:41:38qu'il habite dans le Val-de-Marne
00:41:40ou dans un autre département.
00:41:42Et c'est ça,
00:41:45une politique publique.
00:41:47C'est dire
00:41:49on vous croit
00:41:51se décline dans une action.
00:41:53C'est pourquoi nous avons modélisé
00:41:55un parcours de soins.
00:41:58Parce que lorsqu'on écoute
00:42:00les pédopsychiatres,
00:42:02les psychologues spécialisés
00:42:04dans la clinique de la violence,
00:42:06bien sûr que, comme les juges nous disent,
00:42:09c'est en fonction des besoins
00:42:11de chaque enfant.
00:42:13Mais lorsqu'on évalue une, deux, trois,
00:42:15dix années de pratique clinique,
00:42:17on s'aperçoit qu'on fait
00:42:19à peu près trois séances d'évaluation,
00:42:22dix, quinze séances
00:42:24de stabilisation,
00:42:26dix, quinze séances de soins
00:42:28centrées sur le trauma
00:42:30et trois séances
00:42:33de suite.
00:42:35Eh bien, ça fait un parcours de soins.
00:42:37Le coût du non-soin,
00:42:39le coût de l'impunité des agresseurs,
00:42:41c'est 10 milliards d'euros par an.
00:42:44Le coût des soins spécialisés
00:42:47n'est pas nul.
00:42:49Il ne sera jamais
00:42:51comparable
00:42:53au coût de l'inaction.
00:43:01Ai-je répondu de manière à...
00:43:03Question ?
00:43:05Peut-être juste un point
00:43:07spécifique sur l'ASE
00:43:10et les foyers au niveau de l'accueil
00:43:12quand on découvre,
00:43:14beaucoup plus tard,
00:43:16quand l'enfant est en confiance,
00:43:18qu'il a pu être victime d'inceste.
00:43:20C'est un sujet qui a souvent été abordé
00:43:23en protection de l'enfance.
00:43:25La question qui tournait
00:43:27tout à l'heure était autour
00:43:29de cette parole,
00:43:31peut-être parce que la CV c'est récente,
00:43:34mais ce déni, cette invisibilité
00:43:36des agressions sexuelles des enfants
00:43:38qui, arrivant à l'ASE,
00:43:40ne sont pas protégés,
00:43:42puisqu'ils ne sont pas personnes
00:43:44à cette information, en général,
00:43:47quand ils arrivent en OPP parquet.
00:43:49Ce qui m'a toujours extrêmement surpris
00:43:51et qui se poursuit.
00:43:53C'est pour ça que je posais cette question.
00:43:55C'est en effet l'enjeu crucial
00:43:58du repérage par le questionnement systématique.
00:44:00Et de nombreux enfants
00:44:02entrent dans le dispositif
00:44:04de protection de l'enfance
00:44:06pour d'autres motifs
00:44:08qu'ils subissent.
00:44:11C'est une très grande leçon, d'ailleurs,
00:44:13que je tire de la CV.
00:44:15Le récit des enfants devenus adultes
00:44:17est au-delà de la représentation
00:44:19que l'on s'en fait quand l'enfant le dit.
00:44:22C'est donc que le risque
00:44:24n'est pas de surinterpréter les violences.
00:44:26Le risque vraiment rationnel
00:44:28est d'invisibiliser
00:44:30non seulement la violence elle-même,
00:44:33mais son extrême gravité,
00:44:35c'est-à-dire la cruauté délibérée
00:44:37de l'adversaire.
00:44:39Nous n'avons pas cette information
00:44:41parce que nous ne posons pas la question.
00:44:43C'est la première chose.
00:44:46Et que si on ne dit pas
00:44:48la loi à un enfant victime,
00:44:50il ne peut pas savoir
00:44:52si nous sommes de son côté.
00:44:59Si vous voulez,
00:45:02nous demandons aux enfants victimes
00:45:04de violences, d'incestes,
00:45:06de toute violence sexuelle
00:45:08et de toute violence en général,
00:45:10de nous faire confiance.
00:45:12Nous leur disons,
00:45:15faites-nous confiance, surtout dîtes-le-nous.
00:45:17A l'instant même où ils nous font confiance,
00:45:19nous posons sur leur visage
00:45:21le masque de l'enfant menteur.
00:45:26L'enfant se tait à jamais.
00:45:29Et puis,
00:45:31après 4 ou 5 placements,
00:45:33quand il est en sécurité,
00:45:35quand il est en sécurité,
00:45:37il va dire,
00:45:39pourquoi ne m'avez-vous pas écouté ?
00:45:42Je vous donne un exemple très simple.
00:45:44Une adolescente,
00:45:46quand j'étais juge des enfants
00:45:48dans un autre tribunal,
00:45:50dont on s'est rendu compte
00:45:53qu'elle était victime
00:45:55du système prostitutionnel.
00:45:57Et donc tout le monde lui disait,
00:45:59ton corps, le respect, ta dignité, etc.
00:46:01Puis au bout d'un moment, elle a dit,
00:46:03quand 15 garçons m'ont violée dans une cave,
00:46:06et évidemment c'est pas ces moufleries qu'elle a utilisées,
00:46:08personne n'en avait rien à faire.
00:46:10Maintenant,
00:46:12je fais n'importe quoi avec mon corps
00:46:14et c'est un problème pour vous ?
00:46:17Nous regardons le symptôme
00:46:19de la violence et du trauma.
00:46:21Et
00:46:23nous ne sommes pas intéressés
00:46:25par la violence qui en est la cause.
00:46:28Parce que
00:46:30nous la tolérons.
00:46:32Elle nous rend fiers.
00:46:37Alors, on a une série de questions
00:46:39de la part de mes collègues.
00:46:41Mme Rouleau, Mme Dufour, Mme Lebon,
00:46:43et M. Walter et M. Fournier.
00:46:45Mme Rouleau qui avait sollicité en premier.
00:46:48Allez-y.
00:46:50En essayant de faire court pour qu'on puisse avoir des...
00:46:52Non, non, pas de problème.
00:46:54On peut déborder un peu, mais pas trop.
00:46:56Merci, Mme la présidente.
00:46:59Je vais quand même prendre le temps de dire combien
00:47:01j'ai eu la chance de vous entendre.
00:47:03Comme d'habitude, nous avons eu la chance de vous entendre
00:47:05en commission des lois déjà.
00:47:07J'ai eu la chance d'avaler votre livre
00:47:09Défendre les enfants.
00:47:12Je suis extrêmement malheureuse que vous ne soyez plus
00:47:14présidente de la CIVIS,
00:47:16mais peut-être avez-vous dit
00:47:18trop de choses vraies.
00:47:20Voilà.
00:47:23Bien. En tout cas,
00:47:25même si vous n'êtes plus président,
00:47:27vous oeuvrez toujours pour les enfants
00:47:29à continuer à vous écouter,
00:47:31à vous admirer
00:47:34et à être de votre côté
00:47:36pour le bien des enfants.
00:47:38Alors, dans votre livre,
00:47:40permettez-moi quand même de lire un extrait.
00:47:42On vous pose la question.
00:47:45C'est un livre qui se fait sous forme de...
00:47:47C'est Défendre les enfants.
00:47:49Ça se fait sous forme d'interrogation.
00:47:51C'est quelqu'un qui vous interroge
00:47:53à travers votre expérience de juge des enfants.
00:47:56Et on vous dit...
00:47:58C'est trop long. Et on dit...
00:48:00On vous interroge.
00:48:02Parce que la loi reste insuffisamment protectrice
00:48:04à vos yeux, et vous répondez...
00:48:06J'ai souvent entendu François Mones,
00:48:09procureur général près la Cour de cassation,
00:48:11dire qu'il y a tout dans la loi.
00:48:13Ce qu'il faut désormais, c'est qu'elle soit mise en oeuvre.
00:48:16Et à ce moment-là, vous ajoutez,
00:48:18c'est tout à fait vrai, mais je pense que des progrès
00:48:20sont encore nécessaires dans la loi elle-même.
00:48:22Et plus loin, on vous pose la question,
00:48:24voulez-vous dire que la loi,
00:48:26à partir de ce changement récent,
00:48:29vous parliez d'une loi récemment adoptée,
00:48:31favorise l'impunité des agresseurs d'enfants ?
00:48:35Et vous répondez, elle la permet, clairement.
00:48:38Elle la rend possible en laissant trop de marge d'interprétation
00:48:41à ce que vous avez dit tout à l'heure.
00:48:44Et je voulais aussi rappeler vos propos que vous avez eus
00:48:46à la Commission des lois, où vous nous avez dit,
00:48:49vous vous rendez compte, avec des mots très savamment choisis,
00:48:52et vous vous exprimez un million de fois mieux que moi,
00:48:54mais vous avez dit, en gros,
00:48:56on laisse l'enfant dans la gueule du loup.
00:48:59Voilà. Alors, effectivement, moi, je fais partie de ces députés,
00:49:02et heureusement, je ne suis pas la seule,
00:49:04à vouloir améliorer les choses.
00:49:06Alors, pensez-vous, j'en arrive un petit peu à mes questions,
00:49:09pensez-vous qu'il faille qu'un avocat puisse être désigné
00:49:14dès qu'on a connaissance de violence
00:49:17ou même dès qu'on a connaissance de signalement
00:49:21sur des maltraitances qui seraient faites à des enfants,
00:49:24qu'un enfant soit automatiquement désigné,
00:49:26avant même, d'ailleurs, toute procédure,
00:49:28dès qu'il y a une doute, une suspicion de...
00:49:31Suspicion, plutôt, de maltraitance ?
00:49:34Première question.
00:49:36Deuxièmement, pensez-vous qu'on pourrait aussi...
00:49:39Alors, c'est pas simple, parce que l'enfant est un mineur,
00:49:41j'entends bien, mais demander son consentement,
00:49:45faire une condition du droit de visite au débergement
00:49:48ou du placement dans tel ou tel foyer
00:49:50ou telle famille d'accueil,
00:49:52est-ce qu'on ne pourrait pas recueillir
00:49:55le consentement de l'enfant à partir d'un certain âge ?
00:49:58Ou qu'avez-vous à dire à ce sujet
00:50:01sur le consentement de l'enfant sur son hébergement ?
00:50:06Ensuite, je terminerai par la dernière question.
00:50:11Je voulais que vous nous fassiez part
00:50:13de votre expérience de juge
00:50:16et m'expliquer un petit peu,
00:50:18parce que, je suis désolée, je le répète encore une fois,
00:50:20dans mon département,
00:50:21j'ai eu des cas de maltraitance,
00:50:23c'est notamment d'un enfant
00:50:24qui avait fait l'objet de neuf signalements
00:50:27et de trois informations préoccupantes.
00:50:29Et puis, apparemment, un juge des enfants
00:50:31n'a peut-être pas été saisi, je n'en sais rien,
00:50:33je n'ai pas le dossier,
00:50:34mais, en tout cas, il s'est retrouvé mort dans une machine à laver
00:50:36alors qu'il était encore chez ses parents.
00:50:39Voilà.
00:50:40Donc, je voudrais votre expérience de magistrat.
00:50:42Est-ce que ça vous est arrivé de voir des cas similaires
00:50:45et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour éviter ça ?
00:50:48Merci infiniment.
00:50:49Je suis désolée pour mes longues questions.
00:50:53Madame Dufour.
00:50:54Très vite.
00:50:55Non, mais c'est un peu dans la suite.
00:50:57Donc, en tant que maintenant président
00:51:01du tribunal de Pontoise,
00:51:03avez-vous des remontées sur beaucoup de mesures
00:51:05qui ne sont pas exécutées,
00:51:07notamment quand elles sont prononcées
00:51:08pour des questions de violence sexuelle dans les familles,
00:51:13donc par les départements,
00:51:15y compris dans le cadre de votre sort ?
00:51:18Arrivez-vous à suivre, justement,
00:51:20c'est à madame Santiago qu'on a parlé,
00:51:21les cas de VSS dans les lieux d'accueil
00:51:24et les lieux de placement ?
00:51:26Et est-ce qu'on connaît aussi des cas,
00:51:28parce que moi, j'en ai entendu parler,
00:51:29de juges qui renoncent par moments à des placements
00:51:31où ça devient difficile d'évaluer le risque,
00:51:34c'est-à-dire le risque qu'ouvre l'enfant dans sa propre famille
00:51:36quand il n'y a pas eu de passage à l'acte encore,
00:51:37mais qu'on ne sait pas exactement ce qu'il en est,
00:51:40et l'état de certaines structures
00:51:42dans lesquelles il pourrait se retrouver ?
00:51:44Et donc, du coup, choisir entre deux risques
00:51:46et ne plus arriver à bien distinguer
00:51:49ce qui est le mieux, entre guillemets, pour l'enfant.
00:51:51Vous parlez de parcours de soins, c'était très, très clair,
00:51:53c'est la 1re fois, moi, que j'entends
00:51:55une feuille de route aussi claire, en tout cas,
00:51:58en termes de pédopsychiatrie pour essayer de guérir le trauma.
00:52:02On en est très, très loin dans la pratique,
00:52:04puisque moi, par exemple,
00:52:06dans des établissements de mon département,
00:52:08les jeunes qui sont placés en MEX
00:52:10ont accès à un psychiatre à peu près toutes les 5 semaines,
00:52:15en moyenne.
00:52:16Donc on voit que le parcours de soins que vous décrivez,
00:52:19il va prendre des années, et souvent, il arrive trop tard.
00:52:22Donc voilà, si vous avez un regard là-dessus,
00:52:24effectivement, vous avez chiffré l'enveloppe que ça représente.
00:52:27On a aussi un sujet d'offre, entre guillemets, de travailleurs,
00:52:31où on manque de ressources aujourd'hui.
00:52:34Et je ne sais pas votre regard là-dessus aussi
00:52:37sur les conditions de travail des psychiatres
00:52:39en termes de rémunération, etc., dans les structures d'accueil,
00:52:42et savoir si c'est peut-être pas très attractif
00:52:44par rapport aux privés, enfin, aux libérales.
00:52:48Et nous avons... Enfin, on nous a remonté.
00:52:50Vu que les juges pour enfants sont complètement débordés,
00:52:53il arrive qu'il y ait des jugements de reconduite,
00:52:56notamment de placement,
00:52:58qui sont faits sans voir l'enfant et sans voir les éducateurs.
00:53:02Est-ce que ça, ça vous est déjà arrivé ?
00:53:04Et est-ce que, là, on n'est pas clairement
00:53:07dans une des violations,
00:53:09dans des principes les plus fondamentaux du droit,
00:53:11c'est-à-dire le droit au contradictoire ?
00:53:13Et à ma connaissance, moi, j'ai jamais entendu parler
00:53:15d'un autre secteur judiciaire où ça peut arriver.
00:53:17Alors après, peut-être que c'est très, très rare,
00:53:19mais voilà, j'aimerais avoir votre avis là-dessus.
00:53:21Je vous remercie.
00:53:26Oui, merci, madame la présidente.
00:53:28M. le juge, on nous demande de faire vite,
00:53:30donc je me contenterai de vous redire ma gratitude
00:53:33et mes remerciements et pour votre présentation d'aujourd'hui
00:53:36et, j'ai envie de dire, pour l'ensemble de votre oeuvre.
00:53:39J'aurai 2 petites questions
00:53:42que je vais essayer de faire rapide.
00:53:43La 1re, c'est votre sentiment
00:53:45sur les dernières annonces de Gabriel Attal,
00:53:48en particulier sur la question de la comparution immédiate,
00:53:51du placement court en foyer
00:53:55et de revenir sur la question
00:54:00de l'excuse de minorité.
00:54:023 points qui me semblent absolument prégnants
00:54:05dans les questions qui nous concernent aujourd'hui.
00:54:08Et puis la 2e question portera sur le rôle des experts.
00:54:14En particulier, vous avez beaucoup parlé
00:54:16de la question des parents protecteurs,
00:54:17en particulier des mères protectrices.
00:54:20Et dans les affaires de violence sexuelle,
00:54:23qu'elles soient vis-à-vis de mineurs,
00:54:25mais même parfois de jeunes majeurs,
00:54:27j'ai eu énormément de retours sur le rôle des experts
00:54:30qui, dans la suite de ce que disait Alma Dufour tout à l'heure,
00:54:34parfois rendent leur rapport d'expertise
00:54:36sans avoir rencontré, par exemple, la mère,
00:54:39avec des qualifications qu'on a parfois du mal à évaluer.
00:54:45Et énormément de ces experts
00:54:48semblent encore établir leurs expertises
00:54:51en considérant le syndrome d'aliénation parentale
00:54:54ou le mensonge des mères comme la base de leur pensée.
00:54:59Dernier point toujours sur les experts.
00:55:01Quand ils rencontrent, je dis ils,
00:55:04parce que les retours que j'ai, ce sont souvent des hommes,
00:55:08de jeunes femmes agressées,
00:55:12bientôt plus mineurs ou très jeunes majeurs,
00:55:14j'ai eu plusieurs fois des retours sur des questionnements
00:55:17sur la sexualité de ces jeunes femmes
00:55:19et sur la remise en cause de cette sexualité,
00:55:21un peu comme si elles étaient coupables
00:55:23de l'agression qu'elles avaient subie.
00:55:25Et donc il me semble que la question
00:55:28de la place de ces experts dans les parcours judiciaires,
00:55:31dans la reconnaissance de culpabilité
00:55:33est une véritable problématique.
00:55:35J'ai interrogé récemment Eric Dupond-Moretti
00:55:37sur cette question, je n'ai pas de réponse pour le moment.
00:55:39J'aimerais avoir la vôtre. Je vous remercie.
00:55:42Merci, madame Lebon. Juste, si je peux me permettre,
00:55:44sur la 1re partie, sur les annonces gouvernementales,
00:55:47on est vraiment dans le cadre de la commission d'enquête
00:55:48sur la protection de l'enfance.
00:55:50Je préfère qu'on recadre. C'est hors sujet.
00:55:52Et je ne voudrais pas que ce soit au détriment
00:55:53d'autres questions, d'autres parlementaires
00:55:56qui vont intervenir juste après.
00:55:58Si vous me permettez...
00:56:01Si vous me permettez, je vais juste répondre là-dessus,
00:56:03mais je veux bien que le juge ne réponde pas dans ces cas-là.
00:56:06Il me semble que la question de l'excuse de minorité,
00:56:08il me semble que la question
00:56:10de la comparution immédiate des mineurs
00:56:13et il me semble que la question des courts séjours en foyer
00:56:16comme sanction pénale sont au coeur de la problématique
00:56:19de la protection de l'enfance.
00:56:22Merci, madame la présidente.
00:56:24M. le juge, merci.
00:56:26A mon tour de vous remercier pour vos travaux
00:56:28et pour être devant nous aujourd'hui,
00:56:30pour votre retour de France de la civise aussi,
00:56:32auquel j'ai eu la chance de participer
00:56:35à l'île de la Réunion,
00:56:37puisque vous évoquiez tout à l'heure le fait
00:56:38que l'on doit faire quelque chose de la parole des enfants,
00:56:41la parole que l'on recueille.
00:56:43Est-ce que l'ASE en a les moyens ?
00:56:45Est-ce qu'il y a des différences notables
00:56:47en fonction des départements et des partis qui les dirigent ?
00:56:50Parce que le manque de moyens financiers,
00:56:53c'est régulièrement de justification
00:56:55quand on aborde les sujets de la protection de l'enfance
00:56:57au sens large.
00:56:58Pensez-vous qu'il ne s'agit que d'argent ?
00:57:01Et en tant que juge, finalement,
00:57:04avez-vous confiance en l'aide sociale à l'enfance ?
00:57:07Les 82 préconisations qui ont été formulées par la civise
00:57:10en fin 2023, pour l'instant,
00:57:13n'ont pas été prises en compte
00:57:14pour le moment de la part du gouvernement.
00:57:16C'est même plutôt l'inverse, car on voudrait couler la civise
00:57:19qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
00:57:21Qui sont finalement les gardiens de cette justice
00:57:23qui n'agit pas souvent dans l'intérêt des enfants et des femmes ?
00:57:28Je rebondis sur la situation... Enfin, les experts.
00:57:31Les experts qui, bien souvent, rendent des rapports d'expertise
00:57:33en disant à quel point monsieur est courageux
00:57:36et à quel point madame semble dépassée
00:57:38par son rôle de maire.
00:57:42Régulièrement, des décisions et des condamnations dérisoires
00:57:45sont décidées dans des affaires de violence physique, sexuelle
00:57:49et ou conjugale.
00:57:51Donc, quel est votre avis sur le sujet ?
00:57:53Et êtes-vous soutenus par vos collègues magistrats,
00:57:56notamment lorsqu'il s'agit de la limitation
00:57:58de votre pouvoir souverain ?
00:58:00Je vous remercie.
00:58:01Et enfin, monsieur Fourni.
00:58:03Merci beaucoup à mon tour de me joindre
00:58:05au remerciement pour vos travaux,
00:58:07votre parole qui compte beaucoup
00:58:09et qui, je crois, fait référence pour beaucoup de professionnels
00:58:11bien au-delà de la justice.
00:58:13Et dire qu'il y a une invisibilisation,
00:58:17aujourd'hui, des violences sexuelles
00:58:18dans l'aide sociale à l'enfant,
00:58:19je crois que c'est malheureusement partagé,
00:58:21avec une prévalence de ces violences avant le placement,
00:58:25mais aussi une augmentation croissante après le placement,
00:58:27ce qui pose quand même une question majeure.
00:58:29D'ailleurs, voilà, ça renvoie...
00:58:30Est-ce que nous sommes dans l'accommodation aux aléas,
00:58:32si je reprends votre formule,
00:58:34ou dans le manque d'anticipation ?
00:58:36Mais il y a une étude que vous connaissez,
00:58:38qui a été faite par l'Observatoire des violences faites aux femmes
00:58:41en Seine-Saint-Denis,
00:58:43qui indiquait que sur 100 mineurs victimes,
00:58:4657 qui avaient été victimes de violences
00:58:48pendant leur placement,
00:58:4915 avaient été agressés ou violés
00:58:51lors des droits de visite et d'hébergement
00:58:53décidés par le juge.
00:58:55Ma question est simple. Comment est-ce possible ?
00:58:57Comment peut-on se retrouver dans une telle situation
00:59:00où des enfants vont encore être victimes de violences sexuelles
00:59:04pendant ce placement et pendant ces droits de visite ?
00:59:07Vous constatez vous-même, en réaction d'ailleurs à ce rapport,
00:59:09qu'il est peu fréquent que les départements
00:59:11prennent à bras le corps cette question.
00:59:13Diriez-vous qu'il y a aujourd'hui
00:59:15une certaine forme de silence
00:59:17de la part de certains départements ou des départements
00:59:20face aux violences sexuelles subies par les enfants ?
00:59:22Est-ce que la question du manque de moyens
00:59:24est évidemment un élément de réponse,
00:59:27mais est-ce que c'est un élément de réponse central ?
00:59:29Et puis la question a été posée à d'autres moments.
00:59:31Faudrait-il recentraliser l'aide sociale à l'enfance ?
00:59:35Je voulais la reposer
00:59:37et vous entendre sur cette question-là.
00:59:42Vous avez quelques questions ?
00:59:47Pardon.
00:59:52Evidemment, je commencerai, mesdames et messieurs les députés,
00:59:55par vous remercier
01:00:00de ce que je reçois comme un encouragement
01:00:03et qui est important pour moi.
01:00:09Vos interrogations sur les moyens,
01:00:14sur la recentralisation,
01:00:19sur les experts,
01:00:27me semble-t-il, peuvent se regrouper
01:00:30dans un point qui est important pour moi
01:00:33et qui correspond à ce que j'appelle la doctrine.
01:00:37Alors, il faudrait peut-être trouver un autre mot que doctrine.
01:00:44Ligne d'action.
01:00:48Si doctrine, endoctrinement, le gourou,
01:00:53bon, je préfère éviter désormais.
01:00:56Donc, plutôt que doctrine, je propose politique publique.
01:01:01C'est-à-dire un choix
01:01:06pour l'avenir qui structure
01:01:11une action institutionnelle, une pratique sociale
01:01:16en direction de personnes en chair et en os.
01:01:25Qu'il s'agisse d'experts ou de juges,
01:01:29c'est bien une question de doctrine ou de politique publique.
01:01:33Et pas une question de moyens.
01:01:37Ne pas humilier une personne
01:01:41en la soumettant à, j'ai lu ça,
01:01:46ça m'a beaucoup choqué, une forme de reconstitution du viol.
01:01:51Ou une interrogation sur sa vie sexuelle, son intimité.
01:01:57Ou en inversant la culpabilité
01:02:02par l'accusation de la mère trop protectrice, fusionnelle ou aliénante.
01:02:08Le recours au syndrome d'aliénation parentale.
01:02:13Les droits de visite et d'hébergement pendant lesquels
01:02:16les enfants subissent de nouvelles violences alors qu'ils sont
01:02:21confiés à l'aide sociale à l'enfance pour être protégés.
01:02:25Confiés à l'aide sociale à l'enfance pour être protégés.
01:02:29Ce n'est pas une question de moyens,
01:02:32ça l'est bien sûr, ça l'est toujours,
01:02:34c'est une question de politique publique.
01:02:41On ne peut pas dire à la fois qu'il faut protéger les enfants,
01:02:46mais accepter qu'on dise dans la plupart des cas
01:02:51si un enfant révèle des violences c'est qu'il est manipulé ou manipulateur.
01:02:56On ne peut pas écrire dans un jugement à la fois
01:03:02qu'un enfant est confié à l'aide sociale à l'enfance
01:03:07parce qu'il est victime de violences
01:03:10et qu'il faut qu'il retourne dans ce lieu-là sans protection.
01:03:17C'est une question de politique publique.
01:03:20Quand je dis que le droit de la famille est devenu un champ de ruines,
01:03:23il ne faut pas que soit possible, tout est son contraire.
01:03:28Alors on dira, mais pourquoi
01:03:32récuser le concept d'aliénation parentale
01:03:36plutôt que le tolérer dans les pratiques ?
01:03:41Eh bien, il me semble que
01:03:45nous élisons des représentants pour faire ce choix.
01:03:51Et que vous tracez la route qui est celle de l'intérêt général.
01:03:58Et que je vous propose de récuser ce concept dangereux d'aliénation parentale.
01:04:04Il est vrai que la question des moyens
01:04:08est une question que l'on ne peut pas évacuer.
01:04:14Parce que
01:04:21il faut du temps
01:04:24pour être formé.
01:04:28Du temps
01:04:31pour développer une compétence.
01:04:34Du temps
01:04:36pour structurer une équipe professionnelle.
01:04:41Du temps pour, vous parlez de la Seine-Saint-Denis,
01:04:44du temps pour construire un partenariat qui tient dans la durée.
01:04:50Du temps
01:04:52pour
01:04:54développer des soins spécialisés du psychotraumatisme.
01:04:58Et que ce temps
01:05:01c'est aussi une question de moyens.
01:05:07On me dit que
01:05:12il est très difficile de recruter de manière stable
01:05:16des professionnels dans les dispositifs de protection de l'enfance
01:05:20parce qu'il y a beaucoup de professionnels qui sont en intérim.
01:05:25Comment se fait-il que ces métiers
01:05:28qui font l'honneur de la société
01:05:31ne soient plus attractifs ?
01:05:35Où vont nos priorités ?
01:05:39Alors
01:05:42c'est une question aussi de moyens
01:05:45de la même manière
01:05:47pour les prorogations de mesures
01:05:51sans audience.
01:05:55Ça n'est jamais qu'une question de moyens
01:05:59parce que vous pourrez multiplier les nombres de professionnels par 2, 3, 4, 5
01:06:04s'ils n'ont pas cette doctrine ou cette politique publique
01:06:07le risque restera le même.
01:06:09Mais recevoir l'enfant en audience
01:06:13après la question de la doctrine
01:06:16c'est une question de temps.
01:06:18C'est sûr.
01:06:21Et vous avez d'ailleurs sur la parole des enfants
01:06:24le travail de
01:06:26M. Gauthier Arnaud Melchior
01:06:28qui a fait le tour de France
01:06:30des dispositifs de protection de l'enfance
01:06:32que vous avez peut-être auditionné d'ailleurs
01:06:34et à qui je rends
01:06:36un hommage appuyé.
01:06:38Alors je l'ai sous les yeux
01:06:40et je réponds à une question très rapide
01:06:42parce que c'est une question fermée.
01:06:44J'ai confiance dans l'aide sociale à l'enfance
01:06:46et ces professionnels font mon admiration.
01:06:51Mais
01:06:53il faut qu'ils prennent davantage en compte
01:06:56les besoins fondamentaux des enfants
01:06:58les 4 registres de la parenté
01:07:00et les 4 configurations conjugales
01:07:02et qu'ils ne fassent pas courir de risque aux enfants.
01:07:04Comment se fait-il que des enfants
01:07:06signalés
01:07:08soient
01:07:10assassinés
01:07:12dans leur maison ?
01:07:14Comment se fait-il
01:07:16que des enfants qui font
01:07:19qui bénéficient d'une mesure de protection
01:07:22rentrent le week-end
01:07:24dans la maison où on les viole ?
01:07:28Parce que
01:07:30nous ne voulons pas tirer les conséquences
01:07:33de ce que signifie le mot protéger
01:07:36qui est
01:07:38anticiper le risque.
01:07:46Je crois qu'un président de la République
01:07:47avait dit à propos d'un autre problème
01:07:49la maison brûle et nous regardons ailleurs.
01:07:53Et bien
01:07:55d'une certaine manière
01:07:57pardon de dire ça
01:07:59la civise avait été créée pour ça
01:08:01pour dire la maison brûle et nous regardons ailleurs.
01:08:05Quand il y a un signe
01:08:08il y a un risque.
01:08:11Sur qui faisons-nous porter le risque ?
01:08:14Si c'est sur l'enfant
01:08:15c'est que la réponse est mauvaise.
01:08:24Alors sur l'exécution des placements
01:08:30je
01:08:32j'ai signé lorsque j'étais juge des enfants à Bobigny
01:08:35la tribune des juges des enfants de Bobigny
01:08:37qui était intitulée le bateau coule
01:08:42et je maintiens bien sûr
01:08:46je ne pense pas qu'aucun professionnel
01:08:49de la protection de l'enfance assumerait
01:08:52de ne pas exécuter une décision prise en urgence
01:08:56qui serait motivée par
01:08:59la violence.
01:09:02Mais combien de temps cette mesure va-t-elle durer ?
01:09:09Une adolescente ou un adolescent
01:09:12révèle à
01:09:15sa prof principale ou son CPE
01:09:18qu'elle est victime de violence chez elle.
01:09:21Il me semble que
01:09:24raisonnablement
01:09:26dans les deux heures qui suivent
01:09:28elle sera confiée en urgence à l'aide sociale à l'enfance
01:09:31de son département par le procureur de la République
01:09:33et qu'elle sera accueillie
01:09:35dans les lieux d'accueil d'urgence.
01:09:41Il est raisonnable de dire
01:09:45que dans les huit jours
01:09:47elle dira
01:09:49j'ai exagéré, je veux rentrer à la maison.
01:09:53Et là se pose la question de la doctrine
01:09:56ou de la politique publique
01:09:58et de la parole de l'enfant
01:10:01qui selon les quatre configurations familiales
01:10:04en tant qu'absence-conflit-violence
01:10:06doit être prise en compte d'une manière spécifique
01:10:10car l'enfant victime qui dit
01:10:13je veux rentrer à la maison
01:10:15s'il est victime de violence
01:10:17il faut entendre sa parole
01:10:19mais le protéger quand même.
01:10:22Et il est assez probable
01:10:25que pour plusieurs raisons
01:10:28le dispositif dise
01:10:31à encore une qui a menti.
01:10:35C'est reporter le risque sur l'enfant.
01:10:40Il est tragique évidemment
01:10:42que des professionnels
01:10:44soient mis en situation
01:10:46de choisir entre deux périls
01:10:49la maison de la violence
01:10:52ou
01:10:54la maison de protection
01:10:56qui est aussi
01:10:58un lieu autour duquel rôdent les proxénètes.
01:11:05Il me semble que
01:11:09je dois dire que je ne raisonne pas de cette façon.
01:11:12Quand il y a la certitude du risque dans la maison
01:11:16il n'est pas possible de dire
01:11:18mieux vaut ce risque que
01:11:20le risque que les éducateurs
01:11:22ne soient pas suffisamment contenants.
01:11:24Mais bien sûr que c'est un problème social considérable
01:11:29de se dire que des proxénètes rôdent autour des foyers.
01:11:34Vous savez je pense à quelque chose
01:11:36qu'un jour
01:11:38j'étais à Marseille
01:11:40je rentre chez moi un dimanche
01:11:42je garde la voiture dans mon garage
01:11:44en sortant de mon garage
01:11:46je vois une petite fille
01:11:48qui n'avait pas 14 ans
01:11:50et qui était sur le trottoir
01:11:52littéralement je n'emploie pas cette expression
01:11:55mais que je trouve là dans l'espace public
01:11:57et qui était victime de prostitution.
01:12:00Et
01:12:04comme tout le monde j'ai dit
01:12:06j'ai vu quelque chose ou je n'ai rien vu.
01:12:09Une seconde plus tard j'ai dit
01:12:11j'ai vu quelque chose
01:12:12donc je vois une voiture de police
01:12:14je cours chercher les policiers
01:12:16donc ils vont chercher la jeune fille
01:12:17et puis ils voient
01:12:18ils prennent en photo la voiture des proxénètes
01:12:21et je me dis mais il faut les prendre.
01:12:29Longtemps
01:12:31puisqu'on les voit
01:12:34et qu'après on dira tout le monde savait
01:12:36comme tout le monde savait c'est que tout le monde le sait
01:12:38donc c'est pas une question de principe.
01:12:43Ai-je répondu à toutes les questions
01:12:46et de manière cohérente ?
01:12:52La recentralisation, l'avocat et la procédure pénale
01:12:56la recentralisation
01:12:58ce qui est important pour moi
01:13:01c'est
01:13:04la cohérence d'une pensée
01:13:09je vous laisse juger
01:13:13des moyens
01:13:15si l'aléa
01:13:17est reporté
01:13:20des différences entre les départements
01:13:23aux différences entre les directions
01:13:25décentralisées
01:13:27vous ne répondrez pas à mon problème.
01:13:30Je pense que c'est une politique d'état
01:13:33oui
01:13:35et l'une des plus éminentes et des plus nobles
01:13:39déconcentrée pardon pas décentralisée
01:13:43qu'elle soit décentralisée
01:13:46je suis incompétent pour le dire
01:13:49qu'elle soit cohérente
01:13:51qu'elle soit nationale
01:13:53que l'enfant soit le même où qu'il vive
01:13:55c'est bien le minimum que nous leur devons.
01:14:03Il y avait l'avocat
01:14:06oui j'aurais dû l'incorporer dans la question de la doctrine
01:14:19il ne faut pas multiplier l'aléa
01:14:22dans l'interprétation
01:14:24dans le regard sur le risque
01:14:27il faut au contraire
01:14:31éviter sa dilution
01:14:36avocat, administrateur ad hoc
01:14:42oui le rôle de l'avocat
01:14:44est de porter la parole de son enfant
01:14:47pas d'interpréter
01:14:50l'intérêt de l'enfant
01:14:53me semble-t-il
01:14:55et enfin
01:14:58sur le lien
01:15:02le droit pénal de l'enfance
01:15:06est la démonstration
01:15:11de la pensée
01:15:16du rapport entre le privé et le public
01:15:21du lien entre la disparition
01:15:24du droit de correction paternelle
01:15:28et du fait qu'il est assumé
01:15:31par la société comme ordre public
01:15:35d'une manière adaptée
01:15:37aux enfants
01:15:39et le droit pénal de l'enfance
01:15:41est né à la demande des mères
01:15:43des ligues des femmes de Chicago
01:15:45qui ont dit nous voulons que nos enfants
01:15:47soient jugés d'abord en tant qu'enfants
01:15:58le premier enfant que j'ai mis en prison
01:16:01s'est pendu dans sa cellule
01:16:05il n'est pas mort
01:16:10le deuxième enfant
01:16:12je ne l'ai pas mis en prison
01:16:15et il a commis
01:16:18une autre infraction
01:16:28et depuis 20 ans je continue
01:16:31à essayer
01:16:35de ne pas autoriser les enfants
01:16:41à détruire la vie des autres
01:16:44les enfants délinquants
01:16:47et à permettre aux enfants
01:16:50même aux enfants délinquants
01:16:52à devenir des citoyens
01:16:54il me semble
01:16:56qu'il est parfois indispensable
01:16:58de contenir
01:17:00les enfants
01:17:03qui ne sont pas capables
01:17:06de contenir leur pulsion
01:17:12et
01:17:14j'ai vu des enfants
01:17:17qui ont été
01:17:19éliminés
01:17:21j'ai vu des enfants
01:17:23qui se sont mis
01:17:25à penser
01:17:27et même à parler
01:17:29à parler
01:17:33parce qu'ils étaient
01:17:36contenus
01:17:39entre les quatre murs d'une cellule
01:17:44que c'est
01:17:47la contention du corps
01:17:50qui a libéré
01:17:52la pensée et le langage
01:17:57et
01:17:59je dois dire qu'il a fallu que
01:18:03j'allais dire je me fasse violent c'est un peu exagéré mais
01:18:06ce n'était pas ma pente naturelle vous voyez
01:18:11c'est
01:18:14avoir
01:18:16vu la gravité des violences faites aux enfants
01:18:19m'a fait penser la gravité de toute violence
01:18:23y compris comme la semaine dernière
01:18:25des violences conjugales entre enfants
01:18:31mais appliquer aux enfants
01:18:35des règles qui concernent
01:18:37les adultes
01:18:39ne me paraît pas possible
01:18:41pourquoi
01:18:43parce qu'on ne peut pas
01:18:46démembrer
01:18:49l'enfance elle-même
01:18:52et c'est pourquoi d'ailleurs
01:18:56je ne suis pas du tout favorable
01:19:00à ce qui est présenté comme un progrès
01:19:03c'est-à-dire
01:19:05l'extension du domaine de l'autonomie de l'enfant
01:19:10permettre à l'enfant
01:19:12avant sa majorité
01:19:14d'exercer des droits d'adultes de plus en plus
01:19:17de plus en plus librement au sens d'une société de marché
01:19:21c'est-à-dire sans protection
01:19:23et sans accompagnement
01:19:26et si un enfant est pénalement majeur
01:19:30à partir de 16 ans
01:19:32et bien il faudra qu'il le soit civilement aussi
01:19:35et si un enfant est civilement majeur à partir de 16 ans
01:19:38et bien il faudra qu'il le soit pénalement aussi
01:19:41et si un enfant est reconnu
01:19:43juridiquement capable de saisir lui-même
01:19:46le juge aux affaires familiales quand ses parents divorcent
01:19:49comme certains l'ont proposé
01:19:51non mais il faut quand même
01:19:53et bien il faudra en tirer des conséquences sur le plan pénal
01:19:57l'enfance ne se démembre pas
01:19:59notre regard sur l'enfant
01:20:01et sur notre responsabilité à son égard
01:20:04le concept de majorité sexuelle à 15 ans
01:20:07est un concept erroné
01:20:09et profondément pervers
01:20:12ça il n'existe pas
01:20:14et il traduit une inverse
01:20:17un regard qui est un regard inacceptable sur l'enfant
01:20:22et si on veut protéger l'enfant de ce concept de majorité sexuelle
01:20:26et bien il faut aussi reconnaître que
01:20:29jusqu'à sa majorité
01:20:32il doit être considéré et traité comme un enfant
01:20:35y compris quand il transgresse
01:20:37ce qui ne veut pas dire la complaisance
01:20:43et je...
01:20:46à chaque fois que j'ai mis un enfant en prison
01:20:48je peux vous dire que
01:20:53que je l'ai fait en ayant parfaitement conscience
01:20:56de l'extrême gravité de mon geste
01:20:59mais je l'ai fait
01:21:05un grand merci
01:21:07merci beaucoup pour le temps consacré à cette commission d'enquête
01:21:10merci beaucoup
01:21:12merci à vous