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L’avenir de la Corée du Nord passe par une femme. Elle n’est pas seulement la sœur de Kim Jong-un mais bien la tête pensante du royaume des Kim. Ce fascinant portrait de Kim Yo-jong, véritable polar d’espionnage, est nécessaire. Celle qui pourrait devenir la première dictatrice de l’histoire est désormais au centre du jeu. Et elle semble bien décidée à jouer.
Transcription
00:00C'est plus un genre de monarchie dirigée par les Kim qu'un véritable pays socialiste.
00:25Quand vous avez un pays comme la Corée du Nord, décidé à se doter de l'arme nucléaire, vous pouvez négocier pour l'éternité, mais jamais vous n'obtiendrez qu'ils renoncent à leur armement.
00:39Les Nord-Coréens tentent de décrire Kim Yo Jong comme cette jeune femme intrépide, forte, audacieuse, parfois menaçante, parfois séductrice.
00:47Kim Yo Jong est la femme la plus puissante, pas seulement dans l'histoire contemporaine de la Corée du Nord, mais peut-être dans toute l'histoire coréenne.
01:17La Corée du Nord est un pays qui est un peu comme la Corée du Sud.
01:25La Corée du Sud est un pays qui est un peu comme la Corée du Nord.
01:33La Corée du Sud est un pays qui est un peu comme la Corée du Sud.
01:39La Corée du Sud est un pays qui est un peu comme la Corée du Sud.
01:54La camarade Kim Yo Jong, chef du comité central du parti des travailleurs de Corée, va prendre la parole.
02:01Chers camarades, je suis ici pour passer en revue les jours ardents de notre lutte contre la pandémie.
02:06Pendant les 91 derniers jours, de nombreux drames ont eu lieu sous mes yeux.
02:11La mémoire de ces événements provoque en moi une émotion indescriptible.
02:15En août 2022, Kim Yo Jong est à la tribune d'un meeting destiné à célébrer la victoire de la Corée du Nord contre un ennemi, le Covid-19, qui a fini par frapper le pays.
02:26Elle révèle que son frère a lui aussi été atteint par ce virus, qu'il en a été sévèrement malade, avec une forte fièvre.
02:34Je n'oublie pas les moments où je n'ai pu être d'aucune aide pour le grand leader, et où il se tenait seul, parfois désorienté et attristé.
02:44Pour protéger la précieuse vie du peuple, le grand maréchal convoquait chaque jour des réunions du politburo du comité central du parti.
02:52Et il présentait personnellement des solutions et des méthodes pour réaliser de 1 à 10, voire 100, et même 10 000 mesures.
03:01Il était sur les champs de bataille de la pandémie, et menait la défense jour et nuit, en mettant en place des mesures de quarantaine astucieuses.
03:11Le personnel médical et les cadres du parti qui l'écoutent se mettent à pleurer d'émotion.
03:17Pour la première fois, Kim Yo Jong s'affirme comme la deuxième personnalité du régime, dans une mise en scène dramatique, relayée par les organes de propagande coréens.
03:27En à peine une décennie, cette jeune femme s'est imposée en Corée du Nord, dans la recherche de la détente, comme dans le culte de l'attention.
03:36Son influence découle de la proximité avec son frère, le troisième dirigeant de ce régime dynastique.
03:43Mais aussi de ses qualités propres, révélées dans un parcours sans faute depuis qu'elle est apparue au grand jour.
04:01C'est d'abord l'histoire d'une famille.
04:03Elle commence le 17 décembre 2011, lorsque le leader de la Corée du Nord, Kim Jong-il, meurt d'un accident vasculaire à l'âge de 70 ans.
04:13Sa disparition déclenche des scènes de désespoir impressionnante, à la hauteur du culte de la personnalité dans le pays.
04:20Il laisse le pouvoir à l'un de ses fils, Kim Jong-un, à peine âgé de 28 ans et sans expérience politique.
04:28Kim Jong-un devient le troisième dirigeant d'une dynastie communiste sans équivalent dans le monde, fondée par son grand-père, Kim Il-sung, au début de la guerre froide.
04:39Mais on découvre aussi, derrière le nouveau leader, une jeune femme, elle aussi accablée par la tristesse.
04:46Une jeune femme que les Nord-Coréens et le monde ne connaissaient pas.
04:51Journaliste coréenne américaine à l'agence Associated Press, Jin Lee était la seule correspondante occidentale présente à Pyongyang ces années-là.
05:01Jusque-là, j'avais vu Kim Jong-un en personne. Je n'avais jamais eu vent de son frère aîné ni de sa jeune sœur.
05:11Et nous n'avions vu aucun d'entre eux aux côtés de Kim Jong-il la dernière année de sa vie, lorsque j'étais à Pyongyang.
05:19J'ai suivi de nombreux événements avec la famille Kim, mais je n'avais jamais vu Kim Yo-jong.
05:27La jeune femme en larmes derrière le nouveau leader est une révélation.
05:33Leur père, Kim Jong-il, gardait le secret sur sa famille, en particulier sur ses cinq enfants issus de trois mères différentes.
05:41Dans cette société patriarcale, la succession du « cher leader » s'est jouée entre les frères.
05:49Personne, ce jour-là, ne peut imaginer que Kim Yo-jong, la sœur du nouveau leader, n'ait jamais vu Kim Yo-jong.
05:58Personne, ce jour-là, ne peut imaginer que Kim Yo-jong, la sœur du nouveau numéro un, alors seulement âgée de 24 ans, va jouer un rôle croissant auprès de son frère.
06:10Elle était cachée dans l'ombre toutes ces années. Ce moment était vraiment intéressant, non seulement parce que nous avons découvert cette jeune femme, mais aussi parce qu'elle et son frère pleuraient.
06:25C'est à ce moment-là que vous réalisez que ce sont encore des enfants. Ils sont jeunes et ils n'ont pas encore forcément la maîtrise de leurs émotions.
06:37La jeune femme en pleurs prend progressivement ses marques auprès de son frère. Elle est présente en de nombreuses occasions publiques sans que son rôle ne soit bien défini.
06:48Elle commence à occuper des fonctions au sein du parti jusqu'à devenir, de fait, numéro deux du régime, potentiellement appelé à remplacer son frère en cas d'empêchement.
06:59C'est sans précédent dans ce régime.
07:05Chercheur aux États-Unis, Lee Seung-yoon est l'auteur de la seule biographie de Kim Yo-jong.
07:11Elle a un vrai pouvoir dans un état despotique dirigé par son frère. Le frère et la soeur ont visiblement de l'affection l'un pour l'autre et se font confiance.
07:22Je pense que Kim Yo-jong bénéficie de la confiance totale de Kim Jong-un.
07:28C'est remarquable, car dans la société et la culture patriarcale qu'est la Corée du Nord, on n'a jamais vu une femme aussi puissante.
07:40Une femme qui appartient à la famille royale.
07:49Comment ce régime communiste s'est-il transformé en dynastie au point qu'on puisse parler, sans ironie, de famille royale ?
07:56Kim Il-sung, le fondateur de la dynastie, n'est pas arrivé au pouvoir du fait de son origine, mais dans les fourgons de l'armée rouge soviétique à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
08:10Il avait été un chef de guérilla dans la résistance anti-japonaise et s'imposa avec le soutien de Moscou face à d'autres prétendants au leadership communiste.
08:21Kim Il-sung fut confronté à la guerre de Corée, premier conflit de la guerre froide, impliquant les armées américaines et chinoises.
08:29La Corée du Nord parvient à conserver de bonnes relations avec les deux puissances communistes rivales, parfois en jouant l'une contre l'autre.
08:39Le cher leader coréen y trouve son compte.
08:42Kim Il-sung traça sa propre voie avec un culte de la personnalité plus poussé encore que celui de Mao dans la Chine voisine.
08:52Très vite, son propre fils Kim Jong-il fut présent à ses côtés et s'imposa comme un successeur naturel, destiné à la fonction de numéro un dès son plus jeune âge.
09:05La famille, le sang royal, sont progressivement devenus des critères de pouvoir, aidés par une propagande sophistiquée.
09:13Une évidence qui s'est imposée à la mort de Kim Jong-il alors qu'aucun de ses fils n'avait été associé aux affaires de l'État.
09:22Cheong So-yun a été ministre de la réunification de deux présidents en Corée du Sud.
09:35Lorsque le pouvoir est passé de Kim Il-sung à Kim Jong-il, la justification était celle de la lignée du Mont Paektu.
09:47Dans l'esprit des Nord-Coréens, personne ne peut devenir le leader à moins d'être issu du sang du Mont Paektu.
09:59Tout pouvoir dynastique a besoin d'un mythe fondateur.
10:02Kim Jong-il, le leader de la Corée du Nord.
10:05Celui des Kim l'a trouvé dans la tradition coréenne, dans le cadre somptueux du Mont Paektu.
10:12Le Mont Paektu, la montagne qui rime avec l'histoire de la révolution coréenne,
10:16qui raconte l'histoire glorieuse du leadership de la Corée par Kim Il-sung,
10:20président de la République démocratique et populaire de la Corée au fil des jours.
10:26La propagande du régime a fait le reste, mettant en scène le lien personnel de la famille Kim avec cette montagne sacrée.
10:33En montant sur le Mont Paektu, la montagne révolutionnaire sacrée,
10:37Kim Il-sung a déclaré avec une grande émotion.
10:41Lorsque je repense le Mont Paektu, je pense au camarade Kim Jong-il.
10:46Le Mont Paektu est son lieu de naissance et le berceau où il a forgé son courage.
10:53Le Mont Paektu est la montagne de Kim Jong-il et c'est aussi la montagne de Kim Il-sung.
11:02C'est le berceau de la civilisation coréenne.
11:05La dynastie Kim se l'est appropriée.
11:08Elle a pris le contrôle du symbole du Mont Paektu qui lui permet de justifier son pouvoir despotique
11:14en diffusant le mensonge, le mythe, selon lequel la famille est sacrée,
11:20qu'ils sont les sauveurs du peuple coréen et ont pour mission de libérer la Corée du Sud
11:25que la Corée du Nord considère comme une colonie des Etats-Unis.
11:36Pour la troisième génération, Kim Jong-un a lui aussi recours au Mont Paektu.
11:42Il y ajoute une touche de modernité en chevauchant dans la neige avec sa femme à ses côtés.
11:49Mais il cultive surtout soigneusement sa ressemblance physique avec son grand-père Kim Il-sung,
11:55le fondateur de la dynastie.
11:57Il reproduit des scènes immortalisées sur des gravures connues de tous les Nord-Coréens.
12:06La propagande n'oublie pas l'inévitable pèlerinage dans la maison de bois
12:11dans laquelle son grand-père vivait pendant la période de résistance anti-japonaise,
12:15là où son propre père fut conçu, selon la légende.
12:25Les Kim essayent de prolonger le principe d'hérédité de leur pouvoir.
12:30Et pour cela, ils se sont beaucoup appuyés sur leurs traditions.
12:34C'est sans limite.
12:36J'ai tellement de livres qui montrent des photos de Kim Il-sung quand il était plus jeune.
12:43Vous pouvez les comparer côte à côte avec des photos de Kim Jong-un aujourd'hui.
12:48Et ils essayent exactement de reproduire des photos de Kim Il-sung que les Nord-Coréens connaissent.
12:55La mère de Kim Jong-un et de sa sœur Kim Yo-jong fut le grand amour,
13:00la compagne préférée de leur père Kim Jong-il.
13:06Ko Young-hui, une ancienne danseuse, a fait elle aussi l'objet d'un véritable culte de la personnalité.
13:16La propagande ne parlait d'elle que comme la mère respectée,
13:20qui est le sujet le plus fidèle et le plus loyal du cher leader, commandant suprême.
13:27Ko Young-hui eut trois enfants avec Kim Jong-il.
13:31L'aîné Kim Yong-chol n'a pas été jugé suffisamment fort pour succéder au père,
13:36et c'est Kim Jong-un qui fut choisi.
13:41La complicité, la confiance entre Kim Jong-un et sa sœur remonte à l'époque.
13:46La complicité, la confiance entre Kim Jong-un et sa sœur remonte à leurs années de scolarité en Suisse,
13:52loin de leurs parents et de l'isolement du premier cercle du pouvoir.
13:58Chung Song-chang, spécialiste de la famille Kim, a été conseiller de l'ancien président sud-coréen Moon Jae-in.
14:08Kim Jong-un a vécu en Suisse pendant quatre ans, de l'été 1996 au début de 2001.
14:14Il a donc une expérience directe du capitalisme.
14:19Et lorsqu'il était en Suisse, Kim Yo Jong était avec lui.
14:24Ils sont allés ensemble à Disneyland, ils ont voyagé en Europe.
14:29On peut donc dire que Kim Jong-un et Kim Yo Jong ont partagé de nombreuses expériences.
14:37C'est probablement ici, dans la capitale fédérale suisse, que cette complicité entre le frère et la sœur s'est développée.
14:45À Berne, la Corée du Nord a installé sa plus importante mission diplomatique en Europe.
14:51Une ambassade cossue dans le quartier international, avec à sa tête l'un des proches confidents de Kim Jong-il.
14:59L'activité des Nord-Coréens intéresse évidemment les services de renseignement suisse, qui observent tous leurs faits et gestes.
15:07Dans ce rapport, ils notent que l'ambassade a fait l'acquisition de plusieurs appartements dans ce quartier tranquille de Liebefeld.
15:16Ces appartements, les voici.
15:19Les services suisses affirment que vit ici toute une communauté nord-coréenne.
15:24Des chauffeurs, une cuisinière, et à la tête de ce personnel, une partie de la famille du dictateur nord-coréen.
15:32Pour les services secrets suisses, la Corée du Nord prépare une base arrière en cas de chute du régime.
15:42Pourtant, au milieu des années 90, on comprend que cette communauté de Liebefeld a une toute autre mission.
15:50Deux jeunes enfants arrivent de Pyongyang avec celle qui affirme être leur mère.
15:55Ils vont être inscrits quelques temps à l'école voisine.
16:02Willy Studer était à l'époque le directeur de l'école de Liebefeld.
16:11Il y avait deux enfants de Corée du Nord et l'un d'eux était une fille, qui n'est pas restée longtemps non plus.
16:19Donc c'est relativement difficile, ils arrivent, ils repartent.
16:23Dans le cas du jeune homme, il n'est tout simplement plus venu à l'école,
16:27après les vacances d'été.
16:30La même chose pour cette fille.
16:33Ce n'était pas notre rôle de chercher à savoir qui ils étaient pendant cette période.
16:41La famille Pack disparaîtra du jour au lendemain.
16:45Les enfants devenus ados retournent à Pyongyang.
16:49Peu de temps après, ceux qui leur servaient de parents demandent l'asile politique à l'ambassade américaine.
16:54Nous savons désormais qu'il s'agissait de l'oncle et de la tante de Kim Yo-jong et de Kim Jong-un.
17:00Ils sont aujourd'hui réfugiés dans la région de Washington.
17:05Dans cette famille Kim si complexe, il n'y a pas que les trois enfants, deux garçons et une fille,
17:11de Ko Yong-ho et la préférée.
17:14Il y a aussi un demi-frère aîné, Kim Jong-nam, écarté de la succession.
17:18Kim Jong-nam part vivre à l'étranger, où il prend ses distances avec le système dynastique de la famille.
17:24Il devient gênant.
17:30Le 13 février 2017, Kim Jong-nam est à l'aéroport de Kuala Lumpur en Malaisie
17:36quand, filmé par des caméras de surveillance, deux jeunes femmes se précipitent sur lui.
17:42Elles lui recouvrent le visage d'un tissu imprimé.
17:44Elle lui recouvre le visage d'un tissu imprimé de produits chimiques qui forment un poison mortel.
17:49Kim Jong-nam succombera quelques minutes plus tard.
17:52Arrêtés, les deux femmes diront qu'elles ont été payées en pensant participer à un jeu télévisé.
17:58La responsabilité directe du régime nord-coréen n'a jamais été prouvée, mais fait peu de doute.
18:05Une des grandes sources du pouvoir ou instrument d'oppression du système politique nord-coréen
18:10est de terroriser les gens, pas seulement les gens ordinaires, mais aussi les membres du parti.
18:17Ce n'était pas la première preuve d'autorité impitoyable.
18:21Johnson Tech, l'oncle tout-puissant, le beau-frère de Kim Jong-il,
18:26l'homme qui servit de mentor au jeune Kim Jong-un à ses débuts au pouvoir,
18:31est arrêté et aussitôt exécuté le 12 décembre 2013.
18:35Il est accusé de fréquenter des restaurants chers, d'avoir des maîtresses.
18:42Il ne s'agit pas seulement d'une étrange dynastie médiévale dirigée par Kim Jong-un.
18:49Il a sa sœur à ses côtés, comme si elle était la co-dirigeante de la bande.
18:58En faisant ainsi le vide autour de Kim Jong-un,
19:01Kim Jong-un et sa jeune sœur se retrouvent solidement installés au sommet de l'État et du parti,
19:07avec comme garantie le lien de confiance entre le frère et la sœur.
19:14Conseillé de plusieurs présidents sud-coréens,
19:17Moon Chun-in a participé à toutes les phases de dialogue intercoréenne.
19:32Kim Jong-un a du mal à tout superviser.
19:35Il a donc segmenté les tâches et il a donné la plus importante,
19:39celle qui lui semblait la plus appropriée, à Kim Yo-jong.
19:46Donc il est plus juste de dire que Kim Yo-jong n'a pas aujourd'hui un rôle de dictateur,
19:51mais de soutien au dictateur.
20:01C'est aux Jeux Olympiques d'hiver de Pyeongchang, en Corée du Sud, en février 2018,
20:07que Kim Yo-jong a fait son entrée sur la scène mondiale.
20:15L'occasion est exceptionnelle.
20:18Pour ces JO sur le sol coréen, les deux États que tout oppose ont décidé de faire équipe commune.
20:25C'est un moment important dans l'histoire olympique,
20:28alors que les athlètes de Corée du Nord et du Sud sont réunis dans une seule équipe,
20:31derrière le drapeau de la péninsule coréenne.
20:36La délégation nord-coréenne est conduite par un vétéran du régime, Kim Yong-nam,
20:41mais la vraie sensation est la présence de Kim Yo-jong.
20:47C'est la première fois qu'un membre de la famille au pouvoir met les pieds au sud depuis la séparation en 1945,
20:54et la jeune sœur du leader fait l'objet de toutes les attentions.
21:01A la tribune de la cérémonie d'ouverture, elle est placée juste derrière Mike Pence, le vice-président américain.
21:08Mais lorsque les athlètes américains passent devant la tribune, la délégation nord-coréenne reste glaciale.
21:23Mike Pence précisera plus tard qu'il avait bien pris soin de ne surtout pas croiser le regard de la jeune femme,
21:29représentante d'un pays avec lequel les États-Unis sont toujours techniquement en guerre.
21:38John Bolton, alors conseiller national à la sécurité de la Maison-Blanche, approuve le geste de Mike Pence.
21:48Je pense que le vice-président Pence a eu raison d'éviter tout contact.
21:52Je pense que ça n'aurait servi à rien.
21:55C'est un régime autoritaire qui dirige une prison de 25 millions de personnes en Corée du Nord.
22:03Donc je pense que le vice-président était plutôt dans le vrai ici,
22:08et qu'il y avait une véritable différence entre sa vision des choses et celle du président Trump.
22:18Pour John Bolton, c'est le président sud-coréen Moon Jae-in qui a tout manigancé.
22:23Il voulait sa détente avec le Nord et a tenté de forcer la main des Américains en organisant cette mise en scène à la tribune des JO.
22:31En vain, en tout cas pour quelques mois encore.
22:37Le président Moon Jae-in voulait provoquer des discussions entre les États-Unis et la Corée du Nord sur le programme nucléaire.
22:44Il était un authentique tenant de la Sunshine Policy, la politique d'ouverture avec le Nord.
22:51Et beaucoup de gens spéculaient sur le rôle exact de la soeur.
22:55À ce moment-là, nous n'en savions rien.
23:00Je pense que c'est une interprétation ridicule des événements.
23:05Notre administration était cohérente avec son plan en faveur de meilleures relations diplomatiques.
23:12Et nous voulions que ces Jeux Olympiques soient un succès.
23:16Si les tensions avaient augmenté pendant les JO, ça aurait été considéré comme un échec.
23:23C'est pour cette raison que le président Moon a proposé ce que nous avons appelé la paix olympique.
23:35Mais la visite de Kim Yo-jong ne se limite pas à l'ouverture des JO.
23:39Elle est aussi très politique.
23:41Dès son arrivée à Incheon, l'aéroport de Séoul, la venue de la soeur du dictateur nord-coréen électrise la Corée du Sud.
23:51Lorsque la Corée du Sud a annoncé que c'était la soeur de Kim Jong-un qui allait se rendre en Corée du Sud,
23:57avec seulement 48 heures de préavis, il y a eu une vague d'excitation en Corée du Sud.
24:03Wow, la princesse arrive, la jeune soeur de Kim Jong-un, la petite soeur, rend visite à la Corée du Sud.
24:10Ça doit être sérieux. Kim Jong-un doit être sérieux sur ses intentions de paix, de réconciliation, de dénucléarisation.
24:18Enfin, la paix se rapproche.
24:23Les Nord-Coréens sont accueillis avec tous les honneurs par le ministre sud-coréen de la Réunification.
24:33C'est Kim Jong-nam, le vieux dirigeant, qui conduit officiellement la délégation nord-coréenne, mais Kim Yo-jong impressionne par sa seule présence.
24:46Kim Yo-jong est donc venue et elle a gardé la tête haute à l'aéroport en Corée du Sud.
24:53Elle savait qu'il y avait des caméras partout, que les journalistes la filmaient, suivaient ses moindres mouvements.
25:00Elle souriait d'une manière, je dirais, discrètement hautaine.
25:05Elle a gardé la tête droite.
25:10Lorsqu'elle a pénétré dans le salon VIP, elle a regardé deux ou trois endroits.
25:19Comme ça. Elle n'a pas tourné sa tête. Elle n'a pas eu l'air excitée.
25:24Elle s'est comportée comme quelqu'un de responsable.
25:27Tout ça vient de sa formation.
25:35Moment véritablement historique lorsque la descendante de la famille Kim arrive à la Maison Bleue, la présidence sud-coréenne à Séoul.
25:46L'instant exceptionnel est suivi en direct par tous les Sud-Coréens.
25:54La délégation nord-coréenne est accueillie chaleureusement par le président Moon Jae-in, qui veut relancer la détente avec les frères ennemis du Nord.
26:07L'image de ces retrouvailles est encore plus forte lorsque Nord et Sud-Coréens se retrouvent ensuite pour encourager leur équipe commune.
26:16Tout un symbole lors d'un match de hockey sur glace contre la Suisse.
26:20Tout est fait pour donner l'impression d'une fraternisation, assurément prématurée, mais de part et d'autre, on joue le jeu.
26:32Je pense que l'une des raisons pour lesquelles Kim Jong-un a envoyé sa jeune soeur Kim Yo-jong à Séoul, c'est parce qu'il voulait qu'elle lui dise à quoi ressemblait la Corée du Sud.
26:45Il serait difficile à des officiels nord-coréens de venir en Corée du Sud et de dire ensuite à Kim Jong-un ce qu'ils ont vraiment vu et ressenti.
27:01S'ils viennent en Corée du Sud et voient quelque chose de bien et qu'ils le rapportent à Kim Jong-un, ça pourrait être interprété comme de l'admiration ou de l'envie pour ce qui se fait en Corée du Sud.
27:15Mais Kim Jong-un voulait voir et comprendre la Corée du Sud comme elle est et il a envoyé sa jeune soeur, qui peut lui parler librement de tout.
27:32La presse sud-coréenne traite la visite de Kim Yo-jong comme celle d'une rockstar.
27:38Elle ne tarie pas d'éloge sur la jeune femme dont tous les gestes ont été scrutés et qui ne commet aucun faux pas.
27:46Les dirigeants sud-coréens, eux, tentent d'évaluer la personnalité de cet émissaire de Pyongyang dont ils comprennent qu'elle va jouer un rôle croissant.
27:56À ce moment-là, j'ai pu observer Kim Yo-jong de près.
28:02Elle était très calme.
28:04Elle avait peur de faire la moindre faute.
28:07Bien qu'elle soigne ses paroles, j'ai eu le sentiment qu'elle avait beaucoup d'autorité pour son âge.
28:14Parce qu'elle a grandi en étant respectée comme quelqu'un de haut placé.
28:18Je n'ai pas pu aller au-delà des apparences.
28:22Elle a essayé de cacher sa personnalité autant que possible.
28:27Comme si elle voulait être perçue comme quelqu'un de mystérieux.
28:35L'opération de séduction marche à fond.
28:38La presse sud-coréenne, elle, n'en a pas besoin.
28:40La presse sud-coréenne, elle, n'en a pas besoin.
28:45L'opération de séduction marche à fond.
28:48La moindre émission de télévision sud-coréenne y va de son angle,
28:52jusqu'à la comparaison entre les sacs à main de Yeon Song-wol, la chanteuse vedette de Corée du Nord,
28:58que l'on a vu se produire devant le président sud-coréen,
29:01et de la sœur du dictateur nord-coréen,
29:04où l'on apprend que la chanteuse nord-coréenne a des sacs de marque à des prix exorbitants.
29:10Ça doit être du crocodile, et ça coûte environ 18 000 euros.
29:14Et oui, un si petit sac, 18 000 euros.
29:17Tandis que Kim Yo-jong, la sœur, plus politique, joue la sobriété.
29:22Si le nord avait voulu faire oublier qu'il menaçait le sud avec ses armes nucléaires,
29:27il ne s'y serait pas pris autrement.
29:33Lee Chung-min est un spécialiste de la Corée du Nord et de l'Asie du Nord-Est à la fondation Carnegie.
29:41La presse sud-coréenne, à cette époque, a été bluffée par son niveau de compétence,
29:46la manière dont elle parlait au président et aux autres officiels.
29:53Il y avait ce côté « Waouh, c'est la Madonna de la Corée du Nord ».
29:57Kim Yo-jong est devenue une icône psychologique très importante du régime nord-coréen.
30:07Retour triomphal à Pyongyang.
30:11Mission accomplie pour la délégation partie au sud.
30:14Retour aux règles du protocole pour Kim Yo-jong.
30:19La jeune femme s'efface à la descente de l'avion.
30:24Elle ne fait que commencer son ascension.
30:27L'opération Séduction menée en Corée du Sud l'inscrit néanmoins dans le premier cercle du pouvoir au nord.
30:33Cette détente est d'autant plus remarquable qu'elle fait suite à une période de fortes tensions
30:39autour du programme nucléaire et balistique de Pyongyang.
30:44Quelques mois avant cette percée diplomatique,
30:47qui laisse augurer une priorité à l'économie en Corée du Nord,
30:51le climat était au contraire guerrier.
30:56Le 3 septembre 1944,
30:59le 3 septembre 2017,
31:02la Corée du Nord effectue son sixième test nucléaire.
31:05L'annonce triomphale est faite à la télévision de Pyongyang
31:08par la présentatrice star Ri Chun-hee,
31:11revenue de sa retraite pour l'occasion.
31:15L'essai d'une bombe à hydrogène destinée à une fusée balistique intercontinentale est une réussite.
31:22Les scientifiques nucléaires de notre pays ont effectué ce test dans le nord
31:25le 3 septembre conformément au plan du parti des travailleurs de Corée.
31:30Quelques jours plus tard à la tribune des Nations Unies,
31:33la réponse du président Donald Trump est d'une rare brutalité.
31:38Aujourd'hui, le développement inconscient d'armes nucléaires
31:42et de missiles balistiques par la Corée du Nord menace le monde entier.
31:47Les États-Unis ont une grande force et une grande patience,
31:51mais s'ils sont obligés de se défendre,
31:53ou de défendre leurs alliés,
31:56nous n'aurons pas d'autre choix que de totalement détruire la Corée du Nord.
32:01L'homme fusée s'est engagé dans une mission suicide,
32:04pour lui et pour son régime.
32:08Les échanges entre le jeune dirigeant de Pyongyang
32:11et l'imprévisible président américain sont musclés et imagés,
32:15mais les signes de détente se multiplient.
32:18Kim Jong-un a fait sa démonstration de force
32:20et peut se permettre de négocier
32:23avec l'homme qui promettait de le détruire, Donald Trump.
32:31En 2017, le Nord a procédé à son sixième essai d'une arme nucléaire.
32:39Et le 29 novembre, il a lancé un missile balistique intercontinental.
32:44À la suite de ces essais, Kim Jong-un a déclaré
32:47qu'ils étaient parvenus au terme du développement
32:50de leur programme nucléaire.
32:53Désormais, Pyongyang s'estime en position de force.
32:58Nous possédons des armes nucléaires,
33:01nous sommes un pays puissant.
33:03Tant que vous ne nous attaquez pas en premier,
33:06nous sommes prêts à parler et nous pouvons parler de tout.
33:12Telle était leur intention.
33:14Et c'est la stratégie typique que Pyongyang maintient depuis longtemps.
33:17Il négocie la paix tout en étant à l'offensive.
33:26Pour transmettre le message à Washington, il faut passer par Séoul.
33:30La visite en Corée du Sud fut l'occasion pour Kim Yo-jong
33:33de lancer cette nouvelle phase.
33:35Elle était porteuse d'une lettre d'invitation au président sud-coréen
33:38à rencontrer le leader de la Corée du Nord, son frère.
33:48Le premier résultat de cette détente nord-sud,
33:51après le succès de la visite de Kim Yo-jong à Séoul,
33:54a pour cadre la zone démilitarisée,
33:57sur le 38e parallèle, la frontière entre les deux Corées.
34:01C'est un héritage de la guerre, entre 1950 et 1953,
34:06conclu par un armistice jamais suivi d'un traité de paix.
34:11L'ancien village de Paju,
34:12au cœur de la zone démilitarisée,
34:15est le seul point de rencontre entre les deux pays.
34:18C'est un des endroits les plus militarisés au monde,
34:21contrairement à son nom.
34:23C'est là que, symboliquement,
34:25Kim Jong-un retrouve le président de la Corée du Sud, Moon Jae-in,
34:29le 27 avril 2018,
34:32à peine deux mois après la mission de Kim Yo-jong à Séoul.
34:36Kim Yo-jong est toujours présent,
34:38mais en appui à son frère, le numéro un.
34:48Les deux présidents franchissent, main dans la main,
34:51la séparation entre leurs deux pays,
34:54un modeste muret de béton.
34:58Je suis très ému,
35:00parce qu'il n'y a que moi.
35:02Je suis très ému,
35:04parce qu'il n'y a que moi.
35:06Je suis très ému.
35:08Nous nous rencontrons à cet endroit historique,
35:11et vous êtes venus m'accueillir en personne.
35:15Difficile de trouver plus fort symbole dans cet endroit,
35:19hanté par le souvenir, jamais éteint, de la guerre.
35:36Sur les images de la télévision officielle nord-coréenne,
35:40Kim Yo-jong est omniprésente,
35:44légitimée par ce rôle de confiance aux côtés de son frère.
35:48C'est elle qui récupère les bouquets de fleurs offerts par les enfants,
35:52qui veille à tous les détails du protocole,
35:55qui prend les notes lors des entretiens.
35:57La délégation sud-coréenne est visiblement sous le charme.
36:02Et à la télévision de Séoul,
36:04le porte-parole du gouvernement lui rend hommage.
36:08Le président Moon était en discussion
36:11avec la vice-présidente Kim Yo-jong, présente à la réunion.
36:15Et le président Moon a déclaré
36:17que Kim Yo-jong était devenue une star en Corée du Sud.
36:21Il eut alors un grand rire, et elle a rougi.
36:24Mon impression de Kim Yo-jong fut positive.
36:32Ma première image d'elle
36:34fut qu'elle se montrait incroyablement respectueuse,
36:38efficace, sincère.
36:44Cette jeune femme me fit une forte impression.
36:47Elle n'était pas rayonnante,
36:49mais elle s'exprimait bien chaque fois qu'elle était interrogée,
36:53même si elle ne posait jamais de questions en premier.
37:04La lune de miel avec Séoul se poursuit dans les mois suivants.
37:08Moon Jae-in se rend à Pyongyang, la capitale nord-coréenne,
37:12où l'accueil est spectaculaire.
37:20Là encore, Kim Yo-jong est dans la photo,
37:23vigilante à ce que tout se passe comme prévu.
37:30Lors du troisième sommet nord-sud de l'année,
37:33c'est même elle qui accueille le président sud-coréen à son arrivée.
37:40Ce rapprochement entre les deux Corées
37:42est en fait le prélude à une percée diplomatique plus inattendue encore.
37:50Donald Trump accepte de rencontrer Kim Jong-un à Singapour.
37:54Une première historique,
37:56organisée contre l'avis des faucons de son administration,
38:00le secrétaire d'État Mike Pompeo
38:02et surtout, le conseiller à la sécurité John Bolton.
38:12Près de 70 ans après la fin de la guerre civile,
38:16près de 70 ans après la fin de la guerre de Corée,
38:20Kim Jong-un obtient de Donald Trump la reconnaissance des États-Unis
38:24que les administrations précédentes ont refusé à son grand-père
38:28et à son propre père.
38:37Un succès politique exceptionnel.
38:40À Singapour, Donald Trump apprécie la compagnie du jeune dirigeant nord-coréen
38:44dont il promettait de détruire le pays dans son discours à l'ONU
38:48moins d'un an auparavant.
38:50Entre ces deux hommes que tout sépare,
38:52l'âge, la vie, la vision politique et même le style,
38:56le courant passe visiblement bien.
39:04Les deux dirigeants signent à Singapour
39:06un document évoquant, en termes vagues,
39:08nous signons un document très important.
39:11La dénucléarisation de la péninsule coréenne.
39:15Kim Yo-jong est placé au même plan que le secrétaire d'État Mike Pompeo, côté américain.
39:21Présence discrète mais efficace auprès de son frère.
39:27Ces images la légitiment un peu plus auprès du public nord-coréen.
39:39Merci beaucoup, c'est fantastique.
39:57Autant elle était la star lors de la visite en Corée du Sud,
40:01autant elle passe au second plan en présence de son frère.
40:05La hiérarchie familiale rejoint celle du pouvoir.
40:09Aucun d'entre nous n'aurait pu confirmer qu'elle était la sœur,
40:13si nous n'avions pas vu au préalable des photos d'elle.
40:16Elle se comportait comme une membre de la délégation
40:19et il n'y avait aucune indication d'une relation familiale entre les deux.
40:23Côté nord-coréen, Kim Jong-un et lui seul prend la parole,
40:27y compris lors d'occasions plus informelles,
40:30comme les repas que prennent ensemble les deux délégations.
40:33Elle a participé au déjeuner que nous avons eu le jour,
40:35des négociations.
40:37Ce n'était pas réellement un déjeuner de travail, c'était plus informel,
40:41mais je ne me souviens pas qu'elle ait dit quoi que ce soit pendant le déjeuner.
40:45Je ne suis d'ailleurs pas sûr que quiconque du côté nord-coréen,
40:48en dehors de Kim Jong-un, ait pris la parole au cours du déjeuner.
40:54Lorsque le leader suprême est présent à une réunion,
40:57les officiels ont visiblement peur de lui déplaire.
41:00Kim Yo-jong n'a pas peur de son frère,
41:03mais lors d'un événement public important,
41:06il serait déplacé pour Kim Yo-jong de parler,
41:09à moins que Kim Jong-un le lui demande.
41:19La bonne ambiance de Singapour ne durera pas.
41:22Il y aura deux autres rencontres entre Donald Trump et Kim Jong-un,
41:26en ce qui concerne les deux délégués.
41:28La première, entre Donald Trump et Kim Jong-un,
41:31en février puis juin 2019, à Hanoi,
41:34puis à Panmunjom, sur la ligne de démarcation entre les deux Corées.
41:40Mais le processus diplomatique est dans l'impasse,
41:43faute d'accords sur la dénucléarisation.
41:46Impossible de signer de nouveaux documents à Hanoi,
41:49les conseillers de Donald Trump l'en ont dissuadé.
41:52La rencontre de Panmunjom a des allures de fin d'histoire d'amour,
41:55la page de la détente est en train de se refermer.
41:59Traverser cette ligne a été pour moi un grand honneur.
42:02Nous avons accompli beaucoup de progrès,
42:04beaucoup de liens amicaux ont été tissés,
42:06et en particulier notre grande amitié.
42:08Je veux juste vous dire merci.
42:11Donald Trump rêvait d'un succès diplomatique avec la Corée du Nord,
42:15il doit déchanter.
42:17Il se heurte, comme ses prédécesseurs, à la question nucléaire.
42:21Chaque administration croit qu'elle pourra négocier un accord avec la Corée du Nord,
42:25un accord qui serait acceptable pour les deux parties
42:28que la Corée du Nord renonce à son programme d'armement nucléaire.
42:32A chaque fois, nous avons eu tort.
42:34Chaque fois que la Corée du Nord a pris des engagements écrits
42:37promettant d'abandonner son programme nucléaire,
42:39jamais elle ne les a réellement respectés.
42:44Alors quand la diplomatie échoue, les tensions militaires ressurgissent.
42:48La Corée du Nord reprend ses essais de missiles balistiques,
42:51pas moins de 21 tirs en 2019,
42:54et un rythme soutenu les années suivantes.
42:59La Corée du Nord revient à la démonstration de force
43:02pour être prise au sérieux.
43:17Au passage, le rôle de Kim Yo Jong change aussi.
43:21La jeune femme grimpe dans les échelons du parti et du pouvoir,
43:25et son discours se durcit.
43:27En 2018, elle avait séduit la Corée du Sud
43:30en venant à l'ouverture des Jeux olympiques d'hiver.
43:32A partir de 2020, elle promet l'apocalypse
43:36et la destruction aux impérialistes et à leurs laquais,
43:39comprenez les Etats-Unis et la Corée du Sud.
43:47Ça laisse à Kim Jong-un la possibilité de tenir le beau rôle.
43:53Quand on attribue à Kim Yo Jong
43:56ses déclarations extrêmement dures contre la Corée du Sud et les Etats-Unis,
44:01cela permet à son frère d'être toujours au-dessus de la mêlée.
44:07Le bureau de liaison avec la Corée du Sud,
44:10établi à Kaesong en territoire nord-coréen,
44:13est le théâtre de ce changement de cap.
44:14Ce bâtiment flambant neuf, financé par le Sud,
44:18avait été inauguré en pleine détente en septembre 2018.
44:23Il n'aura même pas duré un an.
44:26Le 16 juin 2019, la Corée du Nord le fait exploser
44:31et envoie les images au monde entier.
44:35Et c'est Kim Yo Jong qui donne le signal de ce geste hostile à la Corée du Sud,
44:40dont elle qualifie même le président de fou.
44:42C'est pourtant avec ce même président qu'elle avait lancé la détente l'année précédente.
44:47En cause, les envoies de ballons chargés de tracts
44:51par des dissidents nord-coréens réfugiés au Sud.
44:55Ce durcissement du discours de Kim Yo Jong
44:58fait assurément partie de la construction de la personnalité de la jeune femme en Corée du Nord.
45:03Toujours est-il qu'il laisse la Corée du Sud sous le choc,
45:06elle qui avait voulu croire aux contes de fées de la princesse venue de Pyongyang.
45:13Elle a ordonné la destruction du bureau de liaison intercoréen,
45:18ce qui changea sa réputation de manière négative.
45:23L'image de Kim Yo Jong est devenue un mélange d'images positives et négatives
45:29dans la société sud-coréenne.
45:33Désormais, on peut dire qu'il y a un mélange d'attentes et de déceptions à son propos.
45:40Le ton est donné.
45:44A Pyongyang, c'est Kim Yo Jong qui mène la charge contre les sud-coréens et les Etats-Unis,
45:50redevenus les ennemis impérialistes.
45:56Elle multiplie les déclarations agressives,
45:59des communiqués lus à la télévision d'Etat,
46:02signées par la directrice adjointe de la Corée du Nord,
46:05du département du comité central du Parti coréen des travailleurs.
46:09C'est son titre exact.
46:11Kim Yo Jong menace les Américains d'une riposte à en perdre le sommeil,
46:16reprenant le vocabulaire traditionnellement imagé du régime nord-coréen.
46:22Aux Coréens du Sud, qui proposent une aide économique en échange du renoncement au nucléaire,
46:27elle répond qu'on ne troque pas son destin pour un peu de maïs.
46:31En août 2021, la Corée du Sud tire les leçons du retour des tensions.
46:36Elle annonce la reprise des manœuvres militaires communes avec les Etats-Unis,
46:40interrompue le temps de la détente avec Donald Trump.
46:46Kim Yo Jong lance alors une attaque cinglante contre les Etats-Unis.
46:51Il y a quelques semaines,
46:53le président de la Corée du Sud, Kim Il-sung,
46:56Kim Yo Jong lance alors une attaque cinglante contre les Etats-Unis.
47:00Elle déclare que la péninsule coréenne ne connaîtra pas la paix
47:04tant que les troupes américaines resteront stationnées au sud.
47:09Et l'ancienne émissaire à Séoul ajoute une touche personnelle
47:13en regrettant profondément ce qu'elle appelle le comportement perfide des autorités sud-coréennes.
47:19La rupture est consommée.
47:26Cette posture officiellement signifiée par Kim Yo Jong
47:30est une invitation à reconnaître la Corée du Nord comme une puissance nucléaire.
47:36La communauté internationale a tenté en vain pendant des années
47:40d'obtenir la dénucléarisation du pays.
47:43Les experts reconnaissent aujourd'hui que ça n'arrivera pas.
47:48Quand vous avez un pays comme la Corée du Nord
47:51décidé à se doter de l'arme nucléaire,
47:53vous pouvez négocier pour l'éternité
47:56mais jamais vous n'obtiendrez qu'ils renoncent à leur armement.
48:00Y a-t-il eu un moment où la dénucléarisation de la Corée du Nord a été possible ?
48:05Je ne sais pas, personne ne peut répondre.
48:08Je pense qu'il faudrait vraiment examiner le cerveau de Kim Jong-un
48:12s'il renonçait vraiment à son arsenal nucléaire
48:15que ses prédécesseurs, son père et son grand-père
48:18ont mis un demi-siècle à développer.
48:20De plus, la légitimité interne de Kim Jong-un découle en grande partie
48:25du fait d'avoir passé la dernière décennie
48:28à développer les capacités nucléaires et balistiques du pays.
48:35Je pense que la dénucléarisation de la Corée du Nord
48:39est devenue une impossibilité.
48:51Mais Washington n'est pas prêt à accepter d'accorder à la Corée du Nord
48:55ce statut de puissance nucléaire.
49:00Les conséquences stratégiques sont trop importantes
49:03y compris la possibilité que la Corée du Sud, voire le Japon
49:07se dotent à leur tour de l'arme atomique.
49:12Ce climat de confrontation larvée permet au régime de Pyongyang
49:15de justifier une économie de guerre et un contrôle absolu de la population.
49:20Il constitue aussi pour Kim Yo-jong
49:23l'occasion de s'imposer comme une personnalité incontournable
49:27dans la paix comme dans la tension.
49:32Les Nord-Coréens essayent de dépeindre Kim Yo-jong
49:35comme une figure politique effrayante,
49:38forte, audacieuse, parfois menaçante, parfois séductrice.
49:42Mais est-elle prête à jouer un plus grand rôle ?
49:45Elle ressemble encore à cette jeune femme qui comprend qu'elle a un rôle à jouer.
49:49Elle a peut-être ses ambitions,
49:52mais elle a encore du chemin à faire sur le plan politique
49:55en ce qui concerne sa confiance en elle et son sens de l'autorité.
50:03A la tribune, Kim Yo-jong affiche pourtant cette autorité
50:07acquise au fil des ans.
50:09Son discours est sans concession.
50:12C'est celui d'un leader.
50:15Nous sommes des combattants,
50:18avec un esprit de combat sans compromis
50:21contre les ennemis de classe
50:24et un leader qui a pour unique mission
50:27de défendre le front idéologique
50:30avec une responsabilité plus lourde que jamais.
50:33Nous nous préparons comme des vengeurs impitoyables dans nos cœurs.
50:36Nous exercerons une puissance de feu plus intense
50:39contre notre idéologie
50:42afin de punir nos ennemis, où qu'ils soient.
50:45Jusqu'où peut-elle aller ?
50:48Kim Yo-jong peut-elle gouverner un jour la Corée du Nord ?
50:51Pourrait-elle succéder à son frère en cas d'empêchement ?
50:54Par exemple, si comme le veulent des rumeurs persistantes,
50:57il a réellement de graves problèmes de santé ?
51:01Dans ce royaume du patriarcat,
51:04la réponse est vraisemblablement positive.
51:06Kim Yo-jong est d'abord une Kim
51:09de la lignée du Mont Paektu.
51:14Si Kim Jong-un a un problème de santé sérieux
51:17et ne peut pas diriger la Corée du Nord,
51:20il est très probable que ce soit Kim Yo-jong
51:23qui remplisse ce rôle.
51:26Dans cette société,
51:29Kim Yo-jong, fille de Kim Jong-il,
51:32a un statut supérieur
51:34à celui de tous les autres dirigeants.
51:37Alors, quel que soit son titre officiel,
51:40on peut dire qu'elle est le deuxième dirigeant
51:43de la Corée du Nord.
51:49D'autant que Kim Jong-un a présenté
51:52pour la première fois en public
51:55l'une de ses propres filles, Joo-ae, âgée de 9 ans.
52:00Symbole fort, c'est à l'occasion
52:02d'un lancement de missiles intercontinentaux
52:05en 2022 que la fillette au soulier rouge
52:08est apparue aux côtés de son dictateur de père,
52:11une mise en scène largement diffusée
52:14par la presse nord-coréenne.
52:17La famille Kim n'est donc pas prête
52:20de quitter la scène, quel que soit
52:23le scénario de la succession.
52:28Une décennie plus tôt,
52:30une autre jeune fille timide
52:33était présentée aux Nord-Coréens.
52:36Depuis, Kim Yo-jong a fait la preuve
52:39qu'elle est bien une princesse Kim.
53:00Sous-titrage Société Radio-Canada

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