Agathe Lambret est l’invité de Télématin. Depuis les élections législatives du 07 juillet dernier, pas de nouveau Premier ministre, une France qui semble ingouvernable et un président de la République qui prend son temps. Mais à quoi joue-t-il ? La journaliste politique de France Info tente de décrypter la situation alors qu’aujourd’hui Emmanuel Macron entame une journée de consultation avec les chefs de partis politiques.
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00:00– Oh bonjour Agathe, merci d'être là. – Bonjour Agathe de me recevoir.
00:04– Agathe, aujourd'hui on est d'accord, on part sur une journée de consultations
00:07entre Emmanuel Macron et les chefs de partis politiques,
00:11ça va commencer avec le Nouveau Front Populaire,
00:13dites-nous qu'est-ce qui se joue, qu'est-ce qui peut se jouer aujourd'hui ?
00:16– Aujourd'hui, a priori, il n'y aura pas d'annonce de nouveau Premier ministre,
00:21Emmanuel Macron commence ses consultations par le Nouveau Front Populaire,
00:25ses consultations se termineront lundi,
00:27Emmanuel Macron recevra notamment le Rassemblement National,
00:30et là, l'idée c'est vraiment pour lui de sonder les partis,
00:33de sonder les chefs de groupe, de savoir ce qu'ils veulent précisément,
00:37d'abord sur le fond, quels programmes et ensuite avec qui,
00:41savoir jusqu'où ils sont capables d'aller,
00:43est-ce qu'ils sont prêts à nouer des alliances,
00:45est-ce qu'ils sont prêts à gouverner vraiment
00:48ou est-ce qu'ils sont seulement dans la posture ?
00:50S'ils sont prêts à gouverner, dans ce cas avec qui, quelle est leur majorité ?
00:54S'ils ne veulent pas gouverner, est-ce qu'ils sont prêts néanmoins
00:56à soutenir un gouvernement sans participer ?
00:59Quelles sont leurs lignes rouges ?
01:01Emmanuel Macron va un peu sonder tout le monde,
01:02il peut aussi sonder certains dans son camp ou certains à droite
01:06sur un nom éventuellement de Premier ministre,
01:10ça m'étonnerait qu'il sonde le Nouveau Front Populaire sur un nom de Premier ministre
01:13puisque le Nouveau Front Populaire va venir avec Lucie Castex,
01:15Emmanuel Macron a déjà fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de la nommer,
01:18mais donc voilà, il va sonder tout le monde avec cet enjeu principal,
01:22trouver quelqu'un qui ait le moindre risque d'être censuré
01:26pour avoir un gouvernement stable.
01:28– On va évoquer les noms putatifs pour aller à Matignon dans un instant,
01:31mais d'abord, dans la tête d'Emmanuel Macron, qu'est-ce qui se passe ?
01:34Je précise que vous n'êtes ni psychologue ni psychanalyste,
01:37que vous êtes journaliste, mais pour autant,
01:38vous connaissez particulièrement bien la politique,
01:40Emmanuel Macron dit mettre des horloges, là il prend son temps,
01:43est-ce que c'est une stratégie ? Qu'est-ce qu'il a derrière la tête ?
01:47– Déjà on peut dire que chez Emmanuel Macron c'est une tendance,
01:50la procrastination, il n'est pas pressé,
01:54disons que prendre son temps et ne pas subir le temps
01:56lui donne aussi un peu le sentiment de contrôler les événements,
01:59de contrôler les choses, il faut dire que déjà la situation n'était pas évidente,
02:04ça on peut le mettre au crédit d'Emmanuel Macron,
02:06aucun parti qui a une majorité claire, le nouveau front populaire qui dit
02:11on veut bien gouverner mais uniquement entre nous,
02:13uniquement sur notre programme, les autres qui disent
02:15mais s'il y a la France insoumise,
02:16et maintenant on censura tout de suite le gouvernement,
02:18donc déjà ce n'était pas évident.
02:19– En même temps c'est une situation qu'il a lui-même créée avec la dissolution.
02:22– Totalement, c'est lui qui a créé cette situation pour clarifier,
02:26disait-il, les choses à l'époque et ce que l'on constate
02:29c'est que ça va bientôt faire 7 semaines que le scrutin a eu lieu
02:32et Emmanuel Macron n'a pas du tout été pressé d'en tirer les conclusions,
02:36il a même décrété une trêve olympique, il y a eu un effet Jeux olympiques,
02:40on voit bien que le Président a voulu en profiter un petit peu
02:43parce que c'est vrai qu'il aurait pu convoquer les partis plus tôt,
02:46il a même dit qu'il n'avait pas envie que la vie reprenne ses droits
02:49à la fin des Jeux olympiques,
02:51donc c'est vrai qu'il aurait pu aller plus vite.
02:53Maintenant, nommer un Premier ministre,
02:56pour lui ça implique aussi potentiellement que le pouvoir commence à lui échapper,
03:00vous savez qu'Emmanuel Macron est un omniprésident
03:03qui avait tendance à présider et gouverner en même temps,
03:06Edouard Philippe lui a suffisamment reproché,
03:08à partir du moment où il nomme un Premier ministre
03:12qui n'est pas de son camp dans une forme de cohabitation,
03:14Premier ministre qui aura la main pour former un nouveau gouvernement,
03:17avec une assemblée nationale éclatée en 11 groupes,
03:20le pouvoir va se déplacer progressivement
03:23et c'est aussi le début, peut-être de la fin pour le chef de l'État.
03:27– Choisir c'est renoncer.
03:28– Exactement, on comprend qu'il ne soit pas si pressé que ça
03:32de nommer quelqu'un un pro-matinon.
03:34– Et justement sur le Premier ministre,
03:35les Jeux olympiques sont passés,
03:37juste après des noms ont commencé un petit peu à circuler,
03:40Valéry Pécresse, Xavier Bertrand, on a aussi Bernard Cazeneuve,
03:44vous qu'est-ce qu'il se dit dans les coulisses,
03:45est-ce que c'est possible ces noms-là,
03:46est-ce qu'il y en a d'autres qui arrivent aussi ?
03:48– Alors ce qu'il se dit, d'abord c'est que c'est le brouillard,
03:50vraiment, même des personnes bien informées reconnaissent
03:56que là l'information ne circule pas trop et ce que l'on sait,
04:01pour connaître aussi un peu le fonctionnement d'Emmanuel Macron,
04:03c'est que souvent les pistes qui circulent ne sont pas celles
04:04qui sont retenues à la fin, personne ne s'attendait à la nomination
04:07d'Édouard Philippe, de Jean Castex ou de Gabriel Attal,
04:10en tout cas dans un premier temps à Matisse.
04:12– Donc les trois qu'on voit là, vous dites, à priori, aucun de ces trois-là.
04:14– Disons que leur nom a déjà beaucoup circulé pour que ce soit l'un des trois,
04:16mais ce n'est pas impossible, alors on va commencer par la droite,
04:19Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, déjà le fait de nommer quelqu'un de droite,
04:24ce n'est pas évident, même si c'est quelqu'un plutôt de centre-droit,
04:27ce n'est pas évident sachant que c'est le Nouveau Front Populaire
04:29qui est arrivé en tête, Xavier Bertrand coche beaucoup de cases,
04:32il incarne une droite sociale, en tout cas c'est ce qu'il veut incarner,
04:36l'habitude de travailler avec d'autres sensibilités politiques
04:39à la tête de la région Hauts-de-France.
04:41– Il a connu plein de postes, maire, député, ministre.
04:44Grosse expérience, effectivement, ministérielle et d'élu local.
04:49Maintenant, Xavier Bertrand, il pourrait plaire à la gauche modérée,
04:52l'aile gauche, par exemple, de l'ex-majorité présidentielle
04:54n'aurait pas peur de Xavier Bertrand, mais Xavier Bertrand,
04:58le problème c'est qu'il s'entend très mal avec Laurent Wauquiez,
05:02le patron du groupe de la droite à l'Assemblée,
05:04et Laurent Wauquiez est catégorique sur le fait qu'il ne veut pas
05:06de coalition avec Emmanuel Macron, donc nommer quelqu'un de droite,
05:09que ce soit Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse,
05:11la présidente des Hauts-de-France, ça viendrait contrer le narratif,
05:14la ligne politique de Laurent Wauquiez et Emmanuel Macron
05:16n'a pas trop intérêt à se mettre Laurent Wauquiez à dos,
05:18parce que même s'il n'a que 47 députés, c'est tout de même 47 députés.
05:23– On rappelle que le parti présidentiel est loin d'avoir la majorité
05:25à l'Assemblée nationale, évidemment, donc il doit compter sur des soutiens.
05:28– Exactement, donc nommer quelqu'un de droite,
05:29ce ne serait pas forcément le plus habile.
05:31– Bernard Cazeneuve.
05:32– Voilà, quelqu'un de centre-gauche comme Bernard Cazeneuve,
05:35qui est un peu éloigné de la joute politique, du microcosme politique,
05:40un passé de Premier ministre, de ministre de l'Intérieur,
05:43qui incarne une gauche qui n'a pas peur, évidemment, de parler de sécurité,
05:48de laïcité, des valeurs républicaines, c'est-à-dire en négatif,
05:51ce que n'est pas la France insoumise, ça, ça pourrait plaire à Emmanuel Macron.
05:55Bernard Cazeneuve, il ne fait pas peur au centre-droit,
05:58il pourrait aussi rallier une partie des socialistes.
06:01Donc, peut-être qu'un profil comme Bernard Cazeneuve ou comme Karim Bouadran,
06:06le maire de Saint-Ouen, – On l'entend beaucoup sur nous ce dernier jour.
06:10– Voilà, qui lui aussi incarne une gauche pragmatique,
06:13qui n'a pas peur de parler de sécurité, de laïcité, de valeurs de la République,
06:18qui ne mâche pas ses mots d'ailleurs contre la France insoumise,
06:20peut-être que ce genre de profil serait les plus à même de fédérer,
06:25maintenant avec des limites tout de même.
06:27C'est pour ça que certains disent, ce ne sera peut-être pas un politique,
06:30mais quelqu'un issu de la société civile.
06:32– Et Lucie Castex, par exemple, qu'on évoquait,
06:33vous n'y croyez pas vraiment non plus ?
06:34– Ben disons que Lucie Castex, elle arrive, elle commence mal,
06:36parce qu'elle dit qu'elle veut un gouvernement, déjà du Nouveau Front Populaire,
06:40et avec la France insoumise.
06:41Or, le Rassemblement National, la droite et certains macronistes,
06:45ont déjà dit qu'ils censuraient un gouvernement avec la France insoumise en son sein.
06:48Emmanuel Macron, pour lui, c'est aussi l'enjeu de sa survie politique,
06:51si on voit que les gouvernements s'enchaînent et sont censurés les uns après les autres,
06:55c'est la question du maintien d'Emmanuel Macron à l'Élysée qui va se poser aussi.
06:57– Sa survie politique, sa succession,
06:59et justement, il y a quand même un pays à gérer en attendant.
07:01Comment il s'entend Emmanuel Macron avec Gabriel Attal en ce moment ?
07:04– Très mal.
07:05– Très mal, très mal ou juste un peu très mal ?
07:08– Non, mais Emmanuel Macron n'est pas homme à afficher ses émotions
07:14et afficher trop son agacement, donc quand il se voit,
07:18le chef de l'État, bien sûr, est cordial et courtois,
07:21mais les deux hommes ne se supportent plus, ça a commencé…
07:24– Ils ne se supportent plus carrément ?
07:26– En tout cas, oui, c'est ce qui circule,
07:29mais ça fait depuis un moment, Gabriel Attal, et c'était prévisible d'ailleurs,
07:32c'est pour ça que beaucoup ne comprennent pas
07:33pourquoi Emmanuel Macron a nommé Gabriel Attal à Matignon.
07:36Gabriel Attal a agacé Emmanuel Macron,
07:38il trouve qu'il a trop pris la lumière,
07:40qu'il a fait plus de communication que de fond.
07:43Ces derniers temps, il y a eu des désaccords entre eux sur la stratégie,
07:45sur le timing pour prendre la présidence du groupe à l'Assemblée,
07:48Gabriel Attal a pris un peu tout le monde de court,
07:50Emmanuel Macron était pour temporiser,
07:53Gabriel Attal a surtout désavoué le chef de l'État
07:55en expliquant très clairement que la décision de Lissouth n'était pas la sienne,
07:58il a fait comprendre qu'il était contre
08:00et il s'est fait un peu passer pour un martyr qui allait sauver son camp,
08:03ça a agacé Emmanuel Macron,
08:05donc oui, ils ont du mal à se supporter, mais ils ne le montrent pas.
08:10– Agathe, on a une question, on rappelle constitutionnellement,
08:13Emmanuel Macron n'est pas dans l'obligation de nommer
08:15un Premier ministre issu du Nouveau Front Populaire,
08:17en revanche, est-ce qu'il y a par contre une obligation,
08:20en termes de temps, pour nommer le Premier ministre ?
08:22Jusqu'à quand il peut faire non pas durer le plaisir, mais cette atteinte ?
08:25– Non, il n'y a pas d'obligation, ça peut durer à ma connaissance,
08:29en tout cas là, ça peut durer encore un moment,
08:32voilà, l'article 8 de la constitution dit que le Président nomme le Premier ministre,
08:37mais il n'y a pas d'obligation de timing,
08:38et d'ailleurs Emmanuel Macron en profite,
08:41donc bon, pour l'instant, il est, j'ai envie de dire, il est dans les règles.
08:46– Vous avez une date de fin, vous, à peu près ?
08:47– Non, mais bon, là, ce que l'on peut dire,
08:49c'est que les consultations se terminent lundi avec les partis,
08:54mardi, a priori, rien à l'agenda du chef de l'État,
08:56mercredi, cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques…
08:59– Votre rêve ?
09:00– Paralympique, peut-être mardi, du coup, avant la cérémonie d'ouverture,
09:05sachant que jeudi et vendredi, le chef d'État part en Serbie,
09:08donc en fait, il y a une petite fenêtre, mardi.
09:10– Mardi.
09:11– Vous vous souvenez qu'Emmanuel Macron avait mis quand même deux semaines
09:13pour remplacer Gérard Collomb à l'intérieur,
09:17on avait un Premier ministre, Édouard Philippe, qui avait fait l'intérim,
09:19ce qui était totalement inédit,
09:21trois semaines pour nommer Elisabeth Borne en 2022,
09:24bref, vous avez compris que le temps, ce n'est pas son sujet.
09:28– Merci beaucoup, Agathe, un mot quand même pour dire
09:30qu'on vous retrouve sur France Info à la rentrée, tous les soirs ?
09:33– Exactement, donc j'y étais le matin, je passe le soir,
09:36une nouvelle tranche de 18h à 21h, France Info soir avec Jean-Rémi Baudot,
09:41et moi j'aurai une interview tous les jours,
09:43interview politique à 18h30 et puis les informer du soir de 20h à 21h
09:47pour faire exactement ce qu'on vient de faire, décrypter,
09:50essayer de comprendre ce qui se passe dans la réalité.
09:51– Les réveils seront moins durs, je pense.
09:53– Les réveils seront moins durs, oui.
09:55– Merci mille fois Agathe Lambret d'être venue sur le plateau de Télématin
09:59pour ce décryptage politique.